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Arrêt
publié le 25 juillet 2006

Extrait de l'arrêt n° 66/2006 du 3 mai 2006 Numéro du rôle : 3758 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 57, § 2, de la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d'action sociale, tel qu'il a été modifié p La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges L. Lavrysen, A(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Extrait de l'arrêt n° 66/2006 du 3 mai 2006 Numéro du rôle : 3758 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 57, § 2, de la loi du 8 juillet 1976Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/07/1976 pub. 18/04/2016 numac 2016000231 source service public federal interieur Loi organique des centres publics d'action sociale. - Coordination officieuse en langue allemande de la version applicable aux habitants de la région de langue allemande fermer organique des centres publics d'action sociale, tel qu'il a été modifié par la loi-programme du 22 décembre 2003Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 22/12/2003 pub. 31/12/2003 numac 2003021248 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer, posée par le Tribunal du travail de Bruxelles.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Moerman, E. Derycke et J. Spreutels, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 14 juillet 2005 en cause de M. Simba Marcillo et M. Valencia Sanchez contre le centre public d'action sociale de Saint-Gilles, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 29 juillet 2005, le Tribunal du travail de Bruxelles a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 57, § 2, de la loi du 8 juillet 1976Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/07/1976 pub. 18/04/2016 numac 2016000231 source service public federal interieur Loi organique des centres publics d'action sociale. - Coordination officieuse en langue allemande de la version applicable aux habitants de la région de langue allemande fermer, tel que modifié en dernier lieu par la loi-programme du 22 décembre 2003Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 22/12/2003 pub. 31/12/2003 numac 2003021248 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, lus isolément ou en combinaison avec les articles 2.2, 3.2, 9 et 10, en particulier, de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant, et ce par comparaison avec la situation d'enfants belges nés de parents belges ou étrangers mais admis au séjour ou avec la situation d'enfants étrangers de parents étrangers en séjour illégal, en ce qu'il limite à l'aide médicale urgente le droit à l'aide sociale à des personnes de nationalité étrangère, en séjour illégal en Belgique, lorsque ces personnes sont les parents d'un enfant de nationalité belge, en ce qu'il ne permet pas d'allouer à cet enfant la forme d'aide prévue en son alinéa 1er, 2°, et en ce qu'il ne permettrait pas non plus aux parents étrangers de percevoir l'aide à l'enfant en leur qualité de représentants légaux ? ». (...) III. En droit (...) B.1. La question préjudicielle porte sur l'article 57, § 2, de la loi du 8 juillet 1976Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/07/1976 pub. 18/04/2016 numac 2016000231 source service public federal interieur Loi organique des centres publics d'action sociale. - Coordination officieuse en langue allemande de la version applicable aux habitants de la région de langue allemande fermer organique des centres publics d'action sociale (ci-après : loi organique des C.P.A.S.), tel qu'il a été modifié par l'article 483 de la loi-programme du 22 décembre 2003Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 22/12/2003 pub. 31/12/2003 numac 2003021248 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer, qui dispose : « Par dérogation aux autres dispositions de la présente loi, la mission du centre public d'action sociale se limite à : 1° l'octroi de l'aide médicale urgente à l'égard d'un étranger qui séjourne illégalement dans le Royaume;2° constater l'état de besoin suite au fait que les parents n'assument pas ou ne sont pas en mesure d'assumer leur devoir d'entretien, à l'égard d'un étranger de moins de 18 ans qui séjourne, avec ses parents, illégalement dans le Royaume. Dans le cas visé sous 2°, l'aide sociale est limitée à l'aide matérielle indispensable pour le développement de l'enfant et est exclusivement octroyée dans un centre fédéral d'accueil conformément aux conditions et modalités fixées par le Roi.

Le Roi peut déterminer ce qu'il y a lieu d'entendre par aide médicale urgente.

Un étranger qui s'est déclaré réfugié et a demandé à être reconnu comme tel, séjourne illégalement dans le Royaume lorsque la demande d'asile a été rejetée et qu'un ordre de quitter le territoire exécutoire a été notifié à l'étranger concerné.

L'aide sociale accordée à un étranger qui était en fait bénéficiaire au moment où un ordre de quitter le territoire exécutoire lui a été notifié, est arrêtée, à l'exception de l'aide médicale urgente, le jour où l'étranger quitte effectivement le territoire et, au plus tard, le jour de l'expiration du délai de l'ordre de quitter le territoire.

Il est dérogé aux dispositions de l'alinéa précédent pendant le délai strictement nécessaire pour permettre à l'étranger de quitter le territoire, pour autant qu'il ait signé une déclaration attestant son intention explicite de quitter le plus vite possible le territoire, sans que ce délai ne puisse en aucun cas excéder un mois.

La déclaration d'intention précitée ne peut être signée qu'une seule fois. Le centre informe sans retard le Ministre qui a l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers dans ses compétences, ainsi que la commune concernée, de la signature de la déclaration d'intention.

S'il s'agit d'un étranger qui est devenu sans abri suite à l'application de l'article 77bis, § 4bis, de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, l'aide sociale visée à l'alinéa quatre et cinq peut être fournie dans un centre d'accueil tel que visé à l'article 57ter ».

B.2. Il est demandé à la Cour de contrôler l'article 57, § 2, de la loi organique des C.P.A.S. au regard des articles 10 et 11 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec les articles 2.2, 3.2, 9 et 10 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant : - en ce qu'il limite à l'aide médicale urgente le droit à l'aide sociale de personnes de nationalité étrangère en séjour illégal en Belgique, même lorsque ces personnes sont les parents d'un enfant de nationalité belge; - en ce qu'il ne permet pas d'allouer à cet enfant la forme d'aide prévue en son alinéa 1er, 2°; - en ce qu'il ne permet pas non plus aux parents étrangers de percevoir l'aide pour l'enfant en leur qualité de représentants de celui-ci, dès lors que ces parents étrangers ne peuvent recevoir qu'une aide sociale limitée à l'aide médicale urgente.

B.3. Il ressort des éléments du dossier que l'affaire concerne des parents de nationalité équatorienne en séjour illégal et leur enfant né en Belgique. Le juge a quo considère que celui-ci a la nationalité belge en vertu, d'une part, de l'article 10 de la loi du 28 juin 1984 « relative à certains aspects de la condition des étrangers et instituant le Code de la Nationalité belge », selon lequel est Belge l'enfant né en Belgique qui, avant ses 18 ans ou son émancipation, serait apatride s'il n'avait pas cette nationalité, tant qu'il n'a pas été établi qu'il possède une nationalité étrangère, et, d'autre part, des dispositions de droit équatorien qui n'accordent la nationalité équatorienne qu'aux enfants nés sur le sol de ce pays.

B.4. En l'espèce, un enfant de nationalité belge a droit à l'aide sociale complète en vertu de l'article 1er, alinéa 1er, de la loi organique des C.P.A.S., qui dispose : « Toute personne a droit à l'aide sociale. Celle-ci a pour but de permettre à chacun de mener une vie conforme à la dignité humaine ».

La deuxième partie de la question préjudicielle est dès lors sans objet.

B.5.1. Selon la jurisprudence tant du Conseil d'Etat que des cours et tribunaux, le droit personnel à l'aide sociale peut être exercé tant par le mineur lui-même que par ses représentants légaux.

Par ailleurs, contrairement à ce qui est mentionné dans le jugement a quo, la circonstance que les parents de l'enfant soient en séjour illégal sur le territoire ne modifie pas les droits et obligations qui découlent de l'autorité parentale et n'empêche par conséquent pas ceux-ci d'exercer les droits de leur enfant en percevant au nom du mineur, en leur qualité de représentants légaux, l'aide sociale à laquelle celui-ci a droit.

La troisième partie de la question préjudicielle est par conséquent sans objet.

B.5.2. Il découle de ce qui précède que la Cour doit encore examiner si la disposition en cause contient une discrimination en ce que le droit à l'aide sociale de personnes de nationalité étrangère séjournant illégalement en Belgique est limité à l'aide médicale urgente, même lorsque ces personnes sont les parents d'un enfant de nationalité belge.

B.6.1. L'article 57 de la loi organique des C.P.A.S. fait une distinction, en matière d'aide sociale, entre les étrangers, selon que ceux-ci séjournent légalement ou illégalement sur le territoire.

Depuis la loi du 30 décembre 1992Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/12/1992 pub. 18/06/2012 numac 2012000355 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales et diverses. - Coordination officieuse en langue allemande d'extraits fermer, l'article 57, § 2, précise que l'aide sociale accordée aux étrangers séjournant illégalement sur le territoire est limitée à l'aide médicale urgente. Cette mesure tend à harmoniser la législation relative au statut de séjour des étrangers et celle relative à l'aide sociale.

B.6.2. C'est au législateur qu'il appartient de mener une politique concernant l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers et de prévoir à cet égard, dans le respect du principe d'égalité et de non-discrimination, les mesures nécessaires qui peuvent notamment porter sur la fixation des conditions auxquelles le séjour d'un étranger en Belgique est légal ou non. Le fait qu'il en découle une différence de traitement entre étrangers est la conséquence logique de la mise en oeuvre de ladite politique.

B.6.3. Lorsque le législateur entend mener une politique en matière d'étrangers et impose à cette fin des règles auxquelles il y a lieu de se conformer pour séjourner légalement sur le territoire, il utilise un critère de distinction objectif et pertinent s'il lie des effets aux manquements à ces règles, lors de l'octroi de l'aide sociale.

La politique en matière d'accès au territoire et de séjour des étrangers serait en effet mise en échec s'il était admis que, pour les étrangers qui séjournent illégalement en Belgique, la même aide sociale soit accordée que pour ceux qui séjournent légalement dans le pays. La différence entre les deux catégories d'étrangers justifie que ce ne soient pas les mêmes obligations qui incombent à l'Etat à leur égard.

B.6.4. Le jugement a quo fait apparaître que les parents en séjour illégal auraient introduit une demande, sur la base de l'article 9, alinéa 3, de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer, d'autorisation de séjourner plus longtemps dans le pays que le délai fixé à l'article 6 de cette loi et une demande de suspension et un recours en annulation auprès du Conseil d'Etat contre le refus de régularisation par l'Office des étrangers. Dans leur mémoire, les demandeurs devant le juge a quo font état d'un arrêt du Conseil d'Etat du 29 août 2005 (n° 148.392) rejetant le recours en annulation de la décision d'irrecevabilité d'une demande d'autorisation de séjour pour circonstances exceptionnelles. Il n'est pas déraisonnable que, cette autorisation n'ayant pas été accordée, l'aide sociale garantie aux demandeurs soit ainsi limitée à l'aide médicale urgente.

B.7. A la lumière des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 2.2, 3.2, 9 et 10 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant, la Cour doit toutefois encore vérifier si les personnes séjournant illégalement sur le territoire devraient être traitées différemment, en ce qui concerne l'aide sociale, des autres étrangers illégaux ou si elles devraient être traitées de la même manière que les personnes séjournant légalement sur le territoire parce qu'elles sont les parents d'un enfant de nationalité belge séjournant légalement sur le territoire.

B.8. La Convention internationale relative aux droits de l'enfant vise à assurer à l'enfant « l'épanouissement harmonieux de sa personnalité » dans son milieu familial.

L'article 2.2 de cette Convention oblige les Etats parties à prendre « toutes les mesures appropriées pour que l'enfant soit effectivement protégé contre toutes formes de discrimination ou de sanction motivées par la situation juridique [...] de ses parents ».

L'article 3.2 de la même Convention dispose que « les Etats parties s'engagent à assurer à l'enfant la protection et les soins nécessaires à son bien-être, compte tenu des droits et des devoirs de ses parents [...], et ils prennent à cette fin toutes les mesures législatives et administratives appropriées ».

Les articles 9 et 10 de cette Convention tendent à protéger la vie familiale de l'enfant avec ses parents, en disposant que « les Etats parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident [...] que cette séparation est nécessaire dans l'intérêt supérieur de l'enfant » (article 9) et que « toute demande faite par un enfant ou ses parents en vue d'entrer dans un Etat partie ou de le quitter aux fins de réunification familiale est considérée par les Etats parties dans un esprit positif, avec humanité et diligence » (article 10).

B.9. La Cour n'est pas saisie de la question de savoir si le fait qu'une personne de nationalité étrangère est le parent d'un enfant de nationalité belge doit lui ouvrir un droit de séjourner sur le territoire. La Cour ne doit donc pas examiner si les articles 9 et 10 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant sont respectés.

B.10. Pour les raisons exposées en B.6.1 à B.6.4, le fait qu'une personne adulte en séjour illégal n'ait pas droit, pour elle-même, à une aide sociale complète n'est pas contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution. Dès lors que l'enfant belge de cette personne a droit à une aide pour lui-même, les articles 2.2 et 3.2 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant ne sont pas violés. Il en va d'autant plus ainsi que le fait que le parent en séjour illégal d'un enfant qui séjourne légalement sur le territoire n'a pas de droit propre à une aide sociale complète n'implique pas qu'il ne faille tenir compte de la situation familiale spécifique lors de l'octroi de l'aide à l'enfant. Il appartient au centre public d'action sociale, dans les limites de sa mission légale, et, en cas de conflit, au juge de choisir le moyen le plus approprié pour faire face aux besoins réels et actuels du mineur, de manière à lui assurer la sauvegarde de sa santé et de son développement.

Dès lors que l'aide sociale doit prendre en considération l'ensemble des besoins de l'enfant, il convient de tenir compte, pour la fixation de l'aide sociale à octroyer à cet enfant, de la situation familiale de cet enfant, ainsi que de la circonstance que le droit à l'aide sociale de ses parents en séjour illégal est limité à l'aide médicale urgente.

B.11. Sous la réserve mentionnée en B.10, la question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : Sous la réserve mentionnée en B.10, l'article 57, § 2, de la loi du 8 juillet 1976Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/07/1976 pub. 18/04/2016 numac 2016000231 source service public federal interieur Loi organique des centres publics d'action sociale. - Coordination officieuse en langue allemande de la version applicable aux habitants de la région de langue allemande fermer organique des centres publics d'action sociale, tel qu'il a été modifié par la loi-programme du 22 décembre 2003Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 22/12/2003 pub. 31/12/2003 numac 2003021248 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec les articles 2.2, 3.2, 9 et 10 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 3 mai 2006.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Melchior.

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