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Arrêt
publié le 17 avril 2020

Extrait de l'arrêt n° 150/2019 du 24 octobre 2019 Numéro du rôle : 6922 En cause : le recours en annulation de la loi du 19 septembre 2017 « modifiant l'article 39/73-1 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'éta La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges L. Lavrysen(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 150/2019 du 24 octobre 2019 Numéro du rôle : 6922 En cause : le recours en annulation de la loi du 19 septembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/09/2017 pub. 06/11/2017 numac 2017013845 source service public federal interieur Loi modifiant l'article 39/73-1 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 19/09/2017 pub. 06/02/2018 numac 2018010444 source service public federal interieur Loi modifiant l'article 39/73-1 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande fermer « modifiant l'article 39/73-1 de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers », introduit par l'Ordre des barreaux francophones et germanophone.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman et M. Pâques, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président F. Daoût, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 4 mai 2018 et parvenue au greffe le 7 mai 2018, l'Ordre des barreaux francophones et germanophone, assisté et représenté par Me S. Sarolea et Me. J. Hardy, avocats au barreau du Brabant wallon, a introduit un recours en annulation de la loi du 19 septembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/09/2017 pub. 06/11/2017 numac 2017013845 source service public federal interieur Loi modifiant l'article 39/73-1 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 19/09/2017 pub. 06/02/2018 numac 2018010444 source service public federal interieur Loi modifiant l'article 39/73-1 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande fermer « modifiant l'article 39/73-1 de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers » (publiée au Moniteur belge du 6 novembre 2017). (...) II. En droit (...) B.1.1. La partie requérante prend un moyen unique de la violation, par l'article 2 de la loi du 19 septembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/09/2017 pub. 06/11/2017 numac 2017013845 source service public federal interieur Loi modifiant l'article 39/73-1 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 19/09/2017 pub. 06/02/2018 numac 2018010444 source service public federal interieur Loi modifiant l'article 39/73-1 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande fermer « modifiant l'article 39/73-1 de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers » (ci-après : la loi du 19 septembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/09/2017 pub. 06/11/2017 numac 2017013845 source service public federal interieur Loi modifiant l'article 39/73-1 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 19/09/2017 pub. 06/02/2018 numac 2018010444 source service public federal interieur Loi modifiant l'article 39/73-1 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande fermer), des articles 10, 11 et 191 de la Constitution, lus isolément ou en combinaison avec les articles 3, 6, 8 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec les articles 4, 7 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Elle reproche en substance au nouveau régime de sanction pour recours abusif devant le Conseil du contentieux des étrangers (ci-après : le Conseil) de violer le principe d'égalité et de non-discrimination garanti par les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles précités de la Convention européenne des droits de l'homme et de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, de porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale, au droit à un recours effectif, au droit à une procédure équitable, aux droits de la défense, ainsi qu'au droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains et dégradants.

B.1.2. L'article 2 de la loi du 19 septembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/09/2017 pub. 06/11/2017 numac 2017013845 source service public federal interieur Loi modifiant l'article 39/73-1 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 19/09/2017 pub. 06/02/2018 numac 2018010444 source service public federal interieur Loi modifiant l'article 39/73-1 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande fermer dispose : « L'article 39/73-1 de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, inséré par la loi du 29 décembre 2010 est remplacé par ce qui suit : ' Lorsque des indices font apparaître que le recours introduit est manifestement abusif, le Conseil inclut d'office ce constat dans les discussions lors de l'examen de ce recours. Il permet aux parties présentes à l'audience de faire valoir leurs observations en la matière et peut, à cette fin, suspendre l'audience s'il échet. Le Conseil peut, au besoin, également se prononcer sur le recours introduit et, dans son arrêt, fixer une nouvelle date d'audience en vue de poursuivre les débats sur le caractère manifestement abusif du recours.

Dans la notification d'une ordonnance de fixation d'audience, il est attiré l'attention sur la possible ouverture d'une enquête quant au caractère non abusif du recours par la mention du présent article.

Le Conseil peut imposer une amende chaque fois qu'il estime qu'un recours manifestement abusif a été introduit.

L'arrêt qui prononce l'amende est en tout cas réputé contradictoire.

Le montant de l'amende, s'élevant au minimum à 125 euros et au maximum à 2.500 euros, est déterminé par le Conseil.

Chaque année au 1er janvier, les montants visés à l'alinéa 5 sont adaptés de plein droit à l'évolution de l'indice des prix à la consommation selon la formule suivante: le montant de base, multiplié par le nouvel indice et divisé par l'indice de départ. Le nouvel indice est l'indice des prix à la consommation du mois de décembre de l'année précédant l'année dans laquelle les montants conformément à l'alinéa 5 sont adaptés. L'indice de départ est l'indice du mois de novembre 2017. Le résultat obtenu est arrondi à l'euro supérieur si la partie décimale est supérieure ou égale à cinquante cents. Il est arrondi à l'euro inférieur si la partie décimale est inférieure à cinquante cents.

Le Roi fixe par arrêté délibéré en Conseil des ministres les modalités de perception de l'amende.

L'arrêt prononçant le caractère manifestement abusif du recours et imposant éventuellement une amende est, si la partie requérante était assistée d'un avocat, également notifié au bâtonnier compétent et au président du bureau d'aide juridique ».

B.2.1. Le Conseil des ministres excipe de l'irrecevabilité ratione materiae du recours en ce qu'il vise les articles 3, 6, 8 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme et les articles 4, 7 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, pris isolément, dès lors que ces normes internationales ne sont pas, en soi, des normes de référence pour la Cour. Il ajoute que le moyen n'indique pas la manière dont ces dispositions seraient violées par la disposition attaquée.

B.2.2. Il ressort de la requête et des développements dans chacune des branches du moyen unique que, d'une part, la partie requérante articule à plusieurs reprises l'examen des dispositions internationales dont elle invoque la violation avec les articles 10, 11 et 191 de la Constitution et que, d'autre part, elle expose en quoi la disposition attaquée viole les dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme et celles de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

L'exception ratione materiae est rejetée.

B.2.3. Le Conseil des ministres excipe également de l'irrecevabilité ratione temporis du recours en ce que la partie requérante remettrait en cause le principe même de l'amende pour recours manifestement abusif, alors que la disposition attaquée ne ferait que « réviser » les modalités de la procédure existante qui permet au Conseil d'infliger une telle amende.

B.2.4. Il ressort expressément du texte de l'article 2, précité, de la loi du 19 septembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/09/2017 pub. 06/11/2017 numac 2017013845 source service public federal interieur Loi modifiant l'article 39/73-1 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 19/09/2017 pub. 06/02/2018 numac 2018010444 source service public federal interieur Loi modifiant l'article 39/73-1 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande fermer, que la disposition attaquée « remplace » l'article 39/73-1 de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer « sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers » (ci-après : la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer), tel qu'il avait été inséré par la loi du 29 décembre 2010. Non seulement, en effet, le législateur a formulé autrement la possibilité de prononcer une amende pour recours manifestement abusif, mais il a en outre modifié le régime de cette amende, d'une part, en décrivant la procédure applicable devant le Conseil ainsi que la mise en oeuvre des modalités de perception de l'amende par le Roi et, d'autre part, en énumérant dans les travaux préparatoires une série d'hypothèses qui pourraient conduire le Conseil à prononcer pareille amende.

L'exception ratione temporis est rejetée.

B.3.1. L'exposé des motifs de la disposition attaquée précise : « L'actuel projet entend lutter contre les recours manifestement abusifs introduits devant le Conseil du contentieux des étrangers. Il s'inscrit dans l'accord du 9 octobre 2014 qui prévoit que ' la lutte contre les abus sera poursuivie par le maintien d'un juste équilibre entre les droits et les devoirs et dans le respect de ceux qui accueillent et de ceux qui arrivent '.

L'article 39/73-1 de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers (ci-après : la loi sur les étrangers) prévoit la possibilité, pour le Conseil du contentieux des étrangers (ci-après : le Conseil), d'imposer une amende du chef d'un recours manifestement abusif. Le présent projet de loi vise à simplifier la procédure existante et à la rendre plus efficace, tout en garantissant pleinement les droits de la défense. Par ailleurs, des critères sont fixés dans l'exposé des motifs pour déterminer le montant de l'amende.

En simplifiant la procédure existante et en la rendant plus efficace, les juges devraient davantage se servir de cette possibilité offerte par la loi pour lutter contre les abus et réduire ainsi leur nombre.

Dans le cas d'un recours introduit de manière abusive, l'ancien article 39/73-1 prévoyait de clore la procédure de recours par un arrêt convoquant à nouveau les parties pour un autre débat sur l'éventuelle imposition d'une amende.

Le nouvel article 39/73-1 donne au Conseil la possibilité de mener un débat sur l'éventualité d'un recours introduit de manière abusive et sur l'imposition d'une amende pendant l'audience au cours de laquelle le recours est examiné. Il n'est donc plus nécessaire d'organiser une audience supplémentaire.

En outre, des critères ont à présent été fixés dans l'exposé des motifs afin que le juge puisse déterminer le montant exact de l'amende infligée. Pour déterminer ces critères, il a été décidé de se baser sur la nature de l'irrégularité constatée et sur l'impact que le recours abusif a eu ou a pu avoir.

Enfin, le nouvel article 39/73-1 comprend à présent également la pratique existante selon laquelle une copie de l'arrêt prononçant une amende doit également être notifiée au bâtonnier compétent. Le fait que le Conseil constate qu'un recours a manifestement été introduit abusivement peut en effet aussi avoir des conséquences pour l'avocat qui, après avoir été consulté par la partie requérante, a introduit le recours. Cet avocat ne pourra plus réclamer l'octroi d'une indemnisation dans le cadre de l'aide juridique de deuxième ligne (cf. l'arrêté ministériel du 19 juillet 2016 fixant la nomenclature des points pour les prestations effectuées par les avocats chargés de l'aide juridique de deuxième ligne partiellement ou complètement gratuite), et les constatations du Conseil peuvent éventuellement constituer une raison d'engager une procédure disciplinaire » (Doc. parl., Chambre, 2016-2017, DOC 54-2491/001, pp. 3 et 4).

B.3.2. Le régime de sanction établi par la disposition attaquée vise à décourager les recours manifestement abusifs dans le contentieux des étrangers en simplifiant la procédure et permet ainsi d'infliger une amende pour recours abusif pendant l'audience au cours de laquelle le recours est examiné. Les travaux préparatoires mentionnent à ce sujet : « Il n'est donc plus nécessaire, comme l'ancien article 39/73-1 le prévoyait, de clore la procédure d'appel par un arrêt convoquant à nouveau les parties pour un autre débat sur l'éventuelle imposition d'une amende.

Cette simplification s'impose dès lors que la pratique a montré que l'article 39/73-1 est peu appliqué. Depuis 2011, seuls vingt arrêts prononçant une amende ont été rendus. Compte tenu de la charge de travail considérable du Conseil et du fait que les coûts liés à l'organisation d'une audience distincte dépassent souvent le montant de l'amende qui peut être imposée, les parties ne sont plus à nouveau convoquées en vue d'imposer une amende dans certains cas, même s'il est manifestement question d'un recours abusif » (ibid., p. 5).

B.4. Les trois premières branches du moyen unique sont prises de la violation, par l'article 2, attaqué, de la loi du 19 septembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/09/2017 pub. 06/11/2017 numac 2017013845 source service public federal interieur Loi modifiant l'article 39/73-1 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 19/09/2017 pub. 06/02/2018 numac 2018010444 source service public federal interieur Loi modifiant l'article 39/73-1 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande fermer, des articles 10, 11 et 191 de la Constitution, lus isolément ou en combinaison, notamment, avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

La partie requérante considère que le régime de l'amende pour recours administratif abusif mis en place par la disposition attaquée porte une atteinte disproportionnée au droit à un recours effectif.

Elle soutient d'abord que, contrairement à ce que la Cour a jugé par son arrêt n° 88/2012 du 12 juillet 2012 et contrairement à l'avis du Conseil d'Etat qui a précédé le projet de loi, l'article 2 de la loi du 19 septembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/09/2017 pub. 06/11/2017 numac 2017013845 source service public federal interieur Loi modifiant l'article 39/73-1 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 19/09/2017 pub. 06/02/2018 numac 2018010444 source service public federal interieur Loi modifiant l'article 39/73-1 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande fermer n'oblige pas le Conseil à fixer une seconde audience pour examiner le caractère manifestement abusif du recours.

Elle ajoute que l'exercice des droits de la défense est particulièrement compromis par la disposition attaquée dès lors que, d'une part, c'est au Conseil qu'il appartient de décider s'il y a lieu de fixer une seconde audience et que, d'autre part, c'est ce même Conseil qui doit juger du caractère manifestement abusif du recours.

La partie requérante soutient aussi que la notion de « recours manifestement abusif » serait floue et incertaine et serait de ce fait source de discrimination. Elle ajoute que la disposition attaquée violerait le droit à un procès équitable et les droits de la défense, notamment parce que la décision d'imposer une sanction peut être prise à l'issue d'une seule audience, par un arrêt réputé contradictoire, sans qu'une information suffisante et préalable à cette audience ait dû être donnée.

B.5.1. Avant son remplacement par la disposition attaquée, l'article 39/73-1 de la loi du 15 septembre 1980 disposait : « Si le Conseil estime qu'une amende pour recours manifestement abusif peut être justifiée, l'arrêt qu'il prononce en ce sens fixe une audience à une date rapprochée.

L'arrêt est notifié aux parties.

L'arrêt qui prononce l'amende est en tout cas réputé contradictoire.

L'amende peut être de 125 à 2.500 euros. Chaque année, le Roi adapte ces montants en fonction de l'évolution de l'indice des prix à la consommation.

Le Roi fixe par arrêté délibéré en Conseil des ministres, les modalités relatives au recouvrement de l'amende ».

B.5.2. Par son arrêt n° 88/2012 du 12 juillet 2012, la Cour a jugé : « B.22.1. Le droit fondamental d'accès au juge ne comprend pas le droit d'utiliser les procédures existantes à des fins manifestement abusives. Toutefois, en raison de la limitation de ce droit fondamental que peut constituer l'imposition d'une amende pour recours manifestement abusif, cette notion doit faire l'objet d'une interprétation restrictive. Un requérant ne pourrait se voir infliger une amende pour la seule raison que le recours qu'il a introduit n'avait que très peu de chances d'aboutir à une décision favorable; la possibilité, même théorique, qu'une décision lui donnant satisfaction soit prononcée suffit à faire échapper le recours à la qualification de ' manifestement abusif '.

B.22.2. En ce sens, le Conseil d'Etat considère que ' le prononcé d'une amende pour recours manifestement abusif constitue une limitation du droit fondamental d'ester en justice [et] que, de ce fait, la notion de ' recours manifestement abusif ' inscrite à l'article 37 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat doit être interprétée restrictivement ' (arrêt no 123.211 du 22 septembre 2003) et qu'il s'en déduit que le droit d'accès au juge ne peut ' connaître de limitation que si l'abus est manifeste ' (arrêt n° 126.770 du 23 décembre 2003). Il précise que ' le seul fait que le requérant défende ses droits et attaque des décisions qu'il juge irrégulières n'est en tout cas pas constitutif d'un recours manifestement abusif ' (arrêt n° 207.185 du 2 septembre 2010). La jurisprudence du Conseil d'Etat indique encore que constitue un recours manifestement abusif le recours introduit ' non dans l'espoir, fût-il ténu, d'obtenir ce que la loi permet qu'il procure, mais dans l'unique but de conférer une apparence litigieuse fallacieuse à une situation de séjour irrégulière ' (arrêt n° 126.770 du 23 décembre 2003), ou un recours ' qui tend manifestement à retarder l'exécution d'une décision administrative de toute évidence légitime ou qui n'est manifestement pas introduit dans le but d'obtenir une décision sur le fond même de la prétention ' (arrêts n° 136.149 du 15 octobre 2004 et n° 176.452 du 6 novembre 2007).

L'abus de procédure peut être déduit ' dans le chef des requérants d'une mauvaise foi, d'un but de nuire ou de tromper ou d'une argumentation fantaisiste et manifestement mal fondée ' lorsque le dossier révèle ' des manoeuvres répréhensibles qui sont personnellement imputables ' aux requérants (arrêt n° 136.149 du 15 octobre 2004), une ' tentative de tromper le Conseil d'Etat en produisant un document contrefait ' (arrêt n° 176.452 du 6 novembre 2007) ou lorsque le recours ' repose sur des déclarations mensongères dont [la requérante] porte seule la responsabilité ' (arrêt n° 175.786 du 16 octobre 2007). Enfin, le Conseil d'Etat a encore eu l'occasion de préciser qu'une ' amende, comme toute sanction, ne peut, par nature, frapper que la personne qui a commis l'acte que la sanction tend à réprimer; que nul ne peut être sanctionné pour une infraction qu'il n'a pas commise ou à laquelle il n'a pas sciemment et librement collaboré ' et qu'il se déduit de ce principe fondamental que l'amende pour recours abusif ne peut être infligée au requérant lorsqu'il lui était impossible, vu sa méconnaissance du droit belge et le fait qu'il a fait confiance à son avocat, de déceler ce caractère (arrêt n° 126.770 du 23 décembre 2003).

B.22.3. Il découle de ce qui précède que l'amende pour recours manifestement abusif ne peut être infligée à un requérant que lorsque la juridiction constate que le recours est introduit de mauvaise foi ou dans un but de nuire ou de tromper ou résulte de manoeuvres répréhensibles, qui sont directement imputables au requérant lui-même ou que le recours n'est pas introduit dans le but d'obtenir la fin que la loi permet qu'il procure.

B.23.1. Par ailleurs, la disposition attaquée prévoit qu'une audience doit avoir lieu, au cours de laquelle le requérant doit avoir l'occasion de s'expliquer sur le caractère abusif de son recours, de sorte que le respect du principe du contradictoire est assuré en l'espèce.

B.23.2. En conséquence, la disposition attaquée ne porte pas une atteinte disproportionnée aux droits garantis par les dispositions citées au moyen.

B.24. Le deuxième moyen dans l'affaire n° 5175 n'est pas fondé ».

B.6.1. Dans son avis n° 61.103/4 du 27 mars 2017 sur l'avant-projet de loi, le Conseil d'Etat formule les observations suivantes : « En sa version actuelle, l'article 39/73-1 de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer ' sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers ' prévoit expressément la tenue d'une audience spécifique dédiée au bien-fondé de l'infliction de la sanction qu'il prévoit, infliction dont l'éventualité aura donc été signalée par avance à la partie requérante. Dans son arrêt n° 88/2012 du 12 juillet 2012, la Cour constitutionnelle a admis la constitutionnalité de la disposition ainsi conçue en fondant sa conclusion, entre autres, sur la considération que celle-ci ' prévoit qu'une audience doit avoir lieu, au cours de laquelle le requérant doit avoir l'occasion de s'expliquer sur le caractère abusif de son recours, de sorte que le respect du contradictoire est assuré en l'espèce '.

Le dispositif à l'examen supprime la nécessité de tenir une telle audience supplémentaire. Le commentaire de la disposition concernée précise que ' le Conseil a toujours la possibilité de suspendre ou de reporter l'audience à brève échéance afin de donner le temps à la partie requérante d'organiser sa défense ou de donner l'opportunité à la partie requérante qui n'a pas comparu d'exposer son point de vue concernant le caractère manifestement abusif du recours et l'éventuelle amende '. Cependant, et eu égard aux principes en cause, il va de soi que dans les hypothèses ainsi envisagées par le commentaire de la disposition - lesquelles doivent être appréciées in concreto -, la suspension de l'audience ou son report est de droit et ne constitue donc pas une simple faculté. Le commentaire sera davantage précisé en ce sens » (Doc. parl., Chambre, 2016-2017, DOC 54-2491/001, pp. 20 et 21).

B.6.2. Les travaux préparatoires relatifs à l'article 2, attaqué, mentionnent : « Les droits de la défense ne sont pas compromis. Les parties auront de toute façon la possibilité de prendre position, lors de l'audience, sur les éléments démontrant le caractère manifestement abusif du recours. Le principe du contradictoire est ainsi assuré. En outre, l'existence d'un recours ' manifestement ' abusif ne se justifie que si le Conseil constate ' que le recours est introduit de mauvaise foi ou dans un but de nuire ou de tromper ou résulte de manoeuvres répréhensibles, qui sont directement imputables au requérant lui-même ou que le recours n'est pas introduit dans le but d'obtenir la fin que la loi permet qu'il procure ' (Cour const., 12 juillet 2012, n° 88/2012, B.22.3). Il s'agit donc d'affaires évidentes prêtant peu à discussion » (ibid., p. 6).

Les mêmes travaux préparatoires mentionnent encore : « Le secrétaire d'Etat donne un aperçu des pratiques abusives : - demandes d'asile multiples en l'absence de nouveaux éléments à avancer; - demandes répétées sur la base de l'article 9bis en l'absence de nouveaux éléments; - demandes répétées sur la base de l'article 9ter en l'absence de nouveaux éléments; - demandes de regroupement familial au départ de centres fermés dans le seul but de prévenir ou de reporter l'expulsion; - demandes répétées de visa pour un séjour de courte ou de longue durée sans que de nouveaux éléments soient avancés et sans qu'il soit tenu compte des motifs de refus justifiant la décision précédente; - recours sans développement de moyens; - utilisation du copier/coller dans des recours, si bien qu'in casu les faits ne sont plus corrects (seul le nom est modifié, par exemple).

Enfin, dans certains cas, le Conseil du contentieux des étrangers prend une ordonnance précisant que le recours est rejeté pour une série de raisons et que, par conséquent, le dossier peut être finalisé par écrit. La partie requérante pourra dans ce cas demander à être entendue. Dans cette demande, il faut répondre aux éléments de l'ordonnance. Il est toutefois fréquent que l'avocat ne renvoie qu'à l'ordonnance. Cette pratique a uniquement pour but d'accumuler des points pro deo. Cette forme d'abus ne sera toutefois plus possible dans le nouveau système pro deo » (Doc. parl., Chambre, 2016-2017, DOC 54-2491/004, p. 20).

Quant au respect des droits de la défense et du principe du contradictoire B.6.3. Par la disposition attaquée, le législateur a voulu simplifier et rendre plus efficace la procédure prévue pour lutter contre l'introduction, devant le Conseil, de recours manifestement abusifs.

Le double objectif poursuivi par le législateur, à savoir réduire les coûts liés à l'organisation d'une audience spécifique consacrée au seul examen du caractère manifestement abusif du recours et soulager ainsi la charge de travail du Conseil, est légitime.

B.6.4. Pour atteindre ces objectifs, l'article 2, alinéa 2, attaqué, prévoit entre autres que le Conseil peut se prononcer, dès l'audience consacrée à l'examen au fond du recours, sur le caractère manifestement abusif de ce recours et, le cas échéant, imposer l'amende prévue à l'article 2, alinéa 4, et mettre ainsi un terme à la procédure engagée devant lui.

Ces mesures sont raisonnablement justifiées eu égard au double objectif poursuivi.

B.6.5. La Cour doit cependant examiner si la disposition attaquée ne porte pas atteinte disproportionnée aux droits de la défense.

Il ressort de l'exposé des motifs cité en B.3.1 et en B.6.2 que le législateur a voulu préserver les droits de la défense et qu'il a renvoyé à l'arrêt n° 88/2012 précité de la Cour et aux exemples qu'elle a considérés comme étant des recours manifestement abusifs.

En outre, l'article 2, alinéa 2, prévoit que les parties présentes à l'audience doivent être en mesure de faire valoir leurs observations.

A cet effet, le Conseil peut décider de suspendre l'audience ou fixer, dans son arrêt, une nouvelle audience en vue de poursuivre les débats sur le caractère manifestement abusif ou non du recours. Si cette faculté est laissée à la discrétion du Conseil, elle est néanmoins exercée sous le contrôle du Conseil d'Etat en cas de recours en cassation.

Quant à l'information préalable du requérant B.7. En ce qui concerne l'information préalable du requérant et de son avocat, avant l'audience devant le Conseil, l'article 2, alinéa 3, attaqué, de la loi du 19 septembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/09/2017 pub. 06/11/2017 numac 2017013845 source service public federal interieur Loi modifiant l'article 39/73-1 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 19/09/2017 pub. 06/02/2018 numac 2018010444 source service public federal interieur Loi modifiant l'article 39/73-1 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande fermer prévoit que « dans la notification d'une ordonnance de fixation d'audience, il est attiré l'attention sur la possible ouverture d'une enquête quant au caractère non abusif du recours par mention du présent article ».

Pareille notification n'exige pas l'information explicite du requérant ou de son avocat quant au fait que le Conseil envisage, dans son cas particulier, de faire application de la sanction, ni quant aux motifs pour lesquels il l'envisagerait. L'absence de pareille information prévue par la disposition attaquée peut mettre le requérant et son avocat en difficulté pour la préparation effective de leurs moyens de défense.

Même si les travaux préparatoires mentionnent que l'attention qui sera attirée dans la notification sur l'existence de la disposition attaquée se fera « de manière standardisée dans chaque notification d'une ordonnance de fixation d'audience » (Doc. parl., Chambre, 2016-2017, DOC 54-2491/004, p. 6), la disposition attaquée doit s'interpréter comme imposant au Conseil de préciser dans cette notification les motifs, propres à l'espèce, pour lesquels il envisage de statuer sur le caractère manifestement abusif du recours.

B.8. Sous réserve de l'interprétation mentionnée en B.7, le moyen unique, en ses deuxième et troisième branches, n'est pas fondé.

Quant à l'amende B.9. Dans une quatrième branche, la partie requérante reproche à l'article 2, attaqué, de la loi du 19 septembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/09/2017 pub. 06/11/2017 numac 2017013845 source service public federal interieur Loi modifiant l'article 39/73-1 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers type loi prom. 19/09/2017 pub. 06/02/2018 numac 2018010444 source service public federal interieur Loi modifiant l'article 39/73-1 de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande fermer de permettre que le montant de la sanction soit déterminé compte tenu du préjudice que l'autorité publique aurait subi et après avoir recueilli son avis et ce, en violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, d'une part, et avec l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, d'autre part.

B.10.1. Les travaux préparatoires mentionnent ce qui suit : « En ce qui concerne le montant de l'amende il est précisé que la fixation de ce montant revient au juge. Comme point de départ pour fixer l'amende le juge peut non seulement tenir compte des possibilités financières de la partie requérante, mais aussi par exemple de la nature de l'irrégularité constatée et l'impact que le recours abusif a eu ou a pu avoir.

Les éléments qui pourraient mener à l'imposition d'une amende plus élevée sont par exemple la présentation manifestement incorrecte de la situation, la production de déclarations manifestement fausses afin d'induire en erreur le Conseil et de dissimuler le caractère abusif du recours.

Une amende plus lourde peut également être imposée vu l'impact du recours manifestement abusif sur le Conseil et la partie défenderesse.

Par exemple : - si la procédure dont le caractère manifestement abusif a été établi a contraint le Conseil à organiser une audience en dehors des heures de bureau ou à très court terme. Ainsi l'organisation du Conseil et l'examen des recours introduits légitimement sont compromis. - l'administration a dû suspendre l'exécution d'une décision en dernier ressort en raison d'un recours manifestement abusif » (Doc. parl., Chambre, 2016-2017, DOC 54-2491/001, p. 8).

B.10.2. Dans son principe même, l'amende qui peut être infligée pour recours manifestement abusif ne peut sanctionner qu'un usage abusif du service public de la justice. Elle se distingue en ce sens des dommages et intérêts qui peuvent être alloués à une partie à un procès pour réparer le dommage matériel ou moral lié à une procédure téméraire et vexatoire.

Ainsi, contrairement à ce qui est dit dans les travaux préparatoires, la disposition attaquée ne peut pas s'interpréter comme permettant au Conseil de tenir compte de l'impact du recours sur la partie défenderesse.

Sous réserve de cette interprétation, le quatrième moyen n'est pas fondé.

Quant à la notification de l'arrêt au bâtonnier et au bureau d'aide juridique B.11.1. Dans la cinquième branche du moyen, il est reproché à la disposition attaquée qui prévoit que le Conseil notifie au bâtonnier compétent et au président du bureau d'aide juridique l'arrêt prononçant le caractère manifestement abusif du recours que, non seulement, cette notification pourrait atteindre la réputation de l'avocat, mais aussi qu'elle pourrait conduire les avocats à ne plus oser défendre les intérêts de certains requérants devant le Conseil, ce qui porterait atteinte aux droits des justiciables.

B.11.2. La notification attaquée, qui a pour but de responsabiliser aussi l'avocat du requérant, ne signifie pas que l'avocat est automatiquement sanctionné par les autorités disciplinaires de l'Ordre des avocats, celles-ci restant maîtres de l'opportunité de cette sanction. Quant à la possibilité qu'une sanction financière soit prise par le bureau d'aide juridique à l'égard d'un avocat qui sera intervenu au titre de l'aide juridique de seconde ligne dans un recours jugé manifestement abusif, l'article 508/8 du Code judiciaire donne au Conseil de l'Ordre la compétence de contrôler l'effectivité et la qualité des prestations effectuées par les avocats au titre de l'aide juridique, de sorte que l'application éventuelle d'une sanction pécuniaire n'est pas non plus automatique et ressort de la seule compétence du Conseil de l'Ordre dont relève l'avocat.

Le moyen, en sa cinquième branche, n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour, sous réserve des interprétations mentionnées en B.7 et en B.10.2, rejette le recours.

Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 24 octobre 2019.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, F. Daoût

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