publié le 02 août 2004
Extrait de l'arrêt n° 129/2004 du 14 juillet 2004 Numéros du rôle : 2739 et 2758 En cause : les recours en annulation de l'article 9 de la loi du 24 décembre 2002 « modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et ins La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges P. Martens, R.(...)
COUR D'ARBITRAGE
Extrait de l'arrêt n° 129/2004 du 14 juillet 2004 Numéros du rôle : 2739 et 2758 En cause : les recours en annulation de l'article 9 de la
loi du 24 décembre 2002Documents pertinents retrouvés
type
loi
prom.
24/12/2002
pub.
31/12/2002
numac
2002003520
source
ministere des finances
Loi modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale
fermer « modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale », introduits par l'Union professionnelle des entreprises d'assurances belges et étrangères opérant en Belgique et autres et par la s.a. Mercator Assurances et la s.a. KBC Assurances.
La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe et J. Spreutels, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours et procédure Par requêtes adressées à la Cour par lettres recommandées à la poste les 27 et 30 juin 2003 et parvenues au greffe les 30 juin et 2 juillet 2003, un recours en annulation de l'article 9 de la loi du 24 décembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/12/2002 pub. 31/12/2002 numac 2002003520 source ministere des finances Loi modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale fermer « modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale » (publiée au Moniteur belge du 31 décembre 2002, deuxième édition) a été introduit respectivement par : - l'Union professionnelle des entreprises d'assurances belges et étrangères opérant en Belgique, dont le siège est établi à 1000 Bruxelles, square de Meeûs 29, la s.a. AXA Belgium, dont le siège social est établi à 1170 Bruxelles, boulevard du Souverain 25, la s.a.
Generali Belgium, dont le siège social est établi à 1050 Bruxelles, avenue Louise 149, la s.a. Fortis AG, dont le siège social est établi à 1000 Bruxelles, boulevard Emile Jacqmain 53, la s.a. Les Assurances de Fortis Banque, dont le siège social est établi à 1000 Bruxelles, rue Fossé-aux-Loups 48, la s.c.r.l. P&V Assurances, dont le siège social est établi à 1210 Bruxelles, rue Royale 151, la s.a.
Winterthur-Europe Assurances, dont le siège social est établi à 1000 Bruxelles, avenue des Arts 56, et la s.a. Zurich International Belgique, dont le siège social est établi à 1000 Bruxelles, avenue Lloyd George 7; - la s.a. Mercator Assurances, dont le siège social est établi à 9000 Gand, Kortrijksesteenweg 302, et la s.a. KBC Assurances, dont le siège social est établi à 3000 Louvain, Waaistraat 6.
Ces affaires, inscrites sous les numéros 2739 et 2758 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) II. En droit (...) La disposition attaquée et la portée des recours B.1. Les recours en annulation sont dirigés contre l'article 9 de la loi du 24 décembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/12/2002 pub. 31/12/2002 numac 2002003520 source ministere des finances Loi modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale fermer « modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale ». Cet article, qui apporte des modifications au Code des impôts sur les revenus 1992 (C.I.R. 1992), est libellé comme suit : « L'article 202, § 2, du [...] Code, inséré par l'arrêté royal du 20 décembre 1996, complété par la loi du 10 mars 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/03/1999 pub. 14/04/1999 numac 1999003142 source ministere des finances Loi modifiant la loi du 6 avril 1995 relative aux marchés secondaires, au statut des entreprises d'investissement et à leur contrôle, aux intermédiaires et conseillers en placements, fixant le régime fiscal des opérations de prêt d'actions et portant diverses autres dispositions fermer et modifié par l'arrêté royal du 20 juillet 2000, est remplacé par la disposition suivante : ' § 2. Les revenus visés au § 1er, 1° et 2°, ne sont déductibles que pour autant : 1° qu'à la date d'attribution ou de mise en paiement de ceux-ci, la société qui en bénéficie, détienne dans le capital de la société qui les distribue une participation de 10 p.c. au moins ou dont la valeur d'investissement atteint au moins 1.200.000 EUR; 2° que ces revenus se rapportent à des actions ou parts qui ont la nature d'immobilisations financières et qui sont ou ont été détenues en pleine propriété pendant une période ininterrompue d'au moins un an. Le Roi détermine, par arrêté délibéré en Conseil des Ministres, les actions ou parts qui ont la nature d'immobilisations financières pour l'application de l'alinéa 1er, 2°, dans le chef des établissements de crédit visés à l'article 56, § 1er, des entreprises d'assurances visées à l'article 56, § 2, 2°, h, et des sociétés de bourse visées à l'article 47 de la loi du 6 avril 1995Documents pertinents retrouvés type loi prom. 06/04/1995 pub. 29/05/2012 numac 2012000346 source service public federal interieur Loi organisant la commission parlementaire de concertation prévue à l'article 82 de la Constitution et modifiant les lois coordonnées sur le Conseil d'Etat. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative aux marchés secondaires, au statut des entreprises d'investissement et à leur contrôle, aux intermédiaires et conseillers en placements.
L'échange d'actions ou de parts en raison des opérations visées à l'article 45 ou l'aliénation ou l'acquisition d'actions ou de parts en raison d'opérations en neutralité d'impôt visées aux articles 46, § 1er, alinéa 1er, 2°, 211, 214, § 1er et 231, §§ 2 et 3, sont censés ne pas avoir eu lieu pour l'application de l'alinéa 1er, 2°.
Les conditions visées à l'alinéa 1er ne s'appliquent toutefois pas aux revenus : 1° recueillis par des sociétés d'investissement;2° alloués ou attribués par des intercommunales régies par la loi du 22 décembre 1986;3° alloués ou attribués par des sociétés d'investissement. Les conditions visées à l'alinéa 1er, 1°, ne s'appliquent toutefois pas aux revenus : 1° recueillis par des établissements de crédit visés à l'article 56, § 1er;2° recueillis par des entreprises d'assurances visées à l'article 56, § 2, 2°, h;3° recueillis par des sociétés de bourse visées à l'article 47 de la loi précitée du 6 avril 1995. Pour l'application de l'alinéa 1er, un prêt d'actions ou parts visées à l'article 18, alinéa 1er, 3°, n'est pas considéré comme une cession. ' » B.2. Les parties requérantes, qui sont toutes des entreprises belges d'assurances, à l'exception d'une, qui est une union professionnelle regroupant des entreprises d'assurances, critiquent uniquement l'alinéa 2 de la disposition précitée en tant qu'il dispose que le « Roi détermine, par arrêté délibéré en Conseil des Ministres, les actions ou parts qui ont la nature d'immobilisations financières pour l'application de l'alinéa 1er, 2°, dans le chef [...] des entreprises d'assurances visées à l'article 56, § 2, 2°, h ». La Cour limite l'examen des recours à cette partie de l'article 9 attaqué de la loi du 24 décembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/12/2002 pub. 31/12/2002 numac 2002003520 source ministere des finances Loi modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale fermer précitée.
Quant au moyen unique B.3. Le moyen unique est pris de la violation par l'article 9 de la loi du 24 décembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/12/2002 pub. 31/12/2002 numac 2002003520 source ministere des finances Loi modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale fermer précitée des articles 10, 11 et 172 de la Constitution. Selon les parties requérantes, l'article entrepris violerait le principe d'égalité devant l'impôt et celui de la légalité de l'impôt en ce qu'il autorise le Roi à définir, pour les entreprises d'assurances, la notion d'« immobilisations financières ». Le principe d'égalité serait violé parce que les autres sociétés, soumises au droit commun comptable, et les entreprises de réassurances, non soumises au droit commun, peuvent bénéficier du régime dit « des revenus définitivement taxés » pour leurs revenus qui se rapportent à des actions ou des parts qui ont la nature d'immobilisations financières sans qu'un arrêté royal dût en donner une définition, la notion d'immobilisations financières étant définie dans le droit commun comptable. Le principe de la légalité de l'impôt serait violé parce qu'en autorisant le Roi à définir la notion en cause, on Lui donnerait la possibilité d'exempter d'impôt, selon des critères différents des autres sociétés, les entreprises d'assurances, alors que seul le législateur est compétent pour établir des exemptions en matière fiscale, d'autant que, selon les parties requérantes, le Roi pourrait, ce faisant, modifier le statut dérogatoire des entreprises d'assurances s'agissant des conditions de la participation minimale.
B.4.1. Après l'entrée en vigueur de la loi du 24 décembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/12/2002 pub. 31/12/2002 numac 2002003520 source ministere des finances Loi modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale fermer, les sociétés belges peuvent, conformément à l'article 204 du C.I.R. 1992, déduire de leurs bénéfices imposables les dividendes qu'elles ont perçus et ce, à concurrence de 95 p.c. du montant brut desdits dividendes. C'est le régime dit des « revenus définitivement taxés » appliqué dans le but d'éviter la double imposition. Pour pouvoir bénéficier de ce régime, les revenus des actions ou parts détenues par une société doivent, conformément à l'article 202, § 2, alinéa 1er, 2°, du C.I.R. 1992 tel qu'il a été remplacé par l'article 9 attaqué de la loi du 24 décembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/12/2002 pub. 31/12/2002 numac 2002003520 source ministere des finances Loi modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale fermer précitée, avoir trait aux actions ou parts qui ont la nature d'« immobilisations financières ». En application de l'article 2, § 7, du C.I.R. 1992, cette notion a la signification qui lui est attribuée par la législation relative à la comptabilité et aux comptes annuels des entreprises, c'est-à -dire le droit comptable commun.
B.4.2. Les parties requérantes qui sont des entreprises d'assurances sont soumises depuis 1979 à des dispositions spécifiques concernant les comptes annuels et depuis 1995 concernant la comptabilité, ainsi que le prévoit l'arrêté royal du 17 novembre 1994 relatif aux comptes annuels des entreprises d'assurances, modifié successivement par les arrêtés royaux du 4 août 1996, du 7 décembre 1998 et du 16 janvier 2002. Ce droit comptable particulier ignore la notion d'« immobilisations financières ». B.4.3. Selon l'exposé des motifs, la notion d'« immobilisations financières » utilisée par l'article 202, § 2, alinéa 1er, 2°, du C.I.R. 1992 « sera déterminée par arrêté royal délibéré en Conseil des Ministres, en ce qui concerne les actions ou parts qui sont détenues en pleine propriété pendant une période ininterrompue d'au moins un an par les établissements de crédit, par les entreprises d'assurances et par les sociétés de bourse. Dans le chef des autres sociétés, la notion d'immobilisations financières a la signification qui lui est attribuée par la législation relative à la comptabilité et aux comptes annuels des entreprises, conformément à l'article 2, CIR 92 » (Doc. parl., Chambre, 2002-2003, DOC 50-1918/001, pp. 46-47). En ce qui concerne les exceptions à l'exigence d'une participation minimale dans le capital social, cet exposé ajoute : « Des aménagements sont apportés à ces exceptions [à la condition de la participation minimale] corrélativement aux modifications apportées aux modalités de détermination d'une participation en vue de la déduction des dividendes à titre de RDT. » B.4.4. Un amendement a été déposé, visant à conférer au Roi le pouvoir d'élargir, entre autres dans le chef des entreprises d'assurances, « la notion d'actions ou de parts qui ont la nature d'immobilisations financières » (Doc. parl., Chambre, 2002-2003, DOC 50-1918/005, pp. 5-6). Cet amendement n'a pas été adopté. Lors de la discussion en commission de la Chambre, le ministre des Finances a toutefois confirmé : « [...] en vertu de l'article 9 en projet, les immobilisations financières peuvent être déduites à titre de revenus définitivement taxés, y compris si les actions ou parts sont détenues par des établissements de crédit et des entreprises d'assurances, qui appliquent un autre système de comptabilité. Les arrêtés d'exécution doivent précisément définir comment vont s'appliquer les mêmes règles avec une comptabilité spécifique. » (Doc. parl., Chambre, 2002-2003, DOC 50-1918/006, p. 98) Contrairement à ce qu'indique l'exposé des motifs, le législateur n'entendait donc nullement habiliter le Roi à adapter les règles dérogatoires relatives à l'exigence d'une participation minimale.
B.5.1. Il ressort du texte de la disposition législative attaquée et des travaux préparatoires précités qu'il entrait dans les intentions du législateur de traiter de manière égale toutes les sociétés et, par conséquent, de permettre également aux sociétés soumises à une réglementation comptable spécifique de déduire les revenus d'actions ou de parts considérés par le droit comptable commun comme « immobilisations financières ». Etant donné, en effet, que la notion d'« immobilisations financières » n'est pas expressément visée dans la réglementation comptable des entreprises d'assurances, le législateur était, en raison de l'objectif d'égalité entre toutes les sociétés qu'il visait, tenu de préciser cette notion. Vu qu'il ne s'agissait que de définir la notion d'« immobilisations financières » dont le champ d'application est délimité par le législateur lui-même, celui-ci pouvait, dans une matière complexe, sans violer le principe de la légalité de l'impôt, attribuer au Roi la compétence technique de définir cette notion.
L'article 9, alinéa 2, entrepris de la loi du 24 décembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/12/2002 pub. 31/12/2002 numac 2002003520 source ministere des finances Loi modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale fermer n'engendre donc en soi aucune différence de traitement entre les entreprises requérantes et les autres sociétés soumises au droit comptable commun. Contrairement à ce qui est indiqué dans l'exposé des motifs, le Roi n'a pas la possibilité de modifier les règles dérogatoires existantes en faveur des entreprises d'assurances relatives à l'exigence d'une participation minimale.
B.5.2. En ce qui concerne les entreprises de réassurances, le Conseil des ministres admet, dans son mémoire en réplique, que celles-ci ont été omises dans l'article 9, alinéa 2, de la loi du 24 décembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/12/2002 pub. 31/12/2002 numac 2002003520 source ministere des finances Loi modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale fermer.
Cependant, il considère que ces entreprises doivent être assimilées aux entreprises d'assurances en ce qui concerne l'article 202, § 2, du C.I.R. 1992 tel qu'il a été modifié par l'article 9 entrepris de la loi du 24 décembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/12/2002 pub. 31/12/2002 numac 2002003520 source ministere des finances Loi modifiant le régime des sociétés en matière d'impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale fermer.
B.6. Le moyen ne peut être accueilli.
Par ces motifs, la Cour rejette les recours.
Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 14 juillet 2004.
Le greffier, P.-Y. Dutilleux.
Le président, M. Melchior.