publié le 19 mai 2006
Extrait de l'arrêt n° 43/2006 du 15 mars 2006 Numéro du rôle : 3765 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 57, § 2, alinéa 1 er , 2°, et alinéa 2, et à l'article 71 de la loi du 8 juillet 1976 organique La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges P. Martens, R.(...)
COUR D'ARBITRAGE
Extrait de l'arrêt n° 43/2006 du 15 mars 2006 Numéro du rôle : 3765 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 57, § 2, alinéa 1er, 2°, et alinéa 2, et à l'article 71 de la
loi du 8 juillet 1976Documents pertinents retrouvés
type
loi
prom.
08/07/1976
pub.
18/04/2016
numac
2016000231
source
service public federal interieur
Loi organique des centres publics d'action sociale. - Coordination officieuse en langue allemande de la version applicable aux habitants de la région de langue allemande
fermer organique des centres publics d'action sociale, posées par le Tribunal du travail de Bruxelles.
La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, E. De Groot et J.-P. Snappe, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par jugement du 29 août 2005 en cause de G. Tsend contre le centre public d'action sociale de Molenbeek-Saint-Jean, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour d'arbitrage le 2 septembre 2005, le Tribunal du travail de Bruxelles a posé les questions préjudicielles suivantes : « 1. L'article 71 de la loi du 8 juillet 1976Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/07/1976 pub. 18/04/2016 numac 2016000231 source service public federal interieur Loi organique des centres publics d'action sociale. - Coordination officieuse en langue allemande de la version applicable aux habitants de la région de langue allemande fermer organique des centres publics d'aide sociale viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés ou non avec le principe général de droit des droits de défense et avec le droit au procès équitable garanti par l'article 6 de la Convention européenne de protection et de sauvegarde des droits de l'homme, en ce qu'il traite différemment, d'une part les destinataires des décisions des C.P.A.S. rendues en matière d'aide sociale qui se les voient notifier par pli recommandé et à l'égard desquels le délai de recours prend cours dès le dépôt du pli à la Poste, soit avant qu'ils soient en mesure d'en prendre connaissance de manière effective, et, d'autre part, les autres destinataires de décisions administratives notifiées dans le cadre de la loi du 11 avril 1995 visant à instituer ' la Charte ' de l'assuré social, à l'égard desquels le délai de recours ne prend cours qu'à partir de la présentation du pli par la poste à l'adresse du destinataire, soit uniquement au moment où ils sont en mesure de prendre connaissance de manière effective du contenu de la décision ? 2. L'article 71 de la loi du 8 juillet 1976Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/07/1976 pub. 18/04/2016 numac 2016000231 source service public federal interieur Loi organique des centres publics d'action sociale. - Coordination officieuse en langue allemande de la version applicable aux habitants de la région de langue allemande fermer organique des centres publics d'action sociale viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés ou non avec le principe général de droit des droits de défense et avec le droit au procès équitable garanti par l'article 6 de la Convention européenne de protection et de sauvegarde des droits de l'homme, en ce qu'il traite différemment, d'une part, les destinataires des décisions des C.P.A.S. rendues en matière d'aide sociale qui se les voient notifier par pli recommandé et à l'égard desquels le délai de recours prend cours dès le dépôt du pli à la poste, soit avant qu'ils soient en mesure d'en prendre connaissance de manière effective, et, d'autre part, les destinataires des mêmes décisions qui se les voient notifier par une remise en main propre, à l'égard desquels le délai de recours ne prend cours qu'à partir de cette remise en main propre, soit uniquement au moment où ils prennent connaissance de manière effective du contenu de la décision ? 3. L'article 57, § 2, alinéa 1er, 2°, et alinéa 2 de la loi du 8 juillet 1976Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/07/1976 pub. 18/04/2016 numac 2016000231 source service public federal interieur Loi organique des centres publics d'action sociale. - Coordination officieuse en langue allemande de la version applicable aux habitants de la région de langue allemande fermer organique des centres publics d'action sociale viole-t-il les articles 22 et 23, alinéas 2 et 3, de la Constitution, ou l'une de ces dispositions lues ou non en combinaison avec son article 191, en ce que la disposition légale précitée (en son alinéa 2) confie au Roi le soin d'arrêter les conditions et modalités d'octroi de l'aide matérielle dispensée en centre fédéral d'accueil à un étranger mineur et ses parents en séjour illégal dans le Royaume, plutôt que de les déterminer elle-même, - conformément au principe de légalité contenu dans les dispositions constitutionnelles visées ci-dessus -, et de préciser d'une part, les garanties minimales du droit à la vie privée ainsi qu'à la vie familiale des personnes concernées que celles-ci puisent dans l'article 22 de la Constitution et, d'autre part, les conditions d'exercice, sous cette forme d'aide matérielle dispensée en centre fédéral d'accueil, du droit à l'aide sociale et à un logement décent que consacre l'article 23, alinéa 2 et alinéa 3, 2° et 3°, de la Constitution, en ce compris les garanties procédurales dont celles-ci doivent être assorties pour assurer l'effectivité desdits droits ? ». (...) III. En droit (...) Quant aux deux premières questions préjudicielles B.1. La Cour est interrogée sur la compatibilité avec les articles 10 et 11 de la Constitution de l'article 71 de la loi du 8 juillet 1976Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/07/1976 pub. 18/04/2016 numac 2016000231 source service public federal interieur Loi organique des centres publics d'action sociale. - Coordination officieuse en langue allemande de la version applicable aux habitants de la région de langue allemande fermer organique des centres publics d'action sociale (en abrégé : loi organique des C.P.A.S.), tel qu'il a été modifié par la loi du 12 janvier 1993Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/01/1993 pub. 07/04/2009 numac 2009000212 source service public federal interieur Loi concernant un droit d'action en matière de protection de l'environnement. - Traduction allemande fermer, qui dispose : « Toute personne peut former un recours auprès du tribunal du travail contre une décision en matière d'aide individuelle prise à son égard par le conseil du centre public d'aide sociale ou l'un des organes auxquels le conseil a délégué des attributions.
Il en est de même lorsqu'un des organes du centre a laissé s'écouler, sans prendre de décision, un délai d'un mois à compter de la réception de la demande. Ce délai d'un mois prend cours, dans le cas visé à l'article 58, § 3, alinéa 1er, le jour de la transmission.
Le recours doit être introduit dans le mois soit de la date de dépôt à la poste du pli recommandé notifiant la décision, soit de la date de l'accusé de réception de la décision, soit de la date d'expiration du délai prévu à l'alinéa précédent.
Le recours n'est pas suspensif. [...] ».
B.2. Le juge a quo interroge la Cour sur deux différences de traitement entre, d'une part, les destinataires des décisions des C.P.A.S. qui se les voient notifier par pli recommandé et les destinataires des mêmes décisions qui se les voient notifier en mains propres (deuxième question préjudicielle) et entre, d'autre part, les destinataires des décisions des C.P.A.S. qui se les voient notifier par pli recommandé et les destinataires de décisions administratives notifiées dans le cadre de la loi du 11 avril 1995 visant à instituer la « charte » de l'assuré social (première question préjudicielle).
Selon le juge a quo, alors qu'à l'égard des destinataires des décisions des C.P.A.S. qui se les voient notifier par pli recommandé, le délai de recours prend cours dès le dépôt du pli recommandé à la poste, soit avant qu'ils soient en mesure d'en prendre connaissance de manière effective, ce délai de recours prend cours à l'égard des autres destinataires cités dans les deux questions préjudicielles à partir du moment où ils sont en mesure de prendre connaissance de manière effective du contenu de la décision.
B.3. En ce qui concerne la première question préjudicielle, selon le juge a quo, les destinataires des décisions des C.P.A.S. notifiées par pli recommandé seraient discriminés par rapport aux destinataires des décisions des organismes de sécurité sociale qui relèvent du champ d'application de la loi du 11 avril 1995 visant à instituer la « charte » de l'assuré social. Il serait acquis que pour l'application de la loi du 11 avril 1995, les notifications n'ont d'effet et ne font courir les délais de recours qu'à la date de la présentation du pli recommandé à l'adresse de l'intéressé.
B.4. En ce qui concerne la deuxième question préjudicielle, selon le juge a quo, il est acquis et il résulte explicitement de la lecture de la disposition en cause que le point de départ du délai de recours est différent selon le mode de notification de la décision administrative contestée : si la décision est remise en mains propres contre accusé de réception, c'est la date de cet accusé de réception qui fait courir le délai; si la décision est notifiée par courrier recommandé à la poste, c'est la date de dépôt du pli à la poste par le C.P.A.S. qui fait courir le délai.
C'est dans ces interprétations données par le juge a quo que la Cour examine si la disposition en cause viole les articles 10 et 11 de la Constitution.
B.5. Dès lors qu'elles ont pour objet de critiquer le point de départ des délais de recours selon qu'il permettrait ou non que le destinataire puisse ou non avoir une connaissance effective de la décision qu'il voudrait contester, les deux questions préjudicielles seront examinées ensemble.
B.6.1. La loi organique des C.P.A.S. impose la communication de la décision en matière d'aide individuelle, par lettre recommandée à la poste ou contre accusé de réception, à la personne qui a fait la demande.
L'article 62bis de la loi organique des C.P.A.S., inséré par la loi du 13 juin 1985 et modifié par la loi du 5 août 1992, dispose : « La décision en matière d'aide individuelle, prise par le conseil de l'aide sociale ou l'un des organes auxquels le conseil a délégué des attributions, est communiquée, par lettre recommandée à la poste ou contre accusé de réception, à la personne qui a demandé l'aide, selon des modalités qui peuvent être déterminées par le Roi.
La décision est motivée et signale la possibilité de former un recours, le délai d'introduction, la forme de la requête, l'adresse de l'instance de recours compétente et le nom du service ou de la personne qui, au sein du centre public d'aide sociale, peut être contacté en vue d'obtenir des éclaircissements ».
B.6.2. L'article 1er de l'arrêté royal du 21 janvier 1993 « portant exécution de l'article 62bis, alinéa 1er, de la loi du 8 juillet 1976Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/07/1976 pub. 18/04/2016 numac 2016000231 source service public federal interieur Loi organique des centres publics d'action sociale. - Coordination officieuse en langue allemande de la version applicable aux habitants de la région de langue allemande fermer organique des centres publics d'action sociale » prévoit ainsi que toute décision en matière d'aide individuelle « est communiquée dans les huit jours à compter de la date de la décision, à la personne qui a demandé l'aide ».
B.7.1. La « notification » visée à l'article 71 de la loi organique des C.P.A.S. doit donc s'entendre comme la communication à l'intéressé - en l'espèce par lettre recommandée ou en mains propres - d'une décision administrative. Cette « notification » se distingue donc de la notification par pli judiciaire visée par l'article 32 du Code judiciaire, qui ne concerne que les actes de procédure.
B.7.2. L'hypothèse soumise à la Cour se distingue donc de celle qui a donné lieu à l'arrêt n° 170/2003, de telle sorte que la solution qui y est consacrée ne peut être étendue, de manière générale, à la notification de décisions administratives qui ont pour objet d'informer le destinataire d'une telle décision alors qu'aucune procédure judiciaire n'est en cours.
Toutefois, les questions préjudicielles portent exclusivement sur « des décisions des C.P.A.S. rendues en matière d'aide sociale », c'est-à -dire sur des décisions qui concernent le droit fondamental défini, par l'article 1er de la loi organique des C.P.A.S., comme le droit de « mener une vie conforme à la dignité humaine ». C'est en tenant compte de cette particularité et en limitant son examen au type de décisions qui font l'objet des questions préjudicielles que celles-ci sont examinées.
B.8.1. L'alinéa 3 de l'article 71 de la loi organique des C.P.A.S. a été remplacé par l'article 9, 2°, de la loi du 12 janvier 1993Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/01/1993 pub. 07/04/2009 numac 2009000212 source service public federal interieur Loi concernant un droit d'action en matière de protection de l'environnement. - Traduction allemande fermer « contenant un programme d'urgence pour une société plus solidaire ».
Cette loi visait notamment à unifier les voies de recours à l'égard des décisions du C.P.A.S. en matière d'octroi de l'aide sociale et du minimum de moyens d'existence, en supprimant les chambres provinciales qui existaient pour l'aide sociale et en confiant l'ensemble des litiges aux tribunaux du travail (Doc. parl., Chambre, s.e. 1991-1992, n° 630/1, pp.6-8).
B.8.2. La formulation de la disposition en cause tient compte d'une observation de la section de législation du Conseil d'Etat.
En ce qui concerne le délai de recours à l'égard des décisions en matière d'aide individuelle, l'avant-projet de loi prévoyait l'introduction du recours « dans le mois de la réception de la décision » (ibid., pp. 16 et 28).
Après avoir estimé que « l'alinéa 3 en projet, aux termes duquel le recours doit être introduit dans le mois ' de la réception ' de la décision, n'est pas suffisamment précis pour exclure toute contestation concernant la date à laquelle le délai de recours commence à courir » (Doc. parl., Chambre, s.e. 1991-1992, n° 630/1, p. 41), la section de législation du Conseil d'Etat a suggéré de remplacer l'alinéa 3 de l'article 71 en projet par le texte qui existe actuellement.
B.9. Si le centre public d'action sociale dispose du choix du mode de communication - « notification » par lettre recommandée ou remise en mains propres - à l'intéressé de la décision qui le concerne, la communication de cette décision, imposée par l'article 62bis de la loi organique des C.P.A.S., suppose, pour être accomplie, que la décision administrative soit portée à la connaissance de l'intéressé.
Cette considération s'impose a fortiori lorsque la « notification » de la décision fait courir, comme le prévoit la disposition en cause, un délai de recours.
B.10. Il est raisonnablement justifié que, pour éviter toute insécurité juridique, le législateur fasse courir des délais de procédure à partir d'une date qui ne soit pas tributaire du comportement des parties. Toutefois, le choix de la date du dépôt du pli recommandé à la poste comme point de départ du délai de recours apporte une restriction disproportionnée au droit de défense des destinataires, les délais de recours commençant à courir à partir d'un moment où ces derniers ne peuvent pas avoir connaissance du contenu du pli.
B.11. L'objectif d'éviter l'insécurité juridique pourrait être atteint aussi sûrement si le délai commençait à courir le jour où le destinataire a pu en avoir connaissance, c'est-à -dire à la date où, en toute vraisemblance, le pli a été présenté à son domicile, sans avoir égard à la date à laquelle, le cas échéant, il a retiré le pli à la poste.
Cette date est d'ailleurs celle à laquelle, sauf disposition contraire, la « notification » d'une décision administrative est réputée accomplie, le propre d'une notification étant de porter à la connaissance du destinataire le contenu de l'acte notifié.
B.12. En ce qu'elle énonce que le délai de recours prend cours à partir de la date de dépôt à la poste du pli recommandé notifiant la décision, la disposition en cause restreint de manière disproportionnée les droits de défense du destinataire de cette décision.
B.13. Par ailleurs, la Cour constate que la loi du 10 mars 2005Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/03/2005 pub. 06/06/2005 numac 2005022326 source service public federal sante publique, securite de la chaine alimentaire et environnement Loi modifiant l'article 2 de la loi du 11 avril 1995 visant à instituer la « charte de l'assuré social » fermer modifiant l'article 2 de la loi du 11 avril 1995 visant à instituer la « charte de l'assuré social » inclut désormais l' « aide sociale » dans la définition de la notion de « sécurité sociale » relevant du champ d'application de la loi du 11 avril 1995, de sorte que la différence de traitement invoquée dans la première question préjudicielle n'existe plus depuis l'entrée en vigueur de la loi précitée du 10 mars 2005.
B.14. Les deux premières questions préjudicielles appellent une réponse positive.
Quant à la troisième question préjudicielle B.15. La troisième question préjudicielle porte sur la compatibilité de l'article 57, § 2, alinéa 1er, 2°, et alinéa 2 de la loi organique des C.P.A.S. avec les articles 22 et 23, alinéas 2 et 3, éventuellement combinés avec l'article 191, de la Constitution. Le Tribunal du travail relève que la disposition en cause confie au Roi le soin d'arrêter les conditions et modalités d'octroi de l'aide matérielle dispensée au mineur et s'interroge en conséquence sur le respect du principe de légalité consacré par les dispositions constitutionnelles précitées en ce qui concerne, d'une part, le droit au respect de la vie privée et familiale et, d'autre part, les conditions d'exercice du droit à l'aide sociale et à un logement décent, en ce compris les garanties procédurales qui doivent assurer l'exercice de ces droits.
B.16. L'article 57, § 2, alinéa 1er, 2°, et alinéa 2, de la loi précitée du 8 juillet 1976 dispose, depuis sa modification par l'article 22 de la loi du 27 décembre 2005Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/12/2005 pub. 30/12/2005 numac 2005021183 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant des dispositions diverses fermer portant des dispositions diverses : « Par dérogation aux autres dispositions de la présente loi, la mission du centre public d'action sociale se limite à : [...] 2° constater l'état de besoin suite au fait que les parents n'assument pas ou ne sont pas en mesure d'assumer leur devoir d'entretien, à l'égard d'un étranger de moins de 18 ans qui séjourne, avec ses parents, illégalement dans le Royaume. Dans le cas visé sous 2°, l'aide sociale est limitée à l'aide matérielle indispensable pour le développement de l'enfant et est exclusivement octroyée dans un centre fédéral d'accueil conformément aux conditions et modalités fixées par le Roi. La présence dans le centre d'accueil des parents ou personnes qui exercent effectivement l'autorité parentale est garantie ».
Quant à l'article 22 de la Constitution B.17.1. L'article 22 de la Constitution énonce : « Chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale, sauf dans les cas et conditions fixés par la loi.
La loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent la protection de ce droit ».
B.17.2. L'article 191 de la Constitution énonce : « Tout étranger qui se trouve sur le territoire de la Belgique jouit de la protection accordée aux personnes et aux biens, sauf les exceptions établies par la loi ».
B.18.1. Avant sa modification par la loi précitée du 27 décembre 2005, la disposition en cause ne garantissait pas la présence des parents ou des personnes exerçant l'autorité parentale auprès des enfants concernés par l'aide, ce qui constituait une atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale des personnes concernées, en violation de l'article 22 de la Constitution. Pour cette raison, la Cour a, par son arrêt n° 131/2005 du 19 juillet 2005, annulé la disposition en cause.
Depuis l'entrée en vigueur de l'article 22 de la loi précitée du 27 décembre 2005, qui ajoute la garantie expresse que la cellule familiale est préservée par la présence des parents ou des personnes exerçant l'autorité parentale auprès de l'enfant, le droit à la vie familiale des personnes concernées est garanti en ce qui concerne le droit de chacun des membres de la cellule familiale de ne pas être séparé des autres membres de celle-ci.
B.18.2. La juridiction a quo considère en outre que l'hébergement de l'ensemble de la cellule familiale dans un centre fédéral d'accueil constitue une ingérence dans le droit de chacun de ses membres au respect de sa vie privée et familiale, et que cette ingérence pourrait violer le principe de légalité garanti par l'article 22 de la Constitution.
Depuis sa modification par la loi du 27 décembre 2005Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/12/2005 pub. 30/12/2005 numac 2005021183 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant des dispositions diverses fermer précitée, la disposition en cause prévoit explicitement l'hébergement de l'ensemble de la cellule familiale formée des parents ou des personnes qui exercent l'autorité parentale et des enfants mineurs dans le centre d'accueil, de sorte qu'elle satisfait ainsi à l'exigence de légalité posée par l'article 22 de la Constitution.
Quant à l'article 23 de la Constitution B.19. L'article 23 de la Constitution énonce : « Chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine.
A cette fin, la loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent, en tenant compte des obligations correspondantes, les droits économiques, sociaux et culturels, et déterminent les conditions de leur exercice.
Ces droits comprennent notamment : [...] 2° le droit à la sécurité sociale, à la protection de la santé et à l'aide sociale, médicale et juridique;3° le droit à un logement décent; [...] ».
B.20. Lorsqu'il prévoit que les enfants qui résident en Belgique sans être titulaires d'un droit de séjour ont droit à une aide sociale qui prend la forme de l'aide matérielle indispensable pour leur développement, le législateur remplit l'obligation qui lui est faite par l'article 23 précité de garantir à leur égard la jouissance des droits sociaux, de façon à leur permettre de mener une vie conforme à la dignité humaine. L'article 57, § 2, alinéa 2, de la loi organique des C.P.A.S. doit en effet être lu en combinaison avec l'article 1er de la même loi, qui précise que l'aide sociale « a pour but de permettre à chacun de mener une vie conforme à la dignité humaine », ce qui a pour conséquence que l'aide qui est octroyée aux enfants concernés doit être adaptée à leurs besoins spécifiques pour leur garantir des conditions de vie conformes à la dignité humaine.
B.21. De ce que l'article 23 de la Constitution prévoit que la loi, le décret ou l'ordonnance « déterminent les conditions de [l']exercice » des droits qu'il garantit, il ne saurait être déduit que le législateur ne pourrait charger le Roi de la mise en oeuvre concrète de l'aide sociale qu'il garantit à certaines catégories de bénéficiaires.
Il en va d'autant plus ainsi que la forme que prend l'aide doit être adaptée aux besoins spécifiques de chaque enfant, besoins qui varient en fonction de son âge, de son état de santé et de son développement.
Il ne peut être reproché au législateur de ne pas avoir prévu lui-même, par une disposition générale et abstraite, les modalités précises d'octroi de l'aide, en ce compris les procédures de désignation du débiteur de l'aide, dès lors qu'il a indiqué que celle-ci devait garantir les conditions du développement de l'enfant dans le respect de la dignité humaine.
B.22. En outre, il ne peut être présumé qu'en confiant cette mission au Roi, le législateur L'aurait affranchi de l'obligation de respecter la Constitution et la Convention internationale relative aux droits de l'enfant. Les droits reconnus par ces textes aux enfants doivent être garantis de manière égale (article 2 de la Convention et articles 10, 11 et 191 de la Constitution) aux enfants bénéficiaires de l'aide sociale dispensée dans un centre d'accueil. Ces droits comprennent notamment le droit de jouir du meilleur état de santé possible (article 24 de la Convention), le droit à un niveau de vie suffisant pour permettre le développement physique, mental, spirituel, moral et social (article 27 de la Convention), et le droit à l'éducation, et spécialement le droit à l'enseignement primaire et secondaire (article 28 de la Convention et article 24, § 3, de la Constitution). Il en découle qu'il revient au juge administratif ou au juge de l'ordre judiciaire, sur la base de l'article 159 de la Constitution, d'annuler ou d'écarter les modalités d'octroi de l'aide sociale qui porteraient atteinte au respect de ces droits.
B.23. Enfin, en ce que la question préjudicielle porte sur le respect du principe de légalité garanti par l'article 23 de la Constitution appliqué aux recours contre la décision d'octroi de l'aide matérielle dans un centre d'accueil, la Cour observe que l'article 71, alinéa 1er, de la loi organique des C.P.A.S. dispose que « toute personne peut former un recours auprès du tribunal du travail contre une décision en matière d'aide individuelle prise à son égard par le conseil du centre public d'action sociale ou l'un des organes auxquels le conseil a délégué des attributions », et que l'article 580, 8°, d), prévoit que le tribunal du travail connaît des contestations relatives à l'application de la loi organique des C.P.A.S. « en ce qui concerne les contestations relatives à l'octroi, à la révision, au refus et au remboursement par le bénéficiaire de l'aide sociale et à l'application des sanctions administratives prévues par la législation en la matière ».
La décision du centre public d'action sociale relative à l'état de besoin d'un enfant en séjour illégal ainsi qu'à l'hébergement de cet enfant et de sa famille dans un centre d'accueil peut donc faire l'objet d'un recours judiciaire qui est prévu par la loi.
B.24. Sous réserve que la disposition en cause soit interprétée conformément à ce qui est dit en B.20 et B.22, la troisième question préjudicielle appelle une réponse négative.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : - En ce qu'il prévoit que le délai de recours prend cours à partir de la date de dépôt à la poste du pli recommandé notifiant la décision, l'article 71 de la loi du 8 juillet 1976Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/07/1976 pub. 18/04/2016 numac 2016000231 source service public federal interieur Loi organique des centres publics d'action sociale. - Coordination officieuse en langue allemande de la version applicable aux habitants de la région de langue allemande fermer organique des centres publics d'action sociale viole les articles 10 et 11 de la Constitution. - L'article 57, § 2, alinéa 1er, 2°, et alinéa 2, de la même loi ne viole pas les articles 22, 23, alinéas 2 et 3, et 191 de la Constitution en ce qu'il confie au Roi le soin d'arrêter les conditions et modalités d'octroi de l'aide matérielle dispensée en centre fédéral d'accueil à un étranger mineur en séjour illégal.
Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 15 mars 2006.
Le greffier, P.-Y. Dutilleux.
Le président, M. Melchior.