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Arrêt
publié le 26 novembre 2015

Extrait de l'arrêt n° 121/2015 du 17 septembre 2015 Numéro du rôle : 6055 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 42quater, § 4, 4°, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, et des juges E. De G(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 121/2015 du 17 septembre 2015 Numéro du rôle : 6055 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 42quater, § 4, 4°, de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, posée par le Conseil du contentieux des étrangers.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, et des juges E. De Groot, L. Lavrysen, J.-P. Moerman, E. Derycke et F. Daoût, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président J. Spreutels, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt n° 130.877 du 6 octobre 2014 en cause de F. E.Y. contre l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 8 octobre 2014, le Conseil du contentieux des étrangers a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 42quater, § 4, 4°, de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers lu isolément ou en combinaison avec l'article 11 de cette même loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer, tel qu'applicable au moment de la prise de l'acte attaqué, viole-t-il les articles 10, 11, 22 et 191 de la Constitution et/ou les articles 8 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales interprétés en ce sens que le conjoint ou partenaire ressortissant de pays tiers qui a bénéficié d'un droit au regroupement familial avec un ressortissant de pays tiers admis ou autorisé au séjour en Belgique, et qui est victime de violences domestiques, peut, dans l'hypothèse où l'installation commune aurait cessé, voir son droit au séjour maintenu sur décision du ministre même si les conditions au séjour ne sont plus réunies (article 11, dernier alinéa, de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer) alors que le conjoint ou partenaire ressortissant d'un pays tiers d'un citoyen européen ou d'un citoyen belge qui a bénéficié d'un droit au regroupement familial avec un ressortissant européen ou un citoyen belge et qui est victime de violences domestiques doit, lorsque l'installation commune a cessé et outre la preuve des violences domestiques, apporter la preuve qu'il est travailleur salarié ou non salarié en Belgique, ou qu'il dispose de ressources suffisantes visées à l'article 40, § 4, alinéa 2, pour lui-même et pour les membres de sa famille, afin de ne pas devenir une charge pour le système d'aide sociale du Royaume au cours de son séjour, et qu'il dispose d'une assurance maladie couvrant l'ensemble des risques en Belgique, ou qu'il est membre d'une famille déjà constituée dans le Royaume d'une personne répondant à ces conditions (article 42quater, § 4, 4°, de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer), traitant ainsi ce dernier de manière différente, sans justification objective, raisonnable ni proportionnée ? ». (...) III. En droit (...) B.1.1. Tel qu'il est applicable au litige pendant devant le juge a quo, l'article 42quater de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer « sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers » dispose : « § 1er. Durant les deux premières années de leur séjour en tant que membre de la famille du citoyen de l'Union, le ministre ou son délégué peut mettre fin au droit de séjour des membres de famille d'un citoyen de l'Union qui ne sont pas eux-mêmes citoyens de l'Union, dans les cas suivants : 1° il est mis fin au droit de séjour du citoyen de l'Union qu'ils ont accompagné ou rejoint, sur la base de l'article 42bis, § 1er;2° le citoyen de l'Union qu'ils ont accompagné ou rejoint quitte le Royaume;3° le citoyen de l'Union qu'ils ont accompagné ou rejoint décède;4° leur mariage avec le citoyen de l'Union qu'ils ont accompagné ou rejoint est dissous ou annulé, il est mis fin au partenariat enregistré visé à l'article 40bis, § 2, alinéa 1er, 1° ou 2°, ou il n'y a plus d'installation commune;5° les membres de la famille d'un citoyen de l'Union visé à l'article 40, § 4, alinéa 1er, 2° ou 3°, constituent une charge déraisonnable pour le système d'aide sociale du Royaume. Au cours de la troisième année de leur séjour en tant que membre de la famille du citoyen de l'Union, visé à l'article 40, § 4, alinéa 1er, 1° et 2°, une motivation basée sur l'élément visé à l'alinéa 1er ne sera suffisante que si cet élément est complété par des éléments qui indiquent une situation de complaisance.Les mêmes règles s'appliquent pour les membres de la famille d'un citoyen de l'Union, visé à l'article 40, § 4, alinéa 1er, 3°, au cours de la troisième jusqu'à la cinquième année de leur séjour. § 2. Les cas visés au § 1er, alinéa 1er, 2° et 3°, ne sont pas applicables aux enfants du citoyen de l'Union qui séjournent dans le Royaume et sont inscrits dans un établissement d'enseignement ni au parent qui a la garde des enfants jusqu'à la fin de leurs études. § 3. Le cas visé au § 1er, alinéa 1er, 3°, n'est pas applicable aux membres de famille qui ont séjourné au moins un an dans le Royaume, pour autant qu'ils prouvent qu'ils sont travailleurs salariés ou non-salariés en Belgique, ou qu'ils disposent pour eux-mêmes et pour leurs membres de famille de ressources suffisantes telles que fixées à l'article 40, § 4, alinéa 2, afin de ne pas devenir une charge pour le système d'aide sociale du Royaume, et d'une assurance maladie couvrant l'ensemble des risques en Belgique, ou qu'ils sont membres d'une famille déjà constituée dans le Royaume d'une personne répondant à ces conditions. § 4. Sans préjudice du § 5, le cas visé au § 1er, alinéa 1er, 4°, n'est pas applicable : 1° lorsque le mariage, le partenariat enregistré ou l'installation commune a duré, au début de la procédure judiciaire de dissolution ou d'annulation du mariage ou lors de la cessation du partenariat enregistre ou de l'installation commune, trois ans au moins, dont au moins un an dans le Royaume;2° ou lorsque le droit de garde des enfants du citoyen de l'Union qui séjournent dans le Royaume a été accordé au conjoint ou au partenaire qui n'est pas citoyen de l'Union par accord entre les conjoints ou les partenaires visés à l'article 40bis, § 2, alinéa 1er, 1° ou 2°, ou par décision judiciaire;3° ou lorsque le droit de visite d'un enfant mineur a été accordé au conjoint ou au partenaire visé à l'article 40bis, § 2, alinéa 1er, 1° ou 2°, qui n'est pas citoyen de l'Union, par accord entre les conjoints ou les partenaires visés à l'article 40bis, § 2, alinéa 1er, 1° ou 2°, ou par décision judiciaire, et que le juge a déterminé que ce droit de garde doit être exercé dans le Royaume et cela aussi longtemps que nécessaire;4° ou lorsque des situations particulièrement difficiles l'exigent, par exemple, le fait d'avoir été victime de violence domestique dans le cadre du mariage ou du partenariat enregistré visé à l'article 40bis, § 2, alinéa 1er, 1° ou 2°; et pour autant que les personnes concernées démontrent qu'elles sont travailleurs salariés ou non-salariés en Belgique, ou qu'elles disposent de ressources suffisantes visés à l'article 40, § 4, alinéa 2, pour elles-mêmes et pour les membres de leur famille, afin de ne pas devenir une charge pour le système d'aide sociale du Royaume au cours de leur séjour, et qu'elles disposent d'une assurance maladie couvrant l'ensemble des risques en Belgique, ou qu'elles soient membres d'une famille déjà constituée dans le Royaume d'une personne répondant à ces conditions. § 5. Le ministre ou son délégué peut si nécessaire vérifier si les conditions du droit de séjour sont respectées ».

B.1.2. Cette disposition est applicable aux étrangers, membres de la famille d'un Belge qu'ils accompagnent ou rejoignent, en vertu de l'article 40ter de la loi en cause.

B.1.3. Tel qu'il était applicable au litige au moment de l'adoption de la décision en cause dans l'affaire devant le juge a quo, l'article 11 de la même loi disposait : « § 1er. Le ministre ou son délégué peut décider que l'étranger qui déclare se trouver dans un des cas prévus à l'article 10 n'a pas le droit d'entrer ou de séjourner dans le Royaume, dans un des cas suivants : 1° cet étranger ne remplit pas ou ne remplit plus une des conditions de l'article 10;2° cet étranger et l'étranger rejoint n'entretiennent pas ou plus une vie conjugale ou familiale effective;3° sauf dérogations prévues par un traité international, cet étranger se trouve dans un des cas prévus à l'article 3, 5° à 8°, ou est atteint d'une des maladies pouvant mettre en danger la santé publique, énumérées à l'annexe à la présente loi;4° cet étranger a utilisé des informations fausses ou trompeuses ou des documents faux ou falsifiés, ou a recouru à la fraude ou à d'autres moyens illégaux de caractère déterminant, afin d'être admis au séjour, ou il est établi que le mariage, le partenariat ou l'adoption ont été conclu uniquement pour lui permettre d'entrer ou de séjourner dans le Royaume. Dans le cas des membres de la famille d'un réfugié reconnu dont les liens de parenté ou d'alliance sont antérieurs à l'entrée de celui-ci dans le Royaume, la décision ne peut pas être fondée uniquement sur le défaut de documents officiels prouvant le lien de parenté ou d'alliance conformes à l'article 30 de la loi du 16 juillet 2004Documents pertinents retrouvés type loi prom. 16/07/2004 pub. 27/07/2004 numac 2004009511 source service public federal justice Loi portant le Code de droit international privé fermer portant le Code de droit international privé ou aux conventions internationales portant sur la même matière.

La décision indique, le cas échéant, la disposition de l'article 3 qui est appliquée. § 2. Le ministre ou son délégué peut décider que l'étranger qui a été admis à séjourner dans le Royaume sur la base de l'article 10 n'a plus le droit de séjourner dans le Royaume, dans un des cas suivants : 1° cet étranger ne remplit plus une des conditions de l'article 10;2° cet étranger et l'étranger rejoint n'entretiennent pas ou plus une vie conjugale ou familiale effective;3° cet étranger, admis à séjourner dans le Royaume en tant que partenaire enregistré sur la base de l'article 10, § 1er, 4° ou 5°, ou l'étranger qu'il a rejoint, s'est marié ou a une relation durable avec une autre personne;4° cet étranger a utilisé des informations fausses ou trompeuses ou des documents faux ou falsifiés, ou a recouru à la fraude ou à d'autres moyens illégaux, qui ont été déterminants pour la reconnaissance du droit de séjour, ou il est établi que le mariage, le partenariat ou l'adoption ont été conclu uniquement pour lui permettre d'entrer ou de séjourner dans le Royaume. La décision fondée sur le point 1°, 2° ou 3° ne peut être prise qu'au cours de l'admission au séjour pour une durée limitée. Dans ce cadre, le motif visé au point 1°, 2° ou 3° constituera une motivation suffisante au cours des deux premières années suivant la délivrance du titre de séjour ou, dans les cas visés à l'article 12bis, §§ 3 ou 4, suivant la délivrance du document attestant que la demande a été introduite. Au cours de la troisième année suivant la délivrance du titre de séjour ou, dans les cas visés à l'article 12bis, §§ 3 ou 4, suivant la délivrance du document attestant que la demande a été introduite, cette motivation ne sera suffisante que si elle est complétée par des éléments indiquant une situation de complaisance.

Le ministre ou son délégué peut procéder ou faire procéder à des contrôles en vue de la prorogation ou du renouvellement du titre de séjour, afin de vérifier si l'étranger remplit les conditions de l'article 10. Il peut à tout moment procéder ou faire procéder à des contrôles spécifiques lorsqu'il existe des présomptions fondées de fraude ou que le mariage, le partenariat ou l'adoption a été conclu pour permettre à la personne concernée d'entrer ou de séjourner dans le Royaume.

Le ministre ou son délégué prend particulièrement en considération la situation des personnes victimes de violences dans leur famille, qui ont quitté leur foyer et nécessitent une protection. Dans ces cas, il informera la personne concernée de sa décision de ne pas mettre fin, sur la base de l'alinéa 1er, 1°, 2° ou 3°, à son séjour ».

B.2.1. La Cour est interrogée par le Conseil du contentieux des étrangers sur la compatibilité de l'article 42quater, § 4, 4°, de la loi en cause, combiné ou non avec l'article 11 de cette même loi, avec les articles 10, 11, 22 et 191 de la Constitution ainsi que, le cas échéant, avec les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, dans l'interprétation selon laquelle le conjoint ou le partenaire, étranger non européen, ayant bénéficié du droit au regroupement familial avec un autre étranger non européen et victime de violences domestiques, peut, en vertu de l'article 11 de la loi en cause, voir son droit au séjour maintenu, malgré la rupture de l'installation commune et même si les conditions de séjour ne sont plus réunies, alors que le conjoint ou le partenaire, étranger non européen, ayant bénéficié du droit au regroupement familial avec un Belge ou un étranger européen, et victime de violences domestiques doit, pour bénéficier du maintien de son droit de séjour en cas de cessation de l'installation commune, satisfaire aux conditions prévues à l'article 42quater, § 4, dernier alinéa.

B.2.2. C'est dans cette interprétation que la Cour répond à la question préjudicielle, laquelle porte exclusivement sur le paragraphe 4 de l'article 42quater de la loi en cause.

B.2.3. Le litige pendant devant le juge a quo concerne l'épouse d'un Belge. La Cour limite son examen à cette hypothèse.

B.3.1. L'article 191 de la Constitution dispose : « Tout étranger qui se trouve sur le territoire de la Belgique jouit de la protection accordée aux personnes et aux biens, sauf les exceptions établies par la loi ».

L'article 191 de la Constitution n'est susceptible d'être violé que lorsque la disposition en cause établit une différence de traitement entre certains étrangers et les Belges. Etant donné que la disposition en cause instaure une différence de traitement entre deux catégories d'étrangers, seule la violation des articles 10 et 11 de la Constitution peut être alléguée.

B.3.2. La question préjudicielle est irrecevable en ce qu'elle invoque la violation de l'article 191 de la Constitution.

B.4. Par ailleurs, la Cour n'est pas compétente pour contrôler directement la compatibilité d'une disposition législative avec des dispositions de droit international comme les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme. Néanmoins, elle tient compte de ces dispositions dans le contrôle d'une disposition législative au regard des articles 10, 11 et 22 de la Constitution.

B.5.1. En vertu de la disposition en cause, le ministre compétent ou son délégué peuvent mettre un terme au droit de séjour du ressortissant d'un Etat tiers à l'Union européenne, ayant été autorisé à séjourner sur le territoire en qualité d'époux d'un Belge, lorsqu'il est mis fin, durant les deux premières années, à l'installation commune. Toutefois, le ministre compétent ou son délégué est privé de cette faculté lorsque l'étranger concerné a été la victime de violences domestiques et pour autant qu'il travaille ou qu'il bénéficie d'une assurance-maladie couvrant l'ensemble des risques en Belgique et dispose de ressources suffisantes pour lui et les membres de sa famille afin de ne pas devenir une charge pour le système d'aide sociale en Belgique ou enfin qu'il fasse partie d'une famille déjà constituée en Belgique d'une personne répondant à ces conditions.

B.5.2. Il s'ensuit qu'à défaut de répondre aux conditions précitées, l'étranger non européen ayant cessé de cohabiter avec son époux belge en raison des violences domestiques qu'il a subies, ne dispose pas d'un droit au maintien de son séjour, opposable à l'autorité compétente. Il ne perd toutefois pas automatiquement son droit au séjour. En effet, il appartient au ministre compétent ou à son délégué de déterminer s'il convient de mettre un terme au droit de séjour de l'intéressé dans de telles conditions.

Comme le relèvent les travaux préparatoires de la disposition en cause, le paragraphe 1er de l'article 42quater « énumère les cas dans lesquels il peut en principe être mis fin au séjour » des membres de la famille d'un citoyen européen, ressortissants d'Etats tiers à l'Union, cette disposition « permettant au ministre ou à son délégué » d'agir de la sorte lorsque le membre de la famille du citoyen européen « ne répond plus aux conditions fixées à son séjour, conformément aux dispositions de la directive [2004/38/CE] » (Doc. parl., Chambre, 2006-2007, DOC 51-2845/001, pp. 53-54).

B.5.3. En donnant au ministre ou à son délégué un pouvoir d'appréciation, le législateur ne lui permet pas de l'exercer de manière arbitraire ou en contravention avec les règles constitutionnelles.

Le ministre compétent ou son délégué dispose en la matière d'une compétence discrétionnaire dans l'exercice de laquelle il est appelé à tenir compte de l'ensemble des éléments portés à sa connaissance et, notamment, des raisons pour lesquelles l'étranger en cause a été appelé à mettre un terme à l'installation commune avec son époux belge. A cet égard, le ministre compétent ou son délégué sera amené à prendre en considération les violences domestiques subies par l'étranger concerné, de la même manière qu'il les prend en compte en vertu de l'article 11 de la loi en cause.

B.5.4. Il s'ensuit que la différence de traitement alléguée dans la question préjudicielle est inexistante.

B.6. La disposition en cause n'est pas davantage incompatible avec l'article 22 de la Constitution, lu ou non en combinaison avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, au seul motif, mentionné par la décision de renvoi, que son application peut aboutir à ce qu'il soit mis un terme au droit de séjour de l'étranger concerné.

En effet, le droit au respect de la vie privée et familiale ne comporte pas d'obligation générale d'accorder un droit de séjour à une personne étrangère ayant épousé un Belge (voy. CEDH, grande chambre, 3 octobre 2014, Jeunesse c. Pays-Bas, § 107) et n'empêche pas que le regroupement familial soit soumis à des conditions.

Compte tenu de ce qui est dit en B.5.3, l'ingérence dans la vie privée et familiale de l'étranger, ayant épousé un Belge et ayant été la victime de violences domestiques, qui découle de la disposition en cause, est raisonnablement justifiée. En effet, le ministre compétent ou son délégué devra aussi prendre en compte l'impact qu'une décision privant cet étranger de son droit de séjour pourrait avoir sur sa vie privée ou sur sa vie familiale dans l'exercice de la compétence discrétionnaire qui lui est reconnue par l'article 42quater, § 1er, de la loi en cause.

B.7. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 42quater, § 4, 4°, de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, lu ou non en combinaison avec l'article 11 de la même loi, ne viole pas les articles 10, 11 et 22 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec les articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 17 septembre 2015.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, J. Spreutels

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