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Arrêt
publié le 14 mai 2013

Extrait de l'arrêt n° 54/2013 du 18 avril 2013 Numéro du rôle : 5418 En cause : le recours en annulation des articles 28 et 38 de la loi du 28 décembre 2011 portant des dispositions diverses, introduit par l'ASBL « Ligue des Contribuables » e La Cour constitutionnelle, composée des présidents R. Henneuse et M. Bossuyt, et des juges E. De(...)

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Extrait de l'arrêt n° 54/2013 du 18 avril 2013 Numéro du rôle : 5418 En cause : le recours en annulation des articles 28 et 38 de la loi du 28 décembre 2011Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/12/2011 pub. 30/12/2011 numac 2011021115 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant des dispositions diverses fermer portant des dispositions diverses, introduit par l'ASBL « Ligue des Contribuables » et autres.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents R. Henneuse et M. Bossuyt, et des juges E. De Groot, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, T. Merckx-Van Goey et F. Daoût, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président R. Henneuse, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 8 juin 2012 et parvenue au greffe le 11 juin 2012, un recours en annulation des articles 28 et 38 de la loi du 28 décembre 2011Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/12/2011 pub. 30/12/2011 numac 2011021115 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant des dispositions diverses fermer portant des dispositions diverses (publiée au Moniteur belge du 30 décembre 2011, quatrième édition) a été introduit par l'ASBL « Ligue des Contribuables », dont le siège social est établi à 1000 Bruxelles, rue Lens 13, Alexis Chevalier, demeurant à 5080 Rhisnes, rue d'Arthey 7, Olivier Laurent, demeurant à 1050 Bruxelles, rue du Sceptre 84, Frédéric Ledain, demeurant à 3740 Bilzen, Broekem 19A, et Pierre-Yves Novalet, demeurant à 1380 Lasne, route de l'Etat 5. (...) II. En droit (...) B.1.1. L'article 28 de la loi du 28 décembre 2011Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/12/2011 pub. 30/12/2011 numac 2011021115 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant des dispositions diverses fermer portant des dispositions diverses dispose : « Dans le titre II, chapitre III, section II, du même Code, il est inséré une sous-section III intitulée ' Cotisation supplémentaire sur des revenus mobiliers ', comportant un article 174/1 rédigé comme suit : '

Art. 174/1.§ 1er. Il est établi au profit exclusif de l'Etat, une cotisation supplémentaire sur des revenus mobiliers, assimilée à l'impôt des personnes physiques, à charge des contribuables qui perçoivent des dividendes et des intérêts dont le montant total net s'élève à plus de 13.675 euros.

Cette cotisation est fixée à 4 p.c. de la partie des dividendes et des intérêts visés à l'article 17, § 1er, 1° et 2°, qui excède le montant total net de 13.675 euros.

Le montant net des revenus est déterminé conformément à l'article 22, § 1er.

Les dividendes et les intérêts soumis au taux de 10 ou 25 p.c. et les revenus afférents aux dépôts d'épargne visés à l'article 171, 3°quinquies, ne sont pas soumis à cette cotisation.

Pour apprécier si cette limite de 13.675 euros est dépassée, les dividendes et les intérêts sur lesquels la cotisation n'est pas applicable sont comptabilisés en premier lieu. Toutefois, les dividendes visés à l'article 171, 2°, f, ne doivent pas être comptés. § 2. Les redevables du précompte mobilier visés à l'article 261 doivent transmettre les informations relatives aux dividendes et intérêts visés à l'article 17, § 1er, 1° et 2°, au point de contact central tenu par la Banque Nationale de Belgique en identifiant les bénéficiaires des revenus.

Lorsque le bénéficiaire des revenus opte pour une retenue de la cotisation supplémentaire sur des revenus mobiliers, en plus du précompte mobilier, le montant de ces revenus n'est pas communiqué au point de contact central.

Lorsque le bénéficiaire des revenus n'opte pas pour une retenue de la cotisation supplémentaire sur des revenus mobiliers, cette cotisation est, le cas échéant, établie lors du calcul de l'impôt des personnes physiques sur la base des informations dans la déclaration à l'impôt des personnes physiques, complétées éventuellement par les données communiquées au point de contact central qui n'ont pas été déclarées.

Le point de contact central transmet, pour un contribuable déterminé, les informations nécessaires en vue de l'application correcte du présent article en ce qui concerne les revenus susvisés à l'administration fiscale opérationnelle compétente qui le demande.

Lorsque, pour un contribuable, le total des revenus mobiliers communiqués pendant une période imposable, dépasse 13.675 euros, le point de contact central transmet automatiquement les informations concernant ce contribuable à l'administration fiscale opérationnelle compétente.

Le Roi détermine les modalités de transmission de l'information au point de contact central par les redevables du précompte mobilier et aux administrations fiscales opérationnelles par le point de contact central. § 3. Les retenues à la source de la cotisation sont réglées par les dispositions applicables dans le titre VI en matière de précompte mobilier sauf s'il y est dérogé.

Le Roi peut déterminer des règles particulières relatives aux retenues à la source de la cotisation.

Les dispositions du titre VII sont applicables à la cotisation sauf s'il y est dérogé ' ».

L'article 38 de la loi attaquée dispose : « La présente section s'applique aux revenus attribués ou mis en paiement à partir du 1er janvier 2012 ».

B.1.2. L'article 174/1 nouveau du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après : CIR 1992) a été modifié tant par l'article 145 de la loi-programme (I) du 29 mars 2012 que par l'article 86 de la loi-programme du 22 juin 2012Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 22/06/2012 pub. 28/06/2012 numac 2012021092 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer. Ces deux dispositions s'appliquent aux revenus attribués ou mis en paiement à partir du 1er janvier 2012.

B.1.3. L'article 145 de la loi-programme (I) du 29 mars 2012 prévoit notamment que les informations doivent non plus être transmises à la Banque Nationale, mais « au point de contact central tenu par un service du Service public fédéral Finances séparé des administrations fiscales ». Il complète également le paragraphe 2, alinéa 2, de l'article 174/1 du CIR 1992 par les mots « sauf si la retenue à la source de la cotisation supplémentaire n'est pas supportée effectivement par le bénéficiaire des revenus ».

B.1.4. Quant à l'article 86 de la loi-programme du 22 juin 2012Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 22/06/2012 pub. 28/06/2012 numac 2012021092 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer, il dispose : « A l'article 174/1, du Code des impôts sur les revenus 1992, inséré par la loi du 28 décembre 2011Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/12/2011 pub. 30/12/2011 numac 2011021115 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant des dispositions diverses fermer et modifié par la loi du 29 mars 2012, les modifications suivantes sont apportées : 1° au § 1er, alinéa 5, le mot ' comptabilisés ' est remplacé par les mots ' pris en considération ';2° le § 2, alinéa 1er, a et b, est remplacé par ce qui suit : ' a) en ce qui concerne les titres au porteur et les titres dématérialisés, tout opérateur économique établi en Belgique qui attribue ou met en paiement des dividendes ou des intérêts au profit immédiat d'un bénéficiaire, que cet opérateur soit le débiteur des revenus mobiliers précités ou l'opérateur chargé par le débiteur ou le bénéficiaire d'attribuer ou de mettre en paiement ces revenus;b) ou dans les autres cas, les personnes visées à l'article 261.'; 3° dans le § 2, il est inséré un alinéa 3 entre l'alinéa 2 et l'alinéa 3, qui devient l'alinéa 4, rédigé comme suit : ' Les personnes visées à l'alinéa 1er, sont redevables de la cotisation supplémentaire sur des revenus mobiliers qui est retenue à la source.Sauf dans les cas visés au § 3, alinéa 2, celles-ci doivent : a) retenir ladite cotisation sur des revenus mobiliers imposables attribués ou mis en paiement en espèces;b) se faire remettre, de quelque manière que ce soit, le montant de ladite cotisation sur ces revenus mobiliers en cas d'attribution ou de mise en paiement sous forme de biens en nature.'; 4° au § 2, alinéa 5 qui devient l'alinéa 6, les mots ' les redevables du précompte mobilier ou par les agents payeurs ' sont remplacés par les mots ' les personnes visées à l'alinéa 1er ';5° le § 2 est complété par ce qui suit : ' Dans le seul but de respecter leurs obligations, les personnes visées à l'alinéa 1er, ont l'autorisation d'utiliser le numéro d'identification dans le Registre national des personnes physiques pour identifier les bénéficiaires des dividendes et des intérêts.'; 6° au § 3, alinéa 1er, les mots ' chapitre Ier, ' sont insérés entre les mots ' titre VI ' et ' section Ire, ' ». B.1.5. L'article 174/1 du CIR 1992 a été modifié après le dépôt des écrits de procédure par la loi-programme du 27 décembre 2012Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 27/12/2012 pub. 31/12/2012 numac 2012021152 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer. Cette loi a, notamment, pour objet de supprimer la cotisation supplémentaire sur les revenus attribués ou mis en paiement à partir du 1er janvier 2013. Cette cotisation est toutefois maintenue pour les revenus attribués ou mis en paiement à partir du 1er janvier 2012, moyennant, par ailleurs, des adaptations relatives à sa perception, le « point de contact central » étant désormais supprimé (Doc.parl., Chambre, 2012-2013, DOC 53-2561/001, pp. 62-71).

B.2. Au cours des travaux préparatoires, il fut précisé : « Il a été décidé que les citoyens qui disposaient de revenus mobiliers très élevés contribueraient un peu plus à l'effort budgétaire en cours.

Dès lors, il est établi une cotisation supplémentaire sur certains revenus mobiliers des contribuables assujettis à l'impôt des personnes physiques qui perçoivent des dividendes et des intérêts d'un montant total net de plus de 13.675 EUR (montant indexé : 20.000 EUR). [...] Cette cotisation est établie et recouvrée selon diverses modalités en fonction du choix effectué par le contribuable d'autoriser le débiteur de revenus en cause à retenir les 4 p.c. de cotisation supplémentaire ce qui a comme conséquence que ces revenus ne sont pas communiqués à un point de contact central.

Il sera en effet créé un point de contact central auquel les redevables du précompte mobilier seront tenus de transmettre annuellement les données nécessaires à l'établissement de cette cotisation. [...] Si le contribuable autorise le redevable du précompte mobilier à retenir les 21 p.c., le montant des revenus mobiliers qu'il a perçu, sera communiqué au point de contact central et la cotisation ne sera pas prélevée à la source mais à l'occasion de l'enrôlement de l'impôt des personnes physiques.

Le point de contact central communiquera, à la demande des administrations fiscales opérationnelles, les données qu'il aura reçue des redevables du précompte mobilier, y compris les informations relatives aux dividendes et aux intérêts imposés à 10 ou 25 p.c. et les revenus afférents aux dépôts d'épargne visés à l'article 171, 3°quinquies, CIR 92.

Si le contribuable autorise son débiteur de revenus à appliquer une retenue à la source au taux de 4 p.c. en même temps que le précompte mobilier et ce, dès le premier euro, le montant des revenus qu'il a perçu, ne sera pas communiqué à ce point de contact central.

Le contribuable aura néanmoins toujours la possibilité de mentionner ses revenus mobiliers dans sa déclaration à l'impôt des personnes physiques afin d'obtenir le remboursement de l'excédent de cotisation prélevée à la source » (Doc. parl., Chambre, 2011-2012, DOC 53-1952/004, pp. 12 et 17-18).

Et : « L'intervenante dément formellement que la réglementation rendrait indispensable un cadastre des biens, étant donné que le contribuable dispose d'une liberté de choix et que le fisc ne peut rien demander si la cotisation libératoire de 4 % a été prélevée à la source » (Doc. parl., Chambre, 2011-2012, DOC 53-1952/010, p. 26).

Le ministre souligna encore : « 1° le contribuable a le choix par produit; 2° le point de contact central - quelle que soit la dénomination retenue pour le service ou l'administration - récoltera toutes les données concernant les revenus provenant d'intérêts et de dividendes, sauf ceux qui ont fait l'objet d'un prélèvement de 4 % à la source pour autant qu'ils n'excèdent pas la limite de 20 000 euros;3° quiconque est redevable d'un précompte mobilier relatif à des intérêts ou à des dividendes doit envoyer les données nécessaires (cf. infra) au point de contact central; ce système ne sera pas encore tout à fait opérationnel en janvier mais tout est mis en oeuvre pour que les établissements financiers concernés soient opérationnels dès que possible; 4° le point de contact central mettra toutes les données à la disposition du fisc pour autant que les montants concernés dépassent 20.000 euros; 5° si le contribuable demande la restitution des 4 % prélevés à la source, le fisc pourra demander les informations concernées;6° dans tous les autres cas, l'échange de données est inutile car si le montant de 20 000 euros est dépassé, les données sont communiquées automatiquement (point 4°), et si ce montant n'est pas dépassé, le fisc a cette possibilité en cas de demande de restitution (point 5°);7° en cas de suspicion de fraude, le fisc peut toujours demander toutes les informations utiles; [...] 11° aucun problème ne se pose en matière de vie privée pour les personnes dont les revenus mobiliers dépassent, au total, la limite de 20 000 euros; [...] 13° les ' informations nécessaires ' évoquées à l'article B-3, § 2, alinéa 4, sont toutes les informations nécessaires pour pouvoir appliquer la taxation des montants supérieurs à 20 000 euros » (Doc. parl., Chambre, 2011-2012, DOC 53-1952/010, pp. 27-28).

Enfin, il fut souligné que le contrôleur peut « recueillir des renseignements auprès du point de contact central lors d'un contrôle ordinaire d'un contribuable [...] mais uniquement dans le cas où cela peut s'avérer utile pour l'exacte perception de la cotisation supplémentaire de 4 % » (Doc. parl., Chambre, 2011-2012, DOC 53-1952/007, p. 17). A cet égard, il fut précisé : « C'est uniquement le cas lorsque le contribuable demande le remboursement de l'ensemble ou d'une partie des 4 % qui ont été retenus à la source. Dans tous les autres cas, une telle demande n'est pas utile et n'a donc pas lieu d'être. En effet, soit le plafond de 20 000 euros est dépassé et le point central le signale déjà automatiquement, soit le plafond n'est pas dépassé et le contribuable ne demande pas le remboursement de la cotisation supplémentaire déjà retenue, et dans ce cas, il est inutile que le point central fournisse des renseignements pour assurer l'exacte perception de la cotisation spéciale. Cependant, si le contrôleur soupçonne une fraude, il peut toujours recourir à la procédure de levée du secret bancaire » (ibid.).

B.3.1. Les parties requérantes prennent un moyen unique de la violation des articles 10, 11, 22 et 29 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce que le législateur aurait procédé à une ingérence disproportionnée dans le droit au respect de la vie privée des bénéficiaires des revenus mobiliers visés par l'article 28 de la loi attaquée.

B.3.2. Il ressort des travaux préparatoires de l'article 22 de la Constitution que le Constituant a cherché la plus grande concordance possible « avec l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH), afin d'éviter toute contestation sur le contenu respectif de l'article de la Constitution et de l'article 8 de la [Convention] » (Doc. parl., Chambre, 1992-1993, n° 997/5, p. 2).

B.3.3. Les droits que garantissent l'article 22 de la Constitution et l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ne sont pas absolus. Bien que l'article 22 de la Constitution reconnaisse à chacun le droit au respect de sa vie privée et familiale, cette disposition ajoute en effet immédiatement : « sauf dans les cas et conditions fixés par la loi ».

Cette disposition constitutionnelle garantit donc qu'aucune ingérence des autorités dans le droit au respect de la vie privée et familiale ne puisse intervenir si elle n'est pas prévue par des règles suffisamment précises, adoptées par une assemblée délibérante démocratiquement élue, toute ingérence dans ce droit devant répondre à un besoin social impérieux et être proportionnée à l'objectif légitime poursuivi.

B.3.4. Par ailleurs, lorsqu'un moyen d'annulation dénonce une violation des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec une disposition conventionnelle garantissant un droit fondamental, la violation alléguée consiste en ce qu'une différence de traitement est instaurée, parce qu'une catégorie de personnes est privée de ce droit fondamental, alors que ce droit est garanti à toute autre personne.

B.3.5. En ce qu'il porte sur la violation de l'article 29 de la Constitution, qui garantit le secret des lettres, le moyen est cependant irrecevable. Les requérants restent en effet en défaut d'exposer en quoi cette disposition constitutionnelle pourrait être violée par les dispositions attaquées.

B.4. L'article 28 attaqué de la loi du 28 décembre 2011Documents pertinents retrouvés type loi prom. 28/12/2011 pub. 30/12/2011 numac 2011021115 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant des dispositions diverses fermer vise à garantir la correcte perception de la cotisation supplémentaire de 4 % sur certains revenus mobiliers lorsqu'ils excèdent un montant total net de 13 675 euros, à indexer.

B.5. Le montant des dividendes et intérêts perçus par un contribuable constitue une information couverte par la protection accordée par l'article 22 de la Constitution dès lors qu'elle donne un aperçu de sa fortune personnelle, sans pour autant relever de l'aspect le plus intime de sa vie privée. La collecte et le traitement des données relatives aux avoirs mobiliers constituent une ingérence dans le droit au respect de la vie privée des personnes concernées.

B.6.1. En adoptant la mesure en cause, le législateur a tout d'abord pris une mesure pertinente afin d'assurer la correcte perception de la cotisation supplémentaire instaurée sur certains revenus mobiliers.

B.6.2. Les difficultés budgétaires graves auxquelles le législateur est confronté et la nécessité de restaurer rapidement la confiance dans le marché financier belge permettent en effet de justifier que soient prises des mesures garantissant une efficacité immédiate telles que le relèvement du précompte mobilier, l'instauration d'une cotisation supplémentaire et les mécanismes de contrôle dont ces mesures sont assorties.

B.7.1. La mesure en cause n'emporte pas d'effets disproportionnés.

B.7.2. En effet, les données transmises par le débiteur du précompte mobilier au point de contact central se limitent, tout d'abord, aux seuls revenus mobiliers visés par la loi attaquée et à l'identité de leurs bénéficiaires.

De surcroît, l'obligation de communication au point de contact central ne concerne pas les transferts bancaires entre le bénéficiaire des revenus mobiliers et des tiers, et ne s'étend pas davantage à l'ensemble des échanges entre le débiteur du précompte mobilier et ses clients. Plus particulièrement, comme le relève le Conseil des ministres, les informations transmises ne portent pas sur l'origine des fonds appartenant au bénéficiaire de revenus mobiliers, ni sur la date de leur paiement ou sur les communications qui les accompagnent.

B.7.3. Par ailleurs, seules les informations nécessaires à l'établissement de la cotisation complémentaire peuvent ou doivent être transmises par le point de contact central à l'administration fiscale compétente.

Comme le souligne le Conseil des ministres, l'administration fiscale ne peut dès lors obtenir l'identité du débiteur du précompte mobilier, cette information étant étrangère à la correcte perception de la cotisation complémentaire.

De même, seuls les contribuables dont le montant total net des revenus mobiliers visés par le législateur dépasse 13.675 euros à indexer, seuil au-delà duquel s'applique la cotisation complémentaire, et qui n'ont pas opté pour la retenue de cette cotisation à la source, voient le montant de leurs revenus mobiliers transmis automatiquement par le point de contact central à l'administration fiscale. Hormis cette hypothèse, le fisc ne peut obtenir d'information du point de contact central qu'à propos du montant des revenus mobiliers d'un contribuable qui a opté pour la retenue à la source et qui sollicite un remboursement d'impôt au motif que le montant total net des revenus mobiliers à prendre en compte en vertu de l'article 174/1 du CIR 1992 n'a pas atteint 13.675 euros indexés.

B.7.4. La Cour relève enfin que le législateur a imposé au débiteur du précompte mobilier de transmettre les données en cause, non directement à l'administration fiscale, mais à une autorité distincte, ce qui constitue une garantie procédurale appréciable. Le législateur a en effet entendu établir cette séparation afin d'éviter que les articles 335 et 336 du CIR 1992 puissent être appliqués aux informations récoltées par le point de contact central (Doc. parl., Chambre, 2011-2012, DOC 53-2081/006, pp. 13 et 14; ibid., DOC 53-2081/016, p. 58).

Cette garantie procédurale a par ailleurs été consolidée à l'occasion des travaux préparatoires de la loiprogramme (I) du 29 mars 2012. Il y fut en effet précisé : « Le service fédéral précité limitera l'accès à la base de données à un nombre restreint de fonctionnaires qui à aucun moment n'auront comme tâche habituelle l'établissement et le recouvrement de l'impôt.

Concrètement, il s'agira de fonctionnaires du service informatique du Service public fédéral Finances qui s'occupent exclusivement des aspects techniques des bases de données et qui exécuteront sur base d'un formulaire (électronique) à déterminer la recherche demandée et transmettront les informations demandées à celui qui en a fait la demande. Dans le dossier du contribuable concerné, seront repris les éléments nécessaires justifiant les informations demandées au point de contact central » (Doc. parl., Chambre, 2011-2012, DOC 53-2081/001, p. 84).

B.7.5. Si les informations obtenues du point de contact central laissent apparaître un indice de fraude fiscale, il appartiendra au fisc de recourir, le cas échéant, à la procédure de levée du secret bancaire, contenue à l'article 322 du CIR 1992, afin d'obtenir des établissements bancaires et financiers d'autres informations concernant le contribuable concerné.

B.7.6. Compte tenu, d'une part, des limites imposées par le législateur quant à l'étendue de l'obligation de communication et à la nature des données qui en font l'objet et, d'autre part, des garanties procédurales encadrant la divulgation de telles informations, la mesure attaquée ne peut constituer une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée du contribuable.

B.8. La Cour relève pour le surplus qu'en ce que les requérants critiquent le défaut de consultation de la section de législation du Conseil d'Etat ainsi que de la Commission de la protection de la vie privée, leur moyen porte sur l'élaboration de la loi attaquée. Or, la Cour n'est pas compétente pour contrôler les formalités préalables à l'adoption d'une norme législative.

B.9. Compte tenu de ce qui a été exposé en B.3.4, l'examen de la disposition attaquée au regard des articles 10 et 11 de la Constitution n'aboutit pas à une autre conclusion.

B.10. Sans qu'il y ait lieu de vérifier l'incidence, sur le recours, des dispositions modificatives de la loi-programme du 27 décembre 2012Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 27/12/2012 pub. 31/12/2012 numac 2012021152 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer, la Cour constate que le moyen n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 18 avril 2013.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, R. Henneuse

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