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Arrêt
publié le 25 février 2009

Extrait de l'arrêt n° 7/2009 du 15 janvier 2009 Numéro du rôle : 4398 En cause : la question préjudicielle relative aux articles 9, 24, 26 et 28 de la loi du 7 décembre 1998 organisant un service de police intégré, structuré à deux niveaux, La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Melchior et M. Bossuyt, et des juges P. Ma(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 7/2009 du 15 janvier 2009 Numéro du rôle : 4398 En cause : la question préjudicielle relative aux articles 9, 24, 26 et 28 de la loi du 7 décembre 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/12/1998 pub. 05/01/1999 numac 1998021488 source services du premier ministre Loi organisant un service de police intégré, structuré à deux niveaux fermer organisant un service de police intégré, structuré à deux niveaux, posée par le Conseil d'Etat.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Melchior et M. Bossuyt, et des juges P. Martens, J.-P. Moerman, E. Derycke, J. Spreutels et T. Merckx-Van Goey, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt n° 177.499 du 30 novembre 2007 en cause de la commune d'Ixelles et Willy Decourty contre la zone de police de Bruxelles-Capitale-Ixelles et l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 18 décembre 2007, le Conseil d'Etat a posé la question préjudicielle suivante : « Les articles 9, 24, 26 et 28 de la loi du 7 décembre 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/12/1998 pub. 05/01/1999 numac 1998021488 source services du premier ministre Loi organisant un service de police intégré, structuré à deux niveaux fermer organisant un service de police intégré, structuré à deux niveaux, violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'ils ne posent aucune condition ni modalité pour la constitution des zones de police, donnant ainsi au Roi toute latitude pour fixer ' par arrêté délibéré en Conseil des ministres, les modalités à suivre pour l'octroi de voix aux membres du collège de police ' (article 24 précité) et permettent ainsi de regrouper, au sein de la Zone de police Bruxelles-Capitale-Ixelles, deux communes aux caractéristiques très différentes, tant au niveau de leur chiffre de population respectif, que de l'étendue du territoire à couvrir, ainsi qu'au plan des effectifs et, par voie de conséquence, de la répartition de leur puissance votale au sein des organes de la Zone, contrairement aux quatre autres grandes villes du pays qui constituent quant à elles des zones unicommunales ? ». (...) III. En droit (...) B.1.1. L'article 9 de la loi du 7 décembre 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/12/1998 pub. 05/01/1999 numac 1998021488 source services du premier ministre Loi organisant un service de police intégré, structuré à deux niveaux fermer organisant un service de police intégré, structuré à deux niveaux, dispose : « Après que l'avis des bourgmestres concernés, qui consultent les conseils communaux à cet effet, ainsi que l'avis du procureur général et du gouverneur aient été recueillis sur une proposition de répartition du ministre de l'Intérieur, le Roi divise, par arrêté royal délibéré en Conseil des ministres sur la proposition des ministres de l'Intérieur et de la Justice, le territoire des provinces et celui de l'arrondissement administratif de Bruxelles-Capitale en zones de police. Pour ce faire, les limites des arrondissements judiciaires sont respectées, sauf en ce qui concerne les communes ressortissant à plusieurs arrondissements judiciaires.

Une zone de police est composée d'une ou de plusieurs communes. La zone pluricommunale est dotée de la personnalité juridique ».

B.1.2. L'article 24 de la même loi dispose : « Au sein du collège de police, chaque bourgmestre dispose d'un nombre de voix proportionnel à la dotation policière minimale que sa commune investit dans la zone pluricommunale.

Par dérogation à l'alinéa 1er, le nombre de voix est accordé, pendant les deux premières années qui suivent l'année pendant laquelle la police locale a été mise en place, proportionnellement à la charge nette pour la fonction Justice et Police portant le code statistique 399 des derniers comptes annuels fixés et approuvés de chaque commune.

Le Roi fixe, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, les modalités à suivre pour l'octroi de voix aux membres du collège de police ».

B.1.3. L'article 26 de la même loi dispose : « Par dérogation à l'article précédent, chaque groupe de représentants d'une commune de la zone de police dispose, pour les votes sur l'établissement du budget, les modifications budgétaires et les comptes annuels, d'autant de voix que celles dont dispose au sein du collège de police le bourgmestre de la commune qu'il représente. Ces voix sont réparties de manière égale entre les membres du groupe ».

B.1.4. L'article 28 de la même loi dispose : « Les articles 104, alinéas 1er et 3, et 105 de la nouvelle loi communale sont d'application conforme au collège de police. Le collège de police ne peut délibérer que si la majorité des voix visée à l'article 24 est représentée.

Les décisions du collège de police sont prises à la majorité des voix visée à l'alinéa précédent. En cas de parité de voix, le collège de police reporte l'affaire à une prochaine réunion. Si la majorité des voix du collège de police a déclaré au préalable urgent le traitement de l'affaire, ou si l'affaire avait été reportée lors d'une réunion précédente après parité de voix, la voix du président est prépondérante en cas de parité des voix ».

B.2. La Cour est interrogée par le Conseil d'Etat sur la compatibilité avec les articles 10 et 11 de la Constitution des dispositions précitées en ce que celles-ci contiennent une habilitation conçue en des termes trop généraux qui permettrait au Roi, d'une part, de déterminer librement les modalités à suivre pour l'octroi de voix aux membres du collège de police et, d'autre part, de regrouper, au sein de la zone de police de Bruxelles-Ixelles, des communes aux caractéristiques très différentes.

B.3.1. Contrairement à ce que soutient le Conseil des ministres, la Cour est donc interrogée, non sur la constitutionnalité des arrêtés royaux pris en exécution des dispositions législatives visées dans la question préjudicielle, mais sur la compatibilité, avec les articles 10 et 11 de la Constitution, de l'habilitation faite au Roi par ces dispositions. Il s'ensuit que la Cour est compétente pour répondre à la question préjudicielle posée par le Conseil d'Etat.

B.3.2. Seuls les articles 9 et 24 de la loi en cause contiennent une habilitation faite au Roi, de sorte que la Cour limite son contrôle à ces dispositions, tout en tenant compte du contenu des articles 26 et 28 de ladite loi.

B.4.1. En attribuant au pouvoir législatif la compétence de régler l'organisation du service de police intégré, structuré à deux niveaux, le Constituant a voulu éviter que le pouvoir exécutif règle seul cette matière; l'article 184 de la Constitution garantit ainsi qu'elle fera l'objet de décisions prises par une assemblée délibérante démocratiquement élue.

Le manquement à cette disposition est constitutif d'une violation des articles 10 et 11 de la Constitution puisqu'une catégorie de citoyens se verraient de la sorte privés de manière discriminatoire de la garantie que constitue l'intervention d'une assemblée démocratiquement élue.

B.4.2. A moins que les termes de la question préjudicielle ou les données de la cause amènent à conclure dans un autre sens, la Cour doit contrôler la compatibilité d'une norme législative avec les dispositions du titre II de la Constitution au moment de ce contrôle et non au moment de l'adoption de la norme législative.

La disposition litigieuse est, certes, antérieure à l'entrée en vigueur de l'article 184 de la Constitution. Cependant, le litige dont est saisi le juge a quo porte sur une période qui est postérieure à cette entrée en vigueur.

Bien que l'article 184 de la Constitution réserve ainsi, en cette matière, la compétence normative au législateur fédéral - lequel doit en régler les éléments essentiels -, il n'exclut pas que soit laissé un pouvoir limité d'exécution au Roi, voire à d'autres autorités désignées par le législateur. Une telle délégation n'est pas contraire au principe de légalité pour autant que l'habilitation soit définie de manière suffisamment précise et porte sur l'exécution de mesures dont les éléments essentiels sont fixés préalablement par le législateur.

Il y a lieu d'examiner dès lors si l'habilitation donnée au Roi par les dispositions en cause respecte les limites ainsi définies.

B.5.1. Les développements de la proposition de loi qui est à l'origine de la loi en cause indiquent que « les zones de police seront constituées en partant des ZIP actuelles » et justifient ainsi cette option : « Interrompre brutalement cette dynamique existante pour créer de nouveaux découpages ne tenant pas compte de la pratique peut avoir des conséquences néfastes pour le bon fonctionnement de l'appareil policier. Des adaptations devront cependant être apportées dans certains cas en tenant compte de l'expérience acquise dans la ZIP ainsi qu'en tenant compte : 1° de l'effectif nécessaire pour assurer les fonctions de police de base dans toute la zone, en tenant compte de l'impact qu'aura sur l'effectif la création, conformément à l'article 10, d'un ou de plusieurs postes de police dans chaque commune de la zone;2° des délais d'intervention;3° du nombre maximal de communes afin de garantir l'exercice efficace de l'autorité des bourgmestres;4° des caractéristiques socio-économiques et administratives de la zone. Là où des zones interpolices n'existent pas aujourd'hui, il y aura lieu de discuter de quelle façon et sous quelles conditions des zones de police peuvent être créées.

La division du territoire du Royaume en zones de police se fera par le Roi sur proposition des ministres de l'Intérieur et de la Justice.

Elle ne pourra s'effectuer sans avis des bourgmestres concernés qui devront consulter à ce sujet leurs conseils communaux. Un avis du procureur général et du gouverneur est également prévu. Ces avis seront émis, par ces diverses instances, sur la base d'une proposition concrète de constitution des zones leur transmise par le ministre de l'Intérieur.

L'objectif est d'arriver à un total d'environ 200 zones de police.

L'article 9 prévoit le respect des limites des arrondissements judiciaires, sauf en ce qui concerne les communes qui ressortissent à plusieurs arrondissements judiciaires.

Il est important de souligner, à cet égard, que de tels cas ne sont que provisoires; en effet, dès que les limites des arrondissements judiciaires auront été retracées - en tenant compte notamment des limites des communes et que le ressort de ces arrondissements aura été modifié, de tels cas ne pourront plus se présenter » (Doc. parl., Chambre, 1997-1998, n° 1676/1, p. 15).

B.5.2. Le Premier ministre précisa encore à cet égard : « 1° En ce qui concerne Bruxelles : la loi sera appliquée partout de la même manière. Aucune exception n'est prévue. En fait, rien n'est encore prévu. Seule la structure générale a été arrêtée. Sa concrétisation n'interviendra qu'après l'évaluation (voir 4°). [...] 4° En ce qui concerne l'évaluation : il fallait choisir entre deux extrêmes.Ou bien on ne changeait rien aux zones de police existantes (les ZIP actuelles) ou bien on reprenait tout depuis le début. La philosophie qui sous-tend l'évaluation est simple : les ZIP qui fonctionnent bien sont maintenues et transformées en zones de police, mais là où des problèmes se posent, on redessine localement le paysage policier. Cette évaluation est en cours. Elle sera terminée lors de l'entrée en vigueur de la loi qui permettra la création de zones de police. Inversement, la loi n'entrera pas en vigueur avant la fin de l'évaluation. Etant donné que la loi entrera en vigueur par phases successives au début de l'an prochain, l'évaluation devra être terminée d'ici là. Il est évident que le parlement sera informé des résultats de cette évaluation » (Doc. parl., Chambre, 1997-1998, n° 1676/8, pp. 60 et 62).

B.5.3. Il ressort de ce qui précède que la division du territoire des provinces et de l'arrondissement administratif de Bruxelles-Capitale en zones de police devait se faire après les consultations, avis et propositions mentionnés à l'article 9 de la loi en cause, que leur découpage devait tenir compte de la pratique, que les anciennes zones (ZIP) devaient en principe être maintenues et enfin qu'il faudrait tenir compte d'une évaluation qui était en cours.

B.5.4. Ces éléments peuvent expliquer que, dans l'article 9, le législateur se soit limité à n'indiquer que l'obligation de respecter les limites des arrondissements judiciaires, sauf en ce qui concerne les communes ressortissant à plusieurs de ces arrondissements, et à autoriser que les zones de police se composent de plusieurs communes.

De telles précisions peuvent être considérées comme les éléments essentiels qui doivent être arrêtés par le législateur lui-même lorsqu'il définit les limites d'une habitation donnée au Roi.

B.5.5. En outre, par la loi du 13 juillet 2001Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/07/2001 pub. 03/08/2001 numac 2001021378 source services du premier ministre Loi spéciale portant transfert de diverses compétences aux régions et communautés fermer, le législateur a inséré dans la loi en cause un article 22bis dont le paragraphe 1er dispose : « Les conseils de police des zones de l'arrondissement administratif de Bruxelles-Capitale doivent comprendre au moins le nombre suivant de membres du groupe linguistique néerlandais : - deux pour la zone de Uccle, Auderghem et Watermael-Boitsfort; - quatre pour la zone d'Anderlecht, Forest et Saint-Gilles; - trois pour la zone de Molenbeek-Saint-Jean, Berchem-Sainte-Agathe, Ganshoren, Jette et Koekelberg; - quatre pour la zone de Bruxelles et Ixelles; - quatre pour la zone de Schaerbeek, Saint-Josse-ten-Noode et Evere; - deux pour la zone d'Etterbeek, Woluwe-Saint-Lambert et Woluwe-Saint-Pierre ».

B.5.6. Il est vrai, comme l'avait signalé la section de législation du Conseil d'Etat dans l'avis donné au sujet de cet article 22bis, que cette disposition ne se concilie pas avec l'article 9 de la loi du 7 décembre 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/12/1998 pub. 05/01/1999 numac 1998021488 source services du premier ministre Loi organisant un service de police intégré, structuré à deux niveaux fermer qui habilite le Roi à établir et donc à modifier les zones de police (Doc. parl., Sénat, 2000-2001, N° 2-740/3, p. 7). Il reste qu'en adoptant l'article 22bis, le législateur s'est approprié la division en zones de police opérée par le Roi, de telle sorte que, en toute hypothèse, il est satisfait aux exigences du principe de légalité inscrit à l'article 184 de la Constitution.

B.6.1. Par ailleurs, le législateur a pu habiliter le Roi à déterminer les modalités à suivre pour l'octroi des voix aux membres du collège de police dès lors qu'il avait fixé lui-même le principe selon lequel chaque bourgmestre y dispose d'un nombre de voix proportionnel à la dotation policière minimale que sa commune investit dans la zone pluricommunale.

Compte tenu des précisions qu'il fournissait quant au principe de répartition des voix au sein du collège de police, le législateur pouvait, dans une matière complexe, sans violer le principe de légalité prévu à l'article 184 de la Constitution, attribuer au Roi la compétence technique de définir les modalités particulières servant à mettre en oeuvre le principe défini par le législateur lui-même.

B.6.2. Sans doute le principe retenu par le législateur peut-il avoir pour conséquence de désavantager certaines communes lorsqu'elles sont associées, au sein d'une même zone de police, avec une commune de grande importance. Néanmoins, le législateur a pu raisonnablement autoriser le Roi à procéder à de tels regroupements lorsque les critères d'efficacité policière, tels qu'ils sont mentionnés en B.5.1, l'imposaient.

B.6.3. Enfin, l'atteinte à la compétence des communes et, par voie de conséquence, au principe de l'autonomie locale, que comporte la création de zones de police regroupant des communes d'envergure différente, ne serait incompatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 41, alinéa 1er, et 162, alinéas 1er et 2, 2°, de la Constitution et avec l'article 6, § 1er, VIII, alinéa 1er, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, qui garantissent la compétence des communes pour tout ce qui concerne l'intérêt communal, que si elle était manifestement disproportionnée. Tel serait le cas, par exemple, si elle aboutissait à priver les communes de tout ou de l'essentiel de leurs compétences, ou si la limitation de compétence ne pouvait être justifiée par le fait que celle-ci serait mieux gérée à un autre niveau de pouvoir.

En l'espèce, les travaux préparatoires de la loi en cause révèlent que le législateur a considéré que la police communale n'était plus une matière d'intérêt exclusivement local et qu'il a estimé nécessaire de créer des zones de police afin de garantir une meilleure efficacité policière (Doc. parl., Chambre, 1997-1998, n° 1676/1, p. 7). Par ailleurs, dans les zones pluricommunales, les compétences antérieurement dévolues aux organes communaux continuent d'être exercées, au niveau local, par le collège et le conseil de police au sein duquel coexistent plusieurs modes de votation dont seuls certains prennent en compte l'importance de la dotation policière de chaque commune. Enfin, les bourgmestres des communes regroupées au sein d'une zone de police pluricommunale disposent, à titre individuel, d'importantes compétences opératoires, en vertu notamment des articles 42, 43 et 45 de la loi en cause.

Il s'ensuit que l'atteinte au principe de l'autonomie communale qu'autorisent les dispositions en cause n'est pas disproportionnée.

B.7. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : Les articles 9 et 24 de la loi du 7 décembre 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 07/12/1998 pub. 05/01/1999 numac 1998021488 source services du premier ministre Loi organisant un service de police intégré, structuré à deux niveaux fermer organisant un service de police intégré, structuré à deux niveaux, ne violent pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, à l'audience publique du 15 janvier 2009.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Melchior.

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