publié le 08 septembre 1998
Arrêt n° 65/98 du 10 juin 1998 Numéro du rôle : 1124 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 31 de la loi du 24 juillet 1987 sur le travail temporaire, le travail intérimaire et la mise de travailleurs à la disposition d'uti La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges P. Martens(...)
COUR D'ARBITRAGE
Arrêt n° 65/98 du 10 juin 1998 Numéro du rôle : 1124 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 31 de la
loi du 24 juillet 1987Documents pertinents retrouvés
type
loi
prom.
24/07/1987
pub.
13/02/2007
numac
2007000038
source
service public federal interieur
Loi sur le travail temporaire, le travail intérimaire et la mise de travailleurs à la disposition d'utilisateurs. - Traduction allemande
fermer sur le travail temporaire, le travail intérimaire et la mise de travailleurs à la disposition d'utilisateurs, posée par le Tribunal du travail de Hasselt.
La Cour d'arbitrage, composée des présidents L. De Grève et M. Melchior, et des juges P. Martens, J. Delruelle, H. Coremans, A. Arts et G. De Baets, assistée du greffier L. Potoms, présidée par le président L. De Grève, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle Par jugement du 27 juin 1997 en cause de C. Degraen contre l'a.s.b.l.
Cultureel Centrum Heusden-Zolder et autres, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 3 juillet 1997, le Tribunal du travail de Hasselt a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 31 de la loi du 24 juillet 1987Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/07/1987 pub. 13/02/2007 numac 2007000038 source service public federal interieur Loi sur le travail temporaire, le travail intérimaire et la mise de travailleurs à la disposition d'utilisateurs. - Traduction allemande fermer sur le travail temporaire, le travail intérimaire et la mise de travailleurs à la disposition d'utilisateurs viole-t-il le principe constitutionnel d'égalité contenu dans les articles 10 et 11 de la Constitution lorsqu'il est appliqué aux personnes de droit public telles que les communes, qui veillent à l'intérêt général au niveau communal et qui, dans le cadre d'un programme de mise au travail comme celui des contractuels subsidiés, mettent du personnel à la disposition d'une entreprise non marchande telle qu'un centre culturel agréé, alors que ces communes se trouvent fondamentalement dans une situation différente et non comparable à celle des personnes privées ou même des personnes publiques qui n'ont pas à veiller à l'intérêt général, qui ne mettent pas du personnel à disposition dans le cadre d'un programme de mise au travail organisé par la loi et qui mettent du personnel à la disposition d'entreprises à but lucratif en dehors du secteur culturel ? » II. Les faits et la procédure antérieure Après avoir été mise au travail à la commune de Heusden-Zolder par l'Office national de l'emploi en tant que chômeuse durant six années, C. Degraen entra le 1er janvier 1987 au service de cette commune en tant que contractuelle subventionnée, avec deux contrats de travail à durée indéterminée du 23 décembre 1986 et du 3 septembre 1990. Elle était employée au service culturel et travaillait en fait dans les locaux de la commune où était établie l'a.s.b.l. Cultureel Centrum Heusden-Zolder.
Par lettre recommandée du 28 mai 1993, il fut signifié à la demanderesse, par le directeur et le vice-président du conseil d'administration, qu'il était mis fin au détachement et qu'elle n'avait plus à se présenter au centre culturel. Suite à cela, son conseil a, par lettre du 10 juin 1993, constaté la rupture unilatérale de la part de l'association sans but lucratif.
Après une période d'incapacité de travail, la demanderesse se présenta à la commune en demandant un autre travail. Elle fut toutefois mise en demeure par celle-ci de reprendre le travail à l'association sans but lucratif.
Le 11 août 1993, elle fut licenciée par la commune pour motif grave « étant donné que, malgré un avertissement explicite, elle refuse de reprendre le travail à l'a.s.b.l. ».
La demanderesse considère qu'en la mettant à la disposition de l'association sans but lucratif, en violation de l'article 31 de la loi du 24 juillet 1987Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/07/1987 pub. 13/02/2007 numac 2007000038 source service public federal interieur Loi sur le travail temporaire, le travail intérimaire et la mise de travailleurs à la disposition d'utilisateurs. - Traduction allemande fermer sur le travail temporaire, le travail intérimaire et la mise de travailleurs à la disposition d'utilisateurs, un contrat de travail est né entre elle-même et l'association sans but lucratif. Celle-ci ayant irrégulièrement mis fin à ce contrat de travail, une indemnité de rupture, une indemnité pour abus du droit de rupture, un franc provisionnel à titre d'arriéré de sursalaire et, pro rata, à la prime de fin d'année ainsi qu'au pécule de vacances de sortie sont postulés par C. Degraen qui demande la condamnation solidaire de l'a.s.b.l. Cultureel Centrum Heusden-Zolder et de la commune de Heusden-Zolder.
Le Tribunal du travail considère que par « tiers », au sens de l'article 31, § 1er, de la loi du 24 juillet 1987Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/07/1987 pub. 13/02/2007 numac 2007000038 source service public federal interieur Loi sur le travail temporaire, le travail intérimaire et la mise de travailleurs à la disposition d'utilisateurs. - Traduction allemande fermer, on entend celui qui est étranger à la relation de travail initiale entre la personne physique ou morale et le travailleur. « Le fait que l'autorité communale joue un rôle important dans la création, la conduite et le financement de ce tiers, en l'espèce l'a.s.b.l. communale, n'y change rien. Il s'agit de deux entités juridiques distinctes. » Selon le Tribunal, l'interdiction s'applique également lorsque les activités se situent en dehors du secteur commercial et que la mise à la disposition s'opère par une personne de droit public, la commune, qui veille à l'intérêt général au niveau communal et met une personne à la disposition d'une entreprise non marchande telle que l'a.s.b.l.
Cultureel Centrum Heusden-Zolder, dans le secteur culturel.
La deuxième partie défenderesse objecte qu'au cas où le Tribunal serait tenté d'appliquer la loi du 24 juillet 1987Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/07/1987 pub. 13/02/2007 numac 2007000038 source service public federal interieur Loi sur le travail temporaire, le travail intérimaire et la mise de travailleurs à la disposition d'utilisateurs. - Traduction allemande fermer à la cause parce qu'il y aurait mise à disposition illicite, cela serait contraire au principe d'égalité des articles 10 et 11 de la Constitution et elle demande en ordre subsidiaire de poser à ce propos une question préjudicielle à la Cour.
Le Tribunal estime cette demande pertinente et renvoie l'affaire à la Cour en vue de répondre à la question préjudicielle mentionnée ci-dessus.
III. La procédure devant la Cour Par ordonnance du 3 juillet 1997, le président en exercice a désigné les juges du siège conformément aux articles 58 et 59 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.
Les juges-rapporteurs ont estimé n'y avoir lieu de faire application des articles 71 ou 72 de la loi organique.
La décision de renvoi a été notifiée conformément à l'article 77 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 14 août 1997.
L'avis prescrit par l'article 74 de la loi organique a été publié au Moniteur belge du 15 août 1997.
Des mémoires ont été introduits par : - la commune de Heusden-Zolder, Heldenplein 1, 3550 Heusden-Zolder, par lettre recommandée à la poste le 16 septembre 1997; - le Conseil des ministres, rue de la Loi 16, 1000 Bruxelles, par lettre recommandée à la poste le 1er octobre 1997; - le Gouvernement wallon, rue Mazy 25-27, 5100 Namur, par lettre recommandée à la poste le 2 octobre 1997.
Ces mémoires ont été notifiés conformément à l'article 89 de la loi organique, par lettres recommandées à la poste le 27 novembre 1997.
Des mémoires en réponse ont été introduits par : - le Conseil des ministres, par lettre recommandée à la poste le 23 décembre 1997; - la commune de Heusden-Zolder, par lettre recommandée à la poste le 24 décembre 1997; - le Gouvernement wallon, par lettre recommandée à la poste le 26 décembre 1997.
Par ordonnance du 18 décembre 1997Documents pertinents retrouvés type ordonnance prom. 18/12/1997 pub. 10/03/1998 numac 1998031009 source ministere de la region de bruxelles-capitale Ordonnance modifiant l'ordonnance du 27 avril 1995 relative à la sauvegarde et à la protection de la nature type ordonnance prom. 18/12/1997 pub. 24/02/1998 numac 1997031010 source ministere de la region de bruxelles-capitale Ordonnance complétant l'ordonnance du 19 juillet 1990 portant création de l'Agence Régionale pour la Propreté type ordonnance prom. 18/12/1997 pub. 03/04/1998 numac 1998031011 source ministere de la region de bruxelles-capitale Ordonnance portant assentiment à l'accord de coopération conclu le 4 mars 1997 entre l'Etat fédéral et les Régions relatif au programme de transition professionnelle fermer, la Cour a prorogé jusqu'au 3 juillet 1998 le délai dans lequel l'arrêt doit être rendu.
Par ordonnance du 25 mars 1998, la Cour a déclaré l'affaire en état et fixé l'audience au 29 avril 1998.
Cette ordonnance a été notifiée aux parties ainsi qu'à leurs avocats, par lettres recommandées à la poste le 26 mars 1998.
A l'audience publique du 29 avril 1998 : - ont comparu : . Me K. Jespers loco Me W. Rauws, avocats au barreau d'Anvers, pour la commune de Heusden-Zolder; . Me A. Lindemans, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Conseil des ministres; . Me V. Thiry, avocat au barreau de Liège, pour le Gouvernement wallon; - les juges-rapporteurs A. Arts et J. Delruelle ont fait rapport; - les avocats précités ont été entendus; - l'affaire a été mise en délibéré.
La procédure s'est déroulée conformément aux articles 62 et suivants de la loi organique, relatifs à l'emploi des langues devant la Cour.
IV. En droit - A - Mémoire de la commune de Heusden-Zolder A.1.1. L'objectif de la loi du 24 juillet 1987Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/07/1987 pub. 13/02/2007 numac 2007000038 source service public federal interieur Loi sur le travail temporaire, le travail intérimaire et la mise de travailleurs à la disposition d'utilisateurs. - Traduction allemande fermer est de lutter contre les pourvoyeurs de main-d'oeuvre, qui abusaient de la mise à disposition d'intérimaires au préjudice des travailleurs concernés.
En tant qu'autorité administrative locale, la commune ne peut que défendre l'intérêt général au niveau local, c'est-à -dire communal.
En sa qualité d'association sans but lucratif communale, l'a.s.b.l.
Cultureel Centrum Heusden-Zolder effectue également des tâches d'intérêt général.
C. Degraen a été remise au travail dans le cadre d'une mesure spécifique de résorption du chômage par les pouvoirs publics, à savoir le régime des contractuels subventionnés. Ce régime avait pour but d'harmoniser les mesures existantes dans le cadre des divers programmes de résorption du chômage et de remplacer ces divers travailleurs dans les communes, les centres publics d'aide sociale et les associations qui en dépendent par une seule catégorie.
L'association sans but lucratif communale ne pouvait recruter de contractuels subventionnés, ni faire appel, depuis 1986, aux autres formes traditionnelles de remise au travail.
Selon le rapport au Roi précédant l'arrêté royal du 29 octobre 1986, le législateur a tenu compte des importantes tâches sociales qu'accomplissent les communes et les associations sans but lucratif communales et de l'important volume d'emplois nécessaires dans les domaines du tourisme et de la culture. De nombreuses communes procèdent à des mises à disposition, comme celle de C. Degraen, au vu et au su de l'Office national de l'emploi et de la Communauté flamande et en collaboration avec ces entités.
A.1.2. » Eu égard aux tâches d'intérêt social que la commune et le centre culturel de Heusden-Zolder accomplissent, d'une part, et au fait que l'occupation de contractuels subventionnés est une mesure de résorption du chômage destinée spécifiquement à des autorités de droit public, dont il est fait un usage généralisé par les communes et les a.s.b.l. communales, la commune et le centre culturel de Heusden-Zolder se trouvent essentiellement dans une situation différente de celle des entreprises normales, qui procèdent à une remise au travail prohibée dans un but lucratif aux fins de contourner la législation sociale et qui se comportent en fait illicitement comme des pourvoyeurs de main-d'oeuvre au préjudice des travailleurs mis à disposition.
L'application de la loi sur le travail intérimaire à la commune aurait d'ailleurs des conséquences néfastes aux niveaux social et politique. » Il est contraire au principe constitutionnel d'égalité de traiter de la même manière des catégories de personnes qui se trouvent dans une situation totalement différente vis-à -vis d'une législation donnée. Il faut à cet égard prendre en compte l'article 60 de la loi du 8 juillet 1976Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/07/1976 pub. 18/04/2016 numac 2016000231 source service public federal interieur Loi organique des centres publics d'action sociale. - Coordination officieuse en langue allemande de la version applicable aux habitants de la région de langue allemande fermer organique des centres publics d'aide sociale, d'où il appert que les centres publics d'aide sociale qui accomplissent, comme les communes, des tâches d'intérêt général sont bel et bien habilités à mettre des travailleurs à la disposition d'associations communales sans but lucratif.
La discrimination dénoncée ressort par ailleurs du fait que l'article 31, § 1er, impose au Roi l'obligation de désigner par arrêté royal délibéré en Conseil des ministres les associations sans but lucratif auxquelles l'interdiction de mise à disposition n'est pas applicable.
Mémoire du Conseil des ministres A.2.1. L'article 31 de la loi du 24 juillet 1987Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/07/1987 pub. 13/02/2007 numac 2007000038 source service public federal interieur Loi sur le travail temporaire, le travail intérimaire et la mise de travailleurs à la disposition d'utilisateurs. - Traduction allemande fermer a une portée générale puisque la loi sur le travail intérimaire est applicable tant au secteur public qu'au secteur privé. Cette réglementation est du reste d'ordre public. Il existe toutefois des exceptions à l'interdiction de la mise de travailleurs à la disposition d'utilisateurs, par exemple l'article 31, § 1er, in fine, ou l'article 48 de la loi.
A.2.2. Une première critique porte sur le caractère arbitraire et artificiel de la distinction que le juge a quo opère entre les catégories qu'il oppose. La distinction faite n'est pas objective ni raisonnable. On n'en trouve d'ailleurs aucune trace, même pas implicite, dans la loi sur le travail intérimaire. Il n'existe donc pas de catégorie de personnes se trouvant dans des situations totalement différentes et qui seraient traitées de manière égale, ou tout au moins l'existence de ces catégories ne trouve pas de fondement dans la loi sur le travail intérimaire.
A.2.3. Le point de vue de la commune de Heusden-Zolder, qui opère une distinction entre les communes et les associations sans but lucratif, d'une part, et les entreprises commerciales, d'autre part, qui seules feraient de la mise à disposition interdite en vue d'éluder la législation sociale et de se rendre en fait coupables de travail au noir, repose sur un critère tout aussi arbitraire et injuste. Le critère est arbitraire parce qu'il n'est avancé pour celui-ci aucun fondement ni aucune explication. Le critère est par ailleurs inexact puisque le travail temporaire et intérimaire réglementé a précisément pour objectif de prévoir des variantes pour l'embauche de forces de travail temporaires et d'offrir tout de même la protection nécessaire aux différents acteurs impliqués dans le processus du travail temporaire et intérimaire.
Cette double préoccupation ne vaut pas seulement à l'égard du secteur commercial mais s'adresse aussi aux personnes morales qui, dans l'intérêt général, et dans le cadre ou non d'un programme de mise au travail, mettent du personnel à la disposition d'entreprises non marchandes.
Compte tenu de l'objectif du législateur - combattre les abus que constituent les mises à disposition interdites -, il n'existe aucune justification objective ni raisonnable pour opérer une distinction entre les catégories de personnes morales visées.
A.2.4. Il n'apparaît pas clairement quelles sont les situations manifestement inégales dans lesquelles se trouveraient les communes et les associations sans but lucratif, d'une part, et les entreprises non marchandes, d'autre part, au regard de la disposition litigieuse. Il n'apparaît nulle part en quoi consisterait cette situation fondamentalement différente. La nature de l'intérêt en cause, intérêt général ou intérêt privé, n'est pas pertinente en l'espèce. Ne l'est pas davantage, le fait que la personne morale met du personnel au travail dans le cadre d'un programme de mise au travail ayant pour but de combattre le chômage.
A.2.5. La distinction opérée menace d'aboutir à une segmentation confuse de différentes catégories de personnes morales qui doivent être appréciées au regard de la loi sur le travail intérimaire. « La question préjudicielle établit une distinction entre une commune agissant dans l'intérêt général et d'autres personnes morales privées ou publiques. Il n'est pas clair que d'autres personnes morales de droit public que les communes soient couvertes par la question préjudicielle. Une polarisation est également affirmée entre le secteur culturel, d'une part, et les entreprises du secteur marchand en dehors du secteur culturel, d'autre part. La question se pose de savoir comment interpréter la question préjudicielle à l'égard du secteur social ou des entreprises qui se trouvent à la limite du secteur marchand et du secteur non marchand. » A.2.6. C'est la notion de travail intérimaire elle-même qui prévoit de façon précise les exceptions à la mise à disposition interdite. Le législateur a formulé pour ces exceptions une justification objective et raisonnable.
Mémoire du Gouvernement wallon A.3. Le Gouvernement wallon déclare intervenir à la cause et s'en remet provisoirement à la sagesse de la Cour, sous réserve d'autres prises de position dans un mémoire en réponse.
Mémoire en réponse de la commune de Heusden-Zolder A.4.1. C'est à tort que le Conseil des ministres formule des critiques à l'égard de la question préjudicielle posée par le Tribunal du travail de Hasselt. Les parties n'ont en effet pas la possibilité de modifier les termes de la saisine. La Cour doit répondre à la question telle qu'elle a été posée par la juridiction.
A.4.2. Subsidiairement, il faut relever que les critiques formulées par le Conseil des ministres manquent de fondement. La distinction entre la commune qui poursuit l'intérêt général au niveau local et le centre culturel reconnu qui poursuit l'intérêt culturel local, d'une part, et les personnes morales de droit privé ou même de droit public qui ne poursuivent pas un but d'intérêt général, d'autre part, est une distinction tout à fait relevante en droit. De manière générale, le droit prévoit un statut juridique différent pour les entreprises commerciales, d'une part, et pour les personnes de droit public qui se préoccupent de l'intérêt général, d'autre part.
S'il est vrai que la loi litigieuse ne fait pas cette distinction, c'est, selon la commune de Heusden-Zolder, à tort; elle méconnaît ainsi une différence fondamentale.
A.4.3. Le Conseil des ministres perd de vue que le système des contractuels subventionnés est une mesure de remise au travail créée spécifiquement pour les autorités. Le centre culturel ne peut pas engager directement des contractuels subventionnés. N'est pas non plus motivée, la thèse selon laquelle il n'est pas relevant de prendre en compte le fait que la mise à disposition se passe dans le cadre du programme de remise au travail afin de lutter contre le chômage. Il faut d'ailleurs souligner ici que l'Etat belge, via le ministère de l'Emploi et du Travail, a reconnu et subventionné la mise à disposition de contractuels subventionnés auprès d'associations sans but lucratif communales.
Pour répondre à la question préjudicielle, il n'est pas relevant de s'interroger sur le point de savoir si d'autres personnes de droit public que la commune sont visées par la question préjudicielle. De plus, il est faux de parler de segmentation confuse des différentes catégories de personnes morales. Tant les communes que les associations sans but lucratif visées sont une catégorie bien définie de personnes. Il faut en outre observer qu'une association sans but lucratif communale est caractérisée par une position dominante de personne de droit public, en l'espèce la commune.
Mémoire en réponse du Conseil des ministres A.5. Le législateur n'a prévu d'exceptions à l'interdiction de mise à disposition prévue par l'article 31 de la loi litigieuse que pour des cas spécifiques. C'est le cas par exemple de l'article 60 de la loi du 8 juillet 1976Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/07/1976 pub. 18/04/2016 numac 2016000231 source service public federal interieur Loi organique des centres publics d'action sociale. - Coordination officieuse en langue allemande de la version applicable aux habitants de la région de langue allemande fermer organique des centres publics d'aide sociale, cité par la commune de Heusden-Zolder.
Le législateur a accordé des exceptions limitatives pour des circonstances bien spécifiques. Ces exceptions ont été accordées à certaines associations sans but lucratif et, sous certaines conditions, aux centres publics d'aide sociale, mais aucunement aux communes.
Il faut en outre observer que l'article 31, § 1er, in fine, de la loi ne comporte aucun mécanisme automatique à cet égard et qu'il faut la réunion de plusieurs conditions pour que la dérogation soit accordée.
Le régime dérogatoire demandé par la commune de Heusden-Zolder ne peut se justifier ni par les prétendues tâches d'intérêt social qu'accomplit la commune ni par l'éventuelle mise au travail de contractuels subventionnés. « Un tel raisonnement ne saurait du reste être maintenu puisqu'il n'existe aucune obligation légale de recruter des contractuels subventionnés, en sorte que faire suite à la thèse de la commune de Heusden-Zolder aurait pour conséquence qu'une nouvelle distinction existerait entre les communes qui mettent à disposition des contractuels subventionnés et celles qui ne le font pas. » Mémoire en réponse du Gouvernement wallon A.6. Les dispositions du chapitre III de la loi du 24 juillet 1987Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/07/1987 pub. 13/02/2007 numac 2007000038 source service public federal interieur Loi sur le travail temporaire, le travail intérimaire et la mise de travailleurs à la disposition d'utilisateurs. - Traduction allemande fermer ont une portée générale en ce qu'elles s'appliquent indistinctement au secteur privé ou au secteur public.
Le législateur fédéral a cependant reconnu que des dérogations peuvent être consenties à certains services publics, voire à certaines associations sans but lucratif qui en dépendent, soit en application de l'article 31, § 1er, in fine, soit en application de l'article 48. « Compte tenu de ces tempéraments, l'article 31 de la loi du 24 juillet 1997 ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.
Il appartient aux juges administratif et judiciaire d'exercer un contrôle sur la manière dont ces habilitations sont mises en oeuvre.
L'habilitation qui figure à l'article 31, § 1er, in fine, n'est pas, en tant que telle, soumise au contrôle de la Cour d'arbitrage par le juge de renvoi. L'article 48 de la loi n'est pas visé dans la question préjudicielle. » - B - B.1. L'article 31 de la loi du 24 juillet 1987Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/07/1987 pub. 13/02/2007 numac 2007000038 source service public federal interieur Loi sur le travail temporaire, le travail intérimaire et la mise de travailleurs à la disposition d'utilisateurs. - Traduction allemande fermer sur le travail temporaire, le travail intérimaire et la mise de travailleurs à la disposition d'utilisateurs dispose : « § 1er. Est interdite l'activité exercée, en dehors des règles fixées aux chapitres Ier et II, par une personne physique ou morale qui consiste à mettre des travailleurs qu'elle a engagés, à la disposition de tiers qui utilisent ces travailleurs et exercent sur ceux-ci une part quelconque de l'autorité appartenant normalement à l'employeur, excepté pour certaines associations sans but lucratif désignées par arrêté royal délibéré en Conseil des Ministres. § 2. Le contrat par lequel un travailleur a été engagé pour être mis à la disposition d'un utilisateur en violation de la disposition du § 1er est nul, à partir du début de l'exécution du travail chez celui-ci. § 3. Lorsqu'un utilisateur fait exécuter des travaux par des travailleurs mis à sa disposition en violation de la disposition du § 1er, cet utilisateur et ces travailleurs sont considérés comme engagés dans les liens d'un contrat de travail à durée indéterminée dès le début de l'exécution des travaux.
Toutefois, les travailleurs peuvent mettre fin au contrat sans préavis ni indemnité. Ce droit ne peut être exercé que jusqu'à la date où leur mise à la disposition de l'utilisateur aurait normalement pris fin. § 4. L'utilisateur et la personne qui met des travailleurs à la disposition de l'utilisateur en violation de la disposition du § 1er, sont solidairement responsables du paiement des cotisations sociales, rémunérations, indemnités et avantages qui découlent du contrat visé au § 3. » B.2.1. Le Tribunal du travail de Hasselt interroge la Cour sur la compatibilité de cette disposition avec les articles 10 et 11 de la Constitution lorsqu'elle est appliquée aux personnes de droit public telles que les communes, qui veillent à l'intérêt général au niveau communal et qui, dans le cadre d'un programme de mise au travail comme celui des contractuels subventionnés, mettent du personnel à la disposition d'une entreprise non marchande telle qu'un centre culturel agréé, alors que ces communes se trouvent fondamentalement dans une situation différente et non comparable à celle des personnes privées ou même des personnes publiques qui n'ont pas à veiller à l'intérêt général, qui ne mettent pas du personnel à la disposition dans le cadre d'un programme de mise au travail organisé par la loi et qui mettent du personnel à la disposition d'entreprises à but lucratif en dehors du secteur culturel.
B.2.2. Le juge a quo estime que la commune qui engage une contractuelle subventionnée et l'occupe dans des locaux de la commune qui abritent également un centre culturel agréé pour lequel la personne mise au travail effectue des services, doit être considérée comme une personne qui exerce une activité interdite visée à l'article 31 de la loi du 24 juillet 1987Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/07/1987 pub. 13/02/2007 numac 2007000038 source service public federal interieur Loi sur le travail temporaire, le travail intérimaire et la mise de travailleurs à la disposition d'utilisateurs. - Traduction allemande fermer.
La Cour appréciera la constitutionnalité dudit article 31 dans l'interprétation qu'en a donnée le juge a quo.
B.3. Il ressort des travaux préparatoires de la loi du 24 juillet 1987Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/07/1987 pub. 13/02/2007 numac 2007000038 source service public federal interieur Loi sur le travail temporaire, le travail intérimaire et la mise de travailleurs à la disposition d'utilisateurs. - Traduction allemande fermer que le législateur a voulu reprendre la plupart des dispositions de la loi temporaire du 28 juin 1976. L'article 31, en particulier, maintient l'interdiction de la mise de travailleurs à la disposition d'utilisateurs qui n'est pas effectuée conformément à la réglementation du travail intérimaire.
Il ressort également de ces travaux préparatoires que le secteur public n'est pas exclu du champ d'application de la loi (Doc. parl., Chambre, 1986-1987, n° 762/4, p. 5).
B.4. Selon les travaux préparatoires de la loi du 28 juin 1976, le législateur a eu pour objectif de protéger les travailleurs mis à la disposition d'un tiers (Doc. parl., Chambre, 1974-1975, n° 627/11, p. 32).
B.5. Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination n'excluent pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée. Les mêmes règles s'opposent, par ailleurs, à ce que soient traitées de manière identique, sans qu'apparaisse une justification raisonnable, des catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure considérée, sont essentiellement différentes.
L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
B.6. Pour répondre à la question préjudicielle, la Cour doit examiner si les articles 10 et 11 de la Constitution imposent au législateur de traiter différemment, parmi les personnes qui mettent des travailleurs à la disposition de tiers, les communes lorsqu'elles veillent à l'intérêt général au niveau communal et qu'elles mettent des contractuels subventionnés à la disposition d'un centre culturel agréé, entreprise non marchande.
La Cour ne peut critiquer un traitement identique que si deux catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure considérée, sont essentiellement différentes font l'objet d'un traitement identique sans qu'apparaisse une justification raisonnable.
Compte tenu de ce que la loi vise à protéger les travailleurs contractuels, le fait que la commune veille à l'intérêt général au niveau communal n'est pas un critère permettant de justifier un traitement différent. Toutes les personnes de droit public sont, en effet, chargées de missions d'intérêt général. Le législateur n'a pas estimé devoir les soustraire à l'application de la loi du 24 juillet 1987. La Cour n'aperçoit pas pour quelles raisons il aurait dû prévoir des règles différentes à l'égard des communes pour le motif qu'elles veillent à l'intérêt général au niveau communal. La Cour n'aperçoit pas davantage pourquoi des règles spécifiques devraient être prévues pour le motif que les travailleurs sont des contractuels subventionnés ou en raison du fait que la mise à disposition intervient en faveur d'un centre culturel agréé.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 31 de la loi du 24 juillet 1987Documents pertinents retrouvés type loi prom. 24/07/1987 pub. 13/02/2007 numac 2007000038 source service public federal interieur Loi sur le travail temporaire, le travail intérimaire et la mise de travailleurs à la disposition d'utilisateurs. - Traduction allemande fermer sur le travail temporaire, le travail intérimaire et la mise de travailleurs à la disposition d'utilisateurs ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il est appliqué à des personnes morales de droit public telles que les communes.
Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 10 juin 1998.
Le greffier, L. Potoms.
Le président, L. De Grève.