publié le 13 novembre 2020
Loi relative à un examen de proportionnalité préalable à l'adoption ou la modification d'une réglementation de profession
27 OCTOBRE 2020. - Loi relative à un examen de proportionnalité préalable à l'adoption ou la modification d'une réglementation de profession (1)
PHILIPPE, Roi des Belges, A tous, présents et à venir, Salut.
La Chambre des représentants a adopté et Nous sanctionnons ce qui suit : CHAPITRE 1er. - Dispositions générales
Article 1er.La présente loi règle une matière visée à l'article 74 de la Constitution.
Art. 2.La présente loi transpose partiellement la directive (UE) 2018/958 du Parlement européen et du Conseil du 28 juin 2018 relative à un contrôle de proportionnalité avant l'adoption d'une nouvelle réglementation de professions. CHAPITRE 2. - Définitions et champ d'application
Art. 3.§ 1er. Pour l'application de la présente loi et de ses arrêtés d'exécution, l'on entend par : 1° "directive 2005/36/CE" : la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles ;2° "titre professionnel protégé" : une forme de réglementation d'une profession dans le cadre de laquelle l'usage d'un titre dans une activité professionnelle ou un groupe d'activités professionnelles est subordonné, directement ou indirectement, en vertu de dispositions législatives, réglementaires ou administratives, à la possession d'une qualification professionnelle déterminée, et dans le cadre de laquelle l'usage abusif d'un tel titre est passible de sanctions ;3° "activités réservées" : une forme de réglementation d'une profession dans le cadre de laquelle l'accès à une activité professionnelle ou à un groupe d'activités professionnelles est réservé, directement ou indirectement, en vertu de dispositions législatives, réglementaires ou administratives, aux membres d'une profession réglementée détenteurs d'une qualification professionnelle déterminée, y compris lorsque l'activité est partagée avec d'autres professions réglementées ;4° "disposition réglementant une profession" : toute disposition législative, réglementaire ou administrative qui limite l'accès à une profession réglementée ou l'exercice de celle-ci, ou une modalité de celle-ci, y compris l'usage d'un titre professionnel et les activités professionnelles autorisées sur le fondement de ce titre et qui relèvent du champ d'application des législations et réglementations fédérales tombant sous le champ d'application de la directive 2005/36/CE ;5° "autorité" : une autorité publique ou toute autre autorité compétente, en vertu de la législation ou de la réglementation, pour adopter des dispositions réglementant une profession. § 2. Sous réserve des définitions reprises au paragraphe 1er, les définitions de la loi du 12 février 2008Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/02/2008 pub. 02/04/2008 numac 2008011094 source service public federal de programmation politique scientifique Loi instaurant un nouveau cadre général pour la reconnaissance des qualifications professionnelles CE fermer instaurant un cadre général pour la reconnaissance des qualifications professionnelles UE s'appliquent à la présente loi.
Art. 4.La présente loi s'applique aux dispositions réglementant une profession, à l'exception des dispositions réglementant une profession dans le cadre de la compétence fédérale de la politique de la santé telle que visée à l'article 5, § 1er, I, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles ou une profession de soins de santé telle que visée à l'article 6, § 1er, VI, 6°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.
La présente loi établit les règles applicables à un cadre commun pour la conduite des examens de proportionnalité des dispositions réglementant une profession, avant l'adoption de nouvelles dispositions ou la modification de telles dispositions existantes, tout en garantissant un haut degré de protection des consommateurs ainsi que la qualité des services fournis.
Lorsque des exigences spécifiques concernant la réglementation d'une profession donnée sont établies dans un texte transposant un acte distinct de l'Union qui ne laisse pas aux Etats membres le choix de leur mode de transposition, les dispositions correspondantes de la présente loi ne s'appliquent pas. CHAPITRE 3. - Principe de non-discrimination et objectifs d'intérêt général
Art. 5.Avant d'adopter de nouvelles dispositions réglementant une profession ou de modifier de telles dispositions existantes, l'autorité veille à ce que ces dispositions ne soient pas directement ou indirectement discriminatoires en fonction de la nationalité ou du lieu de résidence.
Art. 6.L'autorité veille à ce que les dispositions réglementant une profession qu'elle entend adopter et à ce que les modifications qu'elle souhaite apporter à de telles dispositions existantes soient justifiées par des objectifs d'intérêt général.
L'autorité examine notamment si les dispositions visées à l'alinéa 1er sont objectivement justifiées par des motifs liés au maintien de l'ordre public, de la sécurité publique ou de la santé publique, ou par des raisons impérieuses d'intérêt général, telles que la préservation de l'équilibre financier du système de sécurité sociale, la protection des consommateurs, des bénéficiaires de services et des travailleurs, y compris les travailleurs indépendants, la protection de la bonne administration de la justice, la garantie de la loyauté des transactions commerciales, la lutte contre la fraude et la prévention de la fraude et de l'évasion fiscales et la préservation de l'efficacité des contrôles fiscaux, la sécurité des transports, la protection de l'environnement et de l'environnement urbain, la santé des animaux, la propriété intellectuelle, la sauvegarde et la préservation du patrimoine historique et artistique national, des objectifs de politique sociale et des objectifs de politique culturelle.
Les motifs d'ordre purement économique ou les motifs purement administratifs ne peuvent constituer des raisons impérieuses d'intérêt général à même de justifier une limitation de l'accès à des professions réglementées ou de leur exercice. CHAPITRE 4. - Examen de proportionnalité
Art. 7.Toute autorité procède à un examen de proportionnalité conformément à la présente loi préalablement à l'adoption ou à la modification de dispositions réglementant une profession.
L'étendue de l'examen visé à l'alinéa 1er est proportionnée à la nature, au contenu et à l'effet de ces dispositions.
Les dispositions réglementant une profession sont accompagnées d'une explication qui est suffisamment détaillée pour permettre d'apprécier le respect du principe de proportionnalité.
Les motifs pour lesquels les dispositions visées à l'alinéa 1er sont jugées justifiées et proportionnées sont étayés par des éléments probants qualitatifs et, dans la mesure du possible et lorsque cela est pertinent, quantitatifs.
L'examen visé à l'alinéa 1er est effectué de manière objective et indépendante.
Le Roi peut, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, créer ou désigner un organisme indépendant chargé de rendre un avis sur les examens de proportionnalité et d'accompagner les autorités compétentes dans la rédaction de ceux-ci. Il peut prévoir les modalités et la procédure à suivre par l'organisme pour rendre cet avis.
Art. 8.§ 1er. L'autorité procède à un examen de proportionnalité afin de veiller à ce que les dispositions réglementant une profession qu'elle adopte et les modifications qu'elle apporte à de telles dispositions existantes soient propres à garantir la réalisation de l'objectif poursuivi et n'aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif. § 2. A cette fin, avant l'adoption des dispositions visées au paragraphe 1er, l'autorité tient compte des éléments suivants : a) la nature des risques liés aux objectifs d'intérêt général poursuivis, en particulier les risques pour les bénéficiaires des services, en ce compris les consommateurs, pour les professionnels ou pour les tiers ;b) la question de l'insuffisance de règles de nature spécifique ou plus générale déjà en vigueur, telles que celles prévues par la législation sur la sécurité des produits ou la législation relative à la protection des consommateurs, pour atteindre l'objectif poursuivi ;c) le caractère approprié des dispositions pour atteindre l'objectif poursuivi, et la question de savoir si ces dispositions répondent véritablement au souci d'atteindre cet objectif d'une manière cohérente et systématique et répondent donc aux risques répertoriés de façon similaire pour des activités comparables ;d) l'incidence sur la libre circulation des personnes et des services au sein de l'Union européenne, sur le choix des consommateurs et sur la qualité du service fourni ;e) la possibilité de recourir à des moyens moins restrictifs pour atteindre l'objectif d'intérêt général, et en particulier lorsque les dispositions sont uniquement justifiées par la protection des consommateurs et que les risques répertoriés sont limités à la relation entre le professionnel et le consommateur et n'affectent donc pas négativement des tiers, la possibilité d'atteindre cet objectif par des moyens qui sont moins restrictifs que le fait de réserver des activités ;f) l'effet des dispositions nouvelles ou modifiées, lorsqu'elles sont conjuguées à d'autres dispositions limitant l'accès à la profession ou son exercice, et notamment la manière dont les dispositions nouvelles ou modifiées, conjuguées à d'autres exigences, contribuent à la réalisation du même objectif d'intérêt général, ainsi que la question de savoir si elles sont nécessaires à la réalisation de cet objectif. § 3. L'autorité prend également en compte les éléments suivants lorsqu'ils sont pertinents pour la nature et le contenu des dispositions qui sont introduites ou modifiées : a) la correspondance entre la portée des activités couvertes par une profession ou réservées à celle-ci et la qualification professionnelle requise ;b) la correspondance entre la complexité des tâches concernées et la nécessité que ceux qui les effectuent disposent de qualifications professionnelles déterminées, notamment en ce qui concerne le niveau, la nature et la durée de la formation ou de l'expérience requises ;c) la possibilité d'acquérir la qualification professionnelle par différents moyens ;d) la question de savoir si les activités réservées à certaines professions peuvent être partagées ou non avec d'autres professions, et pour quel motif ;e) le degré d'autonomie dans l'exercice d'une profession réglementée et l'incidence des modalités d'organisation et de supervision sur la réalisation de l'objectif poursuivi, en particulier lorsque les activités liées à une profession réglementée sont exercées sous le contrôle et la responsabilité d'un professionnel dûment qualifié ;f) l'évolution de la technique et le progrès scientifique, qui peuvent effectivement réduire ou accroître l'asymétrie d'information entre les professionnels et les consommateurs. § 4. Aux fins du paragraphe 2, f), l'autorité évalue l'effet positif ou négatif des dispositions nouvelles ou modifiées lorsqu'elles sont conjuguées à une ou plusieurs exigences, en particulier avec les exigences suivantes : a) activités réservées, titre professionnel protégé ou toute autre forme d'exigence prévue par une disposition réglementant une profession ;b) obligations de suivre une formation professionnelle continue ;c) dispositions en matière d'organisation de la profession, d'éthique professionnelle et de supervision ;d) affiliation obligatoire à une organisation professionnelle ou à un organisme professionnel et systèmes d'inscription ou d'autorisation, notamment lorsque ces exigences impliquent la possession d'une qualification professionnelle déterminée ;e) restrictions quantitatives, notamment les exigences limitant le nombre d'autorisations d'exercer ou fixant un nombre minimal ou maximal de travailleurs, de gestionnaires ou de représentants titulaires de qualifications professionnelles déterminées ;f) exigences particulières en matière de forme juridique ou exigences liées à la détention du capital ou à la gestion d'une entreprise, dans la mesure où ces exigences sont directement liées à l'exercice de la profession réglementée ;g) restrictions territoriales, y compris lorsque la profession est réglementée dans des parties du territoire d'un Etat membre d'une façon qui diffère de celle dont elle est réglementée dans d'autres parties ;h) exigences limitant l'exercice d'une profession réglementée conjointement ou en partenariat, et règles d'incompatibilité ;i) exigences concernant la couverture d'assurance ou d'autres moyens de protection personnelle ou collective concernant la responsabilité professionnelle ;j) exigences en matière de connaissances linguistiques, dans la mesure nécessaire à l'exercice de la profession ;k) exigences en matière de tarifs fixes minimaux et/ou maximaux ;l) exigences en matière de publicité. § 5. L'autorité examine également la conformité au principe de proportionnalité des exigences spécifiques relatives à la prestation temporaire ou occasionnelle de services, prévues dans les législations et réglementations transposant le titre II de la directive 2005/36/CE, dont : a) l'inscription temporaire automatique ou l'adhésion pro forma à une organisation professionnelle ou à un organisme professionnel ;b) une déclaration préalable, la fourniture de documents exigés ou toute autre exigence équivalente ;c) le versement d'une redevance ou des frais requis pour les procédures administratives, liés à l'accès à des professions réglementées ou à leur exercice, à la charge du prestataire de services. L'alinéa 1er ne s'applique pas aux mesures destinées à garantir le respect des conditions de travail et d'emploi appliquées conformément au droit de l'Union européenne. § 6. Lorsque les dispositions réglementant une profession concernent la réglementation de professions relatives à la santé, et ont une implication pour la sécurité des patients, l'autorité tient compte dans son examen de proportionnalité de l'objectif de garantir un haut degré de protection de la santé humaine. CHAPITRE 5. - Information, suivi et évaluation Section 1re. - Information et participation des parties prenantes
Art. 9.Avant d'introduire de nouvelles dispositions réglementant une profession ou de modifier de telles dispositions, l'autorité met, sur un portail fédéral unique, l'information à la disposition des citoyens, des bénéficiaires de services et des autres parties prenantes concernées, y compris celles qui ne sont pas membres de la profession concernée.
Le Roi détermine, par un arrêté délibéré en Conseil des ministres, les modalités relatives à l'utilisation d'un portail fédéral unique.
Art. 10.Avant d'introduire de nouvelles dispositions réglementant une profession ou de modifier de telles dispositions, l'autorité associe dûment toutes les parties prenantes concernées et leur donne la possibilité d'exprimer leur point de vue.
Art. 11.Lorsque cela est pertinent et approprié, des consultations publiques sont menées. Section 2. - Suivi
Art. 12.Après leur adoption, l'autorité contrôle la conformité des dispositions réglementant une profession, nouvelles ou modifiées, avec le principe de proportionnalité. A cette fin, elle tient dûment compte de l'évolution de la situation depuis l'adoption des dispositions concernées. Section 3. - Evaluation
Art. 13.Il est procédé par le Conseil Supérieur des Indépendants et des PME à une évaluation de la mise en oeuvre des dispositions de la présente loi quatre ans après sa date d'entrée en vigueur. CHAPITRE 6. - Echange d'informations avec les autres Etats membres
Art. 14.Aux fins de la bonne application de la présente loi, le Roi adopte, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, les mesures nécessaires pour encourager les échanges d'informations avec les autres Etats membres sur les matières relevant de la présente loi, ainsi que sur la manière dont une profession est réglementée ou sur les effets de cette réglementation.
Art. 15.Le Roi désigne le Service public fédéral chargé d'indiquer à la Commission européenne les autorités publiques chargées de la transmission et de la réception des informations aux fins de l'application de l'article 14.
Promulguons la présente loi, ordonnons qu'elle soit revêtue du sceau de l'Etat et publiée par le Moniteur belge.
Donné à Bruxelles, le 27 octobre 2020.
PHILIPPE Par le Roi : Le Ministre de la Justice, V. VAN QUICKENBORNE La Ministre de l'Intérieur, A. VERLINDEN Le Ministre de la Mobilité, G. GILKINET Le Ministre des Classes moyennes et des Indépendants, D. CLARINVAL Le Ministre de l'Economie, P.-Y. DERMAGNE Scellé du sceau de l'État : Le Ministre de la Justice, V. VAN QUICKENBORNE _______ Note Chambre des représentants : (www.lachambre.be) Documents : 55-1340 (Session 2019/2020) Compte rendu intégral : 8 octobre 2020.