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Arrêt
publié le 25 août 2023

Extrait de l'arrêt n° 1/2023 du 12 janvier 2023 Numéro du rôle : 7620 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 27 et 72 de la loi du 15 décembre 1980 « sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloigneme La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges T. Gie(...)

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Extrait de l'arrêt n° 1/2023 du 12 janvier 2023 Numéro du rôle : 7620 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 27 et 72 de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer « sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers », posées par le Tribunal de première instance francophone de Bruxelles.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges T. Giet, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache, T. Detienne, D. Pieters, S. de Bethune, E. Bribosia, W. Verrijdt et K. Jadin, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président P. Nihoul, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par jugement du 2 juillet 2021, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 4 août 2021, le Tribunal de première instance francophone de Bruxelles a posé les questions préjudicielles suivantes : « 1. Dans l'interprétation selon laquelle il n'implique pas l'application de l'article 31, § 3 de la loi du 20 juillet 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/1990 pub. 02/12/2010 numac 2010000669 source service public federal interieur Loi relative à la détention préventive Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à la détention préventive au pourvoi en cassation introduit contre l'arrêt de la chambre des mises en accusation statuant en matière de privation de liberté administrative d'un étranger, l'article 72, alinéa 4 de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer viole-t-i1 les articles 10 et 11 de la Constitution lus en combinaison avec les articles 5, § 4, et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, en ce qu'il crée une différence de traitement injustifiée entre un justiciable privé de liberté dans le cadre d'une détention préventive et un étranger en séjour illégal privé de liberté dans le cadre d'une détention administrative en application de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer ? 2. Dans l'interprétation selon laquelle il autorise l'adoption d'une nouvelle décision de privation de liberté se substituant à une décision de prolongation de détention et ayant pour triple effet de : - rendre sans objet le recours judiciaire portant sur la légalité de l'ancien titre de privation de liberté; - mettre à néant la durée de détention déjà encourue et, partant, prolonger de manière imprévisible le délai de détention; - soustraire l'étranger aux garanties reconnues pour les détentions de longue durée, telles que notamment le contrôle mensuel du respect des conditions de détention; l'article 27, § 3 viole-t-il l'article 12 de la Constitution pris isolément ou lu en combinaison avec les articles 5 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ? ». (...) III. En droit (...) Quant à la première question préjudicielle En ce qui concerne la disposition en cause et son contexte B.1.1. L'article 72 de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer « sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers » (ci-après : la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer), qui figure sous le titre III (« Garanties procédurales et voies de recours »), chapitre V (« Recours auprès du pouvoir judiciaire »), dispose : « La chambre du conseil statue dans les cinq jours ouvrables du dépôt de la requête après avoir entendu l'intéressé ou son conseil, le Ministre, son délégué ou son conseil en ses moyens et le ministère public en son avis. Si la chambre du conseil n'a pas statué dans le délai fixé, l'étranger est mis en liberté.

Elle vérifie si les mesures privatives de liberté et d'éloignement du territoire sont conformes à la loi sans pouvoir se prononcer sur leur opportunité.

Les ordonnances de la chambre du conseil sont susceptibles d'appel de la part de l'étranger, du ministère public et du Ministre ou son délégué.

Il est procédé conformément aux dispositions légales relatives à la détention préventive, sauf celles relatives au mandat d'arrêt, au juge d'instruction, à l'interdiction de communiquer, à l'ordonnance de prise de corps, à la mise en liberté provisoire ou sous caution, et au droit de prendre communication du dossier administratif.

Le conseil de l'étranger peut consulter le dossier au greffe du tribunal compétent pendant les deux jours ouvrables qui précèdent l'audience.

Le greffier en donnera avis au conseil par lettre recommandée ».

La question préjudicielle porte plus précisément sur l'alinéa 4 de cette disposition.

B.1.2. Les travaux préparatoires de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer indiquent : « Cet article règle la procédure devant la Chambre du conseil.

Il est prévu notamment que la Chambre du conseil doit statuer dans les cinq jours du dépôt de la requête, et que, si elle n'a pas statué dans ce délai, l'étranger est mis liberté. Cette disposition dont le souci est d'assimiler en l'espèce l'étranger au Belge, s'inspire directement de l'article 4 de la loi du 20 avril 1874 sur la détention préventive.

L'alinéa 2 de l'article délimite le pouvoir de contrôle de la Chambre du conseil qui est de ` vérifier si les mesures privatives de liberté et d'éloignement du territoire sont conformes à la loi '. La Chambre du conseil n'a pas à vérifier si la mesure privative de liberté se justifie, comme souhaitaient les auteurs de l'avant-projet Rolin, car ceci aurait pour effet de porter atteinte au principe de la séparation des pouvoirs.

Dans l'alinéa 3, le projet s'est écarté de la solution de l'article 9, alinéa 2 de la loi du 28 mars 1952, qui exclut l'appel. La référence aux dispositions légales relatives à la détention préventive implique notamment l'application des articles 19 et 20 de la loi du 20 avril 1874 modifiée la loi du 13 mars 1973, mais il est apparu utile de le préciser formellement. Tandis que, pour tenir compte de l'avis du Conseil d'Etat, est précisé qui peut interjeter appel, à savoir l'étranger et le ministère public (art. 72, al. 3).

L'alinéa 4 précise que pour la procédure ` il est procédé conformément aux dispositions légales relatives à la détention préventive, sauf celles relatives au mandat d'arrêt, au juge d'instruction, à l'interdiction de communiquer, l'ordonnance de prise de corps, à la mise en liberté provisoire ou sous caution '. Le Conseil d'Etat (voy. son avis p. 83) estime cette disposition de nature à engendrer des difficultés et aurait souhaité voir organiser la procédure complètement dans la loi.

Le Gouvernement n'a pu suivre une telle conception qui alourdirait considérablement le texte du projet, alors que la référence aux articles des lois, qui seraient applicables en l'espèce, engendrerait le risque d'omissions et la nécessité d+e modifier la loi si des modifications étaient apportées à celles relatives à la détention préventive. En outre, il est à noter d'une part, que le texte proposé par la « Commission Rolin », composée en majorité de juristes, était encore plus large et renvoyait purement et simplement à la loi sur la détention préventive et, d'autre part, que le renvoi, plus large encore, aux dispositions du Code d'instruction criminelle dans l'article 9 de la loi du 28 mars 1952 n'a donné lieu à aucune difficulté d'application.

Enfin, à la question posée par le Conseil d'Etat (voy. son avis, p. 83), s'il ne conviendrait pas, dans l'hypothèse du maintien en détention de l'étranger, de prévoir comme en matière de détention préventive, un examen d'office, soit tous les trois mois, soit tous les six mois, le Gouvernement a répondu par la négative. Il estime que des garanties suffisantes sont accordées à l'étranger par l'alinéa 2 de l'article 71 permettant à l'étranger intéressé de faire recours de mois en mois » (Doc. parl., Chambre, 1974-1975, n° 653/1, pp. 59-60).

B.1.3. L'article 31 de la loi du 20 juillet 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/1990 pub. 02/12/2010 numac 2010000669 source service public federal interieur Loi relative à la détention préventive Coordination officieuse en langue allemande fermer « relative à la détention préventive » (ci-après : la loi du 20 juillet 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/1990 pub. 02/12/2010 numac 2010000669 source service public federal interieur Loi relative à la détention préventive Coordination officieuse en langue allemande fermer), dispose : « CHAPITRE VIII. - Du pourvoi en cassation.

Art. 31.§ 1. Les arrêts et jugements par lesquels la détention préventive est maintenue, sont signifiés à l'inculpé dans les vingt-quatre heures, dans les formes prévues à l'article 18. § 2. Ces décisions ne sont susceptibles d'aucun pourvoi en cassation immédiat, à l'exception des arrêts rendus par la chambre des mises en accusation sur l'appel formé contre les décisions visées à l'article 21, § 1er, alinéa 2, lesquels peuvent faire l'objet d'un pourvoi en cassation dans un délai de vingt-quatre heures qui court à compter du jour où la décision est signifiée à l'inculpé. § 3. Le dossier est transmis au greffe de la Cour de cassation dans les vingt-quatre heures à compter du pourvoi. Les moyens de cassation peuvent être proposés soit dans l'acte de pourvoi, soit dans un écrit déposé à cette occasion, soit dans un mémoire qui doit parvenir au greffe de la Cour de cassation au plus tard le cinquième jour après la date du pourvoi.

La Cour de cassation statue dans un délai de quinze jours à compter de la date du pourvoi, l'inculpé restant en détention. L'inculpé est mis en liberté si l'arrêt n'est pas rendu dans ce délai. § 4. Après un arrêt de cassation avec renvoi, la chambre des mises en accusation à laquelle la cause est renvoyée doit statuer dans les quinze jours à compter du prononcé de l'arrêt de la Cour de cassation, l'inculpé restant entre-temps en détention. Il est mis en liberté si l'arrêt de la chambre des mises en accusation n'est pas rendu dans ce délai.

Pour le surplus, les dispositions de l'article 30, §§ 3 et 4, sont d'application.

Si la juridiction de renvoi maintient la détention préventive, sa décision constitue un titre de détention pour un mois à compter de la décision. § 5. Si le pourvoi en cassation est rejeté, la chambre du conseil doit statuer dans les quinze jours à compter du prononcé de l'arrêt de la Cour de cassation, l'inculpé restant entre-temps en détention. Il est mis en liberté si l'ordonnance de la chambre du conseil n'est pas rendue dans ce délai ».

En ce qui concerne l'interprétation de la disposition en cause B.2.1. Dans l'interprétation soumise par la juridiction a quo, la disposition en cause, en ce qu'elle renvoie « aux dispositions légales relatives à la détention préventive », vise non pas la loi du 20 juillet 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/1990 pub. 02/12/2010 numac 2010000669 source service public federal interieur Loi relative à la détention préventive Coordination officieuse en langue allemande fermer, mais la loi du 20 avril 1874 « relative à la détention préventive ».

B.2.2. La partie demanderesse devant la juridiction a quo soutient que cette interprétation est erronée et que, par conséquent, les questions préjudicielles n'appellent pas de réponse.

B.3.1. Sous réserve d'une lecture manifestement erronée des dispositions en cause, il revient en règle à la juridiction a quo d'interpréter les dispositions qu'elle applique.

B.3.2. Par une jurisprudence constante, la Cour de cassation juge que : « L'article 72 de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer, qui ne fait pas mention du pourvoi en cassation, ne vise que la procédure d'examen des recours judiciaires qu'il prévoit et sur lesquels statuent les juridictions d'instruction. Cette disposition se réfère nécessairement à la loi relative à la détention préventive en vigueur lors de la promulgation de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer, à savoir celle du 20 avril 1874, qui ne contenait aucune disposition concernant le pourvoi en cassation, lequel était formé et jugé suivant les règles du Code d'instruction criminelle.

La loi du 20 juillet 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/1990 pub. 02/12/2010 numac 2010000669 source service public federal interieur Loi relative à la détention préventive Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à la détention préventive, qui consacre un chapitre au pourvoi en cassation, n'a pas modifié l'article 72 de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer. Dès lors, nonobstant l'entrée en vigueur de la loi du 20 juillet 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/1990 pub. 02/12/2010 numac 2010000669 source service public federal interieur Loi relative à la détention préventive Coordination officieuse en langue allemande fermer, son article 31 n'est pas applicable au pourvoi en cassation formé contre l'arrêt de la chambre des mises en accusation qui statue sur la décision de maintien en détention d'un étranger, ce pourvoi et son jugement demeurant réglés par les dispositions du Code d'instruction criminelle » (Cass., 20 septembre 2017, P.17.0933.F, ECLI:BE:CASS:2017:ARR.20170920.1; voy. également Cass., 10 septembre 2014, P.14.1374.F, ECLI:BE:CASS:2014:ARR.20140910.5; Cass., 21 décembre 2011, P.11.2042.F, Cass., 28 avril 2009, P.09.0545.N, ECLI:BE:CASS:2009:ARR.20090428.3).

B.4. Dès lors, l'interprétation mentionnée en B.2.1 peut être considérée comme n'étant pas manifestement erronée. La Cour répond à la question préjudicielle dans cette interprétation.

En ce qui concerne le fond B.5.1. La Cour est invitée à se prononcer sur la compatibilité de la disposition en cause, dans l'interprétation mentionnée en B.2.1, avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 5, paragraphe 4, et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce qu'elle fait naître une différence de traitement entre l'étranger en séjour illégal qui se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la chambre des mises en accusation statuant en matière de privation de liberté administrative et le détenu qui se pourvoit en cassation dans le cadre d'une détention préventive, en ce qui concerne les délais applicables.

B.5.2. Il ressort de la motivation de la décision de renvoi que l'affaire actuellement soumise à la Cour porte sur un étranger en séjour illégal détenu en vue d'un éloignement du territoire. La Cour limite son examen à cette hypothèse.

B.6.1. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.6.2. La différence de traitement entre certaines catégories de personnes qui découle de l'application de règles procédurales différentes dans des circonstances différentes n'est pas discriminatoire en soi. Il ne pourrait être question de discrimination que si la différence de traitement qui découle de l'application de ces règles de procédure entraînait une limitation disproportionnée des droits des personnes concernées.

B.6.3. Nonobstant, eu égard à l'importance fondamentale de l'habeas corpus, toutes les limitations de la liberté individuelle doivent être interprétées de manière restrictive et leur constitutionnalité doit être examinée avec la plus grande circonspection.

B.7. L'article 5, paragraphe 4, de la Convention européenne des droits de l'homme, dispose : « Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale ».

L'article 13 de la même Convention, intitulé « Droit à un recours effectif », dispose : « Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles ».

B.8. La Cour doit examiner si la disposition en cause est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 5, paragraphe 4, et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Lorsqu'est invoquée la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec des dispositions internationales, la Cour doit en effet examiner s'il est établi une différence de traitement en ce que cette garantie fondamentale est refusée à une catégorie de personnes, alors qu'elle est garantie sans restriction à tout autre citoyen.

B.9.1. En vertu de l'article 5, paragraphe 4, de la Convention européenne des droits de l'homme, toute personne qui est privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin que ce dernier statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illicite.

B.9.2. En ce qui concerne cette garantie d'une décision à bref délai sur la légalité de la détention, la Cour européenne des droits de l'homme a déjà jugé que « la question de savoir si le principe de la célérité de la procédure a été respecté s'apprécie non pas dans l'abstrait mais dans le cadre d'une évaluation globale des données, en tenant compte des circonstances de l'espèce, en particulier à la lumière de la complexité de l'affaire, des particularités éventuelles de la procédure interne ainsi que du comportement du requérant au cours de celle-ci » (CEDH, 15 décembre 2016, Khlaifia e.a. c. Italie, ECLI:CE:ECHR:2016:1215JUD001648312, § 131).

B.9.3. Lorsque plusieurs juridictions, saisies d'un appel ou d'un pourvoi en cassation, se prononcent sur la légalité de la même détention, cette appréciation concrète doit non seulement avoir lieu à l'égard de chaque degré de juridiction distinct, mais également à l'égard des différentes procédures considérées dans leur globalité (CEDH, 23 février 1984, Luberti c. Italie, ECLI:CE:ECHR:1984:0223JUD000901980, § 33; CEDH, 23 novembre 1993, Navarra c. France, ECLI:CE:ECHR:1993:1123JUD001319087, § 28).

B.10. Par suite de l'interprétation de la disposition en cause mentionnée en B.2.1 et en vertu de l'article 423 du Code d'instruction criminelle, un pourvoi en cassation dirigé contre un arrêt de la chambre des mises en accusation statuant sur la privation de liberté administrative d'un étranger doit être formé dans un délai de quinze jours après le prononcé. Lorsque ce délai expire un samedi, un dimanche ou un jour férié légal, il est toutefois prorogé jusqu'au plus prochain jour ouvrable. Le Code d'instruction criminelle ne prévoit pas de délai dans lequel la Cour de cassation doit statuer sur l'affaire.

B.11. Le délai de quinze jours prévu en principe pour l'introduction d'un pourvoi en cassation n'est pas, en tant que tel, incompatible avec l'exigence d'une décision à bref délai sur la légalité de la détention. Il ne s'agit que d'un délai maximum, qui n'est de surcroît pas à ce point long que lorsque la totalité du délai est utilisée, il ne peut plus être question d'une décision à bref délai au sens de l'article 5, paragraphe 4, de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.12.1. Il en va de même de la circonstance qu'il n'est pas prévu de délai dans lequel la Cour de cassation doit statuer sur le pourvoi en cassation. L'on ne saurait déduire de l'article 5, paragraphe 4, de la Convention européenne des droits de l'homme une obligation pour le législateur de prévoir un délai bref spécifique pour le traitement d'un pourvoi en cassation formé par un étranger contre un arrêt de la chambre des mises en accusation statuant sur la privation de liberté administrative.

L'absence d'un délai spécifique pour statuer n'empêche pas que la Cour de cassation doit traiter de tels pourvois en cassation avec la célérité requise. Dans chaque affaire dont elle est saisie en vertu de la disposition en cause, elle doit en effet veiller au respect du bref délai visé à l'article 5, paragraphe 4, de la Convention européenne des droits de l'homme. A cet égard, le délai de quinze jours prévu à l'article 31, § 3, de la loi du 20 juillet 1990Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/1990 pub. 02/12/2010 numac 2010000669 source service public federal interieur Loi relative à la détention préventive Coordination officieuse en langue allemande fermer peut être indicatif sans que le simple dépassement de ce délai emporte ipso facto une violation de l'article 5, paragraphe 4, de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.12.2. Le respect de l'article 5, paragraphe 4, de la Convention européenne des droits de l'homme doit être examiné dans une affaire concrète, compte tenu des critères mentionnés en B.9.2 et B.9.3. Une éventuelle violation n'est toutefois pas imputable à la disposition en cause, mais au traitement de cette affaire.

B.13. Compte tenu de ce qui est dit en B.12, l'article 72 de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 5, paragraphe 4, et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Quant à la première question préjudicielle B.14.1. La Cour est interrogée sur la compatibilité de l'article 27, § 3, de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer avec l'article 12 de la Constitution, lu en combinaison avec les articles 5 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.14.2. L'article 27, de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer, qui figure sous le titre Ier (« Dispositions générales »), chapitre VII (« Mesures de sûreté complémentaires »), de la loi, dispose : « § 1. L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement et qui n'a pas obtempéré dans le délai imparti peut être ramené par la contrainte à la frontière de son choix, à l'exception en principe de la frontière des Etats parties à une convention internationale relative au franchissement des frontières extérieures, liant la Belgique, ou être embarqué vers une destination de son choix, à l'exclusion de ces Etats.

Si l'étranger possède la nationalité d'un Etat partie à une convention internationale relative au franchissement des frontières extérieures, liant la Belgique, ou s'il dispose d'un titre de séjour ou d'une autorisation de séjour provisoire en cours de validité, délivrés par un Etat partie, il pourra être ramené à la frontière de cet Etat ou être embarqué à destination de cet Etat. § 2. Sans préjudice de l'application des articles 51/5 à 51/7, les dispositions du § 1er sont appliquées à l'étranger qui a reçu une décision d'éloignement prise à son encontre par une autorité administrative compétente d'un Etat tenu par la directive 2001/40/CE du Conseil de l'Union européenne du 28 mai 2001 relative à la reconnaissance mutuelle des décisions d'éloignement des ressortissants de pays tiers, à laquelle il n'a pas obtempéré et qui a été reconnue par le Ministre ou son délégué, conformément à l'article 8bis. § 3. Les étrangers visés aux §§ 1er et 2 peuvent, sans préjudice des dispositions du Titre IIIquater et à moins que d'autres mesures suffisantes mais moins coercitives puissent être appliquées efficacement, être détenus à cette fin, en particulier lorsqu'il existe un risque de fuite ou lorsque l'étranger évite ou empêche la préparation du retour ou la procédure d'éloignement pendant le temps strictement nécessaire pour l'exécution de la mesure d'éloignement.

Les frais occasionnés par le rapatriement de l'étranger sont à sa charge.

L'Etat qui a délivré la décision d'éloignement visée au § 2 est informé du fait que l'étranger a été ramené à la frontière de son choix ou, conformément à l'article 28, à la frontière désignée par le Ministre ou son délégué ».

B.14.3. Dans la question préjudicielle, la disposition en cause est interprétée en ce sens qu'elle autorise l'adoption d'un nouveau titre de privation de liberté, appelé aussi « décision de réécrou », qui se substitue au titre antérieur de détention. Cette interprétation n'est pas contestée par les parties. La Cour répond à la question préjudicielle dans cette interprétation.

B.15. L'article 12 de la Constitution dispose : « La liberté individuelle est garantie.

Nul ne peut être poursuivi que dans les cas prévus par la loi, et dans la forme qu'elle prescrit.

Hors le cas de flagrant délit, nul ne peut être arrêté qu'en vertu d'une ordonnance motivée du juge qui doit être signifiée au plus tard dans les quarante-huit heures de la privation de liberté et ne peut emporter qu'une mise en détention préventive ».

Cette disposition constitutionnelle doit être lue en combinaison avec l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui garantit des droits et libertés analogues.

B.16.1. La privation de liberté d'une personne qui n'est pas soupçonnée d'une infraction pénale et dont il n'est pas prétendu que son comportement présenterait un danger pour l'ordre public porte directement atteinte au respect de la liberté individuelle, garanti par l'article 12 de la Constitution. Selon l'article 5, paragraphe 1er, de la Convention européenne des droits de l'homme, toute personne a droit à la liberté. La loi peut toutefois déroger à ce principe lorsqu'il s'agit de la détention régulière d'une personne pour empêcher celle-ci de pénétrer irrégulièrement sur le territoire, ou contre laquelle une procédure d'expulsion est en cours (article 5, paragraphe 1, f)) et à condition qu'elle ait le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si sa détention est illégale (article 5, paragraphe 4).

B.16.2. De même, une législation qui admet le principe d'un nombre illimité de prolongations de mesures de détention ou de maintien en un lieu déterminé d'étrangers constitue une atteinte disproportionnée à la liberté individuelle, garantie par l'article 12 de la Constitution et par l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme.

B.16.3. En ce qui concerne la détention d'étrangers, la Cour européenne des droits de l'homme a jugé que « la durée de la détention ne doit pas excéder le délai raisonnable nécessaire pour atteindre le but poursuivi » (CEDH, grande chambre, 29 janvier 2008, Saadi c.

Royaume-Uni, ECLI:CE:ECHR:2008:0129JUD001322903, § 74). Par ailleurs, un « examen séparé de la légalité de la détention doit exister, indépendamment de la légalité de l'expulsion » (CEDH, 11 juin 2009, S.D. c. Grèce, ECLI:CE:ECHR:2009:0611JUD005354107, § 73).

B.17.1. Les « décisions de réécrou » prises par l'administration sur la base de la disposition en cause sont soumises à des conditions cumulatives strictes. Ainsi, l'étranger concerné par ce nouveau titre de détention doit faire l'objet d'une mesure d'éloignement et doit avoir refusé d'y obtempérer dans le délai imparti. Les autorités ont égard au comportement de celui-ci, en particulier lorsqu'il existe un risque de fuite ou lorsque l'étranger évite ou empêche la préparation du retour ou la procédure d'éloignement. Par ailleurs, la « décision de réécrou » n'est pas délivrée si d'autres mesures suffisantes mais moins coercitives peuvent être appliquées efficacement. Enfin, ce titre de détention ne vaut que pour le temps strictement nécessaire à l'exécution de la mesure d'éloignement, et, conformément à l'article 29 de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer, pour une durée maximale de cinq mois, ou de huit mois lorsque la sauvegarde de l'ordre public ou la sécurité nationale l'exige.

B.17.2. Par ailleurs, l'administration ne peut pas utiliser le refus d'embarquement de l'étranger en vue de son éloignement pour adopter systématiquement une nouvelle décision de réécrou, c'est-à-dire un titre de détention rendant caduc le titre de détention précédent. Un tel procédé, qui a pour conséquence de faire échec au recours de l'étranger contre le titre de détention précédant la décision de réécrou, constituerait une violation du droit d'accès au juge et du droit à un recours effectif. En effet, la Cour de cassation a jugé : « le juge peut, sans encourir un grief de contradiction, d'une part, rappeler que le droit d'accès à un tribunal indépendant et impartial et le droit à un recours effectif requièrent une possibilité concrète d'exercice, qui n'est pas rencontrée si l'administration adopte systématiquement une nouvelle décision rendant caduque la précédente pour faire échec au recours introduit par un étranger, et, d'autre part, constater qu'il est satisfait à ces exigences lorsque, comme en l'espèce, il n'est pas établi que le refus du demandeur d'embarquer en vue de son éloignement a constitué un prétexte afin de prendre une nouvelle décision d'écrou » (Cass., 4 octobre 2017, P.17.0951.F.).

B.17.3. La décision de réécrou, à l'instar des autres titres de détention d'un étranger, peut faire l'objet d'un recours devant les juridictions d'instruction compétentes.

Comme le Conseil des ministres le relève dans son mémoire, il appartient aux juridictions d'instruction de tenir compte, lors de cet examen, de la légalité du titre de détention, de la durée de l'ensemble de la détention subie par l'étranger, principalement au regard de l'article 29 de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer et de l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.

B.18. Enfin, le fait que les recours introduits contre les titres de détention antérieurs soient déclarés sans objet en cas de délivrance d'une décision de réécrou connaît une limite, liée à l'effet de contagion de l'illégalité du titre de détention précédent sur le titre subséquent.

Selon la jurisprudence de la Cour de cassation : « lorsqu'une nouvelle décision administrative se substitue, sur un fondement différent, à celle qui ordonne l'éloignement du territoire et la rétention d'un étranger, le recours judiciaire contre celle-ci devient, en principe, sans objet. Toutefois, s'il est invoqué que la première décision de privation de liberté est affectée d'une illégalité de nature à invalider une décision subséquente, il appartient au juge saisi de cette contestation de l'examiner en application de l'article 5.4 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales » (Cass., 10 mai 2017, P.17.0447.F).

La Cour européenne des droits de l'homme a également jugé : « [...] l'ordre juridique interne qui ne permet pas à l'étranger détenu d'obtenir sa libération malgré plusieurs constats d'illégalité de cette détention au regard du droit interne lu en combinaison avec le droit de l'UE et ce pour le seul motif qu'un nouveau titre de détention est venu fonder sa détention, et, l'empêche ensuite de faire valoir devant un juge que le nouveau titre de détention serait affecté par l'illégalité du titre initial, ne présente pas les garanties d'effectivité et de célérité requise par l'article 5, § 4 de la Convention » (CEDH, 30 juin 2020, Muhammad Saqawat c. Belgique, ECLI:CE:ECHR:2020:0630JUD005496218, § 73).

B.19. Il découle des considérations précédentes que la décision de réécrou, telle qu'elle est organisée par la disposition en cause, n'a pas en soi pour effet de prolonger la durée de la détention au-delà du délai raisonnablement nécessaire pour atteindre le but poursuivi et qu'elle n'entraîne pas de conséquences susceptibles de constituer une atteinte disproportionnée à la liberté individuelle.

B.20. Eu égard aux conditions strictes permettant l'adoption d'une « décision de réécrou » et aux garanties juridictionnelles qui permettent d'en contrôler la légalité, mentionnées en B.17.1 à B.19, et compte tenu de ce qui est dit en B.18, la disposition en cause, qui constitue le fondement légal de ces décisions de réécrou, n'est pas incompatible avec l'article 12 de la Constitution, lu en combinaison avec les articles 5 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Quant à la demande de poser des questions préjudicielles à la Cour de justice de l'Union européenne B.21. Lorsqu'une question d'interprétation du droit de l'Union européenne est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles de recours en vertu du droit national, cette juridiction est tenue de poser la question à la Cour de justice, conformément à l'article 267, troisième alinéa, du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

Ce renvoi n'est toutefois pas nécessaire lorsque cette juridiction a constaté que la question soulevée n'est pas pertinente, que la disposition du droit de l'Union en cause a déjà fait l'objet d'une interprétation de la part de la Cour de justice ou que l'application correcte du droit de l'Union s'impose avec une telle évidence qu'elle ne laisse place à aucun doute raisonnable (CJCE, 6 octobre 1982, C-283/81, CILFIT, ECLI:EU:C:1982:335, point 21; grande chambre, 6 octobre 2021, C-561/19, Consorzio Italian Management et Catania Multiservizi SpA, ECLI:EU:C:2021:799, point 33). A la lumière de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ces motifs doivent ressortir à suffisance de la motivation de l'arrêt par lequel la juridiction refuse de poser la question préjudicielle (ibid., point 51).

L'exception du défaut de pertinence implique que la juridiction nationale n'est pas tenue de poser une question lorsque « la question n'est pas pertinente, c'est-à-dire dans les cas où la réponse à cette question, quelle qu'elle soit, ne pourrait avoir aucune influence sur la solution du litige » (CJUE, 15 mars 2017, Aquino, C-3/16, ECLI:EU:C:2017:209, point 43; grande chambre, 6 octobre 2021, C-561/19, Consorzio Italian Management et Catania Multiservizi SpA, point 34).

L'exception selon laquelle l'interprétation correcte du droit de l'Union s'impose avec évidence implique que la juridiction nationale doit être convaincue que la même évidence s'imposerait également aux autres juridictions de dernier ressort des autres Etats membres et à la Cour de justice. Elle doit à cet égard tenir compte des caractéristiques propres au droit de l'Union, des difficultés particulières que présente l'interprétation de ce dernier et du risque de divergences de jurisprudence au sein de l'Union. Elle doit également tenir compte des différences entre les versions linguistiques de cette disposition dont elle a connaissance, notamment lorsque ces divergences sont exposées par les parties et sont avérées.

Enfin, elle doit également avoir égard à la terminologie propre à l'Union et aux notions autonomes dans le droit de l'Union, ainsi qu'au contexte de la disposition applicable à la lumière de l'ensemble des dispositions du droit de l'Union, de ses finalités et de l'état de son évolution à la date à laquelle l'application de la disposition en cause doit être faite (CJUE, grande chambre, 6 octobre 2021, C-561/19, Consorzio Italian Management et Catania Multiservizi SpA, points 40-46).

Pour le surplus, une juridiction nationale statuant en dernier ressort peut s'abstenir de soumettre une question préjudicielle à la Cour « pour des motifs d'irrecevabilité propres à la procédure devant cette juridiction, sous réserve du respect des principes d'équivalence et d'effectivité » (CJUE, 14 décembre 1995, Van Schijndel et Van Veen, C-430/93 et C-431/93, ECLI:EU:C:1995:441, point 17; 15 mars 2017, Aquino, C-3/16, point 56; grande chambre, 6 octobre 2021, C-561/19, ECLI:EU:C:2021:799, Consorzio Italian Management e Catania Multiservizi SpA, point 61).

B.22. La première question préjudicielle suggérée par le demandeur devant la juridiction a quo porte sur les articles 5, paragraphe 4, 13 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, sur les articles 21 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et sur les articles 13 et 15 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 « relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ».

Les dispositions du droit de l'Union européenne invoquées contiennent des garanties analogues à celles au regard desquelles la Cour a exercé un contrôle dans le cadre de la première question préjudicielle. Ces dispositions ne contiennent pas davantage des règles concrètes concernant les délais. Etant donné que ce qui est dit en B.12 et B.13 s'applique pleinement à ces dispositions, l'interprétation correcte du droit de l'Union européenne est évidente.

B.23. Les deuxième et quatrième questions préjudicielles suggérées par le demandeur devant la juridiction a quo sont manifestement dénuées de pertinence. Elles sont sans lien avec les questions préjudicielles soumises à la Cour constitutionnelle.

B.24. La troisième question préjudicielle suggérée par le demandeur devant la juridiction a quo porte sur l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et sur les articles 13 et 15 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 précitée. En raison de la réponse apportée par la Cour à la seconde question préjudicielle en B.17.1 à B.20, la troisième question préjudicielle n'est plus pertinente.

B.25. La cinquième question préjudicielle suggérée par le demandeur devant la juridiction a quo porte exclusivement sur l'article 15, paragraphe 6, de la directive 2008/115/CE précitée.

Cette disposition permet aux Etats membres de prolonger de douze mois au maximum le délai de conservation lorsque, malgré tous les efforts raisonnables qui ont été consentis, il est probable que l'éloignement dure plus longtemps parce que l'étranger refuse de coopérer ou que la documentation du pays tiers se fait attendre. Pour les motifs mentionnés en B.17.1 à B.19, l'article 27, § 3, de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer est compatible avec ce qui précède. L'interprétation correcte du droit de l'Union européenne est évidente.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : 1. Compte tenu de ce qui est dit en B.12, l'article 72 de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer « sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers », interprété en ce sens qu'il fait référence à la loi relative à la détention préventive qui était en vigueur lors de la promulgation de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer, à savoir la loi du 20 avril 1874 « relative à la détention préventive », ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 5, paragraphe 4, et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme. 2. Compte tenu de ce qui est dit en B.18, l'article 27, § 3, de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer précitée ne viole pas l'article 12 de la Constitution, lu en combinaison avec les articles 5 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 12 janvier 2023.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, P. Nihoul

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