publié le 27 mai 2020
Extrait de l'arrêt n° 197/2019 du 5 décembre 2019 Numéro du rôle : 6989 En cause: la question préjudicielle concernant l'article 126 de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, po La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges T. Merckx-V(...)
COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 197/2019 du 5 décembre 2019 Numéro du rôle : 6989 En cause: la question préjudicielle concernant l'article 126 de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, posée par le Tribunal du travail de Liège, division Huy.
La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, J. Moerman et M. Pâques, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président F. Daoût, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 17 juillet 2018, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 19 juillet 2018, le Tribunal du travail de Liège, division Huy, a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 126 de la loi coordonnée du 14 juillet 1994 relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités concernant l'intervention majorée, interprété en ce sens qu'il exclut que les enfants de parents séparés soient considérés comme à charge des deux parents pour le calcul des revenus à prendre en compte, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution et plus particulièrement le principe d'égalité des Belges, en ce qu'il impose le choix d'un des deux parents comme ayant les enfants à charge alors qu'ils sont réellement à charge des deux parents de manière égalitaire tant fiscalement qu'au niveau de l'hébergement ? ». (...) III. En droit (...) Quant à la disposition en cause et à son contexte B.1.1. Tel qu'il est applicable au litige devant le juge a quo, l'article 126 de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, (ci-après : la loi coordonnée du 14 juillet 1994) dispose : « Si aucun choix n'a été réalisé sur la question de savoir auprès de quel titulaire la personne à charge doit être inscrite ou en cas de contestation entre les titulaires, la personne à charge est inscrite par priorité à charge du titulaire le plus âgé ou, s'il s'agit d'un enfant et que les titulaires ne vivent pas sous le même toit, à charge du titulaire qui cohabite avec lui.
La demande visant à ce que la personne à charge soit inscrite à charge d'un autre titulaire ne produit ses effets qu'au 1er janvier de l'année qui suit celle au cours de laquelle la demande a été introduite. Cependant, en cas de modification de la situation de la personne à charge pendant la période se situant entre l'introduction de la demande susvisée et le 1er janvier de l'année suivant celle de l'introduction de la demande, la demande sort ses effets immédiatement dans le respect des dispositions réglementaires applicables.
Le Roi fixe, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, les modalités pratiques d'inscription de la personne à charge. Il détermine le délai au terme duquel on considère qu'aucun choix n'a été réalisé et ce qu'on entend par ' contestation '. Il détermine également les cas dans lesquels il y a une modification de la situation de la personne à charge pour l'application de l'alinéa précédent ».
Cette disposition règle l'inscription à une mutualité d'une personne à charge d'un titulaire des prestations de soins de santé, lorsque la personne à charge peut potentiellement être inscrite auprès de plusieurs titulaires. Ainsi, lorsque ces titulaires n'ont pas réalisé de choix ou lorsqu'ils ne sont pas d'accord pour déterminer auprès de qui la personne à charge doit être inscrite, l'ordre de priorité prévu par l'alinéa 1er détermine le titulaire de la personne à charge.
Ainsi, la personne à charge est inscrite par priorité à charge du titulaire le plus âgé ou, s'il s'agit d'un enfant et que les titulaires ne vivent pas sous le même toit, à charge du titulaire qui cohabite avec lui.
B.1.2. La disposition en cause trouve son origine dans la réforme de l'assurance obligatoire des soins de santé des travailleurs indépendants, opérée par la loi du 26 mars 2007Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/03/2007 pub. 27/04/2007 numac 2007022520 source service public federal securite sociale Loi portant des dispositions diverses en vue de la réalisation de l'intégration des petits risques dans l'assurance obligatoire soins de santé pour les travailleurs indépendants fermer « portant des dispositions diverses en vue de la réalisation de l'intégration des petits risques dans l'assurance obligatoire soins de santé pour les travailleurs indépendants » (ci-après : la loi du 26 mars 2007Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/03/2007 pub. 27/04/2007 numac 2007022520 source service public federal securite sociale Loi portant des dispositions diverses en vue de la réalisation de l'intégration des petits risques dans l'assurance obligatoire soins de santé pour les travailleurs indépendants fermer).
Depuis le 1er janvier 2008, l'assurance obligatoire des indépendants couvre, comme celle des travailleurs salariés, les petits risques en matière de soins de santé. Cette harmonisation de la couverture des assurances de soins de santé des travailleurs indépendants et des travailleurs salariés a eu pour conséquence que les personnes à charge de ces titulaires n'avaient plus autant intérêt à être inscrites à la mutualité d'un travailleur salarié plutôt qu'à celle d'un travailleur indépendant, puisque les droits accordés par les deux régimes devenaient identiques. Pour déterminer la mutualité auprès de laquelle une personne à charge doit être inscrite, le législateur a décidé de laisser le libre choix aux titulaires.
L'exposé des motifs de la loi du 26 mars 2007Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/03/2007 pub. 27/04/2007 numac 2007022520 source service public federal securite sociale Loi portant des dispositions diverses en vue de la réalisation de l'intégration des petits risques dans l'assurance obligatoire soins de santé pour les travailleurs indépendants fermer indique : « De par l'intégration des petits risques, il n'y a plus de différence entre les droits des titulaires (différence entre le régime général et le régime indépendant, dans lequel les droits sont limités); le fait d'être inscrit à charge de tel ou tel titulaire est dès lors en principe sans importance. La personne à charge obtient en effet les mêmes droits que le titulaire à charge duquel elle est inscrite. Dans un système dans lequel les droits sont différents, le bénéficiaire est inscrit comme personne à charge du titulaire ayant le plus de droits.
Le principe dans un système qui ne connaît pas une telle distinction est toujours celui du libre choix » (Doc. parl., Chambre, 2006-2007, DOC 51-2764/001, p. 16).
B.1.3. La disposition en cause provient de l'article 27 de la loi du 26 mars 2007Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/03/2007 pub. 27/04/2007 numac 2007022520 source service public federal securite sociale Loi portant des dispositions diverses en vue de la réalisation de l'intégration des petits risques dans l'assurance obligatoire soins de santé pour les travailleurs indépendants fermer, lequel a remplacé l'article 126 initial de la loi coordonnée du 14 juillet 1994 comme suit : « En cas de contestation entre des titulaires sur la question de savoir auprès duquel un enfant doit être inscrit comme personne à charge, l'enfant est inscrit par priorité comme personne à charge du titulaire le plus âgé.
Pour les titulaires qui ne vivent pas sous le même toit, l'enfant est inscrit par préférence comme personne à charge du titulaire qui cohabite avec lui ».
Le commentaire de l'article 27, alors en projet, indiquait : « L'article 126 de la loi règle la situation des bénéficiaires qui ont, simultanément ou consécutivement, les qualités de bénéficiaire du régime général et du régime indépendant. Du fait de l'intégration des petits risques, cette disposition pourrait être abrogée.
Cet article est remplacé par une disposition qui vise à régler la situation dans laquelle des enfants pourraient être inscrits comme enfants à charge de plusieurs titulaires. Le principe est celui du libre choix. L'article règle deux situations particulières, à savoir celle d'un conflit entre titulaires et celle du divorce. [...] [...] Ce n'est qu'en cas de contestation entre les titulaires qu'un critère objectif et clair, applicable à toutes les situations, doit être utilisé pour élaborer une règle de priorité. Le critère du titulaire le plus âgé est un critère objectif qui peut être appliqué de la même manière à toutes les situations. C'est en outre un critère qui existait déjà dans l'ancienne règle de priorité et que les organismes assureurs peuvent appliquer facilement, sans qu'ils doivent demander une information complémentaire aux assurés sociaux » (ibid., p. 16). Dans le rapport, le ministre ajoute : « Il a également fallu régler la situation dans laquelle des enfants pourraient être inscrits comme enfants à charge de plusieurs titulaires » (Doc. parl., Chambre, 2006-2007, DOC 51-2764/003, p. 6).
B.1.4. La disposition en cause, telle qu'elle est applicable au litige devant le juge a quo, a ensuite été remplacée par l'article 61 de la loi du 19 décembre 2008Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/2008 pub. 31/12/2008 numac 2008022703 source service public federal securite sociale Loi portant des dispositions diverses en matière de santé type loi prom. 19/12/2008 pub. 31/12/2008 numac 2008024536 source service public federal securite sociale Loi portant modification de l'article 157 de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994 fermer « portant des dispositions diverses en matière de santé » (ci-après : la loi du 19 décembre 2008Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/2008 pub. 31/12/2008 numac 2008022703 source service public federal securite sociale Loi portant des dispositions diverses en matière de santé type loi prom. 19/12/2008 pub. 31/12/2008 numac 2008024536 source service public federal securite sociale Loi portant modification de l'article 157 de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994 fermer).
L'exposé des motifs de la loi du 19 décembre 2008Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/2008 pub. 31/12/2008 numac 2008022703 source service public federal securite sociale Loi portant des dispositions diverses en matière de santé type loi prom. 19/12/2008 pub. 31/12/2008 numac 2008024536 source service public federal securite sociale Loi portant modification de l'article 157 de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994 fermer indique : « L'instauration du libre choix dans le chef des membres peut parfois avoir des conséquences négatives. Tant qu'aucun choix n'est fait, on ne peut en aucun cas procéder à une inscription; toutefois, à partir du moment où l'inscription peut être réglée, celle-ci prend effet rétroactivement à la date à laquelle les conditions pour être personne à charge sont remplies.
Il est dès lors proposé de rétablir des règles de priorité pour l'inscription des personnes à charge d'un titulaire » (Doc. parl., Chambre, 2008-2009, DOC 52-1491/001 et 52-1492/001, p. 60).
Le rapport précise : « Depuis le 1er janvier 2008, les indépendants sont également assurés pour les petits risques par l'application de la loi du 26 mars 2007Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/03/2007 pub. 27/04/2007 numac 2007022520 source service public federal securite sociale Loi portant des dispositions diverses en vue de la réalisation de l'intégration des petits risques dans l'assurance obligatoire soins de santé pour les travailleurs indépendants fermer.
Etant donné qu'il n'existe plus ainsi qu'un seul régime d'assurance obligatoire soins de santé, pour toutes les situations où il doit être déterminé auprès de quel titulaire une personne à charge doit être affiliée, le principe de libre choix a été instauré à partir du 1er janvier 2008.
L'instauration du libre choix comme principe pourrait mener à moins de constance dans l'affiliation des personnes à charge. Le libre choix implique également que le choix peut être revu. Lorsque les titulaires concernés ne sont pas affiliés auprès du même organisme assureur, un échange intermutualiste de données est nécessaire afin que la personne à charge puisse bénéficier de tous les droits.
L'instauration du libre choix dans le chef des membres peut ainsi parfois avoir des conséquences négatives. Tant qu'aucun choix n'est fait, on ne peut en aucun cas procéder à une inscription; toutefois, à partir du moment où l'inscription peut être réglée, celle-ci prend effet rétroactivement à la date à laquelle les conditions pour être personne à charge sont remplies.
Il est dès lors proposé aux articles 64 et 65 de rétablir des règles de priorité pour l'inscription des personnes à charge d'un titulaire » (Doc. parl., Chambre, 2008-2009, DOC 52-1491/006, pp. 11-12).
B.1.5. Par les deux remplacements consécutifs de la disposition en cause, le législateur a voulu obvier aux conséquences négatives du principe du libre choix des titulaires en ce qui concerne l'inscription d'une personne à charge, lorsque ceux-ci n'ont pas exercé de choix ou lorsqu'ils sont en contestation.
Quant au litige devant le juge a quo B.2.1. Il ressort de la décision de renvoi que le litige devant le juge a quo porte sur le refus d'une mutualité d'accorder à un parent séparé une intervention majorée de l'assurance soins de santé, au sens de l'article 37, § 19, de la loi coordonnée du 14 juillet 1994, parce que les revenus du parent concerné dépasseraient le plafond de revenus. Dans le calcul des revenus, la mutualité refuse de considérer les enfants du parent concerné comme étant des « personnes à charge » parce qu'ils ne sont pas domiciliés chez ce parent. Puisque les parents n'ont pas expressément choisi d'inscrire les enfants à charge de ce parent, les enfants sont, en vertu de la disposition en cause, inscrits comme personnes à charge de l'autre parent, chez qui ils sont domiciliés. Toutefois, le juge a quo constate que les enfants sont hébergés de manière égalitaire par les deux parents depuis la séparation de ces derniers et que les frais ordinaires et extraordinaires liés aux enfants sont supportés à moitié par chaque parent.
La Cour limite son examen à cette situation.
B.2.2. L'intervention majorée de l'assurance soins de santé est prévue par l'article 37, § 19, de la loi coordonnée du 14 juillet 1994, qui dispose : « Les ménages qui disposent de revenus modestes bénéficient d'une intervention majorée de l'assurance. Par ménage, il y a lieu d'entendre l'entité constituée du demandeur, de son conjoint non séparé de fait ou de corps et de biens ou de son cohabitant et de leurs personnes à charge au sens de l'article 32, alinéa 1er, 17°, 18° et 19°. [...].
Sont pris en considération les revenus bruts imposables du ménage. [...] [...] Le Roi fixe le plafond de revenus en dessous duquel le ménage concerné est considéré comme disposant de revenus modestes. Il fixe les conditions et les modalités d'ouverture, de maintien et de retrait du droit à l'intervention majorée de l'assurance, compte tenu des précisions apportées dans le présent paragraphe. [...] ».
B.2.3. Les conditions et modalités d'octroi de l'intervention majorée de l'assurance soins de santé ont été fixées par un arrêté royal du 15 janvier 2014 « relatif à l'intervention majorée de l'assurance visée à l'article 37, § 19, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994 » (ci-après : l'arrêté royal du 15 janvier 2014).
L'article 21 de cet arrêté fixe un plafond de revenus en ce qui concerne le bénéfice d'une intervention majorée après une enquête sur les revenus opérée par la mutuelle : « Le plafond de revenus applicable dans le cadre du présent arrêté est fixé à 15.986,16 euros augmenté de 2.959,47 euros par personne supplémentaire présente dans le ménage composé conformément aux dispositions de la section 4 du présent chapitre.
Les montants visés à l'alinéa 1er sont liés à l'indice pivot 114,97 (base 2004 = 100) et sont adaptés à l'indice des prix à la consommation d'une manière identique à celle en vigueur pour les pensions. [...] ».
L'article 25 du même arrêté royal, qui fait partie de la section 4 à laquelle l'article 21 précité fait référence, dispose : « Le ménage pris en considération dans le cadre de ce chapitre est composé du demandeur, de son conjoint non séparé de fait ni séparé de corps et de biens, ou de son cohabitant au sens de l'article 14 et de leurs personnes à charge, et ce au moment de l'introduction de la demande. [...] ».
La personne à charge est définie dans l'arrêté royal du 15 janvier 2014 comme étant « la personne bénéficiant des prestations de santé dans la qualité visée à l'article 32, alinéa 1er, 17°, 18°, 19° et 23° de la loi » (article 2, 4).
B.2.4. L'article 32, alinéa 1er, 17°, 18°, 19° et 23°, de la loi coordonnée du 14 juillet 1994, auquel renvoient tant l'article 2, 4, de l'arrêté royal du 15 janvier 2014 que l'article 37, § 19, de la loi coordonnée du 14 juillet 1994, dispose : « Sont bénéficiaires du droit aux prestations de santé telles qu'elles sont définies au chapitre III du titre III de la présente loi coordonnée et dans les conditions prévues par celle-ci : [...] 17° les personnes à charge des titulaires visés sous 1° à 16°, 20° et 21°;18° les personnes à charge des titulaires visés sous 1° à 16°, 20° et 21° qui remplissent leurs obligations de milice;19° les personnes à charge des travailleurs de nationalité belge assujettis à une législation étrangère de sécurité sociale, lorsqu'elles se trouvent ou reviennent en Belgique pendant que ces travailleurs remplissent leurs obligations de milice. [...] 23° les enfants des titulaires visés sous 22° qui sont à leur charge ». Il s'ensuit que la « personne à charge » est la personne à charge de différents titulaires, dont, principalement, ceux qui sont visés aux 1° à 16°, 20° et 21° de l'article 32 de la loi coordonnée du 14 juillet 1994, à savoir les travailleurs salariés et les travailleurs indépendants, ainsi que les personnes y assimilées, tels les retraités, les travailleurs en incapacité de travail et les personnes au chômage. B.2.5. Les articles 123, 124 et 125 de l'arrêté royal du 3 juillet 1996 « portant exécution de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994 » (ci-après : l'arrêté royal du 3 juillet 1996) précisent la notion de « personne à charge d'un titulaire ».
L'article 123 de cet arrêté royal dispose : « La qualité de personne à charge d'un titulaire ou d'un travailleur, au sens de l'article 32 de la loi coordonnée, est attribuée aux personnes et dans les conditions déterminées par le présent article et par les articles 124, 125 et 127 : [...] 3. Les enfants énumérés ci-dessous, de moins de 25 ans : a) les enfants et enfants adoptés du titulaire ou travailleur et ceux dans l'acte de naissance desquels le nom de celui-ci est mentionné; [...] ».
L'article 124, § 2, alinéas 1er et 2, du même arrêté royal précise que la règle selon laquelle les personnes à charge doivent avoir la même résidence principale que le titulaire ne s'applique pas aux enfants qui sont à charge du titulaire par application de l'article 123, alinéa 1er, 3, du même arrêté royal : « Les personnes à charge d'un titulaire ou d'un travailleur, au sens de l'article 123, doivent faire partie de son ménage; elle ne remplissent cette condition que lorsqu'elles ont la même résidence principale au sens de l'article 3, alinéa 1er, 5°, de la loi du 8 août 1983 organisant un Registre national des personnes physiques, que le titulaire.
Il est fait exception à cette règle pour le conjoint séparé, visé à l'article 123, 1, et les enfants qui sont à charge du titulaire ou travailleur par application de l'article 123, 3. [...] ».
Enfin, l'article 125 de l'arrêté royal du 3 juillet 1996, qui n'a pas été adapté à la suite de la modification de la disposition en cause par la loi du 19 décembre 2008Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/2008 pub. 31/12/2008 numac 2008022703 source service public federal securite sociale Loi portant des dispositions diverses en matière de santé type loi prom. 19/12/2008 pub. 31/12/2008 numac 2008024536 source service public federal securite sociale Loi portant modification de l'article 157 de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994 fermer, dispose : « Conformément à l'article 126 de la loi coordonnée, en cas de contestation entre des titulaires sur la question de savoir auprès duquel un enfant doit être inscrit comme personne à charge, l'enfant est inscrit par priorité comme personne à charge du titulaire le plus âgé.
Pour les titulaires qui ne vivent pas sous le même toit, l'enfant est inscrit par préférence comme personne à charge du titulaire qui cohabite avec lui ».
B.2.6. La Cour de cassation a jugé, à propos de ces dispositions : « D'une part, en vertu de l'article 123, alinéa 1er, 3, a), de l'arrêté royal du 3 juillet 1996 portant exécution de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, la qualité de personne à charge d'un titulaire ou d'un travailleur, au sens de l'article 32 de la loi coordonnée, est attribuée, dans les conditions déterminées par ledit article 123 et par les articles 124, 125 et 127 qui lui font suite, aux enfants et enfants adoptés du titulaire ou du travailleur et à ceux dans l'acte de naissance desquels le nom de celui-ci est mentionné, s'ils sont âgés de moins de vingt-cinq ans.
Dès lors que cette disposition ne requiert pas que le titulaire ou le travailleur assume l'entretien de l'enfant, le second alinéa de l'article 123 précité, qui prévoit que, pour l'application de cet article, est censée assumer l'entretien de l'enfant la personne qui cohabite avec celui-ci et qui règle la preuve de cette cohabitation, ne s'applique pas aux cas visés à l'alinéa 1er, 3, a), de cet article.
Si l'article 124, § 2, alinéa 1er, du même arrêté dispose que les personnes à charge d'un titulaire ou d'un travailleur, au sens de l'article 123, doivent faire partie de son ménage et détermine la seule situation dans laquelle elles remplissent cette condition, l'article 124, § 2, alinéa 2, fait exception à cette règle pour les enfants qui sont à charge du titulaire ou du travailleur par application de l'article 123, alinéa 1er, 3.
Il s'ensuit que, pour qu'un enfant visé à l'article 123, alinéa 1er, 3, a), de l'arrêté royal du 3 juillet 1996 soit à la charge d'un titulaire ou d'un travailleur, il n'est pas requis qu'il cohabite avec ce dernier ou fasse partie de son ménage.
D'autre part, au cas où les parents d'un enfant ne vivent pas sous le même toit, l'article 126, alinéa 1er, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, dispose que, si aucun choix n'a été réalisé sur la question de savoir auprès de quel titulaire la personne à charge doit être inscrite ou en cas de contestation entre les titulaires, la personne à charge est inscrite par priorité à charge du titulaire qui cohabite avec lui; l'alinéa 2 de cet article précise le moment où sortit ses effets la demande visant à ce que la personne à charge soit inscrite à charge d'un autre titulaire.
L'arrêt constate que le défendeur est divorcé, qu'il est seul domicilié à son adresse et que ses deux filles cadettes, mineures d'âge et domiciliées chez leur mère, ' vivent chez lui la moitié du temps en vertu d'un hébergement égalitaire '.
En considérant, pour les tenir, ainsi interprétés, comme contraires aux articles 10 et 11 de la Constitution et écarter, dès lors, leur application en vertu de l'article 159 de celle-ci, que ' les articles 123, [alinéa 1er, 3], et 124, § 2, de l'arrêté royal du 3 juillet 1996 [...] interdisent de considérer comme étant à charge pour le remboursement des soins de santé des enfants domiciliés chez leur autre parent ', l'arrêt viole ces dispositions réglementaires, qui n'édictent pas pareille interdiction.
En décidant ensuite, sur cette base, que ces deux enfants ' doivent être considérées comme étant à la charge [du défendeur] ' alors qu'elles sont inscrites comme étant à la charge de leur mère et qu'il ne constate l'existence ni d'un choix de leurs parents séparés ni d'une demande d'inscription à charge du défendeur, il viole, en outre, l'article 126 de la loi coordonnée du 14 juillet 1994 » (Cass., 6 juin 2016, S.15.0132.F).
Il ressort de cet arrêt que les articles 123, alinéa 1er, 3, a) et 124, § 2, de l'arrêté royal du 3 juillet 1996 n'excluent pas que les enfants de moins de 25 ans d'un couple séparé ou divorcé qui sont domiciliés chez l'un des parents puissent être considérés à charge de l'autre parent pour le remboursement de leurs soins de santé. Pour le surplus, il découle de l'article 126 de la loi coordonnée du 14 juillet 1994 que, lorsque les parents sont séparés ou divorcés, les enfants ne peuvent être inscrits comme personnes à charge qu'à l'égard d'un seul titulaire. En l'absence d'un choix dans le chef des parents, les enfants sont inscrits comme personnes à charge chez le titulaire qui cohabite avec eux. Il ressort de la combinaison de ces dispositions qu'en cas d'hébergement égalitaire, les enfants de moins de 25 ans doivent demeurer à la charge d'un seul titulaire et que ce rattachement ne repose pas nécessairement uniquement sur le critère de la résidence et sur l'idée de cohabitation.
Quant à la question préjudicielle B.3. Par la question préjudicielle, le juge a quo interroge la Cour sur la compatibilité de la disposition en cause avec les articles 10 et 11 de la Constitution, qui garantissent le principe d'égalité de traitement et de non-discrimination, en ce que cette disposition est interprétée comme excluant de considérer, lors du calcul du plafond de revenus dans la cadre d'une demande d'intervention majorée au sens de l'article 37, § 19, de la loi coordonnée du 14 juillet 1994, que les enfants de parents séparés sont à charge des deux parents et comme imposant le choix d'un des deux parents, alors que les enfants sont réellement à la charge des deux parents de manière égalitaire, tant fiscalement qu'en ce qui concerne l'hébergement.
B.4. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée. Ce principe s'oppose, par ailleurs, à ce que soient traitées de manière identique, sans qu'apparaisse une justification raisonnable, des catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure critiquée, sont essentiellement différentes.
L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
B.5. Comme il est dit en B.2.6, il résulte de la combinaison des articles 123, alinéa 1er, 3, a) et 124, § 2, de l'arrêté royal du 3 juillet 1996 et de l'article 126 de la loi coordonnée du 14 juillet 1994 qu'un seul titulaire des personnes à charge doit être envisagé, même en cas d'hébergement égalitaire, et que ce rattachement à un titulaire ne repose pas nécessairement uniquement sur le critère de la résidence et sur l'idée de cohabitation.
C'est par conséquent la disposition en cause qui règle la désignation du titulaire dans le cas des enfants de moins de 25 ans d'un couple séparé ou divorcé, qui sont considérés comme des personnes à charge en vertu des articles 123, alinéa 1er, 3, a) et 124, § 2, de l'arrêté royal du 3 juillet 1996.
B.6.1. La loi du 13 avril 1995Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/04/1995 pub. 02/07/2009 numac 2009000438 source service public federal interieur Loi contenant des dispositions en vue de la répression de la traite et du trafic des êtres humains. - Coordination officieuse en langue allemande fermer a introduit dans l'article 374 du Code civil le principe de l'exercice conjoint de l'autorité parentale.
L'exercice conjoint de l'autorité parentale, qui suppose que les parents assument conjointement la charge financière des enfants, n'implique toutefois pas nécessairement l'hébergement égalitaire par les parents séparés, cette forme d'hébergement n'ayant été privilégiée par le législateur que depuis l'entrée en vigueur de la loi du 18 juillet 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/07/2006 pub. 04/09/2006 numac 2006009678 source service public federal justice Loi tendant à privilégier l'hébergement égalitaire de l'enfant dont les parents sont séparés et réglementant l'exécution forcée en matière d'hébergement d'enfant fermer « tendant à privilégier l'hébergement égalitaire de l'enfant dont les parents sont séparés et réglementant l'exécution forcée en matière d'hébergement d'enfant », qui a notamment modifié l'article 374 du Code civil.
B.6.2. Lorsque, toutefois, les enfants sont hébergés de manière égalitaire par les parents séparés, ce que la législateur souhaite privilégier depuis la loi du 18 juillet 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/07/2006 pub. 04/09/2006 numac 2006009678 source service public federal justice Loi tendant à privilégier l'hébergement égalitaire de l'enfant dont les parents sont séparés et réglementant l'exécution forcée en matière d'hébergement d'enfant fermer, leur charge est effectivement assumée par les parents de manière égalitaire et cette répartition de la charge effective de l'enfant entre les parents séparés devrait en principe être prise en compte dans le système de l'intervention majorée de l'assurance soins de santé parce que ce système tend à compenser la charge réelle de l'enfant dans le ménage à revenus modestes.
B.7.1. En empêchant que les enfants de parents séparés qui sont hébergés chez les deux parents de manière égalitaire soient inscrits comme personnes à charge des deux parents, la disposition en cause a pour conséquence que seul un des deux parents peut déclarer les enfants lors du calcul du plafond des revenus en ce qui concerne l'octroi de l'intervention majorée de l'assurance.
B.7.2. Cette disposition est justifiée par l'objectif légitime que des enfants ne soient pas pris en compte deux fois pour la détermination du plafond de revenus relative à l'intervention majorée de l'assurance soins de santé.
B.7.3. La circonstance que les enfants sont domiciliés chez l'un des deux parents à la suite du jugement constatant la séparation n'y change rien, dès lors que la disposition en cause empêche en toute hypothèse que les enfants puissent être inscrits comme personnes à charge des deux parents.
Bien que chaque parent assume partiellement la charge des enfants nés de leur union, la disposition en cause ne permet pas de prendre en compte dans le chef de chaque parent cette charge effectivement assumée pour le calcul du plafond de revenus en vue de l'octroi de l'intervention majorée de l'assurance soins de santé.
Cette différence de traitement n'est pas raisonnablement justifiée par rapport à l'objectif du législateur qui consiste à tenir compte, lors de la détermination du plafond de revenus permettant l'octroi de l'intervention majorée, de l'augmentation des charges corrélatives à la taille du ménage considéré et de la situation effective de l'éducation des enfants dans le contexte familial concret.
B.7.4. S'il est légitime que le législateur souhaite éviter que tous les enfants de parents séparés soient pris en compte deux fois en ce qui concerne l'intervention majorée de l'assurance soins de santé, il est toutefois disproportionné d'admettre, d'une part, qu'il faut privilégier l'hébergement égalitaire et, par conséquent, la répartition de la charge des enfants entre les parents séparés, tout en refusant, d'autre part, de considérer les enfants comme étant inscrits, à tout le moins partiellement, à charge du parent qui sollicite l'intervention majorée.
B.8. Cette différence de traitement injustifiée ne trouve toutefois pas sa source dans la disposition en cause, mais dans l'absence d'une disposition législative qui permette de prendre en compte, lors de la détermination du plafond de revenus en ce qui concerne l'octroi d'une intervention majorée de l'assurance soins de santé, la charge effectivement assumée par chaque parent dans l'hébergement et dans l'éducation de leurs enfants, lorsque ces enfants sont hébergés de manière égalitaire par les parents.
B.9. Lorsque le constat d'une lacune est exprimé en des termes suffisamment précis et complets qui permettent l'application de la disposition en cause dans le respect des normes de référence sur la base desquelles la Cour exerce son contrôle, la Cour indique qu'il appartient au juge de mettre fin à la violation de ces normes.
Tel n'est pas le cas dans la présente affaire. En effet, la Cour ne peut préciser davantage le constat de lacune exprimé en B.8, dès lors qu'elle ne dispose pas d'un pouvoir d'appréciation équivalent à celui du législateur. A défaut de précisions, la lacune constatée en B.8 ne peut pas être comblée directement par le juge a quo. C'est donc au législateur, et à lui seul, qu'il appartient d'apprécier, dans le respect des articles 10 et 11 de la Constitution, de quelle manière et dans quelle mesure la charge des enfants effectivement assumée par les parents doit être prise en compte lors de la détermination du plafond de revenus en ce qui concerne l'octroi d'une intervention majorée de l'assurance soins de santé.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : - L'article 126 de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution. - L'absence de disposition législative permettant de prendre en compte, lors de la détermination du plafond de revenus en ce qui concerne l'octroi d'une intervention majorée de l'assurance soins de santé, la charge effectivement assumée par chaque parent dans l'hébergement et dans l'éducation de leurs enfants, lorsque ces enfants sont hébergés de manière égalitaire par les parents, viole les articles 10 et 11 de la Constitution.
Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 5 décembre 2019.
Le greffier, F. Meersschaut Le président, F. Daoût