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Arrêt
publié le 26 juillet 2023

Extrait de l'arrêt n° 161/2022 du 8 décembre 2022 Numéro du rôle : 7601 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 186, § 1 er , alinéa 7, du Code judiciaire, posées par le Conseil d'Etat. La Cour constitut composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges T. Giet, J. Moerman, D. Pieters, E. (...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 161/2022 du 8 décembre 2022 Numéro du rôle : 7601 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 186, § 1er, alinéa 7, du Code judiciaire, posées par le Conseil d'Etat.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges T. Giet, J. Moerman, D. Pieters, E. Bribosia et W. Verrijdt, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président P. Nihoul, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par l'arrêt n° 250.617 du 18 mai 2021, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 15 juin 2021, le Conseil d'Etat a posé les questions préjudicielles suivantes : « 1. L'article 186, § 1er, alinéa 7, du Code judiciaire, est-il contraire aux articles 13 et 23, alinéa 3, 2°, de la Constitution, le cas échéant combiné avec les articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et avec l'article 47-1 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, en ce qu'il serait lu comme ne s'appliquant qu'au règlement de répartition des affaires rendant une seule division exclusivement compétente pour certaines catégories d'affaires et non deux ou trois divisions au sein d'un très grand arrondissement judiciaire ? 2. L'article 186, § 1er, alinéa 7, du Code judiciaire tel que modifié par la loi du 11 août 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 11/08/2017 pub. 11/09/2017 numac 2017012998 source service public federal justice Loi portant insertion du Livre XX "Insolvabilité des entreprises", dans le Code de droit économique, et portant insertion des définitions propres au livre XX, et des dispositions d'application au Livre XX, dans le Livre I du Code de droit économique fermer portant insertion du Livre XX ` Insolvabilité des entreprises ', dans le Code de droit économique, et portant insertion des définitions propres au livre XX, dans le Livre I du Code de droit économique, en ce qu'il permet l'octroi exclusif ` des actions et contestations qui découlent directement des procédures d'insolvabilité visées au Livre XX du Code de droit économique et dont les éléments de solution résident dans le droit particulier qui concernent le régime des procédures d'insolvabilité ', est-il contraire aux articles 13 et 23, alinéa 3, 2°, de la Constitution, le cas échéant combiné avec les articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et avec l'article 47-1 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ? ». (...) III. En droit (...) Quant à la disposition en cause et à son contexte B.1.1. L'article 186 du Code judiciaire, tel qu'il a été modifié par la loi du 11 août 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 11/08/2017 pub. 11/09/2017 numac 2017012998 source service public federal justice Loi portant insertion du Livre XX "Insolvabilité des entreprises", dans le Code de droit économique, et portant insertion des définitions propres au livre XX, et des dispositions d'application au Livre XX, dans le Livre I du Code de droit économique fermer « portant insertion du Livre XX ` Insolvabilité des entreprises ', dans le Code de droit économique, et portant insertion des définitions propres au livre XX, et des dispositions d'application au livre XX dans le livre I du Code de droit économique » (ci-après : la loi du 11 août 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 11/08/2017 pub. 11/09/2017 numac 2017012998 source service public federal justice Loi portant insertion du Livre XX "Insolvabilité des entreprises", dans le Code de droit économique, et portant insertion des définitions propres au livre XX, et des dispositions d'application au Livre XX, dans le Livre I du Code de droit économique fermer), dispose : « § 1er. Le siège des cours et tribunaux ainsi que le territoire sur lequel s'exerce leur juridiction est déterminé ainsi qu'il est dit aux articles de l'annexe au présent code.

Le Roi peut, par règlement de répartition des affaires dans un arrêté délibéré en Conseil des ministres, répartir en deux ou plusieurs divisions les cours d'appel, les cours du travail, les tribunaux de première instance, les tribunaux du travail, les tribunaux de commerce et les tribunaux de police, et déterminer les lieux où sont établis leur siège et leur greffe.

Le cas échéant, Il détermine le territoire de chaque division et les catégories d'affaires pour lesquelles cette division exerce sa juridiction. Le règlement de répartition des affaires peut étendre la compétence territoriale de la division à une partie ou à l'ensemble du territoire de l'arrondissement. Il ne peut en aucun cas avoir pour effet de supprimer des lieux d'audiences existants. [...] Le règlement de répartition des affaires du tribunal est établi sur proposition du président, après avis, selon le cas, du procureur du Roi, de l'auditeur du travail, du greffier en chef et du ou des bâtonniers de l'Ordre ou des Ordres des avocats. [...] Si le Roi, par règlement de répartition des affaires, rend une division exclusivement compétente pour certaines catégories d'affaires, Il veille à ce que l'accès à la justice et la qualité du service restent garantis. Le règlement qui rend une division exclusivement compétente ne peut porter, en matière civile, que sur les matières visées : [...] b) pour le tribunal de commerce : aux articles 573, 2°, 574, 2°, 3°, 4°, 7°, 8°, 9°, 11° à 19°, 575, 576 et 577; [...] § 2. Le dépôt de pièces au greffe en vue de la saisine et du traitement des affaires qui sont attribuées, conformément au paragraphe 1er, à une division en vertu d'un règlement de répartition des affaires, peut avoir lieu dans chaque division du tribunal compétent. Les pièces sont transmises par le greffe à la division compétente et le greffier informe les parties qui ont déposé les pièces de la division qui est compétente. [...] ».

B.1.2. La Cour examine la disposition en cause dans cette version, qui est applicable au litige porté devant la juridiction a quo.

B.1.3. L'article 252 de la loi du 15 avril 2018Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/04/2018 pub. 27/04/2018 numac 2018011795 source service public federal justice Loi portant réforme du droit des entreprises fermer « portant réforme du droit des entreprises » a remplacé la dénomination « tribunal de commerce » par la dénomination « tribunal de l'entreprise ».

La Cour se réfère dès lors à cette dénomination.

B.1.4. La disposition en cause s'inscrit dans le contexte de l'agrandissement des arrondissements judiciaires, qui résulte de la loi du 1er décembre 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 01/12/2013 pub. 10/12/2013 numac 2013009534 source service public federal justice Loi portant réforme des arrondissements judiciaires et modifiant le Code judiciaire en vue de renforcer la mobilité des membres de l'ordre judiciaire fermer « portant réforme des arrondissements judiciaires et modifiant le Code judiciaire en vue de renforcer la mobilité des membres de l'ordre judiciaire » (ci-après : la loi du 1er décembre 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 01/12/2013 pub. 10/12/2013 numac 2013009534 source service public federal justice Loi portant réforme des arrondissements judiciaires et modifiant le Code judiciaire en vue de renforcer la mobilité des membres de l'ordre judiciaire fermer). Depuis qu'il a été modifié par l'article 108 de cette loi, l'article 4, point 11, alinéa 3, de l'annexe « Limites territoriales et siège des cours et tribunaux » du Code judiciaire prévoit que le Tribunal de l'entreprise de Liège exerce sa juridiction dans les arrondissements de Liège, de Luxembourg et de Namur. Ce territoire correspond au ressort de la Cour d'appel de Liège. Les points 8, alinéa 1er, 10, alinéa 1er, et 11, alinéa 1er, du même article déterminent les cantons judiciaires qui composent, respectivement, les trois arrondissements précités. Les limites territoriales de ces cantons sont définies respectivement aux articles M8, M9 et M10 de l'annexe au Code judiciaire.

B.1.5. La disposition en cause, les autres alinéas de l'article 186, § 1er, du Code judiciaire, le paragraphe 2 de cet article et les dispositions précitées de l'annexe du même Code forment un ensemble cohérent.

La Cour examine en conséquence la compatibilité de l'article 186, § 1er, alinéa 7, du Code judiciaire avec les normes de référence visées dans la question préjudicielle, dans le cadre d'une lecture combinée avec les dispositions précitées.

B.2. Le litige dont est saisie la juridiction a quo porte sur la régularité de l'arrêté royal du 18 mars 2018 « fixant le règlement de répartition des affaires du tribunal de l'entreprise de Liège et modifiant l'arrêté royal du 14 mars 2014 relatif à la répartition en divisions des cours du travail, des tribunaux de première instance, des tribunaux du travail, des tribunaux de l'entreprise et des tribunaux de police » (ci-après : l'arrêté royal du 18 mars 2018), lequel a été pris en vertu de l'article 186, § 1er, du Code judiciaire.

B.3.1. L'arrêté royal du 18 mars 2018 répartit le Tribunal de l'entreprise de Liège en huit divisions. Chacune de ces divisions exerce sa juridiction sur un territoire déterminé par l'arrêté (article 1er).

B.3.2. Seules les divisions de Liège, pour l'arrondissement judiciaire de Liège, de Neufchâteau, pour l'arrondissement judiciaire du Luxembourg, et de Namur, pour l'arrondissement judiciaire de Namur, sont compétentes pour les procédures qui sont visées au Livre XX (« Insolvabilité des entreprises ») du Code de droit économique, et dont les éléments de solution résident dans le droit particulier qui concerne le régime des procédures d'insolvabilité. Ces trois divisions sont également les seules compétentes pour les procédures relatives à la liquidation des sociétés simples, des sociétés momentanées et des sociétés internes, visées au Livre III, Titre IV, du Code des sociétés, et à la dissolution et à la liquidation des personnes morales, visées au Livre IV, Titre IX, du même Code, ou y trouvant leur solution, introduites à partir du 1er mai 2018, ainsi que pour les prestations de serment (article 2).

B.3.3. Toutefois, les auditions par le juge-commissaire dans les faillites, par le juge délégué dans les réorganisations judiciaires et par le juge rapporteur dans l'examen des entreprises en difficulté ont lieu dans chaque division, selon la compétence territoriale de celle-ci (article 3).

B.4. Les questions préjudicielles reposent sur l'interprétation de l'article 186, § 1er, alinéa 7, du Code judiciaire selon laquelle celui-ci ne s'applique que dans l'hypothèse où le Roi, par un règlement de répartition des affaires, rend une seule division exclusivement compétente pour certaines catégories d'affaires.

B.5. Il appartient, en règle, à la juridiction a quo d'interpréter les dispositions qu'elle applique, sous réserve d'une lecture manifestement erronée de la disposition en cause, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

La Cour examine donc la disposition en cause dans l'interprétation soumise par la juridiction a quo.

Quant au fond En ce qui concerne la première question préjudicielle B.6.1. La première question préjudicielle porte sur la compatibilité de l'article 186, § 1er, alinéa 7, du Code judiciaire avec les articles 13 et 23, alinéa 3, 2°, de la Constitution, lus en combinaison ou non avec les articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dans l'interprétation selon laquelle il s'applique uniquement au règlement de répartition des affaires rendant exclusivement compétente pour certaines catégories d'affaires une seule division et non deux ou trois divisions, au sein d'un très grand arrondissement judiciaire.

B.6.2. Il ressort de l'arrêt de renvoi que l'Ordre des barreaux francophones et germanophone, partie requérante devant la juridiction a quo, estime que la limitation du champ d'application de la disposition en cause à l'hypothèse d'une centralisation auprès d'une seule division du tribunal de l'entreprise de la compétence exclusive de connaître d'une catégorie d'affaires serait susceptible de violer doublement les normes de référence visées dans la question préjudicielle.

Premièrement, la disposition en cause prévoit que, si le Roi rend une division exclusivement compétente pour certaines catégories d'affaires, Il veille à ce que l'accès à la justice et la qualité du service restent garantis, alors que de telles garanties ne sont pas explicitement prévues lorsque le Roi attribue la même compétence à deux ou trois divisions.

Deuxièmement, la centralisation auprès d'une seule division ne peut être opérée que dans certaines matières limitativement énumérées par la disposition en cause. Cette restriction n'est pas applicable lorsque le Roi centralise auprès de deux ou trois divisions la compétence exclusive de connaître d'une catégorie d'affaires. Il en résulte que l'ensemble des compétences du tribunal de l'entreprise pourraient être centralisées auprès de deux ou trois divisions. Il s'ensuit également qu'au sein d'un grand ressort territorial, tel celui du Tribunal de l'entreprise de Liège, certaines compétences pourraient être centralisées auprès de deux ou trois divisions, alors que cela reviendrait au même, pour ce qui est des distances à parcourir, que la centralisation auprès d'une seule division au sein de ressorts territoriaux moins étendus.

B.6.3. L'arrêté royal du 18 mars 2018 rend trois divisions du Tribunal de l'entreprise de Liège exclusivement compétentes pour certaines catégories d'affaires.

La Cour limite dès lors son examen à cette hypothèse.

B.7.1. L'article 13 de la Constitution consacre un droit d'accès au juge compétent. Le droit d'accès au juge est également garanti par les articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.7.2. L'article 23 de la Constitution prévoit le droit à l'aide juridique.

B.8. L'arrêté royal du 18 mars 2018 a été pris sur le fondement de l'article 186, § 1er, alinéas 2 et 3, du Code judiciaire.

L'article 186, § 1er, alinéa 3, du Code judiciaire habilite le Roi à centraliser auprès d'une ou de plusieurs divisions du tribunal de l'entreprise la compétence exclusive de connaître d'une catégorie d'affaires, tandis que le paragraphe 1er, alinéa 7, du même article, tel qu'il est interprété par la juridiction a quo, vise uniquement l'hypothèse dans laquelle le Roi centralise auprès d'une seule division la compétence de connaître d'une catégorie d'affaires. Dans cette hypothèse, la disposition en cause impose que l'attribution d'une compétence exclusive porte sur l'une des matières énumérées et que l'accès à la justice et la qualité du service restent garantis.

L'arrêté royal du 18 mars 2018 attribue la compétence exclusive de connaître de certaines catégories d'affaires à trois divisions du Tribunal de l'entreprise de Liège, et non à une seule de ces divisions, de sorte que l'article 186, § 1er, alinéa 7, du Code judiciaire ne s'applique pas.

B.9.1. La Cour est toutefois interrogée sur la constitutionnalité de la restriction du champ d'application de la disposition en cause à l'hypothèse de la centralisation auprès d'une seule division du tribunal de l'entreprise de la compétence exclusive de connaître d'une catégorie d'affaires.

B.9.2. Le législateur a pu estimer qu'il ne s'imposait pas d'énumérer limitativement les matières dans lesquelles le Roi pouvait rendre trois divisions du tribunal de l'entreprise exclusivement compétentes à l'instar de ce que prévoit la disposition en cause pour l'attribution d'une compétence exclusive à une seule division de ce tribunal.

En effet, il n'est pas déraisonnable de considérer qu'aucune des matières qui relèvent de la compétence du tribunal de l'entreprise n'est, par essence, insusceptible d'une centralisation auprès de trois divisions de ce tribunal. Il s'ensuit que le législateur a pu habiliter le Roi à opérer une centralisation auprès de trois divisions dans chacune de ces matières.

B.9.3. En outre, la différence de traitement, décrite en B.6.2, entre les justiciables qui sont jugés dans le ressort du Tribunal de l'entreprise de Liège et les justiciables qui sont jugés dans d'autres ressorts, moins étendus, résulte tant du choix du législateur d'étendre la compétence territoriale du Tribunal de l'entreprise de Liège aux arrondissements de Namur et de Luxembourg que de la détermination, par l'arrêté royal du 18 mars 2018, du nombre de divisions de ce Tribunal et de l'étendue du territoire sur lequel elles exercent leur juridiction.

Comme il est dit en B.1.4 et B.1.5, les limites du ressort du Tribunal de l'entreprise sont déterminées à l'article 4, point 11, alinéa 3, de l'annexe au Code judiciaire, qui forme avec la disposition en cause un ensemble cohérent.

Eu égard à la densité de la population, il n'est pas déraisonnable d'avoir rendu le Tribunal de l'entreprise de Liège compétent pour les arrondissements judiciaires de Namur et de Luxembourg.

B.9.4. De surcroît, il ressort des travaux préparatoires de la loi du 1er décembre 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 01/12/2013 pub. 10/12/2013 numac 2013009534 source service public federal justice Loi portant réforme des arrondissements judiciaires et modifiant le Code judiciaire en vue de renforcer la mobilité des membres de l'ordre judiciaire fermer que l'agrandissement du ressort territorial des juridictions n'a pas pour objectif la réduction généralisée du nombre de sites de justice. Le législateur avait pour but de favoriser une meilleure affectation des magistrats et du personnel judiciaire au sein des divisions d'une juridiction en fonction de la charge de travail et de la spécialisation. En effet, « le personnel d'un endroit où il y a relativement moins d'activité peut temporairement être affecté ailleurs, là où les besoins sont grands. [...] Cette mobilité sera développée en fonction d'une meilleure gestion des ressources humaines sans pour autant porter préjudice aux services locaux fournis au public » (Doc. parl., Chambre, 2012-2013, DOC 53-2858/001, p. 8).

A cet égard, le Roi est chargé de répartir en plusieurs divisions les juridictions concernées par la réforme, en ayant égard à la volonté du législateur selon laquelle « le service de base doit être fourni dans toutes les divisions, mais [...] les tribunaux doivent pouvoir concentrer certaines affaires, souvent spécialisées dans une seule division » (ibid. p. 13).

B.9.5. Il appartient au Roi de déterminer le nombre de divisions du Tribunal de l'entreprise de Liège et le territoire sur lequel elles exercent leur juridiction de manière telle que les justiciables qui sont jugés dans le ressort de ce Tribunal ne soient pas discriminés par rapport aux justiciables qui sont jugés dans les autres ressorts.

Il Lui incombe également de s'assurer que l'attribution d'une compétence, par son ampleur, ne porte pas atteinte au droit d'accès au juge ni au droit à l'aide juridique, eu égard, notamment, aux compétences qu'Il aurait déjà centralisées auprès d'une ou de plusieurs divisions du tribunal de l'entreprise et de la taille du territoire sur lequel celles-ci exercent leur juridiction.

En effet, s'il est vrai que la disposition en cause ne s'applique pas aux règlements de répartition des affaires qui attribuent la compétence exclusive de connaître de certaines affaires à trois divisions plutôt qu'à une seule, l'on ne saurait pour autant en déduire, a contrario, que le droit d'accès au juge et le droit à l'aide juridique ne devraient pas être garantis lorsque l'attribution de compétence est opérée en faveur de plus d'une division, et ce, quelle que soit la matière concernée.

Le législateur comme le Roi doivent garantir le respect de ces droits, sans qu'il soit nécessaire que la loi le prévoie explicitement. En outre, la délégation conférée au Roi ne L'autorise pas à méconnaître la Constitution dans l'exercice de la compétence qui Lui a été attribuée.

B.9.6. Il appartient dès lors au Conseil d'Etat de déterminer si l'arrêté royal du 18 mars 2018 porte atteinte au droit fondamental à l'aide juridique. Il lui revient également d'apprécier si l'arrêté précité apporte des garanties suffisantes en ce qui concerne le droit d'accès à la justice, notamment pour les personnes handicapées ou pour les personnes dont l'avocat est porteur d'un handicap.

En ce qui concerne la seconde question préjudicielle B.10. La seconde question préjudicielle porte sur la compatibilité de l'article 186, § 1er, alinéa 7, tel qu'il a été modifié par la loi du 11 août 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 11/08/2017 pub. 11/09/2017 numac 2017012998 source service public federal justice Loi portant insertion du Livre XX "Insolvabilité des entreprises", dans le Code de droit économique, et portant insertion des définitions propres au livre XX, et des dispositions d'application au Livre XX, dans le Livre I du Code de droit économique fermer, avec les articles 13 et 23, alinéa 3, 2°, de la Constitution, lus en combinaison ou non avec les articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce qu'il permet de rendre une seule division exclusivement compétente pour les actions et contestations qui découlent directement des procédures d'insolvabilité visées au Livre XX du Code de droit économique et dont les éléments de solution résident dans le droit particulier qui concerne le régime des procédures d'insolvabilité.

B.11. Il ressort des développements relatifs à la première question préjudicielle que la disposition en cause n'est pas applicable lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, le Roi attribue la compétence exclusive de connaître de certaines affaires à trois divisions du tribunal de l'entreprise.

L'éventuel constat d'inconstitutionnalité de la disposition en cause ne saurait dès lors avoir une incidence quant à la régularité de l'arrêté royal du 18 mars 2018, puisque ce dernier ne fait pas application de la disposition précitée.

B.12. Il s'ensuit que la réponse à la seconde question préjudicielle n'est manifestement pas utile à la solution du litige.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : - L'article 186, § 1er, alinéa 7, du Code judiciaire, interprété comme ne s'appliquant qu'au règlement de répartition des affaires rendant exclusivement compétente pour certaines catégories d'affaires une seule division et non deux ou trois divisions au sein d'un très grand arrondissement judiciaire, ne viole pas les articles 13 et 23, alinéa 3, 2°, de la Constitution, lus en combinaison ou non avec les articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme. - La seconde question préjudicielle n'appelle pas de réponse.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 8 décembre 2022.

Le greffier, Le président, F. Meersschaut P. Nihoul

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