publié le 27 septembre 2023
Extrait de l'arrêt n° 99/2023 du 15 juin 2023 Numéro du rôle : 7944 En cause : la demande de suspension des articles 11 et 12 de la loi du 29 novembre 2022 « portant des dispositions diverses en matière de santé », introduite par la SA « Tima La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, et des juges T. Gie(...)
COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 99/2023 du 15 juin 2023 Numéro du rôle : 7944 En cause : la demande de suspension des articles 11 et 12 de la
loi du 29 novembre 2022Documents pertinents retrouvés
type
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prom.
29/11/2022
pub.
09/12/2022
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2022034396
source
service public federal sante publique, securite de la chaine alimentaire et environnement
Loi portant des dispositions diverses en matière de santé
type
loi
prom.
29/11/2022
pub.
09/12/2022
numac
2022034363
source
service public federal sante publique, securite de la chaine alimentaire et environnement
Loi portant des dispositions diverses en matière de soins de santé
fermer « portant des dispositions diverses en matière de santé », introduite par la SA « Timani ».
La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, et des juges T. Giet, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache et W. Verrijdt, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président L. Lavrysen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la demande et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 3 mars 2023 et parvenue au greffe le 7 mars 2023, la SA « Timani », assistée et représentée par Me J. Talboom et Me J. Claes, avocats au barreau d'Anvers, et par Me S. Verbist, avocat au barreau du Limbourg, a introduit une demande de suspension des articles 11 et 12 de la loi du 29 novembre 2022Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/11/2022 pub. 09/12/2022 numac 2022034396 source service public federal sante publique, securite de la chaine alimentaire et environnement Loi portant des dispositions diverses en matière de santé type loi prom. 29/11/2022 pub. 09/12/2022 numac 2022034363 source service public federal sante publique, securite de la chaine alimentaire et environnement Loi portant des dispositions diverses en matière de soins de santé fermer « portant des dispositions diverses en matière de santé » (publiée au Moniteur belge du 9 décembre 2022, deuxième édition).
Par la même requête, la partie requérante demande également l'annulation des mêmes dispositions légales. (...) III. En droit (...) Quant aux dispositions attaquées B.1.1. Le recours en annulation et la demande de suspension concernent l'interdiction de vente de produits de tabac au moyen de distributeurs automatiques.
B.1.2. Cette interdiction a été introduite par l'article 11, attaqué, de la loi du 29 novembre 2022Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/11/2022 pub. 09/12/2022 numac 2022034396 source service public federal sante publique, securite de la chaine alimentaire et environnement Loi portant des dispositions diverses en matière de santé type loi prom. 29/11/2022 pub. 09/12/2022 numac 2022034363 source service public federal sante publique, securite de la chaine alimentaire et environnement Loi portant des dispositions diverses en matière de soins de santé fermer « portant des dispositions diverses en matière de santé » (ci-après : la loi du 29 novembre 2022Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/11/2022 pub. 09/12/2022 numac 2022034396 source service public federal sante publique, securite de la chaine alimentaire et environnement Loi portant des dispositions diverses en matière de santé type loi prom. 29/11/2022 pub. 09/12/2022 numac 2022034363 source service public federal sante publique, securite de la chaine alimentaire et environnement Loi portant des dispositions diverses en matière de soins de santé fermer), publiée au Moniteur belge du 9 décembre 2022. Cette disposition insère, dans l'article 6 de la loi du 24 janvier 1977Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/01/1977 pub. 28/03/2023 numac 2023040887 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la santé des consommateurs en ce qui concerne les denrées alimentaires et les autres produits. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer « relative à la protection de la santé des consommateurs en ce qui concerne les denrées alimentaires et les autres produits », un paragraphe 4/1, qui dispose : « Il est interdit de mettre dans le commerce des produits de tabac au moyen d'appareils automatiques de distribution, sauf par le biais de ventes semi-automatisées dans les commerces de détail où le contrôle de l'âge est effectué à la caisse et à condition que les produits de tabac soient hors de vue ».
En vertu de l'article 12, attaqué, de la loi du 29 novembre 2022Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/11/2022 pub. 09/12/2022 numac 2022034396 source service public federal sante publique, securite de la chaine alimentaire et environnement Loi portant des dispositions diverses en matière de santé type loi prom. 29/11/2022 pub. 09/12/2022 numac 2022034363 source service public federal sante publique, securite de la chaine alimentaire et environnement Loi portant des dispositions diverses en matière de soins de santé fermer, l'interdiction entrera en vigueur un an après la publication au Moniteur belge, à savoir le 9 décembre 2023.
B.2.1. L'exposé des motifs de la loi du 29 novembre 2022Documents pertinents retrouvés type loi prom. 29/11/2022 pub. 09/12/2022 numac 2022034396 source service public federal sante publique, securite de la chaine alimentaire et environnement Loi portant des dispositions diverses en matière de santé type loi prom. 29/11/2022 pub. 09/12/2022 numac 2022034363 source service public federal sante publique, securite de la chaine alimentaire et environnement Loi portant des dispositions diverses en matière de soins de santé fermer mentionne : « Interdiction de vente au moyen de distributeurs automatiques Le tabac est aujourd'hui disponible et présent partout. Le Conseil supérieur de la santé (CSS) indiquait déjà en 2015 dans un avis que ni le tabac, ni les cigarettes électroniques ne devraient être vendus librement et aisément, par exemple à la caisse des supermarchés ou dans d'autres lieux facilement accessibles au grand public et, plus particulièrement, aux non-fumeurs. En ce qui concerne le tabac, le CSS estime que les points de vente devraient être limités aux débits de tabac et aux marchands de journaux, et qu'une interdiction de publicité et d'étalage devrait être mise en place. L'interdiction de la publicité a déjà été rendue plus stricte.
Cette modification de la loi franchit une nouvelle étape en interdisant la vente de produits de tabac par le biais de distributeurs automatiques, dans le double but de mieux faire respecter l'interdiction de vente aux mineurs et de réduire la disponibilité des produits de tabac.
Par souci de clarté, on entend par produits de tabac : les produits à base de tabac, tels que les produits classiques bien connus (cigarettes, cigares, etc.), mais aussi les produits similaires, tels que les e-cigarettes, les e-liquides, les nouveaux types de produits, les produits à fumer à base de plantes (les sachets de nicotine, etc.).
Par distributeur automatique, on entend les automates de tabac que l'on voit dans la rue, par exemple dans les gares et les restaurants.
Premièrement, l'utilisation du système actuel de verrouillage de ces distributeurs automatiques, qui doit garantir l'interdiction de la vente de ces produits aux jeunes de moins de dix-huit ans, est souvent source de problèmes. Une infraction souvent constatée concerne l'absence de verrouillage effectif; les pièces nécessaires pour les déverrouiller, aussi appelées age coins, étant accessibles à tous et à portée de main.
En outre, ces distributeurs sont souvent installés à des endroits visités durant la nuit ou fréquentés par les jeunes, ce qui assure la grande disponibilité des produits de tabac (et nuit à la santé publique) » (Doc. parl, Chambre, 2021-2022, DOC 55-2896/001, p. 8).
En ce qui concerne l'exception à l'égard des commerces de détail, l'exposé des motifs indique : « Les appareils ou systèmes qui ne sont pas visés sont ceux qui sont souvent utilisés dans les supermarchés. Cette façon de travailler présente plusieurs avantages. 1. Les produits de tabac sont presque totalement soustraits à la vue du consommateur.2. L'achat proprement dit se déroule en plusieurs étapes, un contrôle de l'âge par la caissière étant possible au moment du passage en caisse des produits de tabac.3. Cette méthode d'achat est également moins impulsive car elle est moins sensible aux facteurs sociaux et environnementaux propres au mode de consommation du fumeur dépendant.Cela contraste, par exemple, avec les distributeurs automatiques situés dans les restaurants ou les stations-service, des endroits qui peuvent constituer pour le fumeur une incitation environnementale claire à consommer du tabac.
L'intention ne peut être d'interdire ces systèmes, car cela pourrait même conduire à ce que les produits soient à nouveau exposés de manière visible au niveau des caisses. Une exception est donc prévue pour les ventes semi-automatiques et il est explicitement indiqué qu'un contrôle de l'âge doit avoir lieu à la caisse et que les produits de tabac doivent être retirés de la vue. Comme de plus en plus de magasins travaillent avec un système de self-scan, il est important qu'un contrôle de l'âge soit effectué ici aussi. Un simple clic sur l'écran pour confirmer son âge n'est donc pas suffisant.
L'exception ne s'applique qu'au commerce de détail. Dans la version soumise au Conseil d'Etat, il y avait encore une restriction supplémentaire, à savoir le commerce de détail dans les magasins non spécialisés. Sur avis du Conseil d'Etat, il a été décidé de le réviser. Les magasins spécialisés sont également autorisés à utiliser un système semi-automatique, en tenant compte bien sûr des conditions mentionnées ci-dessus (vérification de l'âge + hors de vue).
Le secteur de la restauration n'est pas inclus dans le concept de commerce de détail.
La vente de tabac à l'aide de distributeurs automatiques est déjà interdite dans plusieurs Etats membres de l'Union européenne, par exemple au Royaume-Uni [sic], en France, en Finlande, en Norvège [sic] et en Hongrie » (ibid., p. 9).
B.2.2. En commission de la Chambre, le ministre des Affaires sociales et de la Santé publique a déclaré : « Une exception est prévue pour les ventes semi-automatiques aux caisses des supermarchés. En cas d'utilisation de ces appareils, la vente est réalisée par le caissier et, après le paiement, le client retire le produit de l'appareil automatique. Ce cas de figure permet un contrôle de l'âge. Il ne s'agit donc pas d'un contexte permettant des achats impulsifs qui, dans d'autres circonstances, n'auraient pas été effectués. On procédera plus vite à un achat impulsif lors d'une sortie dans un établissement horeca ou dans une station-service.
L'interdiction entrera en vigueur un an après la date de sa publication au Moniteur belge » (Doc. parl., Chambre, 2022-2023, DOC 55-2896/003, p. 6). « Le ministre explique pour quel motif les distributeurs automatiques de cigarettes seront interdits dans l'horeca. Le système de verrouillage dont les distributeurs doivent disposer présente souvent un problème. Les age coins sont souvent mis à la disposition de tous indépendamment de l'âge. Le ministre reconnaît que le contrôle de l'âge n'est pas non plus toujours optimal dans les supermarchés. Dans l'horeca, les distributeurs automatiques sont toutefois installés dans des endroits où il n'est pas possible d'effectuer un contrôle et où il n'y a pas non plus de contrôle social » (ibid., p. 16). « Le vice-premier ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique précise que les mesures afférentes aux produits de tabac ont bien fait l'objet d'une concertation.
Le ministre est convaincu que le contrôle social est plus important dans les supermarchés que dans les établissements horeca. Il souligne par ailleurs qu'une période de transition suffisamment longue a été fixée pour permettre au secteur de l'horeca de procéder aux adaptations nécessaires » (Doc. parl., Chambre, 2022-2023, DOC 55-2896/005, p. 5).
Quant à la recevabilité B.3.1. Le Conseil des ministres fait valoir que la partie requérante ne dispose pas de l'intérêt requis et que le recours est dès lors irrecevable.
B.3.2. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme attaquée.
B.3.3. L'examen limité de la recevabilité du recours en annulation auquel la Cour a pu procéder dans le cadre de la demande de suspension ne fait pas apparaître que le recours en annulation - et donc la demande de suspension - doive être considéré comme irrecevable à défaut d'intérêt.
La partie requérante distribue et exploite en effet des distributeurs automatiques de tabac dans des établissements horeca. Elle peut donc être affectée directement et défavorablement par les dispositions attaquées, qui interdisent la vente de produits de tabac au moyen de tels appareils automatiques. La circonstance que la partie requérante, ainsi que le fait valoir le Conseil des ministres, exercerait aussi d'autres activités n'y change rien.
Quant aux conditions de la suspension B.4. Aux termes de l'article 20, 1°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, deux conditions de fond doivent être remplies pour que la suspension puisse être décidée : - des moyens sérieux doivent être invoqués; - l'exécution immédiate de la règle attaquée doit risquer de causer un préjudice grave difficilement réparable.
Les deux conditions étant cumulatives, la constatation que l'une de ces deux conditions n'est pas remplie entraîne le rejet de la demande de suspension.
B.5. Il ressort de l'article 22 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 que, pour satisfaire à la seconde condition de l'article 20, 1°, de cette loi, la personne qui forme une demande de suspension doit exposer, dans sa requête, des faits concrets et précis qui prouvent à suffisance que l'application immédiate des dispositions dont elle demande l'annulation risque de lui causer un préjudice grave difficilement réparable, qui ne pourrait être réparé ou qui pourrait difficilement l'être en cas d'annulation de ces normes.
Cette personne doit notamment faire la démonstration de l'existence du risque de préjudice, de sa gravité et de son lien avec l'application des dispositions attaquées.
B.6.1. La partie requérante est une entreprise qui distribue et exploite des distributeurs automatiques de tabac dans des établissements horeca. Elle soutient que l'interdiction attaquée rend ses activités impossibles et qu'en conséquence, elle s'exposera à des préjudices financiers graves qui peuvent même compromettre sa pérennité.
B.6.2. Comme la Cour l'a déjà rappelé plusieurs fois, le simple risque de subir une perte financière ne constitue pas, en principe, un risque de préjudice grave difficilement réparable (voy. notamment l'arrêt n° 21/2020 du 6 février 2020, ECLI:BE:GHCC:2020:ARR.021, B.7.3, l'arrêt n° 10/2022 du 20 janvier 2022, ECLI:BE:GHCC:2022:ARR.010, B.16.2, et l'arrêt n° 74/2022 du 25 mai 2022, ECLI:BE:GHCC:2022:ARR.074, B.7). Un préjudice financier allégué n'est irréparable que si la partie requérante démontre que les dispositions attaquées hypothèquent sa viabilité à court terme.
B.6.3. La partie requérante joint à sa requête un calcul, effectué par un expert-comptable, « des pertes financières en cas de cessation de l'activité ». Ce calcul, qui est par ailleurs extrêmement sommaire, concerne la « moins-value sur les stocks », la « perte de valeur de tous les investissements réalisés » et les coûts « d'enlèvement et de destruction des distributeurs automatiques de tabac ». La partie requérante fait également référence aux coûts qui sont liés au licenciement des membres de son personnel.
B.6.4. S'il peut être admis que l'interdiction attaquée aura des répercussions financières importantes pour la partie requérante, celle-ci ne mentionne pas, dans sa requête, de données dont il ressort que, dans l'attente du prononcé sur le recours en annulation, l'application des dispositions attaquées compromettrait effectivement sa pérennité.
Les données précitées ne permettent en effet pas de connaître le chiffre d'affaires total de la partie requérante ou les moyens financiers dont elle dispose pour compenser les pertes de revenus éventuelles durant une période déterminée. La Cour est également dans l'impossibilité de déduire de ces données si, outre la distribution et l'exploitation de distributeurs automatiques de tabac, la partie requérante exerce d'autres activités et, le cas échéant, les proportions que représentent les recettes provenant de ces différentes activités les unes vis-à -vis des autres. Cependant, l'objet social de la partie requérante, tel qu'il est défini dans les statuts, ne l'autorise pas uniquement à faire le commerce « du tabac, des cigares, des cigarettes et des articles de tabac », mais également « des confiseries », « des livres », « des magazines », « des imprimés », « des articles cadeaux », « de la papeterie », « des fournitures de bureau » et « des petites collations ». Le site internet de la partie requérante mentionne en outre qu'elle propose, en plus « des cigarettes et des produits de tabac », « un large assortiment de produits horeca ». En ce que la partie requérante fait valoir lors de l'audience qu'elle a entre-temps arrêté de livrer des confiseries et des produits de tabac, il suffit de constater que ni la requête ni les pièces y annexées ne permettent de déduire que la distribution et l'exploitation de distributeurs automatiques de tabac dans les établissements horeca constituent véritablement sa seule activité.
Par ailleurs, l'interdiction attaquée n'entre pas en vigueur immédiatement, mais seulement le 9 décembre 2023. Contrairement à ce que suppose la partie requérante, il n'est pas requis qu'elle ait déjà retiré à cette date tous les distributeurs automatiques de tabac qui se trouvent dans les établissements horeca de sa clientèle. Rien n'empêche la partie requérante de continuer à mettre dans le commerce des produits de tabac au moyen de tels distributeurs automatiques, aussi longtemps que l'interdiction attaquée n'est pas entrée en vigueur. Les dispositions attaquées n'empêchent pas non plus que la partie requérante se limite, dans la période entre le 9 décembre 2023 et le prononcé sur le recours en annulation, à mettre hors service ses distributeurs automatiques de tabac, sans enlever ou détruire ceux-ci.
B.7. Il ressort de ce qui précède que le risque de préjudice grave difficilement réparable n'est pas démontré.
B.8. Dès lors qu'une des conditions de fond pour que la suspension puisse être décidée n'est pas remplie, il y a lieu de rejeter la demande de suspension.
Par ces motifs, la Cour rejette la demande de suspension.
Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 15 juin 2023 Le greffier, F. Meersschaut.
Le président, L. Lavrysen