publié le 28 décembre 2018
Extrait de l'arrêt n° 167/2018 du 29 novembre 2018 Numéro du rôle : 6751 En cause : le recours en annulation de l'article 82 de la loi du 18 avril 2017 portant dispositions diverses en matière d'économie, introduit par l'ASBL « Greenpeace Bel La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges L. Lavrysen(...)
COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 167/2018 du 29 novembre 2018 Numéro du rôle : 6751 En cause : le recours en annulation de l'article 82 de la
loi du 18 avril 2017Documents pertinents retrouvés
type
loi
prom.
18/04/2017
pub.
24/04/2017
numac
2017030176
source
service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie
Loi portant dispositions diverses en matière d'économie
fermer portant dispositions diverses en matière d'économie, introduit par l'ASBL « Greenpeace Belgium » et autres.
La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman et M. Pâques, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Alen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 19 octobre 2017 et parvenue au greffe le 20 octobre 2017, un recours en annulation de l'article 82 de la loi du 18 avril 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/04/2017 pub. 24/04/2017 numac 2017030176 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi portant dispositions diverses en matière d'économie fermer portant dispositions diverses en matière d'économie (publiée au Moniteur belge du 24 avril 2017) a été introduit par l'ASBL « Greenpeace Belgium », l'ASBL « Fédération Inter-environnement Wallonie », l'ASBL « Forum voor Vredesactie », la « Vlaamse Vereniging van Journalisten », l'ASBL « Bond Beter Leefmilieu » et l'ASBL « World Wide Fund for Nature Belgium », assistées et représentées par Me J. Verstraeten, avocat au barreau de Louvain. (...) II. En droit (...) B.1.1. Les parties requérantes demandent l'annulation de l'article 82 de la loi du 18 avril 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/04/2017 pub. 24/04/2017 numac 2017030176 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi portant dispositions diverses en matière d'économie fermer portant dispositions diverses en matière d'économie (ci-après : la loi du 18 avril 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/04/2017 pub. 24/04/2017 numac 2017030176 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi portant dispositions diverses en matière d'économie fermer).
La disposition attaquée fait partie du chapitre 14 de la loi précitée, intitulé « Modifications de la loi du 31 août 1939 sur l'Office national du Ducroire ».
L'article 69 de la loi du 18 avril 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/04/2017 pub. 24/04/2017 numac 2017030176 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi portant dispositions diverses en matière d'économie fermer dispose : « L'intitulé de la loi du 31 août 1939 sur l'Office national du Ducroire est remplacé par ce qui suit : ' Loi sur le Ducroire ' ».
B.1.2. L'article 82 attaqué dispose : « L'article 10 de la même loi, abrogé par la loi du 17 juin 1991, est renuméroté article 11 et rétabli dans la rédaction suivante : ' Article 11 : Les documents que le Ducroire reçoit ou produit dans le cadre de ses activités résultant de la mission de nature commerciale et financière qui lui est confiée par cette loi ne constituent pas des documents administratifs au sens de la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l'administration.
Le Ducroire est tenu par un devoir de discrétion à l'égard des informations d'entreprise confidentielles dont il dispose. ' ».
B.1.3. L'article 1er, alinéa 2, 2°, de la loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l'administration (ci-après : la loi du 11 avril 1994) définit un document administratif comme étant « toute information, sous quelque forme que ce soit, dont une autorité administrative dispose ».
B.2. Le moyen unique est pris de la violation des articles 10, 11 et 32 de la Constitution par l'article 82 de la loi du 18 avril 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/04/2017 pub. 24/04/2017 numac 2017030176 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi portant dispositions diverses en matière d'économie fermer, en ce que la disposition attaquée exclurait de manière générale et absolue du droit à la publicité passive de l'administration, garanti par la Constitution, les documents que le Ducroire reçoit ou produit.
En outre, la disposition attaquée ferait aussi naître une différence de traitement injustifiée entre, d'une part, les justiciables qui ne peuvent invoquer le droit à la publicité passive de l'administration lorsqu'ils demandent des informations au Ducroire, et, d'autre part, les justiciables qui peuvent effectivement se prévaloir de ce droit, lorsqu'ils demandent des informations auprès d'autres autorités administratives.
B.3.1. L'article 32 de la Constitution dispose : « Chacun a le droit de consulter chaque document administratif et de s'en faire remettre copie, sauf dans les cas et conditions fixés par la loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 ».
B.3.2. Selon le Constituant, cette disposition « fixe les principes de base concernant la publicité de l'administration. Il est opté pour une brève définition de ces principes. Une spécification plus détaillée ne peut que prêter à confusion et ne fait que rétrécir le texte au lieu de l'éclaircir. Le danger est trop grand que ce qui n'est pas repris soit interprété comme une restriction volontaire ou involontaire » (Doc. parl., Chambre, 1992-1993, n° 839/1, p. 4; n° 839/4, p. 2; Doc. parl., Sénat, 1991-1992, n° 100-49/2°, p. 3).
B.3.3. Bien que le droit d'accès aux documents administratifs soit reconnu comme un droit fondamental, il ne peut être exercé que dans les cas et conditions prévues par les différents législateurs.
B.4. Le Conseil des ministres conteste l'affirmation selon laquelle l'article 32 de la Constitution serait applicable au Ducroire, dans la mesure où ce dernier n'interviendrait pas en tant qu'autorité administrative dans l'exercice de sa mission, qui est de nature commerciale et financière, et ne dispose pas de documents administratifs.
B.5.1. Selon le Constituant, les principes repris dans l'article 32 de la Constitution sont valables à l'égard de toutes les autorités administratives et, concrètement, cette notion doit recevoir une interprétation aussi large que possible, en ce que le droit à la publicité des documents administratifs constitue un droit fondamental.
B.5.2. Le Ducroire est un établissement public doté de la personnalité juridique, créé et régi par la loi du 31 août 1939 sur le Ducroire (ci-après : la loi du 31 août 1939), et soumis au contrôle de l'autorité publique. Le Ducroire est chargé de tâches relevant du service public, qui tendent à favoriser les relations économiques internationales et à remédier aux carences du secteur privé en matière d'assurance-crédit. L'article 1er de la loi du 16 mars 1954 relative au contrôle de certains organismes d'intérêt public classe le Ducroire dans la catégorie C. B.5.3. Les tâches confiées au Ducroire sont définies à l'article 1er, § 2, de la loi du 31 août 1939, tel qu'il a été modifié par l'article 70 de la loi du 18 avril 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/04/2017 pub. 24/04/2017 numac 2017030176 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi portant dispositions diverses en matière d'économie fermer, qui dispose : « Le Ducroire remplit une mission de nature commerciale et financière, laquelle consiste à favoriser les relations économiques internationales, principalement par l'acceptation de risques dans le domaine de l'exportation, de l'importation et des investissements à l'étranger.
Pour réaliser son objet, le Ducroire peut : 1° octroyer toutes garanties propres à diminuer les risques, notamment les risques politiques, les risques de crédit et les risques financiers, encourus par les entreprises dans l'exercice de leur activité;2° octroyer toutes garanties propres à diminuer les risques afférents aux investissements internationaux;3° octroyer toutes garanties propres à diminuer les risques de change;4° apporter son concours au financement d'opérations d'exportation lorsque les sources de financement sont totalement ou partiellement d'origine publique, ou suppléer par son intervention à l'insuffisance éventuelle des concours financiers offerts;5° exercer, tant en Belgique qu'à l'étranger, toutes activités annexes ou complémentaires de nature à faciliter la réalisation de son objet;6° exécuter pour le compte du Gouvernement toute mission, qu'elle soit technique, financière ou de représentation, se rapportant au commerce ou investissements internationaux que celui-ci décidera de lui confier ». B.5.4. L'article 3 de la loi du 31 août 1939 dispose : « Le Ducroire exerce son activité : 1° pour le compte de l'Etat lorsque les opérations visées au § 2, alinéa 2, 1° à 3°, de l'article 1er, comportent des risques dont la gravité et la durée dépassent ses possibilités techniques, mais que leur réalisation est cependant jugée opportune par le Gouvernement ou lorsqu'il exécute les missions visées au § 2, alinéa 2, 6°, de l'article 1er.2° pour son compte propre, sans la garantie de l'Etat, pour les opérations qui, en fonction de leur nature, de leur durée et de l'intensité du risque, sont également garanties de façon habituelle par des sociétés n'agissant pas pour le compte ou avec la garantie de l'Etat;3° pour son compte propre, avec la garantie de l'Etat, dans tous les autres cas ». B.5.5. Il ressort de ce qui précède que, bien qu'il soit chargé d'une mission de nature commerciale et financière, le Ducroire a été créé et est régi par la loi, est soumis à la tutelle administrative, exerce des tâches relevant du service public et agit dès lors en tant qu'autorité administrative (cf., dans le même sens : Conseil d'Etat, section de législation, avis n° 60.806/1/2/4 du 7 février 2017, Doc. parl., Chambre, 2016-2017, DOC 54-2331/001, p. 109; Commission d'accès aux et de réutilisation des documents administratifs, section publicité de l'administration, avis n° 2013-33 du 2 septembre 2013; avis n° 2013-44 du 2 septembre 2013; avis n° 115-2016 du 24 octobre 2016).
En cette qualité, le Ducroire est soumis à l'application de l'article 32 de la Constitution.
B.6.1. L'article 32 de la Constitution garantit la publicité des « documents administratifs ». Selon le Constituant, par « document administratif », il faut entendre toute information, sous quelque forme que ce soit, dont les autorités administratives disposent. Cette notion doit recevoir une interprétation très large (Doc. parl., Chambre, 1992-1993, n° 839/1, p. 5) : « Il concerne toutes les informations disponibles, quel que soit le support : documents écrits, enregistrements sonores et visuels y compris les données reprises dans le traitement automatisé de l'information. Les rapports, les études, même de commissions consultatives non officielles, certains comptes rendus et procès-verbaux, les statistiques, les directives administratives, les circulaires, les contrats et licences, les registres d'enquête publique, les cahiers d'examen, les films, les photos, etc. dont dispose une autorité sont en règle générale publics, sauf lorsqu'un des motifs d'exception doit être appliqué » (Doc. Parl., Chambre, 1992-1993, n° 839/1, p. 5).
B.6.2. Compte tenu de cette large définition, il convient d'admettre que, contrairement à ce que prétend le Conseil des ministres, les documents qu'une autorité administrative, telle que le Ducroire, reçoit ou produit dans le cadre de sa mission, doivent être considérés comme des documents administratifs au sens de l'article 32 de la Constitution.
B.6.3. Contrairement à ce qui est dit dans les travaux préparatoires et à ce que fait aussi valoir le Conseil des ministres pour justifier la disposition attaquée, la publicité de l'administration, telle qu'elle est garantie par la disposition constitutionnelle précitée, ne doit pas nécessairement être liée à l'existence d'un acte administratif unilatéral. Il suffit en effet que l'autorité administrative soit en possession des documents administratifs dont la consultation ou la communication est demandée.
B.7.1. En déclarant, à l'article 32 de la Constitution, que chaque document administratif - notion qui, selon le Constituant, doit être interprétée très largement - est en principe public, le Constituant a érigé le droit à la publicité des documents administratifs en un droit fondamental.
B.7.2. Des exceptions au principe de la publicité des documents administratifs ne sont possibles que dans les conditions fixées par la loi, le décret ou l'ordonnance. Elles doivent être justifiées et sont de stricte interprétation (Doc. parl., Sénat, 1991-1992, n° 100-49/2°, p. 9). B.7.3. En permettant au législateur de prévoir dans quels cas et à quelles conditions il peut être dérogé au principe de la transparence administrative, le Constituant n'a pas exclu que l'accès à certains documents soit soumis à des conditions ou soit limité, pour autant que ces restrictions soient raisonnablement justifiées et n'entraînent pas d'effets disproportionnés.
Il convient, à cet égard, de souligner que la transparence administrative participe à l'effectivité de l'exercice du droit de recours des administrés devant le Conseil d'Etat ou devant les juridictions judiciaires.
B.7.4. Lorsque le Constituant a adopté l'article 32 de la Constitution, il a été souligné que les exceptions à ce droit appellent en principe un examen au cas par cas des différents intérêts en présence : « l'intérêt de la publication doit chaque fois contrebalancer concrètement l'intérêt qui est protégé par un motif d'exception » (Doc. parl., Chambre, 1992-1993, n° 839/1, p. 5).
B.8. La Cour doit examiner si la mesure qui consiste à exclure de manière générale et absolue du champ d'application de la loi du 11 avril 1994 tous les documents que le Ducroire reçoit ou produit dans le cadre de ses activités en exécution de la mission de nature commerciale et financière qui lui est confiée par la loi du 31 août 1939, et qui impose au Ducroire un devoir de discrétion à l'égard des informations d'entreprise confidentielles dont il dispose est conforme aux articles 10, 11 et 32 de la Constitution.
B.9.1. La loi du 11 avril 1994 s'applique en principe de manière générale aux autorités administratives fédérales et aux autorités administratives autres que les autorités administratives fédérales, mais uniquement dans la mesure où, pour des motifs relevant des compétences fédérales, ladite loi interdit ou limite la publicité de documents administratifs (article 1er, alinéa 1er).
L'article 1er, alinéa 2, 1°, définit une autorité administrative comme étant « une autorité administrative visée à l'article 14 de lois coordonnées sur le Conseil d'Etat ». Aux termes de l'article 1er, alinéa 2, 2°, il y a lieu d'entendre par « document administratif » « toute information, sous quelque forme que ce soit, dont une autorité administrative dispose ». Les articles 4 et 5 de la loi du 11 avril 1994 organisent le droit de principe de consulter un document administratif, de s'en faire délivrer une copie et de recevoir des explications relatives à ce document.
B.9.2. L'article 6, §§ 1er à 3, de la loi du 11 avril 1994 prévoit un certain nombre d'exceptions à cette publicité de principe : « § 1er. L'autorité administrative fédérale ou non fédérale rejette la demande de consultation, d'explication ou de communication sous forme de copie d'un document administratif si elle a constaté que l'intérêt de la publicité ne l'emporte pas sur la protection de l'un des intérêts suivants : 1° la sécurité de la population;2° les libertés et les droits fondamentaux des administrés;3° les relations internationales fédérales de la Belgique;4° l'ordre public, la sûreté ou la défense nationales;5° la recherche ou la poursuite de faits punissables;6° un intérêt économique ou financier fédéral, la monnaie ou le crédit public;7° le caractère par nature confidentiel des informations d'entreprise ou de fabrication communiquées à l'autorité;8° le secret de l'identité de la personne qui a communiqué le document ou l'information à l'autorité administrative à titre confidentiel pour dénoncer un fait punissable ou supposé tel. § 2. L'autorité administrative fédérale ou non fédérale rejette la demande de consultation, d'explication ou de communication sous forme de copie d'un document administratif qui lui est adressée en application de la présente loi si la publication du document administratif porte atteinte : 1° à la vie privée, sauf si la personne concernée a préalablement donné son accord par écrit à la consultation ou à la communication sous forme de copie;2° à une obligation de secret instaurée par la loi;3° au secret des délibérations du Gouvernement fédéral et des autorités responsables relevant du pouvoir exécutif fédéral ou auxquelles une autorité fédérale est associée;4° aux intérêts visés à l'article 3 de la loi du 11 décembre 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 11/12/1998 pub. 07/05/1999 numac 1999007004 source ministere de la defense nationale Loi relative à la classification et aux habilitations de sécurité fermer relative à la classification, aux habilitations, attestations et avis de sécurité. § 3. L'autorité administrative fédérale peut rejeter une demande de consultation, d'explication ou de communication sous forme de copie d'un document administratif dans la mesure où la demande : 1° concerne un document administratif dont la divulgation peut être source de méprise, le document étant inachevé ou incomplet;2° concerne un avis ou une opinion communiqués librement et à titre confidentiel à l'autorité;3° est manifestement abusive;4° est formulée de façon manifestement trop vague ». B.9.3. L'article 6, § 4, de la loi du 11 avril 1994 dispose que lorsque, en application de ces motifs d'exception, un document administratif ne doit ou ne peut être soustrait que partiellement à la publicité, la consultation, l'explication ou la communication sous forme de copie est limitée à la partie restante.
B.9.4. L'article 8 de la loi du 11 avril 1994 crée une Commission d'accès aux documents administratifs, qui peut émettre des avis sur les demandes de consultation ou de correction d'un document administratif, avec possibilité, pour le demandeur, d'introduire un recours devant le Conseil d'Etat contre l'avis de cette Commission. La Commission peut également, d'initiative, émettre des avis sur l'application générale de la loi relative à la publicité de l'administration.
B.10.1. En disposant que les documents que le Ducroire reçoit et produit dans le cadre de ses activités résultant de la mission de nature commerciale et financière qui lui est confiée par la loi du 31 août 1939 ne constituent pas des documents administratifs au sens de la loi du 11 avril 1994, la disposition attaquée instaure une exception générale au droit fondamental garanti par l'article 32 de la Constitution.
B.10.2. La différence de traitement qui en résulte entre les personnes qui souhaitent prendre connaissance des documents visés par la disposition attaquée, qui sont automatiquement exclues de ce droit, et les personnes qui souhaitent prendre connaissance d'autres documents administratifs, qui bénéficient de la procédure instaurée par la loi du 11 avril 1994, ne peut résister à un contrôle au regard des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec l'article 32 de la Constitution, que si elle repose sur un critère objectif et est raisonnablement justifiée. Le principe d'égalité est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
B.11. Les travaux préparatoires de la loi du 18 avril 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/04/2017 pub. 24/04/2017 numac 2017030176 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi portant dispositions diverses en matière d'économie fermer soulignent le contexte concurrentiel dans lequel le Ducroire opère et justifient la mesure attaquée par le souci de garantir la protection des informations d'entreprise confidentielles des clients du Ducroire, le régime prévu par la loi du 11 avril 1994 n'apportant pas de solution satisfaisante. Les motifs d'exception prévus par cette loi exigent en effet une appréciation au cas par cas du caractère confidentiel ou non de telle ou telle donnée que les entreprises communiquent au Ducroire et obligent ce dernier à publier ces documents lorsque la protection de la confidentialité des informations d'entreprise ne l'emporte pas sur l'intérêt de la publicité. Le Ducroire ne pourrait donc pas offrir de manière concluante à ses clients la garantie nécessaire de la confidentialité de leurs informations d'entreprise.
Les travaux préparatoires soulignent également qu'il s'agit d'actes qui ne concernent pas simplement certains segments spécifiques mais au contraire l'ensemble des actes posés par le Ducroire dans l'exercice de ses activités principales et qui s'inscrivent dans un contexte exclusivement commercial et financier. La disposition attaquée doit permettre au Ducroire d'offrir à ses clients une protection des données confidentielles qui soit équivalente à la protection offerte par la concurrence. Enfin, pour justifier la disposition attaquée, les travaux préparatoires soulignent également que les interventions du Ducroire prennent la forme de contrats de droit privé et que le Ducroire ne pose pas d'actes administratifs unilatéraux dans l'exercice de ses activités commerciales et financières (Doc. parl., Chambre, 2016-2017, DOC 54-2331/001, pp. 46-50).
B.12.1. Les entreprises ont un intérêt légitime à préserver leurs secrets d'affaires de la publicité. Lorsque la transparence administrative porte sur de telles informations, il y a lieu de trouver un juste équilibre entre la protection des secrets d'affaires et le droit fondamental garanti par l'article 32 de la Constitution.
B.12.2. On ne peut toutefois pas considérer a priori que tous les documents que le Ducroire reçoit ou produit dans le cadre de ses activités résultant de la mission de service public qui lui est confiée par la loi du 31 août 1939 sur le Ducroire contiennent des informations d'entreprise à ce point confidentielles qu'elles devraient être intégralement soustraites à la publicité.
Une telle exclusion absolue n'est pas conciliable avec l'article 32 de la Constitution, qui a fait de la publicité des documents administratifs la règle et qui requiert que les exceptions à cette règle reçoivent une interprétation stricte et soient justifiées au cas par cas, afin que le principe de la transparence administrative ne soit pas vidé de sa substance.
B.13.1. En outre, il n'est pas démontré que les exceptions et la procédure introduites par la loi du 11 avril 1994 ne permettraient pas de garantir la confidentialité d'informations sensibles et que, par conséquent, une dérogation à cette loi s'imposerait.
B.13.2. Comme il est dit en B.9.2, l'article 6 de la loi du 11 avril 1994 prévoit en effet divers motifs d'exception au droit d'accès aux documents administratifs.
Ainsi, une autorité administrative doit notamment rejeter la demande de consultation, d'explications ou d'obtention d'une copie d'un document administratif lorsqu'elle constate que l'intérêt de la publicité ne l'emporte pas sur la protection des droits et libertés fondamentaux des administrés, les relations internationales de la Belgique, l'intérêt économique ou financier fédéral ou sur le caractère confidentiel, lié à l'affaire, de données d'entreprise ou de fabrication communiquées à l'autorité.
En outre, l'autorité administrative doit rejeter la demande de consultation ou de communication lorsque la publicité du document administratif porte atteinte au respect de la vie privée, à moins que la personne concernée ait consenti à la consultation ou à la communication dudit document.
B.13.3. L'objectif, poursuivi par le législateur, qui consiste à protéger les données confidentielles des clients du Ducroire peut donc être atteint par la mise en oeuvre de la procédure réglée par la loi du 11 avril 1994. D'ailleurs, seule une telle procédure répond au souci qui avait été considéré comme essentiel lors de l'élaboration de l'article 32 de la Constitution, à savoir que toute demande de consultation d'un document administratif puisse faire l'objet d'une appréciation concrète avant d'être accordée ou non.
B.13.4. Enfin, il n'est pas démontré pourquoi les documents administratifs qui contiennent des informations d'entreprise confidentielles ne pourraient pas être adaptés, conformément à l'article 6, § 4, de la loi du 11 avril 1994, pour qu'au moins une publicité partielle puisse être garantie (cf. dans le même sens : Conseil d'Etat, avis n° 60.806/1/2/4 du 7 février 2017, Doc. parl., Chambre, 2016-2017, DOC 54-2331/001, pp. 112-113).
B.14. L'exception générale et absolue, instaurée par la disposition attaquée, au droit à la publicité des documents administratifs en ce qui concerne les documents que le Ducroire reçoit et produit dans le cadre de ses activités résultant de la mission de nature commerciale et financière qui lui est confiée par la loi du 31 août 1939 sur le Ducroire limite de manière disproportionnée le droit à la publicité des documents administratifs, tel qu'il est garanti par l'article 32 de la Constitution, et l'exclusion de cet établissement du champ d'application de la loi du 11 avril 1994 viole les articles 10 et 11 de la Constitution.
B.15. Le moyen est fondé. Partant, il y a lieu d'annuler l'article 82 de la loi du 18 avril 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/04/2017 pub. 24/04/2017 numac 2017030176 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi portant dispositions diverses en matière d'économie fermer.
Par ces motifs, la Cour annule l'article 82 de la loi du 18 avril 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/04/2017 pub. 24/04/2017 numac 2017030176 source service public federal economie, p.m.e., classes moyennes et energie Loi portant dispositions diverses en matière d'économie fermer portant dispositions diverses en matière d'économie.
Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 29 novembre 2018.
Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, A. Alen