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Arrêt
publié le 13 octobre 2022

Extrait de l'arrêt n° 26/2022 du 17 février 2022 Numéro du rôle : 7433 En cause : le recours en annulation des articles 2, 1°, et 3, 1° et 3°, de la loi du 15 mars 2020 « visant à modifier la législation relative à l'euthanasie », introduit p La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges J.-P. (...)

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Extrait de l'arrêt n° 26/2022 du 17 février 2022 Numéro du rôle : 7433 En cause : le recours en annulation des articles 2, 1°, et 3, 1° et 3°, de la loi du 15 mars 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/03/2020 pub. 23/03/2020 numac 2020040680 source service public federal justice Loi visant à modifier la législation relative à l'euthanasie fermer « visant à modifier la législation relative à l'euthanasie », introduit par Vincent Piessevaux et autres.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges J.-P. Moerman, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache, T. Detienne, D. Pieters, S. de Bethune et E. Bribosia, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président P. Nihoul, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 16 septembre 2020 et parvenue au greffe le 17 septembre 2020, un recours en annulation des articles 2, 1°, et 3, 1° et 3°, de la loi du 15 mars 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/03/2020 pub. 23/03/2020 numac 2020040680 source service public federal justice Loi visant à modifier la législation relative à l'euthanasie fermer « visant à modifier la législation relative à l'euthanasie » (publiée au Moniteur belge du 23 mars 2020) a été introduit par Vincent Piessevaux, Eléonore Atibala Nolabia, Pascale Bultez, Hubert Druenne, Thierry Fobe, Thierry Lethé, Henri Marechal et Georges Paraskevaidis, assistés et représentés par Me M. Lebbe, avocat à la Cour de cassation. (...) II. En droit (...) Quant aux dispositions attaquées et à leur contexte B.1.1. La loi du 15 mars 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/03/2020 pub. 23/03/2020 numac 2020040680 source service public federal justice Loi visant à modifier la législation relative à l'euthanasie fermer « visant à modifier la législation relative à l'euthanasie » (ci-après : la loi du 15 mars 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/03/2020 pub. 23/03/2020 numac 2020040680 source service public federal justice Loi visant à modifier la législation relative à l'euthanasie fermer) modifie et complète la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer « relative à l'euthanasie » (ci-après : la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer) sur divers points.

Tout d'abord, la déclaration par laquelle une personne manifeste, de manière anticipée, sa volonté qu'une euthanasie soit pratiquée pour le cas où elle ne pourrait plus manifester sa volonté (dite également « déclaration anticipée ») est désormais valable pour une durée indéterminée (article 4, § 1er, alinéa 6, de la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer, tel qu'il a été remplacé par l'article 2, 1°, de la loi du 15 mars 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/03/2020 pub. 23/03/2020 numac 2020040680 source service public federal justice Loi visant à modifier la législation relative à l'euthanasie fermer). Auparavant, la déclaration ne pouvait être prise en compte que si elle avait été établie ou confirmée moins de cinq ans avant le début de l'impossibilité pour le déclarant de manifester sa volonté.

Ensuite, la modification a pour objet d'interdire les clauses de conscience collective, par lesquelles certaines institutions de soins interdisent la pratique de l'euthanasie en leur sein. Il est ainsi prévu qu'aucune clause, écrite ou non écrite, ne peut empêcher un médecin de pratiquer une euthanasie dans les conditions légales (article 14, alinéa 4, de la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer, tel qu'il a été inséré par l'article 3, 1°, de la loi du 15 mars 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/03/2020 pub. 23/03/2020 numac 2020040680 source service public federal justice Loi visant à modifier la législation relative à l'euthanasie fermer).

Enfin, le législateur précise les obligations qui incombent au médecin qui, soit sur la base de sa liberté de conscience, soit pour une raison médicale, refuse de donner suite à une requête d'euthanasie.

Une nouvelle obligation est créée : le médecin qui refuse de donner suite à une requête d'euthanasie doit dans tous les cas (c'est-à-dire que le refus soit justifié par une objection de conscience ou par une raison médicale) transmettre au patient ou à la personne de confiance les coordonnées d'un centre ou d'une association spécialisé en matière de droit à l'euthanasie (article 14, alinéa 7, de la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer, tel qu'il a été inséré par l'article 3, 3°, de la loi du 15 mars 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/03/2020 pub. 23/03/2020 numac 2020040680 source service public federal justice Loi visant à modifier la législation relative à l'euthanasie fermer).

B.1.2. Les articles 2, 1°, et 3, 1° et 3°, de la loi du 15 mars 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/03/2020 pub. 23/03/2020 numac 2020040680 source service public federal justice Loi visant à modifier la législation relative à l'euthanasie fermer disposent : «

Art. 2.A l'article 4 de la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer relative à l'euthanasie, les modifications suivantes sont apportées : 1° dans le paragraphe 1er, l'alinéa 6 est remplacé par ce qui suit : ' La déclaration est valable pour une durée indéterminée.'; [...]

Art. 3.A l'article 14 de la même loi, les modifications suivantes sont apportées : 1° entre l'alinéa 3 et l'alinéa 4, un alinéa rédigé comme suit est inséré : ' Aucune clause écrite ou non écrite ne peut empêcher un médecin de pratiquer une euthanasie dans les conditions légales.'; [...] 3° l'alinéa 5, devenant l'alinéa 7, est remplacé par ce qui suit : ' Le médecin qui refuse de donner suite à une requête d'euthanasie est tenu, dans tous les cas, de transmettre au patient ou à la personne de confiance les coordonnées d'un centre ou d'une association spécialisé en matière de droit à l'euthanasie et, à la demande du patient ou de la personne de confiance, de communiquer dans les quatre jours de cette demande le dossier médical du patient au médecin désigné par le patient ou par la personne de confiance.' ».

B.1.3. Par suite des modifications précitées, les articles 4 et 14 de la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer disposent désormais : «

Art. 4.§ 1er. Tout majeur ou mineur émancipé capable peut, pour le cas où il ne pourrait plus manifester sa volonté, consigner par écrit, dans une déclaration, sa volonté qu'un médecin pratique une euthanasie si ce médecin constate : - qu'il est atteint d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable; - qu'il est inconscient; - et que cette situation est irréversible selon l'état actuel de la science.

La déclaration peut désigner une ou plusieurs personnes de confiance majeures, classées par ordre de préférence, qui mettent le médecin traitant au courant de la volonté du patient. Chaque personne de confiance remplace celle qui la précède dans la déclaration en cas de refus, d'empêchement, d'incapacité ou de décès. Le médecin traitant du patient, le médecin consulté et les membres de l'équipe soignante ne peuvent pas être désignés comme personnes de confiance.

La déclaration peut être faite à tout moment. Elle doit être constatée par écrit, dressée en présence de deux témoins majeurs, dont l'un au moins n'aura pas d'intérêt matériel au décès du déclarant, datée et signée par le déclarant, par les témoins et, s'il échet, par la ou les personnes de confiance.

Si la personne qui souhaite faire une déclaration anticipée, est physiquement dans l'impossibilité permanente de rédiger et de signer, sa déclaration peut être actée par écrit par une personne majeure de son choix qui ne peut avoir aucun intérêt matériel au décès du déclarant, en présence de deux témoins majeurs, dont l'un au moins n'aura pas d'intérêt matériel au décès du déclarant. La déclaration doit alors préciser que le déclarant ne peut pas rédiger et signer, et en énoncer les raisons. La déclaration doit être datée et signée par la personne qui a acté par écrit la déclaration, par les témoins et, s'il échet, par la ou les personnes de confiance.

Une attestation médicale certifiant cette impossibilité physique permanente est jointe à la déclaration.

La déclaration est valable pour une durée indéterminée.

La déclaration peut être retirée ou adaptée à tout moment.

Le Roi détermine les modalités relatives à la présentation, à la conservation, à la confirmation, au retrait et à la communication de la déclaration aux médecins concernés, via les services du Registre national. § 2. Un médecin qui pratique une euthanasie, à la suite d'une déclaration anticipée, telle que prévue au § 1er, ne commet pas d'infraction s'il constate que le patient : - est atteint d'une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable; - est inconscient; - et que cette situation est irréversible selon l'état actuel de la science; et qu'il respecte les conditions et procédures prescrites par la présente loi.

Sans préjudice des conditions complémentaires que le médecin désirerait mettre à son intervention et pour autant que la seule ou la dernière personne de confiance désignée ne se trouve pas dans un des quatre cas visés au § 1er, alinéa 2, deuxième phrase, il doit préalablement : 1° consulter un autre médecin quant à l'irréversibilité de la situation médicale du patient, en l'informant des raisons de cette consultation.Le médecin consulté prend connaissance du dossier médical et examine le patient. Il rédige un rapport de ses constatations. Si une personne de confiance est désignée dans la déclaration de volonté, le médecin traitant met cette personne de confiance au courant des résultats de cette consultation.

Le médecin consulté doit être indépendant à l'égard du patient ainsi qu'à l'égard du médecin traitant et être compétent quant à la pathologie concernée; 2° s'il existe une équipe soignante en contact régulier avec le patient, s'entretenir du contenu de la déclaration anticipée avec l'équipe soignante ou des membres de celle-ci;3° si la déclaration désigne une personne de confiance, s'entretenir avec elle de la volonté du patient;4° si la déclaration désigne une personne de confiance, s'entretenir du contenu de la déclaration anticipée du patient avec les proches du patient que la personne de confiance désigne. La déclaration anticipée ainsi que l'ensemble des démarches du médecin traitant et leur résultat, y compris le rapport du médecin consulté, sont consignés régulièrement dans le dossier médical du patient ». «

Art. 14.La demande et la déclaration anticipée de volonté telles que prévues aux articles 3 et 4 de la présente loi n'ont pas de valeur contraignante.

Aucun médecin n'est tenu de pratiquer une euthanasie.

Aucune autre personne n'est tenue de participer à une euthanasie.

Aucune clause écrite ou non écrite ne peut empêcher un médecin de pratiquer une euthanasie dans les conditions légales.

Si le médecin consulté refuse, sur la base de sa liberté de conscience, de pratiquer une euthanasie, il est tenu d'en informer en temps utile et au plus tard dans les sept jours de la première formulation de la demande le patient ou la personne de confiance éventuelle en en précisant les raisons et en renvoyant le patient ou la personne de confiance vers un autre médecin désigné par le patient ou par la personne de confiance.

Si le médecin consulté refuse de pratiquer une euthanasie pour une raison médicale, il est tenu d'en informer en temps utile le patient ou la personne de confiance éventuelle, en en précisant les raisons.

Dans ce cas, cette raison médicale est consignée dans le dossier médical du patient.

Le médecin qui refuse de donner suite à une requête d'euthanasie est tenu, dans tous les cas, de transmettre au patient ou à la personne de confiance les coordonnées d'un centre ou d'une association spécialisé en matière de droit à l'euthanasie et, à la demande du patient ou de la personne de confiance, de communiquer dans les quatre jours de cette demande le dossier médical du patient au médecin désigné par le patient ou par la personne de confiance ».

Quant à la recevabilité B.2. Le Conseil des ministres soutient que les parties requérantes ne justifient pas d'un intérêt à demander l'annulation des articles 2, 1°, et 3, 1°, de la loi du 15 mars 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/03/2020 pub. 23/03/2020 numac 2020040680 source service public federal justice Loi visant à modifier la législation relative à l'euthanasie fermer.

B.3. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme attaquée.

B.4.1. Les parties requérantes sont des personnes physiques. Trois d'entre elles sont des médecins. L'intérêt des parties requérantes à demander l'annulation des articles 2, 1°, et 3, 1°, de la loi du 15 mars 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/03/2020 pub. 23/03/2020 numac 2020040680 source service public federal justice Loi visant à modifier la législation relative à l'euthanasie fermer doit être examiné séparément pour chacune de ces dispositions.

B.4.2. L'article 2, 1°, de la loi du 15 mars 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/03/2020 pub. 23/03/2020 numac 2020040680 source service public federal justice Loi visant à modifier la législation relative à l'euthanasie fermer prévoit que la déclaration par laquelle une personne manifeste, de manière anticipée, sa volonté qu'une euthanasie soit pratiquée pour le cas où elle ne pourrait plus manifester sa volonté est valable pour une durée indéterminée.

En ce qu'il est susceptible de s'appliquer à des membres de la famille proche des parties requérantes ayant fait une telle déclaration, l'article 2, 1°, précité peut affecter directement et défavorablement la vie familiale des parties requérantes, de sorte que celles-ci justifient de l'intérêt requis.

B.4.3. L'article 3, 1°, de la loi du 15 mars 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/03/2020 pub. 23/03/2020 numac 2020040680 source service public federal justice Loi visant à modifier la législation relative à l'euthanasie fermer prévoit qu'aucune clause écrite ou non écrite ne peut empêcher un médecin de pratiquer une euthanasie dans les conditions légales.

Les parties requérantes n'établissent pas en quoi cette disposition pourrait affecter directement et défavorablement leur situation. Les parties requérantes ne sont pas des établissements de soins qui, en l'absence de l'article 3, 1°, attaqué, seraient susceptibles d'interdire aux médecins qui y travaillent de pratiquer des euthanasies. Elles n'allèguent pas davantage qu'elles ont créé ou qu'elles souhaiteraient créer un tel établissement de soins.

Le fait que, selon les parties requérantes, l'article 3, 1°, de la loi du 15 mars 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/03/2020 pub. 23/03/2020 numac 2020040680 source service public federal justice Loi visant à modifier la législation relative à l'euthanasie fermer « faciliterait » l'accès à l'euthanasie pour leurs proches et l'impossibilité, pour elles et pour leurs proches, de choisir, le moment venu, un établissement de soins au sein duquel l'euthanasie n'est pas pratiquée seraient, le cas échéant, des conséquences indirectes de l'interdiction contenue dans ledit article 3, 1°.

Les parties requérantes ne justifient dès lors pas de l'intérêt requis à demander l'annulation de l'article 3, 1°, de la loi du 15 mars 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/03/2020 pub. 23/03/2020 numac 2020040680 source service public federal justice Loi visant à modifier la législation relative à l'euthanasie fermer.

B.4.4. Le recours est irrecevable en ce qu'il porte sur l'article 3, 1°, de la loi du 15 mars 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/03/2020 pub. 23/03/2020 numac 2020040680 source service public federal justice Loi visant à modifier la législation relative à l'euthanasie fermer.

B.5.1. Le Conseil des ministres allègue que les parties intervenantes, en ce qu'elles critiquent, d'une part, une ingérence non seulement dans les droits des personnes qui ont créé ou souhaitent créer un établissement de soins ou qui font partie des organes décisionnels d'un tel établissement et pour lesquelles l'euthanasie est inconciliable avec leur conscience, mais aussi dans les droits des établissements de soins proprement dits, et, d'autre part, l'impossibilité pour les hôpitaux de soumettre une euthanasie à un cadre réglementaire plus strict que le cadre légal, soulèvent des moyens nouveaux et, partant, irrecevables.

B.5.2. Les griefs invoqués par les parties intervenantes ne peuvent être pris en considération que dans la mesure où ils correspondent aux moyens formulés dans la requête. En effet, l'article 87, § 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, contrairement à l'article 85, ne permet pas que de nouveaux moyens soient formulés dans un mémoire en intervention.

En ce qu'elles critiquent, d'une part, une ingérence dans les droits des établissements de soins proprement dits et, d'autre part, l'impossibilité pour les hôpitaux de soumettre une euthanasie à un cadre réglementaire plus strict que le cadre légal, les parties intervenantes invoquent des moyens nouveaux et, partant, irrecevables.

Quant au fond En ce qui concerne l'obligation d'orienter le patient ou la personne de confiance en cas de refus de donner suite à une requête d'euthanasie B.6. Les parties requérantes prennent un deuxième moyen de la violation, par l'article 3, 3°, de la loi du 15 mars 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/03/2020 pub. 23/03/2020 numac 2020040680 source service public federal justice Loi visant à modifier la législation relative à l'euthanasie fermer, des articles 10, 11 et 19 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Les parties requérantes soutiennent que l'article 3, 3°, attaqué viole le droit à la liberté de conscience des médecins qui refusent de donner suite à une requête d'euthanasie, en ce qu'il contraint ceux-ci à renvoyer le patient ou la personne de confiance vers « un centre ou une association spécialisé en matière de droit à l'euthanasie ». Les parties requérantes font valoir que leur grief vaut également pour les médecins qui, sans être opposés à la pratique de l'euthanasie, considèrent que les conditions légales pour une euthanasie ne sont pas remplies dans un cas déterminé.

B.7. Conformément à l'article 14, alinéa 7, de la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer, tel qu'il a été inséré par l'article 3, 3°, de la loi du 15 mars 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/03/2020 pub. 23/03/2020 numac 2020040680 source service public federal justice Loi visant à modifier la législation relative à l'euthanasie fermer, le médecin qui refuse de donner suite à une requête d'euthanasie doit dans tous les cas (c'est-à-dire que le refus soit justifié par une objection de conscience ou par une raison médicale) transmettre au patient ou à la personne de confiance les coordonnées d'« un centre ou une association spécialisé en matière de droit à l'euthanasie ».

B.8. Selon les travaux préparatoires, cette obligation vise à tenir compte de la situation dans laquelle le patient ou la personne de confiance ne veut ou ne peut pas désigner lui-même un autre médecin.

Il s'agit de guider le patient dans les démarches à effectuer dans le cadre de sa demande d'euthanasie, sans porter atteinte à la liberté de conscience du médecin qui refuse de pratiquer l'euthanasie (Doc. parl., Chambre, 2019-2020, DOC 55-0523/012, p. 4).

Telle qu'elle avait été votée en commission de la Chambre, la proposition de loi à l'origine de la disposition attaquée prévoyait l'obligation pour le médecin consulté qui refuse de pratiquer l'euthanasie sur la base de sa liberté de conscience de renvoyer le patient ou la personne de confiance vers un autre médecin. A l'invitation de la section de législation du Conseil d'Etat, le législateur a finalement décidé de substituer à cette obligation, qui aurait pu être considérée comme portant une atteinte excessive à la liberté de conscience du médecin objecteur, une obligation de transmettre au patient ou à la personne de confiance les coordonnées d'« un centre ou une association spécialisé en matière de droit à l'euthanasie ».

B.9. En ce qu'il tend à renforcer le droit du patient ou du résident de pouvoir demander une euthanasie et, partant, le droit de celui-ci « de décider de quelle manière et à quel moment sa vie doit prendre fin », qui découle du droit au respect de la vie privée (CEDH, 20 janvier 2011, Haas c. Suisse, § 51; voy. aussi CEDH, 19 juillet 2012, Koch c.

Allemagne, § 52; 14 mai 2013, Gross c. Suisse, § 59), l'article 3, 3°, de la loi du 15 mars 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/03/2020 pub. 23/03/2020 numac 2020040680 source service public federal justice Loi visant à modifier la législation relative à l'euthanasie fermer poursuit un but légitime, au sens de l'article 9, paragraphe 2, de la Convention européenne des droits de l'homme. Le système de santé doit en effet être organisé de manière à garantir que l'exercice effectif de la liberté de conscience des médecins n'empêche pas les patients d'accéder aux services auxquels ils ont droit en vertu de la législation applicable (CEDH, 26 mai 2011, R.R. c. Pologne, § 206).

Il ressort de ce qui précède que le législateur a tenu compte de la liberté de conscience des médecins concernés. Le législateur peut raisonnablement exiger du médecin qui refuse de donner suite à une requête d'euthanasie qu'il transmette à la personne concernée les informations utiles pour introduire une demande d'euthanasie.

Contrairement à ce que les parties requérantes soutiennent, transmettre une information neutre sur les possibilités relatives à la fin de vie au patient ou à la personne de confiance dans une telle situation sans lui transmettre au moins les coordonnées d'une personne ou d'une association susceptibles de l'aider utilement ne suffirait pas à réaliser l'objectif du législateur mentionné en B.8.

L'obligation attaquée est également pertinente lorsque le médecin refuse de donner suite à une requête d'euthanasie pour des raisons médicales. Le patient a le droit de s'adresser à un autre médecin, conformément à l'article 6 de la loi du 22 août 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/08/2002 pub. 26/09/2002 numac 2002022737 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi relative aux droits du patient fermer « relative aux droits du patient ». Enfin, que le refus du médecin soit justifié par une objection de conscience ou par une raison médicale, l'appréciation de celui-ci n'est aucunement remise en cause.

B.10. L'obligation que la disposition attaquée met à la charge du médecin qui refuse de donner suite à une requête d'euthanasie est limitée et respecte la liberté de conscience du médecin et son choix de ne pas pratiquer l'euthanasie, ainsi que les droits du patient.

Le deuxième moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne la durée indéterminée de la déclaration anticipée B.11. Les parties requérantes prennent un troisième moyen de la violation, par l'article 2, 1°, de la loi du 15 mars 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/03/2020 pub. 23/03/2020 numac 2020040680 source service public federal justice Loi visant à modifier la législation relative à l'euthanasie fermer, des articles 10, 11 et 23, alinéa 1er, de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 2 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Selon les parties requérantes, le fait de conférer à la déclaration anticipée une durée de validité illimitée engendrera des situations dans lesquelles, au fil des années, le déclarant oubliera qu'il a rédigé une telle déclaration ou perdra ses capacités mentales et ne sera donc plus en mesure de revenir sur sa déclaration. Le risque serait dès lors réel que l'euthanasie soit pratiquée sur des personnes dont la position a évolué entre-temps. La disposition attaquée violerait donc le droit à la vie, que les autorités ont l'obligation positive de protéger (première branche). Les parties requérantes font ensuite valoir que la disposition attaquée discrimine la personne qui souhaite conférer une durée de validité déterminée à sa déclaration mais qui n'est plus en mesure de le faire, par rapport à la personne qui souhaite conférer une durée de validité indéterminée à sa déclaration (seconde branche).

B.12.1. Les articles 10 et 11 de la Constitution interdisent toute discrimination, quelle qu'en soit l'origine. L'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme contient une interdiction analogue des discriminations en ce qui concerne la jouissance des droits et libertés reconnus dans cette Convention.

B.12.2. L'article 23, alinéa 1er, de la Constitution dispose : « Chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine ».

B.12.3. L'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi. 2. La mort n'est pas considérée comme infligée en violation de cet article dans les cas où elle résulterait d'un recours à la force rendu absolument nécessaire : a) pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale;b) pour effectuer une arrestation régulière ou pour empêcher l'évasion d'une personne régulièrement détenue;c) pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection ». B.13.1. Dans sa rédaction initiale, l'article 4, § 1er, alinéa 6, de la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer prévoyait que « la déclaration ne [pouvait] être prise en compte que si elle [avait] été établie ou confirmée moins de cinq ans avant le début de l'impossibilité de manifester sa volonté ».

B.13.2. L'article 121 de la loi du 5 mai 2019Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/05/2019 pub. 24/05/2019 numac 2019030435 source service public federal justice Loi portant des dispositions diverses en matière pénale et en matière de cultes, et modifiant la loi du 28 mai 2002 relative à l'euthanasie et le Code pénal social fermer « portant des dispositions diverses en matière pénale et en matière de cultes, et modifiant la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer relative à l'euthanasie et le Code pénal social » a porté la durée de validité des déclarations anticipées à dix ans et a permis au déclarant de fixer lui-même la durée de validité, à condition d'enregistrer sa déclaration. En l'absence d'un arrêté royal d'exécution, cette modification n'a pas sorti ses effets.

B.13.3. Le législateur a finalement prévu, par l'article 2, 1°, de la loi du 15 mars 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/03/2020 pub. 23/03/2020 numac 2020040680 source service public federal justice Loi visant à modifier la législation relative à l'euthanasie fermer, que la déclaration anticipée serait désormais valable pour une durée indéterminée.

Les auteures de la proposition de loi à l'origine de la disposition attaquée ont affirmé : « La présente proposition de loi vise à supprimer cette durée de validité de cinq ans pour la déclaration anticipée d'euthanasie car, à partir du moment où toute personne peut retirer ou modifier cette déclaration lorsqu'elle le souhaite, il est inutile d'imposer une telle contrainte administrative.

Les auteurs de la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer ont voulu s'assurer que la volonté d'euthanasie d'une personne inconsciente fût bien d'actualité en imposant ce renouvellement quinquennal, mais il s'avère aujourd'hui que cette obligation est anxiogène pour celles et ceux qui ont fait la démarche d'une telle déclaration anticipée.

Certaines personnes renoncent même à rédiger cette déclaration par crainte qu'on considère qu'elles n'ont plus cette volonté au cas où ladite déclaration aurait dépassé l'échéance quinquennale et qu'elles se retrouvent en situation médicale correspondant aux termes de la loi sur l'euthanasie » (Doc. parl., Chambre, SE 2019, DOC 55-0523/001, pp. 4-5).

Il ressort des travaux préparatoires que la suppression de la durée de validité limitée de la déclaration vise à « [renforcer] le libre choix des personnes et [à poser] ce libre choix comme premier par rapport aux contraintes administratives » (Doc. parl., Chambre, 2019-2020, DOC 55-0523/004, p. 4). L'obligation de renouveler tous les cinq ans la déclaration anticipée posait problème, eu égard aux contraintes administratives qu'une telle démarche impliquait pour des personnes souvent diminuées physiquement et au risque d'oubli de renouvellement par le déclarant (ibid., p. 5; Doc. parl., Chambre, SE 2019, DOC 55-0523/001, pp. 4-5). Lorsque le déclarant oublie de renouveler sa déclaration, il y a une incertitude sur son intention et un risque que celle-ci ne soit pas respectée en définitive.

Selon les auteures de la proposition de loi à l'origine de la disposition attaquée, la possibilité pour le déclarant de modifier ou de retirer à tout moment sa déclaration anticipée permet de préserver la liberté de choix de chacun (Doc. parl., Chambre, SE 2019, DOC 55-0523/001, pp. 4-5) et rend inutile le maintien de la possibilité de conférer à la déclaration une durée de validité limitée (Doc. parl., Chambre, 2019-2020, DOC 55-0523/013, p. 3).

Plusieurs amendements ont été introduits en vue de permettre au déclarant d'opter pour une déclaration dont la durée de validité est limitée. Ces amendements ont été rejetés au motif qu'une telle modification pourrait être à nouveau source d'insécurité juridique, alors que « l'objectif de l'instauration de la durée de validité illimitée est précisément d'exclure toutes les discussions possibles concernant la déclaration anticipée » (ibid., pp. 3-4 et 8). « Une déclaration anticipée à durée indéterminée est garante de clarté; il n'est plus possible d'oublier de la prolonger » (CRI, Chambre, 5 mars 2020, CRIV 55 PLEN 026, p. 68). Ce rejet était aussi motivé par la situation des patients gravement affaiblis, pour qui le renouvellement de la déclaration anticipée resterait problématique en cas de maintien d'une durée de validité limitée (Doc. parl., Chambre, 2019-2020, DOC 55-0523/013, p. 7). Comme le résume un membre de la commission compétente, la disposition attaquée vise à « garantir le respect de la volonté et du droit à l'autodétermination des patients, et [à] éviter l'insécurité juridique » (ibid., p. 8).

B.14. Le droit à la vie, tel qu'il est garanti à l'article 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, impose au législateur de prendre les mesures nécessaires pour « protéger les personnes vulnérables même contre des agissements par [lesquels] elles menacent leur propre vie », ce qui implique notamment qu'il est tenu de veiller à empêcher « un individu de mettre fin à ses jours si sa décision n'a pas été prise librement et en toute connaissance de cause » (CEDH, 20 janvier 2011, Haas c. Suisse, § 54). Une telle obligation positive de prendre des mesures visant à protéger l'intégrité physique de personnes vulnérables a pour effet que, lorsque le législateur permet la pratique de l'euthanasie sur la base d'une déclaration anticipée, il doit mettre en place une procédure qui garantit qu'une telle déclaration anticipée correspond bien, au moment où l'euthanasie est pratiquée, à la libre volonté de l'intéressé.

B.15. Dans le cadre de l'examen de la première branche, il appartient à la Cour de vérifier si, par la disposition attaquée, le législateur a instauré un régime qui garantit que, lorsque l'euthanasie est pratiquée, la déclaration anticipée reflète effectivement la volonté libre et actuelle du déclarant, dans le respect de l'obligation positive qui incombe à l'Etat de protéger le droit à la vie.

B.16.1. Ainsi qu'il a été dit dans les travaux préparatoires, « la déclaration anticipée d'euthanasie est une démarche qui nécessite un certain formalisme (témoins, personnes de confiance, etc.) et est bien encadrée par la loi. Il s'agit dès lors d'une démarche bien réfléchie » (Doc. parl., Chambre, 2019-2020, DOC 55-0523/008, pp. 6-7). Le retrait ou l'adaptation de la déclaration anticipée est possible à tout moment (article 4, § 1er, alinéa 7, de la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer) et relativement facilement, en tout cas en comparaison avec les formalités qui s'appliquaient auparavant en cas de renouvellement de la déclaration. Cette possibilité de retrait ou d'adaptation permet de préserver la liberté de choix du déclarant et de garantir que la déclaration reflète la volonté la plus récente du déclarant qu'une euthanasie soit pratiquée dans le cas où il ne pourrait plus manifester sa volonté. Le fait de conférer à la déclaration anticipée une durée de validité indéterminée n'est donc pas sans justification raisonnable.

B.16.2. En ce qui concerne le risque, évoqué par les parties requérantes, qu'au fil des années, le déclarant oublie qu'il a rédigé une déclaration anticipée et qu'il change d'avis sur la question, il y a lieu de constater que le fait de conférer à la déclaration anticipée une durée de validité limitée ne fait pas disparaître le risque que le déclarant oublie de renouveler sa déclaration. Le choix du législateur de prévenir la survenance d'une telle situation, par l'exclusion de la faculté de conférer une durée limitée à la déclaration, en accordant donc une importance accrue au droit à l'autodétermination du déclarant, n'est pas déraisonnable. Au reste, rien n'empêche les personnes concernées, le cas échéant en concertation avec leurs proches et les professionnels concernés, de réévaluer régulièrement leur position (Doc. parl., Chambre, 2019-2020, DOC 55-0523/013, p. 4).

Pour le surplus, l'article 4, § 2, alinéa 2, 2°, 3°, et 4°, de la loi du 28 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/05/2002 pub. 22/06/2002 numac 2002009590 source ministere de la justice Loi relative à l'euthanasie fermer fait obligation au médecin de s'entretenir du contenu de la déclaration anticipée avec l'équipe soignante ou les membres de celle-ci, de la volonté du patient avec la personne de confiance, si la déclaration en désigne une, et du contenu de la déclaration anticipée avec les proches du patient que la personne de confiance désigne.

B.17. Le troisième moyen, en sa première branche, n'est pas fondé.

B.18. Compte tenu de ce qui est dit en B.16.2 et sans qu'il soit besoin de déterminer si les personnes comparées se trouvent dans des situations objectivement différentes au regard de la mesure attaquée, il n'est pas nécessaire d'examiner la seconde branche du moyen.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 17 février 2022.

Le greffier, Le président, F. Meersschaut P. Nihoul

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