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Arrêt
publié le 22 juillet 2021

Extrait de l'arrêt n° 44/2021 du 11 mars 2021 Numéro du rôle : 7311 En cause : la question préjudicielle relative aux articles 2244, 2246 et 2247 de l'ancien Code civil, posée par la Cour d'appel de Bruxelles. La Cour constitutionnelle,

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 44/2021 du 11 mars 2021 Numéro du rôle : 7311 En cause : la question préjudicielle relative aux articles 2244, 2246 et 2247 de l'ancien Code civil, posée par la Cour d'appel de Bruxelles.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et L. Lavrysen, et des juges T. Merckx-Van Goey, T. Giet, R. Leysen, M. Pâques et T. Detienne, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président F. Daoût, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 3 juillet 2019, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 28 novembre 2019, la Cour d'appel de Bruxelles a posé la question préjudicielle suivante : « Les articles 2244, 2246 et 2247 du Code civil, interprétés en ce sens qu'une contrainte décernée en application de l'article 51 du Code de l'inspection, la prévention, la constatation et la répression des infractions en matière d'environnement et de la responsabilité environnementale de la Région Bruxelles-Capitale, irrégulière, qui n'est pas visée et n'a pas été rendue exécutoire, n'interrompt pas le délai de prescription de dix ans applicable à l'action en recouvrement de l'amende administrative visée par cette contrainte alors qu'une citation nulle interrompt la prescription, violent-ils les articles 11 et 12 de la Constitution ? ». (...) III. En droit (...) Quant aux dispositions en cause et à leur portée B.1. La question préjudicielle porte sur les articles 2244, 2246 et 2247 de l'ancien Code civil. Ces articles font partie du titre XX de l'ancien Code civil relatif à la prescription, et plus particulièrement de son chapitre IV, section I, consacrée aux « causes qui interrompent la prescription ».

B.2. L'article 2244 de l'ancien Code civil, tel qu'il a été modifié en dernier lieu par la loi du 6 juillet 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/07/2017 pub. 24/07/2017 numac 2017030652 source service public federal justice Loi portant simplification, harmonisation, informatisation et modernisation de dispositions de droit civil et de procédure civile ainsi que du notariat, et portant diverses mesures en matière de justice fermer « portant simplification, harmonisation, informatisation et modernisation de dispositions de droit civil et de procédure civile ainsi que du notariat, et portant diverses mesures en matière de justice » et tel qu'il a été partiellement annulé par l'arrêt de la Cour n° 40/2019 du 28 février 2019, dispose : « § 1er. Une citation en justice, un commandement, une sommation de payer visée à l'article 1394/21 du Code judiciaire ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, forment l'interruption civile.

Une citation en justice interrompt la prescription jusqu'au prononcé d'une décision définitive.

Pour l'application de la présente section, un recours en annulation d'un acte administratif devant le Conseil d'Etat a, à l'égard de l'action en réparation du dommage causé par l'acte administratif, les mêmes effets qu'une citation en justice. § 2. Sans préjudice de l'article 1146, la mise en demeure envoyée par l'avocat du créancier, par l'huissier de justice désigné à cette fin par le créancier ou par la personne pouvant ester en justice au nom du créancier en vertu de l'article 728, § 3, du Code judiciaire, par envoi recommandé avec accusé de réception, au débiteur dont le domicile, le lieu de résidence ou le siège social est situé en Belgique interrompt également la prescription et fait courir un nouveau délai d'un an, sans toutefois que la prescription puisse être acquise avant l'échéance du délai de prescription initial. La prescription ne peut être interrompue qu'une seule fois par une telle mise en demeure, sans préjudice des autres modes d'interruption de la prescription.

Si le délai de prescription prévu par la loi est inférieur à un an, la durée de la prorogation est identique à celle du délai de prescription.

L'interruption de la prescription intervient au moment de l'envoi de la mise en demeure par envoi recommandé avec accusé de réception.

L'avocat du créancier, l'huissier de justice désigné à cette fin par le créancier ou la personne pouvant ester en justice au nom du créancier en vertu de l'article 728, § 3, du Code judiciaire s'assure des coordonnées exactes du débiteur par un document administratif datant de moins d'un mois. En cas de résidence connue différente du domicile, l'avocat du créancier, l'huissier de justice désigné à cette fin par le créancier ou la personne pouvant ester en justice au nom du créancier en vertu de l'article 728, § 3, du Code judiciaire s'assure adresse [sic] une copie de son envoi recommandé à ladite résidence.

Pour interrompre la prescription, la mise en demeure doit contenir de façon complète et explicite les mentions suivantes : 1° les coordonnées du créancier : s'il s'agit d'une personne physique, le nom, le prénom et l'adresse du domicile ou, le cas échéant, de la résidence ou du domicile élu conformément aux articles 36 et 39 du Code judiciaire;s'il s'agit d'une personne morale, la forme juridique, la raison sociale et l'adresse du siège social ou, le cas échéant, du siège administratif conformément à l'article 35 du Code judiciaire; 2° les coordonnées du débiteur : s'il s'agit d'une personne physique, le nom, le prénom et l'adresse du domicile ou, le cas échéant, de la résidence ou du domicile élu conformément aux articles 36 et 39 du Code judiciaire;s'il s'agit d'une personne morale, la forme juridique, la raison sociale et l'adresse du siège social ou, le cas échéant, du siège administratif conformément à l'article 35 du Code judiciaire; 3° la description de l'obligation qui a fait naître la créance;4° si la créance porte sur une somme d'argent, la justification de tous les montants réclamés au débiteur, y compris les dommages et intérêts et les intérêts de retard;5° le délai dans lequel le débiteur peut s'acquitter de son obligation avant que des mesures supplémentaires de recouvrement puissent être prises;6° la possibilité d'agir en justice pour mettre en oeuvre d'autres mesures de recouvrement en cas d'absence de réaction du débiteur dans le délai fixé;7° le caractère interruptif de la prescription provoqué par cette mise en demeure;8° la signature de l'avocat du créancier, de l'huissier de justice désigné à cette fin par le créancier ou de la personne pouvant ester en justice au nom du créancier en vertu de l'article 728, § 3, du Code judiciaire ». L'article 2246 de l'ancien Code civil, qui n'a jamais été modifié, dispose : « La citation en justice, donnée même devant un juge incompétent, interrompt la prescription ».

L'article 2247 de l'ancien Code civil, tel qu'il a été modifié en dernier lieu par la loi du 16 juillet 2012Documents pertinents retrouvés type loi prom. 16/07/2012 pub. 03/08/2012 numac 2012009317 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil et le Code judiciaire en vue de simplifier les règles qui gouvernent le procès civil fermer « modifiant le Code civil et le Code judiciaire en vue de simplifier les règles qui gouvernent le procès civil », dispose : « Si le demandeur se désiste de sa demande, Ou si sa demande est rejetée, L'interruption est regardée comme non avenue ».

B.3.1. L'article 2244 de l'ancien Code civil énumère limitativement les actes juridiques qui interrompent la prescription. Les articles 2246 et 2247 précisent la portée des principes établis par l'article 2244, précité.

B.3.2. Lors de la rédaction de l'ancien Code civil, ses auteurs ont estimé que les actes visés par l'article 2244 de l'ancien Code civil devaient être parfaitement réguliers pour revêtir un effet interruptif de la prescription. La seule exception à ce formalisme strict était celle qui est envisagée par l'article 2246 de l'ancien Code civil, toujours en vigueur, qui confère un effet interruptif de la prescription à la citation en justice donnée devant un juge incompétent. En outre, l'article 2247, dans sa version originelle, précisait que l'interruption de prescription était regardée comme non avenue en cas d'assignation nulle pour défaut de forme, de désistement d'instance du demandeur, de péremption d'instance causée par le demandeur ou de rejet de sa demande.

B.4.1. Le législateur a assoupli le formalisme de ces dispositions en deux étapes.

B.4.2. La loi du 16 juillet 2012Documents pertinents retrouvés type loi prom. 16/07/2012 pub. 03/08/2012 numac 2012009317 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil et le Code judiciaire en vue de simplifier les règles qui gouvernent le procès civil fermer, précitée, a supprimé l'alinéa 1er, ancien, de l'article 2247 de l'ancien Code civil, qui disposait que la citation nulle pour défaut de forme était dépourvue d'effet interruptif de la prescription.

Les travaux préparatoires de cette réforme précisent : « Il est communément admis que la méfiance des citoyens envers la Justice trouve essentiellement sa source dans la lenteur et le coût des procédures. Or, force est de constater que ces maux dont souffre le système judiciaire actuel sont, eux, principalement dus au formalisme dont est empreint notre droit. Notons également que le formalisme des procédures reste, la plupart du temps, incompris du citoyen, et qu'aujourd'hui un ' nettoyage ' s'impose pour ne conserver dans notre droit, que les formalités dont il est acquis qu'elles ont une utilité démontrée, et qu'elles sont proportionnelles à cette utilité.

L'auteur de la présente proposition de loi s'attache à éliminer de nos Codes civil et judiciaire, quelques rigidités superflues et onéreuses qu'ils contiennent : l'assouplissement du système judiciaire par la suppression de ses formalités inutiles constitue non seulement une solution parmi d'autres, pour restaurer la confiance des citoyens dans leur système judiciaire, mais est aussi l'un des remèdes au problème trop connu de l'arriéré judiciaire.

Le texte propose quatre modifications législatives : 1. La première concerne le système des nullités prévu aux articles 2246 et 2247 du Code civil.A la lecture de ces dispositions, l'on constate qu'il existe une certaine incohérence entre elles, en ce que la nullité prévue à l'article 2246 du Code civil interrompt la prescription en cours et ce, même lorsque le juge est incompétent, alors que l'article 2247 du même Code, stipule [sic], lui, que ' si l'assignation est nulle par défaut de forme (...) l'interruption est regardée comme non avenue '.

L'on ne peut manquer, ici, de s'interroger sur l'existence d'une différence entre les situations visées aux articles 2246 et 2247, et qui justifierait la divergence des solutions qu'ils proposent : de fait, il semble difficile d'admettre ' que l'acte introductif d'instance nul en la forme n'opère point l'interruption de la prescription, lorsque tel est pourtant le cas de la saisine d'un juge incompétent. Où gît la différence, puisqu'en toute hypothèse, l'effet d'interruption de la citation en justice tient aujourd'hui à la manifestation de la volonté que cet acte implique, bien davantage qu'aux formes qu'elle adopte ? ' » (Doc. parl., Chambre, S.E. 2010, DOC 53-0075/001, pp. 3-4).

Il ressort de ces travaux préparatoires que le législateur a estimé qu'en supprimant l'alinéa 1er, ancien, de l'article 2247 de l'ancien Code civil, il conférait à la citation nulle pour vice de forme un effet interruptif de la prescription.

B.4.3. La loi du 23 mai 2013Documents pertinents retrouvés type loi prom. 23/05/2013 pub. 01/07/2013 numac 2013009287 source service public federal justice Loi modifiant l'article 2244 du Code civil pour attribuer un effet interruptif de la prescription à la lettre de mise en demeure de l'avocat, de l'huissier de justice ou de la personne pouvant ester en justice en vertu de l'article 728, § 3, du Code judiciaire type loi prom. 23/05/2013 pub. 14/08/2014 numac 2014000369 source service public federal interieur Loi modifiant l'article 2244 du Code civil pour attribuer un effet interruptif de la prescription à la lettre de mise en demeure de l'avocat, de l'huissier de justice ou de la personne pouvant ester en justice en vertu de l'article 728, § 3, du Code judiciaire. - Traduction allemande fermer « modifiant l'article 2244 du Code civil pour attribuer un effet interruptif de la prescription à la lettre de mise en demeure de l'avocat, de l'huissier de justice ou de la personne pouvant ester en justice en vertu de l'article 728, § 3, du Code judiciaire » a ensuite conféré caractère interruptif de prescription à la mise en demeure envoyée par l'avocat du créancier, l'huissier de justice désigné par le créancier ou la personne pouvant ester en justice au nom du créancier (article 2244, § 2, de l'ancien Code civil).

Les travaux préparatoires de cette réforme précisent : « Le but de la présente proposition n'est évidemment pas de transformer de manière générale l'avocat en officier ministériel, mais simplement de conférer à l'un de ses actes particuliers accomplis en dehors de l'enceinte judiciaire elle-même des effets légaux particuliers. Il s'agit en somme d'épargner des procédures judiciaires parfois inutiles et qui détournent les magistrats de leur fonction première, tout en permettant au justiciable de réaliser des économies financières non négligeables » (Doc. parl., Sénat, S.E. 2010, n° 5-145/1, p. 2).

Dans son avis, la section de législation du Conseil d'Etat souligne : « En introduisant un nouveau mode interruptif de la prescription, à savoir une mise en demeure opérée par lettre recommandée - avec accusé de réception - envoyée par l'avocat du créancier au débiteur de ce dernier, la proposition de loi fait évoluer la logique qui sous-tend la définition des causes qui interrompent la prescription. En effet, dans l'esprit de l'auteur de la proposition, le créancier n'agit plus dans l'intention de porter devant le juge une créance qu'il ne pourra recouvrer dans le délai légal de prescription, l'objectif étant au contraire de lui permettre de prendre une mesure conservatoire de son titre de créance en recourant à un formalisme simplifié. Pour ce faire, il ne sera donc plus requis de recourir notamment à une citation faisant intervenir un huissier de justice » (Doc. parl., Sénat, 2010-2011, n° 5-145/3, pp. 3-4).

B.5. Les modifications précitées des articles 2244 et 2247 de l'ancien Code civil témoignent d'un assouplissement progressif du formalisme exigé par le législateur pour qu'un acte juridique interrompe valablement la prescription.

B.6. En ce qui concerne plus particulièrement le commandement, visé à l'article 2244, § 1er, alinéa 1er, de l'ancien Code civil, le législateur a admis expressément par diverses lois particulières qu'un commandement irrégulier ou un acte assimilé puisse, dans certains cas, valablement interrompre le délai de prescription.

Ainsi, l'article 40, alinéa 2, de la loi du 15 juin 1935Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/06/1935 pub. 11/10/2011 numac 2011000619 source service public federal interieur Loi concernant l'emploi des langues en matière judiciaire. - Coordination officieuse en langue allemande fermer « concernant l'emploi des langues en matière judiciaire » confère un caractère interruptif de la prescription aux actes juridiques, en ce compris les commandements, rédigés en violation des exigences linguistiques de cette loi. L'article III.27 du Code de droit économique confère également un caractère interruptif de la prescription aux commandements rédigés en violation de l'article III.26 du même Code.

En matière fiscale, l'article 49 de la loi-programme du 9 juillet 2004Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 09/07/2004 pub. 15/07/2004 numac 2004021091 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer assimile le commandement portant sur une dette d'impôt contestée dépourvue de caractère certain et liquide, à un commandement régulier, interruptif de la prescription au sens de l'article 2244, § 1er, alinéa 1er, de l'ancien Code civil.

Quant à la portée de la question préjudicielle B.7.1. Ainsi que le relève le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, il ressort des motifs du jugement a quo que la Cour est interrogée sur la compatibilité des dispositions en cause avec les articles 10 et 11 de la Constitution, qui consacrent le principe d'égalité et de non-discrimination, et non avec l'article 12 de la Constitution, lequel consacre le droit à la liberté individuelle.

B.7.2. La Cour entend la question en ce sens.

Quant au fond B.8.1. Pour apprécier la compatibilité d'une norme législative avec les articles 10 et 11 de la Constitution, la Cour examine en premier lieu si les catégories de personnes entre lesquelles une inégalité est alléguée sont suffisamment comparables.

B.8.2. La question préjudicielle porte sur les articles 2244, 2246 et 2247 de l'ancien Code civil, dans l'interprétation selon laquelle ils créent une différence de traitement entre, d'une part, les personnes qui introduisent une citation irrégulière et, d'autre part, les personnes qui produisent un commandement irrégulier, ou un acte qui y est assimilé, telle la contrainte irrégulière. Dans le premier cas, le délai de prescription est interrompu par la citation, tandis que dans le second, le délai de prescription continue à courir malgré le commandement ou l'acte qui y est assimilé.

B.8.3. Ces deux catégories de personnes sont comparables. Dans les deux cas, une personne qui se revendique titulaire d'un droit a l'intention de détruire la quiétude de celui qui est en voie de prescrire, cette intention étant matérialisée par un acte vicié en la forme.

B.9.1. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.9.2. Il ressort des travaux préparatoires mentionnés en B.4.2 et B.4.3 que le législateur a souhaité assouplir certaines formalités qu'il trouvait excessives dans le cadre de l'interruption de la prescription, en privilégiant désormais le critère de l'intention de l'auteur de l'acte au détriment de celui de la parfaite régularité de l'acte concerné. L'objectif du législateur est de restaurer la confiance du justiciable envers le système judiciaire, mais aussi de lutter contre l'arriéré judiciaire, dans un esprit d'économie de procédure et de coûts.

Ce faisant, le législateur contribue à augmenter la sécurité juridique, puisque c'est éventuellement après une longue procédure et, par conséquent, après l'expiration du délai de prescription que le juge du fond considère l'acte juridique comme irrégulier pour vice de forme et, par-là, incapable d'interrompre la prescription. Ce constat est amplifié par la multiplication des délais de prescriptions courts, établis par l'ancien Code civil ou par des lois particulières.

B.10.1. Les articles 2244, 2246 et 2247 de l'ancien Code civil, dans l'interprétation selon laquelle le commandement irrégulier ou l'acte assimilé, telle la contrainte irrégulière, n'interrompt pas la prescription, incitent l'auteur d'un commandement ou d'un acte qui y est assimilé à introduire simultanément une action en justice pour avoir la certitude d'interrompre le délai de prescription, par crainte que le juge du fond considère in fine l'acte comme irrégulier pour vice de forme, le cas échéant après l'écoulement du délai de prescription. Cette interprétation va manifestement à l'encontre des objectifs poursuivis par le législateur, mentionnés en B.9.2.

B.10.2. Eu égard à l'évolution législative retracée en B.4.2, B.4.3 et B.6, la différence de traitement décrite en B.8.2 est dépourvue de justification raisonnable. Par conséquent, les articles 2244, 2246 et 2247 de l'ancien Code civil, tels qu'ils sont interprétés par le juge a quo, ne sont pas compatibles avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.10.3. Dans cette interprétation des dispositions en cause, la question préjudicielle appelle une réponse affirmative.

B.11.1. Toutefois, depuis la modification de l'article 2247 de l'ancien Code civil par la loi du 16 juillet 2012Documents pertinents retrouvés type loi prom. 16/07/2012 pub. 03/08/2012 numac 2012009317 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil et le Code judiciaire en vue de simplifier les règles qui gouvernent le procès civil fermer précitée, le législateur ne s'oppose plus à ce que les actes visés à l'article 2244, § 1er, alinéa 1er, de l'ancien Code civil puissent valablement interrompre la prescription tout en étant affectés d'un vice de forme.

Il considère en outre qu'il n'est pas nécessaire que le caractère interruptif des actes viciés en la forme soit expressément prévu par une disposition législative.

B.11.2. Partant, comme le relèvent le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale et le Conseil des ministres, les dispositions en cause peuvent être interprétées autrement, en ce sens qu'elles confèrent un effet interruptif de la prescription au commandement irrégulier ou à l'acte qui y est assimilé, telle la contrainte irrégulière.

B.11.3. Dans cette interprétation, la question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : - Les articles 2244, 2246 et 2247 de l'ancien Code civil, interprétés en ce sens que le commandement irrégulier ou l'acte qui y est assimilé, telle la contrainte irrégulière, n'interrompt pas le délai de prescription, violent les articles 10 et 11 de la Constitution. - Les mêmes dispositions, interprétées en ce sens que le commandement irrégulier ou l'acte qui y est assimilé, telle la contrainte irrégulière, interrompt le délai de prescription, ne violent pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 11 mars 2021.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, F. Daoût

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