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Arrêt
publié le 27 mars 2024

Extrait de l'arrêt n° 106/2023 du 29 juin 2023 Numéro du rôle : 7879 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 1 er , § 1 er , alinéa 1 er , 1°, et § 2, alinéa 1 er , de la loi du La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges T. Gie(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 106/2023 du 29 juin 2023 Numéro du rôle : 7879 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 1er, § 1er, alinéa 1er, 1°, et § 2, alinéa 1er, de la loi du 19 juillet 1991 « relative aux registres de la population, aux cartes d'identité, aux cartes des étrangers et aux documents de séjour », posée par le Tribunal du travail francophone de Bruxelles.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges T. Giet, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache, T. Detienne, D. Pieters, S. de Bethune, E. Bribosia, W. Verrijdt et K. Jadin, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président P. Nihoul, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 12 octobre 2022, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 25 octobre 2022, le Tribunal du travail francophone de Bruxelles a posé la question préjudicielle suivante : « En ce qu'il limite aux étrangers admis ou autorisés à séjourner plus de trois mois dans le Royaume, l'inscription à l'adresse du centre public d'action sociale d'une commune en raison d'un manque de ressources suffisantes des personnes qui, n'ayant pas ou n'ayant plus de résidence, sollicitent l'aide sociale au sens de l'article 57 de la loi du 8 juillet 1976Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/07/1976 pub. 18/04/2016 numac 2016000231 source service public federal interieur Loi organique des centres publics d'action sociale. - Coordination officieuse en langue allemande de la version applicable aux habitants de la région de langue allemande fermer organique des centres public[s] d'aide sociale, l'article 1, § 1er, alinéa 1, 1°, et § 2, alinéa 1er, de la loi du 19 juillet 1991 ne viole-t-il pas les articles 10 et 11 de la Constitution dès lors qu'il traite de manière identique, d'une part, les étrangers en séjour illégal auxquels s'applique l'article 57, § 2, alinéa 1er, 1° de la loi du 8 juillet 1976Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/07/1976 pub. 18/04/2016 numac 2016000231 source service public federal interieur Loi organique des centres publics d'action sociale. - Coordination officieuse en langue allemande de la version applicable aux habitants de la région de langue allemande fermer et, d'autre part, les étrangers en séjour illégal auxquels l'article 57, § 2, alinéa 1er, 1° précité ne s'applique pas pour le motif qu'ils sont dans l'impossibilité absolue pour des raisons médicales de retourner dans leur pays d'origine ? ». (...) III. En droit (...) B.1. La Cour est interrogée sur la compatibilité de l'article 1er, § 1er, alinéa 1er, 1°, et § 2, alinéa 1er, de la loi du 19 juillet 1991 « relative aux registres de la population, aux cartes d'identité, aux cartes des étrangers et aux documents de séjour » (ci-après : la loi du 19 juillet 1991) avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

La question préjudicielle porte en particulier sur l'identité de traitement, qui résulte de la disposition en cause, entre les étrangers en séjour illégal auxquels s'applique l'article 57, § 2, alinéa 1er, 1°, de la loi du 8 juillet 1976Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/07/1976 pub. 18/04/2016 numac 2016000231 source service public federal interieur Loi organique des centres publics d'action sociale. - Coordination officieuse en langue allemande de la version applicable aux habitants de la région de langue allemande fermer organique des centres publics d'action sociale (ci-après : la loi du 8 juillet 1976Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/07/1976 pub. 18/04/2016 numac 2016000231 source service public federal interieur Loi organique des centres publics d'action sociale. - Coordination officieuse en langue allemande de la version applicable aux habitants de la région de langue allemande fermer) et les étrangers en séjour illégal auxquels l'article 57, § 2, alinéa 1er, 1°, précité, ne s'applique pas dès lors qu'ils sont dans l'impossibilité absolue, pour des raisons médicales, de retourner dans leur pays d'origine. En effet, aucun des étrangers qui sont en séjour illégal et qui, en raison d'un manque de ressources suffisantes, n'ont pas ou plus de résidence ne peut être inscrit à l'adresse du centre public d'action sociale (ci-après : CPAS) d'une commune.

B.2. L'article 1er de la loi du 19 juillet 1991 dispose : « § 1er. Dans chaque commune, sont tenus : 1° des registres de la population dans lesquels sont inscrits au lieu où ils ont établi leur résidence principale, qu'ils y soient présents ou qu'ils en soient temporairement absents, les Belges et les étrangers admis ou autorisés à séjourner plus de trois mois dans le Royaume, autorisés à s'y établir, ou les étrangers inscrits pour une autre raison conformément aux dispositions de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, à l'exception des étrangers qui sont inscrits au registre d'attente visé au 2° ainsi que les personnes visées à l'article 2bis de la loi du 8 août 1983 organisant un Registre national des personnes physiques; [...] 2° un registre d'attente dans lequel sont inscrits au lieu où ils ont établi leur résidence principale, les étrangers qui introduisent une demande d'asile et qui ne sont pas inscrits à un autre titre dans les registres de la population. [...] § 2. Les personnes visées au § 1er, alinéa 1er, 1°, sont, à leur demande, inscrites à une adresse de référence par la commune où elles sont habituellement présentes : - lorsqu'elles séjournent dans une demeure mobile; - lorsque, pour des raisons professionnelles ou par suite de manque de ressources suffisantes, elles n'ont pas ou n'ont plus de résidence.

Par adresse de référence, il y a lieu d'entendre l'adresse soit d'une personne physique inscrite au registre de la population au lieu où elle a établi sa résidence principale, soit d'une personne morale, et où, avec l'accord de cette personne physique ou morale, une personne physique dépourvue de résidence fixe est inscrite.

La personne physique ou la personne morale qui accepte l'inscription d'une autre personne à titre d'adresse de référence s'engage à faire parvenir à celle-ci tout courrier ou tous les documents administratifs qui lui sont destinés. Cette personne physique ou cette personne morale ne peut poursuivre un but de lucre. Seules des associations sans but lucratif, des fondations et des sociétés à finalité sociale jouissant de la personnalité juridique depuis au moins cinq ans et ayant notamment dans leur objet social le souci de gérer ou de défendre les intérêts d'un ou plusieurs groupes de population nomades, peuvent agir comme personne morale auprès de laquelle une personne physique peut avoir une adresse de référence. [...] De même, les personnes qui, par manque de ressources suffisantes n'ont pas ou n'ont plus de résidence et qui, à défaut d'inscription dans les registres de la population, se voient privées du bénéfice de l'aide sociale d'un centre public d'aide sociale ou de tout autre avantage social, sont inscrites à l'adresse du centre public d'aide sociale de la commune où elles sont habituellement présentes. [...] ».

B.3.1. Les articles 1er, § 1er, alinéa 1er, 1°, et 5, § 1er, de la loi du 19 juillet 1991 consacrent l'obligation, pour « les Belges et les étrangers admis ou autorisés à séjourner plus de trois mois dans le Royaume, autorisés à s'y établir, ou les étrangers inscrits pour une autre raison conformément aux dispositions de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, à l'exception des étrangers qui sont inscrits au registre d'attente visé au 2° ainsi que les personnes visées à l'article 2bis de la loi du 8 août 1983 organisant un Registre national des personnes physiques », d'être inscrits aux registres de la population de la commune dans laquelle ils ont leur résidence principale.

Ces registres constituent « un élément d'information et de contrôle pour la commune en matière de gestion de sa population » (Doc. parl., Sénat, 1990-1991, n° 1150/1, p. 2). Ils donnent lieu à l'octroi des cartes d'identité, des cartes d'étranger et des documents de séjour et servent à la mise en oeuvre de nombreuses réglementations dans les matières fiscale, sociale, administrative ou encore électorale. Les registres de la population sont, dans de nombreux cas, devenus le lien entre les administrations centrales et la population (ibid.).

B.3.2. L'inscription dans les registres de la population suppose d'avoir une résidence, qui est le lieu où la personne concernée vit habituellement (article 3 de la loi du 19 juillet 1991).

Pour tenir compte du fait que « nombre de personnes en Belgique, et singulièrement dans les grandes villes, n'ont pas de résidence, ou viennent à la perdre » (Doc. parl., Chambre, 1995-1996, n° 122/1, p. 2), le législateur a introduit, dans la loi du 19 juillet 1991, le mécanisme de l'adresse de référence, par la loi du 24 janvier 1997 « modifiant la loi du 19 juillet 1991 relative aux registres de la population et aux cartes d'identité et modifiant la loi du 8 août 1983 organisant un Registre national des personnes physiques, en vue d'imposer l'inscription aux registres de la population des personnes n'ayant pas de résidence en Belgique ».

B.3.3. L'article 1er, § 2, alinéa 2, de la loi du 19 juillet 1991 définit l'adresse de référence comme l'adresse soit d'une personne physique inscrite au registre de la population au lieu où elle a établi sa résidence principale, soit d'une personne morale, et où, avec l'accord de cette personne physique ou morale, une personne physique dépourvue de résidence fixe est inscrite. La personne qui accepte l'inscription d'une autre personne à titre d'adresse de référence s'engage à faire parvenir à celle-ci tout courrier ou document administratif qui lui est destiné.

L'obligation pour les personnes qui n'ont pas de résidence de s'inscrire aux registres de la population au moyen d'une inscription à une adresse de référence tend à ce que ces personnes ne perdent pas le lien qui les rattache à l'administration, et notamment aux services sociaux, ainsi qu'aux tiers, qui ne seraient plus en mesure d'entrer en contact avec elles (Doc. parl., Chambre, 1995-1996, n° 122/1, p. 3). Il est précisé qu'« il s'agit de porter remède à de telles situations, tout d'abord dans l'intérêt de ces personnes », mais également « dans l'intérêt des tiers, créanciers, adversaires en justice, ou autres et dans l'intérêt de l'administration, pour renforcer l'exactitude de son contrôle et l'efficacité de ses services » (ibid.).

B.3.4. L'article 1er, § 2, alinéa 5, de la loi du 19 juillet 1991 prévoit que « les personnes qui, par manque de ressources suffisantes n'ont pas ou n'ont plus de résidence et qui, à défaut d'inscription dans les registres de la population, se voient privées du bénéfice de l'aide sociale d'un centre public d'aide sociale ou de tout autre avantage social, sont inscrites à l'adresse du centre public d'aide sociale de la commune où elles sont habituellement présentes ».

B.3.5. Par un arrêt du 12 octobre 2020 (ECLI:BE:CASS:2020:ARR.20201012.3F.2), la Cour de cassation a jugé que seules peuvent demander leur inscription à une adresse de référence, sur la base de l'article 1er, § 2, alinéa 5, de la loi du 19 juillet 1991, les personnes visées à l'article 1er, § 1er, alinéa 1er, 1°, de la même loi, à savoir « les Belges et les étrangers admis ou autorisés à séjourner plus de trois mois dans le Royaume, autorisés à s'y établir, ou les étrangers inscrits pour une autre raison conformément aux dispositions de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer ». Il s'en déduit qu'un étranger en séjour illégal ne peut en principe pas être inscrit à l'adresse du CPAS de la commune où il réside habituellement.

B.4. Il appartient à la Cour de déterminer s'il est discriminatoire qu'un étranger en séjour illégal qui est dans l'impossibilité absolue, pour des raisons médicales, de retourner dans son pays d'origine ne puisse pas être inscrit à l'adresse du CPAS. B.5.1. Le Conseil des ministres et le CPAS de Schaerbeek allèguent que la question préjudicielle repose sur une interprétation erronée de l'article 1er, § 1er, alinéa 1er, 1°, et § 2, alinéa 1er, en cause, de la loi du 19 juillet 1991, et qu'elle n'appelle dès lors pas de réponse.

B.5.2. Selon le Conseil des ministres, la disposition en cause distingue uniquement les personnes inscrites aux registres de la population et celles qui ne le sont pas, en ce sens que seules les personnes relevant de la première catégorie peuvent bénéficier d'une adresse de référence auprès du CPAS dans les conditions visées à l'article 1er, § 2, alinéa 5, de la loi du 19 juillet 1991. La disposition en cause n'a en revanche pas pour objet de créer une quelconque identité de traitement entre les personnes en séjour illégal, qu'elles se trouvent ou non dans l'impossibilité absolue, pour des raisons médicales, de retourner dans leur pays d'origine.

Le Conseil des ministres soutient que la juridiction a quo ne tient pas compte de l'objectif poursuivi par l'article 1er, § 2, de la loi du 19 juillet 1991, qui n'est pas d'octroyer une aide sociale sous la forme d'une adresse de référence, mais d'instituer une obligation pour les personnes concernées de s'inscrire dans les registres de la population de la commune et de solliciter éventuellement, à cet effet, l'obtention d'une adresse de référence auprès du CPAS. B.5.3. Le CPAS de Schaerbeek soutient quant à lui que la mission du CPAS à l'égard d'un étranger en séjour illégal se limite à l'octroi de l'aide médicale urgente.

B.5.4. Etant donné que les exceptions soulevées par le Conseil des ministres et par le CPAS de Schaerbeek concernent en réalité le bien-fondé de l'identité de traitement visée dans la question préjudicielle, l'examen de ces exceptions se confond avec celui du fond de l'affaire.

B.6. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée. Ce principe s'oppose, par ailleurs, à ce que soient traitées de manière identique, sans qu'apparaisse une justification raisonnable, des catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure critiquée, sont essentiellement différentes.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.7. L'article 57, § 2, alinéa 1er, 1°, de la loi du 8 juillet 1976Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/07/1976 pub. 18/04/2016 numac 2016000231 source service public federal interieur Loi organique des centres publics d'action sociale. - Coordination officieuse en langue allemande de la version applicable aux habitants de la région de langue allemande fermer prévoit que la mission du CPAS à l'égard d'un étranger en séjour illégal se limite à l'octroi de l'aide médicale urgente.

Par ses arrêts n° 80/99 du 30 juin 1999 (ECLI:BE:GHCC:1999:ARR.080) et n° 194/2005 du 21 décembre 2005 (ECLI:BE:GHCC:2005:ARR.194), la Cour a jugé que, si la mesure consistant à supprimer l'aide sociale à tout étranger ayant reçu un ordre de quitter le territoire est appliquée aux personnes qui sont dans l'impossibilité absolue, pour des raisons médicales, de donner suite à l'ordre de quitter la Belgique, elle traite de la même manière, sans qu'existe une justification raisonnable à cet égard, des personnes qui se trouvent dans des situations fondamentalement différentes : celles qui peuvent être éloignées et celles qui ne peuvent l'être, pour des raisons médicales.

Il s'ensuit que l'étranger qui est dans l'impossibilité absolue, pour des raisons médicales, de quitter le territoire doit pouvoir bénéficier de l'aide sociale. L'article 57, § 2, alinéa 1er, 1°, précité, doit être interprété comme ne s'appliquant pas à cet étranger (voy. également Cass., 15 février 2016, ECLI:BE:CASS:2016:ARR.20160215.5).

B.8. Comme il est dit en B.3.2, le mécanisme de l'adresse de référence réglé à l'article 1er, § 2, de la loi du 19 juillet 1991 a été créé en vue de permettre aux personnes dépourvues de résidence fixe de s'inscrire dans les registres de la population, comme elles en ont l'obligation. Seules les personnes qui sont inscrites dans les registres de la population ou qui doivent l'être peuvent prétendre à une adresse de référence.

Certes, l'inscription à l'adresse du CPAS de la commune où elle est présente habituellement, à titre d'adresse de référence, d'une personne visée à l'article 1er, § 1er, 1°, de la loi du 19 juillet 1991 est une forme d'aide sociale qui permet à cette personne de bénéficier de l'ensemble des droits, notamment sociaux, qui, en fonction des réglementations, dépendent d'une inscription dans les registres de la population, et de ne pas être marginalisée sur le plan administratif. Il n'en demeure pas moins que cette inscription réglée à l'article 1er, § 2, de la loi du 19 juillet 1991 est un mécanisme étroitement lié à l'inscription dans les registres de la population des personnes concernées et séjournant légalement en Belgique.

B.9. Compte tenu de ce qui précède, il est pertinent que les étrangers en séjour illégal soient exclus du mécanisme de l'adresse de référence réglé à l'article 1er, § 2, de la loi du 19 juillet 1991, indépendamment de la question de savoir s'ils se trouvent ou non dans l'impossibilité absolue, pour des raisons médicales, de retourner dans leur pays d'origine. En effet, dans les deux cas, l'étranger ne séjourne pas légalement en Belgique et ne peut pas être inscrit aux registres de la population. La circonstance qu'en matière d'aide sociale, une juridiction a constaté que l'étranger est dans l'impossibilité absolue, pour des raisons médicales, de retourner dans son pays d'origine ne conduit pas à une autre conclusion, dès lors qu'une telle décision n'a pas d'incidence sur le statut de séjour de l'étranger.

B.10. Pour le surplus, il n'est pas établi que l'identité de traitement soulevée dans la question préjudicielle produise des effets disproportionnés à l'égard des personnes concernées, dès lors que la juridiction a quo a établi que celles-ci peuvent bénéficier de l'aide sociale complète, à l'exception de l'adresse de référence réglée à l'article 1er, § 2, de la loi du 19 juillet 1991. En outre, la question préjudicielle ne porte pas, comme le précise le Conseil des ministres, sur le point de savoir si l'intéressé peut être inscrit à l'adresse du CPAS au titre de l'aide sociale matérielle visée à l'article 57 de la loi du 8 juillet 1976Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/07/1976 pub. 18/04/2016 numac 2016000231 source service public federal interieur Loi organique des centres publics d'action sociale. - Coordination officieuse en langue allemande de la version applicable aux habitants de la région de langue allemande fermer, compte tenu de ce que, comme il est dit plus haut, la limitation à l'aide médicale urgente n'est pas applicable à l'intéressé, dans la situation dans laquelle il se trouve.

Enfin, conformément à l'article 9ter de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer « sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers », l'étranger en séjour illégal « qui souffre d'une maladie telle qu'elle entraîne un risque réel pour sa vie ou son intégrité physique ou un risque réel de traitement inhumain ou dégradant lorsqu'il n'existe aucun traitement adéquat dans son pays d'origine ou dans le pays où il séjourne, peut demander l'autorisation de séjourner dans le Royaume auprès du ministre ou son délégué ». En cas de décision favorable, le cas échéant après que l'intéressé a introduit un recours devant le Conseil du contentieux des étrangers, le séjour devient légal et, si les conditions sont remplies, l'étranger peut être inscrit à l'adresse du CPAS de la commune où il est présent habituellement, sur la base de l'article 1er, § 2, de la loi du 19 juillet 1991.

B.11. L'article 1er, § 1er, alinéa 1er, 1°, et § 2, alinéa 1er, de la loi du 19 juillet 1991 est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il ne permet pas d'inscrire à l'adresse du CPAS de la commune où il est présent habituellement, à titre d'adresse de référence au sens de cette loi, l'étranger en séjour illégal qui est dans l'impossibilité absolue, pour des raisons médicales, de retourner dans son pays d'origine.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 1er, § 1er, alinéa 1er, 1°, et § 2, alinéa 1er, de la loi du 19 juillet 1991 « relative aux registres de la population, aux cartes d'identité, aux cartes des étrangers et aux documents de séjour » ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il ne permet pas d'inscrire à l'adresse du CPAS de la commune où il est présent habituellement, à titre d'adresse de référence au sens de cette loi, l'étranger en séjour illégal qui est dans l'impossibilité absolue, pour des raisons médicales, de retourner dans son pays d'origine.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 29 juin 2023.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, P. Nihoul

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