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Arrêt
publié le 29 août 2018

Extrait de l'arrêt n° 36/2018 du 22 mars 2018 Numéro du rôle : 6578 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 442ter, § 1 er , du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu'il a été inséré par l'article 23 La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, des juges T. Merckx-(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 36/2018 du 22 mars 2018 Numéro du rôle : 6578 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 442ter, § 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu'il a été inséré par l'article 23 de la loi-programme du 20 juillet 2006Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 20/07/2006 pub. 28/07/2006 numac 2006202312 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer, posées par le Tribunal de première instance de Liège, division Liège.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, des juges T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet et R. Leysen, et, conformément à l'article 60bis de la loi du 6 janvier 1989Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/01/1989 pub. 18/02/2008 numac 2008000108 source service public federal interieur Loi spéciale sur la Cour d'arbitrage fermer sur la Cour constitutionnelle, du président émérite E. De Groot, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président J. Spreutels, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par jugement du 19 décembre 2016 en cause de X. D.F. et D.M. contre l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 3 janvier 2017, le Tribunal de première instance de Liège, division Liège, a posé les questions préjudicielles suivantes : « a) L'article 442ter, § 1er, CIR/1992, tel qu'il a été inséré par la loi-programme du 20 juillet 2006Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 20/07/2006 pub. 28/07/2006 numac 2006202312 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer, viole-t-il les articles 10, 11 et 172 de la Constitution en ce qu'il stipule que toute personne physique ou morale qui détient directement ou indirectement au moins 33 % des actions ou parts dans une société résidente et cède ses actions ou parts ou une partie de celles-ci à concurrence d'au moins 75 % au cours d'une période d'un an, est solidairement et de plein droit responsable des impôts et accessoires dus par la société cédée dont l'actif est constitué au minimum de 75 % de placements de trésorerie, immobilisations financières, créances ou valeurs disponibles au plus tard le jour du paiement des actions ou parts, même s'il n'a commis aucune faute personnelle ou qu'il justifie d'une cause d'exonération qui lui est propre ? b) L'article 442ter, § 1er, CIR/1992, tel qu'il a été inséré par la loi-programme du 20 juillet 2006Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 20/07/2006 pub. 28/07/2006 numac 2006202312 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés ou non avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des Droits de l'homme et le principe général du droit à un contrôle judiciaire de pleine juridiction, en ce qu'il instaure une responsabilité objective dans le chef de toute personne physique ou morale qui détient directement ou indirectement au moins 33 % des actions ou parts dans une société résidente et cède ces actions ou parts ou une partie de celles-ci à concurrence d'au moins 75 % au cours d'une période d'un an, qui est solidairement et de plein droit responsable des impôts et accessoires dus par la société cédée dont l'actif est constitué au minimum de 75 % de placements de trésorerie, immobilisations financières, créances ou valeurs disponibles au plus tard le jour du paiement des actions ou parts sans prévoir d'accès à un juge exerçant un contrôle de pleine juridiction ? ». (...) III. En droit (...) B.1. Les questions préjudicielles portent sur l'article 442ter, § 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992 (CIR 1992).

L'article 442ter du CIR 1992, tel qu'il a été inséré par l'article 23 - unique disposition du chapitre V (« Sociétés de liquidités ») du titre II (« Finances ») - de la loi-programme du 20 juillet 2006Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 20/07/2006 pub. 28/07/2006 numac 2006202312 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer, dispose : « § 1er. Toute personne morale ou toute personne physique qui - seule ou avec son conjoint ou son cohabitant légal et/ou avec ses descendants, ascendants et collatéraux jusqu'au deuxième degré compris - détient directement ou indirectement au moins 33 % des actions ou parts dans une société résidente et cède ces actions ou parts ou une partie de celles-ci à concurrence d'au moins 75 % au cours d'une période d'un an, est solidairement et de plein droit responsable des impôts et accessoires dus par la société cédée dont l'actif est constitué au minimum de 75 % de placements de trésorerie, immobilisations financières, créances ou valeurs disponibles au plus tard le jour du paiement des actions ou parts. § 2. La responsabilité solidaire visée au § 1er ne vaut que pour les impôts et accessoires qui se rapportent : - à la période imposable au cours de laquelle a lieu la cession des actions ou parts; - aux trois périodes imposables précédant celle au cours de laquelle a lieu la cession des actions ou parts.

En outre, si la société a réalisé au plus tard le jour de la cession des actions ou parts, une plus-value sur des immobilisations corporelles ou incorporelles susceptible de faire l'objet de l'étalement de la taxation visé à l'article 47 sous condition du remploi du produit de l'aliénation conformément au § 2 de cet article et a déclaré son intention de procéder au remploi dans sa déclaration fiscale relative à la période imposable de réalisation de la plus-value, et si le remploi n'est pas réalisé dans le délai légal, les vendeurs sont solidairement responsables des impôts se rapportant à ladite plus-value. § 3. Le § 1er ne s'applique pas aux cessions des actions ou parts d'une société cotée ou d'une entreprise soumise au contrôle de la Commission bancaire, financière et des assurances ».

Quant à la première question préjudicielle B.2. La Cour est interrogée sur la compatibilité avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution de l'article 442ter, § 1er, du CIR 1992, « en ce qu'il stipule que toute personne physique ou morale qui détient directement ou indirectement au moins 33 % des actions ou parts dans une société résidente et cède ses actions ou parts ou une partie de celles-ci à concurrence d'au moins 75 % au cours d'une période d'un an, est solidairement et de plein droit responsable des impôts et accessoires dus par la société cédée dont l'actif est constitué au minimum de 75 % de placements de trésorerie, immobilisations financières, créances ou valeurs disponibles au plus tard le jour du paiement des actions ou parts, même s'il n'a commis aucune faute personnelle ou qu'il justifie d'une cause d'exonération qui lui est propre ».

B.3. Il ressort de la formulation de la question préjudicielle et des motifs de la décision de renvoi que la Cour est invitée à examiner le traitement identique, en ce qui concerne la solidarité de plein droit établie par la disposition en cause, d'une part, des actionnaires qui cèdent leurs actions ou parts dans les conditions prévues par la disposition en cause et qui ont commis une faute personnelle ou sont de mauvaise foi, et, d'autre part, des actionnaires qui cèdent leurs actions ou parts dans les conditions prévues par la disposition en cause et qui n'ont commis aucune faute personnelle ou justifient d'une cause d'exonération qui leur est propre ou sont de bonne foi.

B.4.1. Les articles 10 et 11 de la Constitution garantissent le principe d'égalité et de non-discrimination. L'article 172 de la Constitution constitue une application particulière de ce principe dans les matières fiscales.

B.4.2. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée. Ce principe s'oppose, par ailleurs, à ce que soient traitées de manière identique, sans qu'apparaisse une justification raisonnable, des catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure considérée, sont essentiellement différentes.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.5.1. La disposition en cause établit une solidarité de plein droit pour le paiement des impôts et accessoires, au sens de l'article 442ter, § 2, du CIR 1992, d'une société cédée : - à l'égard de « toute personne morale ou toute personne physique qui - seule ou avec son conjoint ou son cohabitant légal et/ou avec ses descendants, ascendants et collatéraux jusqu'au deuxième degré compris - détient directement ou indirectement au moins 33 % des actions ou parts dans une société résidente » (ci-après : actionnaire cédant) et - qui « cède ces actions ou parts ou une partie de celles-ci à concurrence d'au moins 75 % au cours d'une période d'un an » alors que - l'actif de la société cédée « est constitué au minimum de 75 % de placements de trésorerie, immobilisations financières, créances ou valeurs disponibles au plus tard le jour du paiement des actions ou parts ».

B.5.2. Le champ d'application de la disposition en cause est ainsi déterminé par trois conditions cumulatives ayant trait, respectivement, à la qualité de l'actionnaire cédant (détention directe ou indirecte d'au moins 33 % des actions ou parts), à l'ampleur de la cession, par l'actionnaire cédant, de ses actions ou parts (au moins 75 % au cours d'une période d'un an) et à la nature de la société cédée (actif constitué au minimum de 75 % de placements de trésorerie, immobilisations financières, créances ou valeurs), une telle société étant qualifiée de « société de liquidités ».

La disposition en cause établit donc, à charge des actionnaires cédants d'une société de liquidités, une solidarité pour le paiement des impôts et accessoires dus par cette société et visés au paragraphe 2 de l'article 442ter du CIR 1992, sans tenir compte de la bonne ou mauvaise foi de l'actionnaire cédant.

B.5.3. La Cour doit examiner si le traitement identique des actionnaires cédants qui, dans les conditions énumérées par la disposition en cause, ont commis une faute ou sont de mauvaise foi et des actionnaires cédants qui, dans les conditions énumérées par la disposition en cause, n'auraient commis aucune faute ou seraient de bonne foi est raisonnablement justifié.

B.6.1. En ce qui concerne la solidarité instaurée par la disposition en cause, l'exposé des motifs relatif à l'article 23 de la loi-programme du 20 juillet 2006Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 20/07/2006 pub. 28/07/2006 numac 2006202312 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer, qui a inséré la disposition en cause, indique : « L'Etat belge est privé d'importantes recettes fiscales par les constructions frauduleuses des sociétés de liquidités vu qu'elles visent à créer par définition des sociétés sans aucun actif. Bien que depuis le 1er mai 2003 une cellule nationale ' sociétés de liquidités ' a été constituée au sein du SPF Finances avec comme objectif spécifique de mettre en oeuvre des actions judiciaires contre les parties concernées par la construction afin d'accomplir un recouvrement réel, sa création ne suffit pas pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, puisqu'il n'y a pas de voie fiscale permettant de traiter le recouvrement, il faut mettre en oeuvre des procédures civiles, ou bien se constituer partie civile devant le juge pénal.

Cette situation a pour conséquence que le recouvrement peut seulement survenir à terme, d'autant plus qu'il y a une grande dépendance vis-à-vis des divers acteurs de la procédure. En outre, il est constaté sur le terrain qu'une initiative législative est nécessaire pour faciliter les possibilités de recouvrement.

Pour ces raisons, une action législative est essentielle afin de mettre un frein aux structures frauduleuses des sociétés de liquidités.

La structure frauduleuse précitée se caractérise d'une part par le fait que les actionnaires originaires de la société réalisent d'importants gains [aux] dépens du fisc sous la forme du prix de l'aliénation des actions perçu qui est plus élevé que la valeur qui aurait été obtenue dans une relation économique normale et par ailleurs par le fait que la structure mise en place autour des acheteurs des actions vide la société des sommes qui serviront à payer le prix des actions. Eu égard au fait que la récupération des dettes d'impôt de la société de liquidité est bien entendu illusoire et qu'une citation en responsabilité des dirigeants offre une solution insuffisante (hommes de paille, décharge etc.), l'option fondamentale est de rendre les actionnaires originaires - à condition que certaines conditions soient remplies - responsables étant donné que la construction est établie essentiellement dans leur intérêt et in fine les fonds de la société leur [reviennent] toujours, [libres] d'impôt.

Le présent chapitre vise à ajouter un article 442ter au CIR 1992, l'article est incorporé de manière logique sous le chapitre IX ' Droits et privilèges du Trésor en matière de recouvrement ' attendu que la société de liquidité a essentiellement comme objet d'échapper au recouvrement légitime de l'impôt.

Plus précisément, l'article 442ter est placé sous la section IV ' Responsabilité et obligations de certains officiers ministériels, fonctionnaires publics et autres personnes ' puisque l'article prévoit dans une obligation solidaire des actionnaires.

Le chapitre a un double fondement: d'une part il vise à envoyer un signal préventif par la création d'une obligation solidaire afin de décourager l'organisation de construction de sociétés de liquidités, d'autre part il vise à avoir un effet curatif afin d'offrir un instrument adéquat au fonctionnaire chargé du recouvrement si malgré tout il est encore créé une société de liquidité.

Le chapitre doit nécessairement être formulé de manière suffisamment large pour concerner un maximum de constructions de société de liquidité, par ailleurs il doit être libellé de telle sorte que les transactions bona fide ne soient pas visées.

Le présent chapitre est inspiré de l'article 40 de la loi néerlandaise du recouvrement de 1990, qui - certainement depuis son adaptation du 1er janvier 2001 - porte ses fruits dans la lutte contre la fraude concernant les sociétés de liquidités.

La remarque du Conseil d'Etat pour introduire la notion de bonne foi n'est pas suivie car l'ensemble des éléments qui font qu'il peut être question d'une construction de liquidité frauduleuse sont pris en considération de la manière la plus précise.

Dans tous les cas, l'actionnaire de bonne foi a entre autres les possibilités suivantes pour s'armer contre un recours du fisc : - il peut stipuler lors de la vente des actions une action récursoire contre l'acheteur des actions si sa responsabilité est mise en cause par le fisc. - la vente de ses actions peut avoir lieu à la fin de l'année comptable pour laquelle il peut parfaitement valoriser son paquet d'actions - il peut faire en sorte que la société effectue les versements anticipés correspondant aux impôts latents ou verse le montant équivalent à l'impôt latent sur un compte bloqué.

Art. 19 Le présent chapitre rend des actionnaires détenant au moins 33 % des titres d'une société, de plein droit solidairement responsable de certaines dettes d'impôt de cette société.

Cet actionnaire peut aussi bien être une personne moral [e] qu'une personne physique, dans ce dernier cas il est prévu - par analogie avec l'article 90, 9°, CIR 1992 - que la solidarité joue aussi lorsque l'ensemble des titres de 33 % atteint par la réunion des titres possédés par son conjoint, son cohabitant légal, ses descendants, ascendants et collatéraux jusqu'au deuxième degré. Cette extension vise à éviter que l'on échappe à l'application de l'article en transmettant ses titres à un membre de la famille proche.

De même, il est prévu qu'il suffise que l'ensemble des titres soit ' indirectement ' de 33 % .

Afin de tenir compte des situations où un actionnaire X possédant des titres dans la société A - qui à son tour possède au moins 33 % des titres de la société B - peut être responsable des dettes de la société de liquidités B. Le pourcentage de 33 % est inséré par analogie à la loi néerlandaise du Recouvrement et vise les actionnaires importants disposant d'un réel pouvoir de décision au sein de l'assemblée générale.

La remarque du Conseil d'Etat est théoriquement correcte qu'on ne peut éviter la construction d'une société de liquidité avec 10 actionnaires propriétaires chacun de 10 % des actions. La pratique a cependant prouvé que pareille situation de fraude avec des sociétés de liquidités ne se produit que rarement du fait de l'implication d'un grand nombre d'acteurs (acheteurs d'actions, notaire, fiscaliste, homme de paille, établissements bancaires) qui fait que la mise en place de la construction ne peut se faire qu'avec un nombre limité d'actionnaires impliqués. En outre, il doit exister une certitude que tous les actionnaires acceptent de participer à la construction puisque le paiement des titres est effectué au moyen des liquidités de la société.

L'actionnaire précité est seulement responsable dans la mesure où il cède ses titres, totalement ou bien partiellement à concurrence de 75 % au moins, au plus tard dans une période de 1 an. Le pourcentage de cession provient des articles 286, alinéa 4 et 558, alinéa 4, du Code des Sociétés et repose sur la considération qu'une modification des statuts est seulement entreprise quant au moins trois quart des voix [lire : quand au moins trois quarts des voix] est acquis.

Afin d'éviter qu'une cession des titres graduelle (où chaque cession en soi n'est pas constituée d'au moins 75 % des titres, mais bien en totalité) échappe à l'application de l'article, une période d'un an est prise en considération pour évaluer la cession des titres.

Le projet prévoit une responsabilité solidaire de plein droit, de telle sorte qu'aucune discussion ne peut naître quant à l'éventuelle nécessité d'une autorisation judiciaire préalable.

La responsabilité solidaire vaut aussi bien pour les dettes d'impôts que pour ses accessoires (accroissements d'impôt, intérêts, amendes et frais).

Cependant l'actionnaire est uniquement responsable si l'actif de la société est, au plus tard le jour du paiement du prix des titres, constitué pour au moins 75 % de créances, d'immobilisations financières, de placements de trésorerie et/ou de valeurs disponibles.

La limite de liquidité de 75 % tient compte du tarif de l'impôt des sociétés (cfr article 215 CIR 1992), augmenté du pourcentage moyen des frais de mise en oeuvre de la construction.

Les liquidités dont la société doit disposer pour au moins 75 % de l'actif au plus tard le jour du paiement du prix des titres sont celles mentionnées sous les numéros de compte 26, 28, 29, 40, 41 et tous les comptes de la classe 5 (cfr l'arrêté royal du 12 septembre 1983 déterminant la teneur et la présentation d'un plan comptable minimum normalisé).

Le Conseil d'Etat se pose des questions sur la nécessité de viser les immobilisations financières. Lors de la définition des éléments actifs, dont une société peut se composer au moment où elle se désagrège en société de liquidités, il a été examiné lesquels de ces éléments actifs peuvent être revalorisés dans un proche avenir. Dans la plus grande majorité des cas, les moyens de la société étaient réellement transposés en liquidités (avantage qu'une détermination parfaite du prix pour un asset deal est possible, que les vendeurs des actions acquièrent la plus grande sécurité juridique quand ils sont payés avec les actifs de la société lors de l'échange de chèques le jour de la fermeture). En pratique il paraît cependant que l'actif de la société n'a pas été activé en liquidités dans tous les dossiers.

En outre, il est important d'indiquer qu'en ne reprenant pas les immobilisations financières, cela pourrait mener à ce qu'on puisse très facilement contourner l'application de cet article en transposant l'actif des sociétés liées en paquet d'actions, sûrement dans le cadre de relations de sociétés mères-filles (la société- [fille] est la société de liquidités et la société-mère est vendue).

Les dettes d'impôts et accessoires, pour lesquels la responsabilité solidaire vaut, ont un lien avec la période imposable pendant laquelle la cession des titres a eu lieu et les 3 périodes imposables précédentes. Cette dernière extension est nécessaire pour éviter certaines possibilités d'échapper à l'application de l'article (raccourcissement des périodes imposables, insertion d'un intervalle de temps entre la cession des titres et le fait imposable).

Finalement, il faut aussi prendre en compte les taxations réalisées sur base de l'article 47, § 6, CIR 1992, taxation de plus-values qui survient nécessairement plus tard au moment où l'absence de remploi est établie.

On se rallie à la remarque de Conseil d'Etat. En analogie avec le § 1er, dernier alinéa, la même terminologie est cependant reprise, à savoir ' au plus tard le jour de la cession des actions ' à la place d' ' avant la cession des actions '.

Afin de ne pas former d'obstacle aux transactions faites de bonne foi et de ne pas entraver les transactions économiques normales, deux importants groupes de transactions de titres sont exclus de l'application de l'article car ces transactions ne sont pas susceptibles d'entraîner des fraudes dans le cadre des sociétés de liquidité, il s'agit des cessions concernant : - les titres d'une entreprise qui se trouve sous la surveillance de la Commission bancaire, financière et des assurances (conformément à l'article 55 de la loi du 2 août 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/08/2002 pub. 04/09/2002 numac 2002003392 source ministere des finances Loi relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers fermer concernant la surveillance du secteur financier et des services financiers); - les sociétés cotées (cfr article 4 du Code des Sociétés).

Les autorités de surveillance existantes et l'appel au public forment des obstacles suffisants pour pouvoir établir une construction de société de liquidités » (Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-2517/001, pp. 21-26; voy. aussi le rapport : Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-2517/012, p. 5; Doc. parl., Sénat, 2005-2006, n° 3-1774/4, pp. 6-7).

B.6.2. La section de législation du Conseil d'Etat avait émis les observations suivantes en ce qui concerne la mesure en cause : « L'article 22 de l'avant-projet insère dans l'article 442quater du CIR une disposition qui tend à rendre les personnes qui cèdent les parts d'une société considérée comme une société de liquidités solidairement responsables des impôts dus par cette société pour les périodes imposables définies par le paragraphe 2 du texte en projet.

Suivant l'exposé des motifs, cette disposition a pour but de mettre fin aux fraudes liées à l'achat de parts de sociétés qui, à la suite de l'aliénation de leurs actifs corporels et, éventuellement, de leur fonds de commerce, n'ont plus qu'un actif composé en totalité ou en quasi-totalité de liquidités, mais ont un passif fiscal (impôt des sociétés sur les plus-values réalisées par la société pour se rendre liquide, susceptible d'être étalé dans le temps moyennant remploi du produit de l'aliénation si celle-ci a été réalisée sur des immobilisations: voir CIR, art. 47). L'acheteur offre un prix qui ne tient compte que partiellement du passif fiscal de la société et qui est donc très avantageux pour les vendeurs. Par un procédé ou un autre, l'acheteur finance le paiement de ce prix au moyen des liquidités de la société, après quoi la société n'effectue aucun remploi du produit de la réalisation des immobilisations dans le délai légal et ne paye pas l'impôt des sociétés dont elle est redevable, ce qui entraîne sa faillite, tandis que l'acheteur empoche, par un procédé ou un autre, la différence entre le montant des liquidités de la société et le prix qu'il a payé, sans avoir investi un euro dans l'opération.

Ces opérations ont fleuri en Belgique depuis le début des années 90 et ont été pratiquées sur une grande échelle.

Elles privent le fisc de l'impôt des sociétés normalement dû.

L'Etat a, bien entendu, dénoncé ces pratiques au parquet, ce qui a donné lieu à des poursuites pénales notamment contre les acheteurs et contre les vendeurs. Ces derniers plaident qu'ils sont de bonne foi et qu'ils ont cru que l'acheteur avait l'intention de faire réaliser par la société, après l'achat, des opérations de nature à éliminer légalement la base imposable.

Par ailleurs, l'administration a tenté d'imposer les vendeurs sur la plus-value réalisée, au titre de ' revenus divers ' sur pied de l'article 90, 1° (au taux de 33 % ) en soutenant que la vente excède les limites de la gestion normale d'un patrimoine privé, mais le succès de ces procédures n'est nullement assuré si l'administration ne peut démontrer que les vendeurs sont complices de la fraude.

Eu égard aux difficultés auxquelles l'administration se heurte pour recouvrer à charge des vendeurs l'impôt éludé par la société à la faveur des mécanismes frauduleux qui ont été décrits, le projet a pour but de rendre les vendeurs solidairement tenus des impôts éludés par la société.

D'après l'exposé des motifs, le projet s'inspire de l'article 40 de la loi néerlandaise du recouvrement de 1990 qui permet toutefois au vendeur d'échapper à la responsabilité solidaire s'il démontre sa bonne foi (article 40, § 6), ce qui sera notamment le cas si le prix de vente est normal.

Cet élément essentiel manque dans le texte en projet : suivant les termes de celui-ci, si les actionnaires d'une société dont l'actif consiste en placements de trésorerie et en immobilisations financières vendent des actions de cette société en janvier 2007 pour un prix parfaitement normal et qu'à la suite de la vente, par l'effet de circonstances imprévues, la société est déclarée en faillite et ne peut payer l'impôt des sociétés relatif aux périodes imposables 2006 et 2007, les vendeurs seront solidairement responsables des impôts impayés, alors que dans ce cas, cette règle ne comporte aucune justification.

Par ailleurs, le Conseil d'Etat n'aperçoit pas pourquoi le texte subordonne l'application de cette responsabilité solidaire à la condition que le vendeur détienne, directement ou indirectement, éventuellement avec ses proches, 33 % des actions de la société : si toutes les actions sont vendues simultanément par dix actionnaires propriétaires chacun de 10 % des actions de la société, la fraude dont le Trésor est victime est également concevable. Dans pareille hypothèse, on pourrait toutefois concevoir que chaque vendeur ne soit responsable qu'en proportion du prix reçu.

En revanche, la fraude ne se conçoit que si l'acheteur (ou éventuellement les acheteurs) acquièrent simultanément (ou éventuellement sur une très courte période de temps) toutes les actions de la société.

En ce qui concerne la définition de la société de liquidités, le Conseil d'Etat n'aperçoit pas pourquoi les immobilisations financières entrent en ligne de compte. Ne serait-il pas préférable de viser, par exemple, les valeurs mobilières aisément réalisables ? En conclusion, le texte doit être profondément revu. Il y a lieu de prévoir, en substance, qu'en cas de vente de la totalité ou de la quasi-totalité des actions ou parts d'une société de liquidités pour un prix supérieur à leur valeur normale, les vendeurs sont solidairement tenus des impôts dus par ladite société pendant les périodes imposables visées par le paragraphe 2 en projet, en prévoyant éventuellement une responsabilité limitée à la fraction du prix perçu par chaque vendeur si les actions vendues par celui-ci n'atteignaient pas un certain seuil.

Dans ce paragraphe 2, le troisième tiret doit être remplacé par un nouvel alinéa rédigé comme suit : ' En outre, si la société a réalisé, avant la cession des actions ou parts, une plus-value sur des immobilisations corporelles ou incorporelles susceptible de faire l'objet de l'étalement de la taxation prévu à l'article 47 du CIR sous condition du remploi du produit de l'aliénation conformément au paragraphe 2 de cet article et a déclaré son intention de procéder au remploi dans sa déclaration fiscale relative à la période imposable de réalisation de la plus-value, et si le remploi n'est pas réalisé dans le délai légal, les vendeurs sont solidairement responsables des impôts se rapportant à ladite plus-value '.

Suivrait une définition de la société de liquidités corrigée compte tenu de l'observation formulée plus haut au sujet des immobilisations financières » (Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-2517/001, pp. 97-100).

B.7.1. Il ressort des travaux préparatoires précités que la solidarité créée par la disposition en cause a pour objectif de lutter contre le mécanisme frauduleux des « sociétés de liquidités » et de préserver les droits du Trésor en lui assurant des garanties de recouvrement de l'impôt dû.

Le législateur est parti du constat qu'une société de liquidités vise à « créer par définition des sociétés sans aucun actif » et « a essentiellement comme objet d'échapper au recouvrement légitime de l'impôt » (Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-2517/001, pp. 21-22).

Le mécanisme créé par la disposition attaquée poursuit ainsi un double objectif : « d'une part il vise à envoyer un signal préventif par la création d'une obligation solidaire afin de décourager l'organisation de construction de sociétés de liquidités, d'autre part il vise à avoir un effet curatif afin d'offrir un instrument adéquat au fonctionnaire chargé du recouvrement si malgré tout il est encore créé une société de liquidité » (ibid., p. 22).

B.7.2. Les travaux préparatoires précités indiquent par ailleurs que la disposition en cause a été adoptée afin de pallier la difficulté pour l'administration fiscale de démontrer la complicité ou la mauvaise foi des actionnaires cédants.

Dans ce contexte, le législateur a choisi de ne pas suivre les observations de la section de législation du Conseil d'Etat mentionnées en B.6.2 et de ne pas prendre en compte la bonne ou mauvaise foi des actionnaires cédants dès lors que le mécanisme visé, dans les conditions légales strictes, cumulatives, d'application de la disposition en cause, constitue une construction intrinsèquement frauduleuse conduisant à la faillite de la société concernée. Le cas porté devant le juge a quo, qui a décidé que les conditions d'application de la disposition en cause étaient remplies après la faillite de la société cédée, confirme par ailleurs ce constat.

Le traitement identique de tous les actionnaires cédants d'une société de liquidités, indépendamment de leur bonne ou mauvaise foi, est pertinent au regard des objectifs poursuivis par le législateur de décourager la construction de sociétés de liquidités et de se prémunir contre l'insolvabilité découlant du mécanisme visé dans la disposition en cause, délimité par les conditions strictes prévues par celle-ci.

B.7.3. La mesure en cause n'entraîne par ailleurs pas d'effets disproportionnés.

Les actionnaires cédants d'une société de liquidités n'ignorent en effet pas la solidarité qui pèsera sur eux s'ils cèdent leurs actions et parts dans les conditions prévues par la disposition en cause.

S'ils choisissent néanmoins de recourir à cette construction, les actionnaires cédants peuvent prévoir des garanties pour le paiement, par la société cédée, de ses impôts, par exemple en prévoyant une action récursoire contre le cessionnaire lors de la vente des actions, en effectuant la cession des actions à la fin de l'année comptable ou en s'assurant que la société effectue les versements anticipés correspondant aux impôts latents ou verse le montant équivalent à l'impôt latent sur un compte bloqué (Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-2517/001, p. 23).

B.8. La première question préjudicielle appelle une réponse négative.

Quant à la seconde question préjudicielle B.9.1. La Cour est interrogée sur la compatibilité avec les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés ou non avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme et avec le principe général du droit à un contrôle judiciaire de pleine juridiction, de l'article 442ter, § 1er, du CIR 1992, « en ce qu'il instaure une responsabilité objective dans le chef de toute personne physique ou morale qui détient directement ou indirectement au moins 33 % des actions ou parts dans une société résidente et cède ces actions ou parts ou une partie de celles-ci à concurrence d'au moins 75 % au cours d'une période d'un an, qui est solidairement et de plein droit responsable des impôts et accessoires dus par la société cédée dont l'actif est constitué au minimum de 75 % de placements de trésorerie, immobilisations financières, créances ou valeurs disponibles au plus tard le jour du paiement des actions ou parts sans prévoir d'accès à un juge exerçant un contrôle de pleine juridiction ».

B.9.2. La question préjudicielle invite la Cour à examiner la solidarité instaurée par la disposition en cause en ce qu'elle opère au plus tard le jour du paiement des actions ou parts, sans qu'un contrôle judiciaire de pleine juridiction s'impose au préalable.

B.10.1. La solidarité prévue par la disposition en cause constitue une mesure civile, dont les effets juridiques sont régis par le Code civil. L'article 1202 de ce Code dispose à cet égard : « La solidarité ne se présume point; il faut qu'elle soit expressément stipulée.

Cette règle ne cesse que dans les cas où la solidarité a lieu de plein droit en vertu d'une disposition de la loi ».

B.10.2. En prévoyant une solidarité « de plein droit », la disposition en cause a pour conséquence « qu'aucune discussion ne peut naître quant à l'éventuelle nécessité d'une autorisation judiciaire préalable » (Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-2517/001, p. 24).

Toutefois, le fait que la solidarité prévue par la disposition en cause opère de plein droit, sans devoir être établie par voie judiciaire préalable, constitue un effet juridique de la solidarité légale, dont le principe découle de l'article 1202, alinéa 2, du Code civil.

Cette mesure ne porte pas d'atteinte disproportionnée aux droits des actionnaires cédants, qui peuvent exercer un recours auprès d'une juridiction - comme en l'espèce - afin de contester que les conditions légales de la solidarité prévue par la disposition en cause sont remplies. Le droit d'accès à un juge exerçant un contrôle de pleine juridiction est dès lors garanti aux actionnaires cédants.

B.10.3. Il ressort par ailleurs des motifs de la décision de renvoi que le juge a quo critique l'extension de la force exécutoire du rôle aux personnes solidairement tenues au paiement de l'impôt, découlant de l'article 393, § 2, du CIR 1992, inséré par l'article 66 de la loi-programme du 27 avril 2007Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 27/04/2007 pub. 08/05/2007 numac 2007201505 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer, qui dispose : « Le rôle est exécutoire contre les personnes qui n'y sont pas reprises dans la mesure où elles sont tenues au paiement de la dette fiscale sur la base du droit commun ou sur la base des dispositions du présent Code ».

A supposer qu'il existe une atteinte discriminatoire aux droits des actionnaires cédants solidairement tenus au paiement de l'impôt en vertu de la disposition en cause, qui sont tiers au rôle, cette éventuelle atteinte ne trouverait pas sa source dans la solidarité prévue par la disposition en cause, mais dans l'extension de la force exécutoire du rôle prévue par l'article 393, § 2, du CIR 1992.

B.11. La seconde question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 442ter, § 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu'il a été inséré par l'article 23 de la loi-programme du 20 juillet 2006Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 20/07/2006 pub. 28/07/2006 numac 2006202312 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer, ne viole pas les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, combinés ou non avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme et avec le principe général du droit à un contrôle judiciaire de pleine juridiction.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 22 mars 2018.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, J. Spreutels

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