publié le 17 juillet 2020
Extrait de l'arrêt n° 10/2020 du 23 janvier 2020 Numéros du rôle : 6933 et 6934 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 147 et suivants du Code(...) La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges L. Lavrysen(...)
Extrait de l'arrêt n° 10/2020 du 23 janvier 2020 Numéros du rôle : 6933 et 6934 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 147 et suivants (dont, en particulier, les articles 149, 3°, et 150, alinéa 1er) du Code des droits de succession, posées par la Cour d'appel de Liège.
La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Moerman, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman et M. Pâques, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président F. Daoût, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure a. Par arrêt du 2 mai 2018, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 25 mai 2018, la Cour d'appel de Liège a posé les questions préjudicielles suivantes : « 1.L'article 150, alinéa 1er, du Code des droits de succession, tel qu'applicable avant sa modification par l'article 52 de la loi du 2 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/05/2002 pub. 11/12/2002 numac 2002010001 source service public federal justice Loi sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations type loi prom. 02/05/2002 pub. 18/10/2002 numac 2002009861 source service public federal justice Loi sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations fermer sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations, viole-t-il les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, en ce qu'il frappe de la taxe compensatoire des droits de succession les ASBL titulaires de biens possédés en Belgique sur la valeur de ces biens mais exempte les ASBL titulaires de biens possédés à l'étranger sur la valeur de ces derniers biens ? 2. Les articles 147 et suivants du Code des droits de succession, tels qu'applicables avant leur modification par la loi du 2 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/05/2002 pub. 11/12/2002 numac 2002010001 source service public federal justice Loi sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations type loi prom. 02/05/2002 pub. 18/10/2002 numac 2002009861 source service public federal justice Loi sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations fermer sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations, violent-ils les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, en ce que, selon l'interprétation de l'administration fiscale, ils n'établissent aucune distinction entre, d'une part, les ASBL qui recueillent des avoirs provenant de particuliers et pour lesquels on peut craindre un retour à la ' main morte ' et, d'autre part, les ASBL qui recueillent des avoirs d'une autre personne morale - cas dans lequel il n'existe aucun risque de perte de droits de succession puisque ceux-ci ne sont jamais dus ? 3.Les articles 147 et suivants du Code des droits de succession, tels qu'applicables avant leur modification par la loi du 2 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/05/2002 pub. 11/12/2002 numac 2002010001 source service public federal justice Loi sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations type loi prom. 02/05/2002 pub. 18/10/2002 numac 2002009861 source service public federal justice Loi sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations fermer sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations, violent-ils les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, en ce que, selon l'interprétation de l'administration fiscale, ils n'établissent aucune distinction entre, d'une part, les ASBL qui recueillent des avoirs provenant de particuliers et qui les thésaurisent, et pour lesquelles on peut donc craindre un retour à la ' main morte ', et, d'autre part, les ASBL qui recueillent des avoirs d'une autre personne morale, voire même d'un particulier, mais qui poursuivent une vocation distributive puisqu'elles destinent ces avoirs au paiement de pensions, lesquelles réintégreront le patrimoine d'un particulier et donc le ' circuit fiscal normal ' ? 4. Les articles 147 et suivants du Code des droits de succession, tels qu'applicables avant leur modification par la loi du 2 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/05/2002 pub. 11/12/2002 numac 2002010001 source service public federal justice Loi sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations type loi prom. 02/05/2002 pub. 18/10/2002 numac 2002009861 source service public federal justice Loi sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations fermer sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations, et en particulier l'article 149, 3°, interprétés en ce sens qu'ils soumettent à la taxe compensatoire des droits de succession une ASBL constituée par une intercommunale en vue de satisfaire à l'obligation légale de cette dernière d'assurer une pension aux membres de son personnel pourvus d'une nomination définitive et aux ayants droit de ceux-ci, alors que ne sont pas soumis à cette taxe les autres organismes qui visent pareillement à garantir une pension légale, tels que l'Office National des Pensions, les Caisses agréées de pension pour travailleurs indépendants, l'Office National de Sécurité Sociale des Administrations Provinciales et Locales, violent-ils les articles 10, 11 et 172 de la Constitution ? 5.L'article 150 du Code des droits de succession, en tant qu'il exclut en principe toute déduction de charges, tel qu'applicable avant sa modification par la loi du 2 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/05/2002 pub. 11/12/2002 numac 2002010001 source service public federal justice Loi sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations type loi prom. 02/05/2002 pub. 18/10/2002 numac 2002009861 source service public federal justice Loi sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations fermer sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations, viole-t-il les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, en ce qu'il traite de manière identique, d'une part, l'ASBL qui se limite à thésauriser ses fonds sans obligation de reverser ceux-ci ni donc de constituer une provision quelconque, et, d'autre part, l'ASBL dont l'objet est la gestion des fonds destinés aux pensions légales des membres du personnel d'une intercommunale et le paiement de celles-ci ? ». b. Par arrêt du 2 mai 2018, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 25 mai 2018, la Cour d'appel de Liège a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 150, alinéa 1er, du Code des droits de succession, tel qu'applicable avant sa modification par l'article 52 de la loi du 2 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/05/2002 pub. 11/12/2002 numac 2002010001 source service public federal justice Loi sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations type loi prom. 02/05/2002 pub. 18/10/2002 numac 2002009861 source service public federal justice Loi sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations fermer sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations, viole-t-il les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, en ce qu'il frappe de la taxe compensatoire des droits de succession les ASBL titulaires de biens possédés en Belgique sur la valeur de ces biens mais exempte les ASBL titulaires de biens à l'étranger sur la valeur de ces derniers biens ? ». Ces affaires, inscrites sous les numéros 6933 et 6934 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) III. En droit (...) Quant aux dispositions en cause B.1.1. Les chapitres Ier et II du livre II du Code des droits de succession, tels qu'ils sont applicables aux affaires pendantes devant le juge a quo, disposent : « Chapitre Ier : Etablissement de la taxe
Art. 147.Les associations sans but lucratif sont assujetties, Ã partir du premier janvier qui suit la date de leur constitution, Ã une taxe annuelle compensatoire des droits de succession.
Art. 148.Sont soumises à la taxe : 1° les associations sans but lucratif créées après le 10 juillet 1921;2° les institutions et associations sans but lucratif qui ont obtenu la personnalité civile par les lois du 7 août 1919, du 12 mars et du 25 mai 1920;3° les associations internationales à but scientifique, régies par la loi du 25 octobre 1919Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/10/1919 pub. 18/10/2011 numac 2011000641 source service public federal interieur Loi sur la mise en gage du fonds de commerce, l'escompte et le gage de la facture, ainsi que l'agréation et l'expertise des fournitures faites directement à la consommation. - Coordination officieuse en langue allemande fermer.
Art. 148bis.Ne sont pas soumises à la taxe les institutions et associations sans but lucratif dont la masse des biens déterminée à l'article 150 a une valeur ne dépassant pas un million de francs.
Art. 149.Sont exonérées de la taxe : 1° les caisses de compensation agréées pour allocations familiales et les caisses mutuelles agréées d'allocations familiales;2° les institutions et associations sans but lucratif qui ont obtenu la personnalité civile avant le 11 juillet 1921, autres que celles dont il s'agit au numéro 2 de l'article précédent;3° les caisses agréées de pension pour travailleurs indépendants ». « Chapitre II : Assiette de la taxe
Art. 150.La taxe est due sur la masse des biens possédés en Belgique, sans distraction des charges.
Toutefois, cette masse ne comprend pas : 1° les intérêts, les termes de rente, les loyers et fermages et, plus généralement, les fruits civils de toute nature, ainsi que les cotisations et souscriptions annuelles, qui, restant dus, ne sont pas capitalisés;2° les fruits naturels, perçus ou non;3° les provisions et objets destinés à la consommation courante. Sont applicables à la taxe établie par l'article 147, les dispositions du livre premier relatives à la base imposable et au régime des biens conditionnels et litigieux ».
B.1.2. La taxe compensatoire des droits de succession a été instaurée par la loi du 27 juin 1921Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/06/1921 pub. 19/08/2013 numac 2013000498 source service public federal interieur Loi sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer « accordant la personnalité civile aux associations sans but lucratif et aux établissements d'utilité publique » (ci-après : la loi du 27 juin 1921Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/06/1921 pub. 19/08/2013 numac 2013000498 source service public federal interieur Loi sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer), et plus précisément par le titre III (« Dispositions fiscales ») de cette loi.
Aux termes des travaux préparatoires de la loi précitée, la taxe litigieuse vise à compenser l'absence de perception, par l'Etat, de droits de mutation, dus normalement en cas de décès, qui résulte de la vocation perpétuelle des ASBL : « Le changement apporté par le projet au régime des associations sans but lucratif [conférer la personnalité civile] appelle nécessairement une modification à la législation fiscale en ce qui concerne les biens affectés au service de ces organismes.
Sous le régime actuel, la propriété desdits biens repose juridiquement sur la tête de personnes physiques interposées. Au décès de chacun des propriétaires apparents, l'Etat perçoit sur la valeur des biens, soit un droit de mutation entre vifs, soit un droit de succession [...].
Dans le nouvel état de choses, ce sera dans le chef de l'association elle-même, personne morale, que reposera la propriété des biens et cette propriété restera immuable aussi longtemps que durera l'association. Les biens ne faisant plus l'objet de mutations, le Trésor se trouvera, par le fait, privé de la recette des droits d'enregistrement et de succession qu'il prélève actuellement. Il est juste et équitable de dédommager l'Etat de la perte d'impôt que lui causera l'institution du nouveau régime » (Doc. parl., Chambre, 1919-1920, n° 375, exposé des motifs, p. 1).
Le « rapport de la commission consultative » mentionne : « Ce qui, sans aucun doute, a longtemps retardé dans notre pays une législation rationnelle et méthodique sur les personnes morales, ce sont les défiances qu'inspire à beaucoup d'esprits la personnalité civile elle-même, notion à laquelle on allie volontiers, sous l'empire de traditions fort anciennes, la notion redoutée de la main morte » (Doc. parl., Chambre, 1919-1920, n° 375, annexe, rapport de la commission consultative, p. 3).
B.1.3. Le ministre des Finances a indiqué, en 1998, en réponse à une question parlementaire, que la ratio legis de l'instauration de la taxe compensatoire des droits de succession - qui consiste à compenser la moindre recette des droits de succession pour le Trésor - était encore valable : le maintien de cette taxe est fondé, sa raison d'être ayant subsisté (Q.R., Chambre, 1997-1998, 7 septembre 1998, QRVA 49-142, pp. 19555-19557).
B.2. Plusieurs des dispositions précitées ont été modifiées par la loi du 2 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/05/2002 pub. 11/12/2002 numac 2002010001 source service public federal justice Loi sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations type loi prom. 02/05/2002 pub. 18/10/2002 numac 2002009861 source service public federal justice Loi sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations fermer « sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations » (ci-après : la loi du 2 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/05/2002 pub. 11/12/2002 numac 2002010001 source service public federal justice Loi sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations type loi prom. 02/05/2002 pub. 18/10/2002 numac 2002009861 source service public federal justice Loi sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations fermer). Ces modifications sont entrées en vigueur le 1er juillet 2003. Dès lors que les litiges pendants devant le juge a quo concernent des exercices d'imposition antérieurs à ces modifications, la Cour ne doit pas tenir compte de celles-ci.
Quant à la première question préjudicielle dans l'affaire n° 6933 et à la question préjudicielle dans l'affaire n° 6934 B.3. La Cour est interrogée sur la compatibilité de l'article 150, alinéa 1er, du Code des droits de succession, tel qu'il est applicable aux affaires pendantes devant le juge a quo, avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, en ce qu'il traite différemment les ASBL selon qu'elles possèdent des biens en Belgique ou à l'étranger, dès lors que la taxe compensatoire des droits de succession est due sur la masse des biens possédés en Belgique, mais non sur les biens possédés à l'étranger.
Contrairement à ce que le Conseil des ministres soutient, le fait que l'assiette de la taxe litigieuse soit la même pour toutes les ASBL n'implique pas l'absence d'une différence de traitement. En l'occurrence, la différence de traitement dénoncée concerne, d'une part, les ASBL qui possèdent des biens en Belgique et, d'autre part, les ASBL qui possèdent des biens à l'étranger.
B.4. Les articles 10 et 11 de la Constitution garantissent le principe d'égalité et de non-discrimination. L'article 172 de la Constitution est une application particulière de ce principe en matière fiscale.
B.5.1. Comme il est dit en B.1.2, la taxe compensatoire des droits de succession vise à compenser l'absence de perception de droits de mutation, dus normalement en cas de décès, qui découle de la vocation perpétuelle des ASBL. Cette taxe est annuelle; elle est due sur la masse des biens que l'ASBL possède en Belgique, sans distraction des charges (article 150, alinéa 1er, du même Code, disposition en cause).
Par « biens possédés en Belgique », il y a lieu d'entendre tous les biens corporels, meubles ou immeubles, situés en Belgique, ainsi que tous les biens incorporels, même si le débiteur est domicilié à l'étranger. Le taux de la taxe est fixé à 0,17 % (article 152 du même Code).
B.5.2. En ce qui concerne les droits de succession, l'article 1er, alinéa 1er, 1°, du Code des droits de succession établit un droit de succession sur la valeur, déduction faite des dettes, de tout ce qui est recueilli dans la succession d'un habitant du Royaume.
L'article 15 du même Code prévoit que « le droit de succession est dû sur l'universalité des biens, en quelque lieu qu'ils se trouvent, appartenant au défunt ou à l'absent, déduction faite des dettes et sauf application des articles 16 et 17 ».
L'article 17, alinéa 1er, du Code des droits de succession prévoit que, lorsque l'actif de la succession d'un habitant du Royaume comprend des immeubles situés à l'étranger qui donnent lieu à la perception, au pays de la situation, d'un impôt successoral, le droit de succession exigible en Belgique est, dans la mesure où il frappe ces biens, réduit à concurrence de l'impôt prélevé par le pays de la situation.
Il découle de ce qui précède que, lorsqu'un habitant du Royaume décède, des droits de succession sont dus sur les immeubles et les meubles situés à l'étranger qui font partie de la succession, moyennant l'application, pour ce qui est des immeubles, d'un mécanisme par lequel l'impôt de succession dû en Belgique est réduit à concurrence de l'impôt successoral qui est, le cas échéant, prélevé par l'Etat de la situation de l'immeuble.
B.5.3. Dès lors qu'en cas de décès d'un habitant du Royaume, les droits de succession sont dus en principe sur l'ensemble des biens qui font partie de la succession, indépendamment de leur localisation, l'exclusion des biens qu'une ASBL possède à l'étranger de l'assiette de la taxe litigieuse n'est pas pertinente au regard de la ratio legis de la taxe, qui concerne la totalité du patrimoine des ASBL, indépendamment de la localisation de celui-ci.
B.6. Selon le Conseil des ministres, la différence de traitement se justifie toutefois par le fait qu'une ASBL ne pouvait posséder que des immeubles nécessaires à la réalisation de l'objet pour lequel elle avait été formée, en vertu de l'ancien article 15 de la loi du 27 juin 1921Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/06/1921 pub. 19/08/2013 numac 2013000498 source service public federal interieur Loi sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer, et qu'il était dès lors peu fréquent qu'une ASBL possède un immeuble à l'étranger. Le Conseil des ministres soutient également que l'application de la taxe sur les biens situés à l'étranger aurait présenté un coût excessif par rapport au produit escompté, compte tenu notamment de la faible coopération entre les administrations fiscales des différents Etats.
B.7.1. L'article 15 de la loi du 27 juin 1921Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/06/1921 pub. 19/08/2013 numac 2013000498 source service public federal interieur Loi sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer, avant qu'il soit modifié par l'article 25 de la loi du 2 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/05/2002 pub. 11/12/2002 numac 2002010001 source service public federal justice Loi sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations type loi prom. 02/05/2002 pub. 18/10/2002 numac 2002009861 source service public federal justice Loi sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations fermer précitée, n'excluait pas la possibilité qu'une ASBL possède des immeubles à l'étranger dans le cadre de la réalisation de l'objet pour lequel elle avait été formée. Contrairement à ce que le Conseil des ministres soutient, le fait qu'une situation se produise rarement ne permet pas, en soi, de justifier pourquoi, lorsque tel est néanmoins le cas, il conviendrait de lui réserver un traitement distinct de celui qui est réservé aux situations analogues.
B.7.2. De surcroît, il n'apparaît pas qu'il y ait de difficultés particulières tenant au coût excessif qu'engendrerait l'application de la taxe sur les biens situés à l'étranger par rapport au produit escompté.
B.8. En conséquence, la différence de traitement n'est pas raisonnablement justifiée et les questions préjudicielles appellent une réponse affirmative.
B.9. Afin d'éviter une taxation rétroactive non prévue par la loi, les effets de l'article 150, alinéa 1er, du Code des droits de succession, avant sa modification par la loi du 2 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/05/2002 pub. 11/12/2002 numac 2002010001 source service public federal justice Loi sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations type loi prom. 02/05/2002 pub. 18/10/2002 numac 2002009861 source service public federal justice Loi sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations fermer, doivent être maintenus, en application de l'article 28, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, comme indiqué dans le dispositif.
Quant à la deuxième et à la troisième questions préjudicielles dans l'affaire n° 6933 B.10. La Cour est interrogée sur la compatibilité des articles 147 et suivants du Code des droits de succession, tels qu'ils sont applicables à l'affaire pendante devant le juge a quo, avec le principe d'égalité et de non-discrimination, en ce qu'ils traitent de la même manière, d'une part, les ASBL qui recueillent des avoirs provenant de particuliers, et, d'autre part, celles qui recueillent des avoirs d'une autre personne morale (deuxième question préjudicielle dans l'affaire n° 6933) ainsi que, d'une part, les ASBL qui recueillent des avoirs provenant de particuliers et qui les thésaurisent, et, d'autre part, celles qui recueillent des avoirs d'une personne morale ou d'un particulier, mais qui poursuivent une vocation distributive, dans la mesure où elles destinent ces avoirs au paiement de pensions qui réintégreront le patrimoine d'un particulier et donc le circuit fiscal normal (troisième question préjudicielle dans la même affaire).
Le juge a quo se demande si l'absence, pour les ASBL concernées, d'un risque de retour à la « mainmorte », qui caractériserait les première et troisième catégories citées, n'est pas de nature à justifier une différence de traitement.
Il ressort des questions préjudicielles que celles-ci portent plus précisément sur les articles 148 et 149 du Code des droits de succession.
B.11. Il appartient au législateur de déterminer les redevables de l'impôt qu'il instaure. Il dispose en la matière d'une marge d'appréciation étendue.
Lorsqu'il détermine les redevables de l'impôt, le législateur doit pouvoir faire usage de catégories qui, nécessairement, n'appréhendent la diversité de situations qu'avec un certain degré d'approximation.
Le recours à ce procédé n'est pas déraisonnable en soi. Il revient néanmoins à la Cour d'examiner s'il en va de même quant à la manière dont le procédé a été mis en oeuvre.
B.12.1. Ainsi que le remarque le Conseil des ministres, la taxe compensatoire des droits de succession ne frappe pas la transmission de biens au profit d'une ASBL; elle vise le patrimoine de l'ASBL en tant que tel, lequel n'est pas soumis aux droits de mutation, dus normalement en cas de décès, compte tenu de la vocation perpétuelle de celle-ci. Partant, il n'y a pas lieu d'avoir égard à l'origine des biens de l'ASBL dans le cadre de l'application de la taxe litigieuse.
B.12.2. Par ailleurs, le caractère distributif dont se prévaut la partie intimée devant le juge a quo dans l'affaire n° 6933 est commun à la majorité des ASBL qui, par définition, n'ont pas un but lucratif et poursuivent un but désintéressé. Ce caractère distributif peut revêtir des formes variées.
En soumettant l'ensemble des ASBL à la taxe compensatoire des droits de succession, à l'exception de celles qui sont visées aux articles 148bis et 149 du Code des droits de succession, sans faire de distinction selon l'origine de leurs avoirs ou selon les activités qu'elles exercent, le législateur n'a pas agi de manière déraisonnable. Il ne saurait en effet lui être reproché de ne pas avoir envisagé au regard de la taxe précitée la situation particulière de chaque ASBL assujettie à celle-ci.
B.13. Les deuxième et troisième questions préjudicielles dans l'affaire n° 6933 appellent une réponse négative.
Quant à la quatrième question préjudicielle dans l'affaire n° 6933 B.14. La question préjudicielle porte sur la compatibilité des articles 147 et suivants du Code des droits de succession, et en particulier de l'article 149, 3°, tels qu'ils sont applicables à l'affaire pendante devant le juge a quo, avec le principe d'égalité et de non-discrimination, en ce qu'ils traitent différemment, d'une part, une ASBL créée par une intercommunale en vue de déférer à son obligation d'assurer une pension aux membres de son personnel nommés à titre définitif et à leurs ayants droit, qui est assujettie à la taxe compensatoire des droits de succession, et, d'autre part, d'autres organismes qui visent également à garantir une pension légale, tels l'Office national des Pensions, l'Office national de sécurité sociale des administrations provinciales et locales (ci-après : l'ONSSAPL) et les caisses agréées de pension pour travailleurs indépendants, qui ne sont pas soumis à cette taxe.
Il ressort de la question préjudicielle que celle-ci porte plus précisément sur l'article 149 du Code des droits de succession, qui prévoit une exonération de la taxe compensatoire des droits de succession à l'égard de certaines institutions et associations.
B.15.1. L'article 149, 3°, du Code des droits de succession, tel qu'il a été inséré par l'article 1er de la loi du 24 avril 1958 « complétant l'article 149 du Code des droits de succession » (Moniteur belge, 15 mai 1958), exonère les caisses agréées de pension pour travailleurs indépendants de la taxe compensatoire des droits de succession.
A l'époque, cette exonération a été justifiée, d'une part, par le fait que, selon l'article 1er, 1°, de l'arrêté royal du 26 septembre 1956 « relatif à l'agréation des caisses professionnelles ou interprofessionnelles créées aux fins de l'exécution de la loi du 30 juin 1956 », les caisses professionnelles de pension pour travailleurs indépendants devaient, pour pouvoir être agréées, être constituées sous la forme d'une ASBL et, d'autre part, par le fait que ces caisses avaient une destination analogue à celle des caisses de compensation agréées pour allocations familiales et des caisses mutuelles agréées d'allocations familiales, qui bénéficiaient d'une exemption en vertu de l'article 149, 1°, du Code des droits de succession, et avaient, elles aussi, été créées « dans le cadre d'une législation visant à instaurer un régime de sécurité sociale au bénéfice des indépendants et assimilés » (Doc. parl., Sénat, 1956-1957, n° 355, p. 1).
Depuis l'entrée en vigueur de l'arrêté royal n° 38 du 27 juillet 1967 « organisant le statut social des travailleurs indépendants », l'exonération prévue à l'article 149, 3°, du Code des droits de succession bénéficie aux caisses libres d'assurances sociales pour travailleurs indépendants qui sont agréées en application de cet arrêté royal.
B.15.2. Conformément à l'article 161 de la Nouvelle loi communale (avant son abrogation par l'article 54, 1°, de la loi du 24 octobre 2011Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/10/2011 pub. 03/11/2011 numac 2011022356 source service public federal emploi, travail et concertation sociale et service public federal interieur Loi assurant un financement pérenne des pensions des membres du personnel nommé à titre définitif des administrations provinciales et locales et des zones de police locale et modifiant la loi du 6 mai 2002 portant création du fonds des pensions de la police intégrée et portant des dispositions particulières en matière de sécurité sociale et contenant diverses dispositions modificatives fermer « assurant un financement pérenne des pensions des membres du personnel nommé à titre définitif des administrations provinciales et locales et des zones de police locale et modifiant la loi du 6 mai 2002 portant création du fonds des pensions de la police intégrée et portant des dispositions particulières en matière de sécurité sociale et contenant diverses dispositions modificatives »), lu en combinaison avec l'article 11 de la loi du 25 avril 1933 « relative à la pension du personnel communal », les intercommunales avaient la faculté, en vue de déférer à l'obligation légale de paiement des pensions des membres de leur personnel nommés à titre définitif et de leurs ayants droit qui leur incombe, soit de s'affilier à l'ONSSAPL, soit de recourir aux services d'une institution de prévoyance, soit d'assumer directement le paiement des pensions.
L'ASBL qui est constituée par une intercommunale dans le but de gérer le paiement des pensions des membres de son personnel nommés à titre définitif et de ses ayants droit exerce une mission de même nature que celle dont s'acquittent les caisses libres d'assurances sociales pour travailleurs indépendants. Il s'agit dans les deux cas de la gestion privée d'un service public, sur habilitation du législateur.
Contrairement à ce que le Conseil des ministres soutient, le défaut d'agrément de l'ASBL concernée ne permet pas de conclure qu'elle se trouve dans une situation fondamentalement différente de celle des caisses libres d'assurances sociales pour travailleurs indépendants.
La circonstance que les cotisations sont versées par l'employeur ou par le travailleur lui-même n'est pas davantage pertinente pour justifier la différence de traitement.
B.15.3. Il résulte de ce qui précède que la différence de traitement entre, d'une part, une ASBL créée par une intercommunale en vue de déférer à son obligation d'assurer une pension aux membres de son personnel nommés à titre définitif et à leurs ayants droit et, d'autre part, les caisses agréées de pension pour travailleurs indépendants n'est pas raisonnablement justifiée.
B.16. Compte tenu de ce qui précède, il n'est pas nécessaire de procéder à la comparaison d'une ASBL telle que celle qui est en cause dans l'affaire n° 6933 avec l'Office national des Pensions et avec l'ONSSAPL. B.17. La quatrième question préjudicielle dans l'affaire n° 6933 appelle une réponse affirmative.
Quant à la cinquième question préjudicielle dans l'affaire n° 6933 B.18. La Cour est interrogée sur la compatibilité de l'article 150 du Code des droits de succession, tel qu'il est applicable à l'affaire pendante devant le juge a quo, en tant qu'il exclut toute déduction de charges, avec le principe d'égalité et de non-discrimination, en ce qu'il traite de la même manière l'ASBL qui se limite à thésauriser ses fonds et l'ASBL dont l'objet tient dans la gestion des fonds destinés aux pensions légales des membres du personnel d'une intercommunale et dans le paiement de celles-ci.
La question préjudicielle invite la Cour à comparer la situation de deux catégories d'ASBL en fonction de leur objet statutaire et de leurs activités, au regard de l'impossibilité de déduire les charges de la masse imposable.
B.19. Pour les mêmes motifs qu'en B.11 et en B.12.2, l'identité de traitement est raisonnablement justifiée.
B.20. La cinquième question préjudicielle dans l'affaire n° 6933 appelle une réponse négative.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : 1. L'article 150, alinéa 1er, du Code des droits de succession, avant sa modification par la loi du 2 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/05/2002 pub. 11/12/2002 numac 2002010001 source service public federal justice Loi sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations type loi prom. 02/05/2002 pub. 18/10/2002 numac 2002009861 source service public federal justice Loi sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations fermer « sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations », viole les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, en ce qu'il exclut de la taxe compensatoire des droits de succession les biens qu'une ASBL possède à l'étranger.2. L'article 149, 3°, du Code des droits de succession, tel qu'il est applicable dans les affaires pendantes devant le juge a quo, viole les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, en ce qu'il n'exonère pas de la taxe compensatoire des droits de succession l'ASBL créée par une intercommunale en vue de déférer à son obligation d'assurer une pension aux membres de son personnel nommés à titre définitif et à leurs ayants droit.3. L'article 148 du Code des droits de succession, tel qu'il est applicable dans les affaires pendantes devant le juge a quo, ne viole pas les articles 10, 11 et 172 de la Constitution.4. Les effets de l'article 150, alinéa 1er, du Code des droits de succession, avant sa modification par la loi du 2 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/05/2002 pub. 11/12/2002 numac 2002010001 source service public federal justice Loi sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations type loi prom. 02/05/2002 pub. 18/10/2002 numac 2002009861 source service public federal justice Loi sur les associations sans but lucratif, les associations internationales sans but lucratif et les fondations fermer précitée, sont maintenus. Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 23 janvier 2020.
Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, F. Daoût