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Document du 06 février 2024
publié le 23 février 2024

GPI 104 - Directive commune des Ministres de la Justice et de l'Intérieur relative à l'utilisation visible de caméras individuelles

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service public federal justice, service public federal interieur
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2024001560
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23/02/2024
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06/02/2024
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SERVICE PUBLIC FEDERAL JUSTICE, SERVICE PUBLIC FEDERAL INTERIEUR


6 FEVRIER 2024. - GPI 104 - Directive commune des Ministres de la Justice et de l'Intérieur relative à l'utilisation visible de caméras individuelles


A Mesdames et Messieurs les Gouverneurs de province, A Madame le Haut Fonctionnaire exerçant des compétences de l'Agglomération bruxelloise, A Mesdames et Messieurs les Bourgmestres, A Mesdames et Messieurs les Présidents des Collèges de police, A Mesdames et Messieurs les Chefs de corps de la Police Locale, A Monsieur le Commissaire général de la Police Fédérale, Pour information : A Monsieur le Directeur général de la Direction Générale Sécurité et Prévention, A Monsieur le Président de la Commission permanente de la police locale.

Madame, Monsieur le Gouverneur, Madame, Monsieur le Bourgmestre, Madame, Monsieur le Président, Madame, Monsieur le Chef de corps, Monsieur le Commissaire général, Monsieur l'Inspecteur général de l'Inspection générale de la Police Fédérale et de la Police Locale, Madame la Présidente du Comité permanent de contrôle des services de police, Monsieur le Président du Comité permanent de contrôle des services de renseignements, Monsieur le Président de l'Organe de contrôle de l'information policière, Madame, Monsieur, 1. Cadre général L'utilisation opérationnelle de caméras par les services de police est notamment régie par la loi sur la fonction de police (ci-après "LFP"). Des dispositions (articles 25/1 à 25/8, LFP) définissent les conditions générales de l'utilisation visible de caméras, dont les caméras mobiles.

La loi du 19 octobre 2023Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/10/2023 pub. 20/11/2023 numac 2023047049 source service public federal justice et service public federal interieur Loi modifiant la loi sur la fonction de police, en ce qui concerne l'utilisation des caméras individuelles par les services de police fermer modifiant la loi sur la fonction de police, en ce qui concerne l'utilisation des caméras individuelles par les services de police, règle l'utilisation des bodycams, qui ont été classées, parmi les caméras mobiles, dans la sous-catégorie des caméras individuelles.

La LFP prévoyait déjà que la police puisse faire usage de caméras mobiles. Etant donné que la bodycam constitue une caméra mobile très particulière qui non seulement filme les personnes de plus près, mais qui enregistre également le son, il s'est avéré nécessaire de prévoir un cadre légal clair afin de mettre fin aux zones grises existantes (peut-on enregistrer le son, comment peut-on traiter les enregistrements audiovisuels,....) La nouvelle loi règle les possibilités d'utilisation tandis que la présente directive a pour objectif de préciser une série de modalités d'utilisation des caméras individuelles pour la police intégrée. Cette directive détermine les conditions d'utilisation minimales à respecter par la Police Intégrée.

Le principe selon lequel les dispositions ne sont pas d'application lorsque l'utilisation de caméras est régie par une autre législation reste également d'application pour les caméras individuelles. L'on renvoie notamment : - aux dispositions relatives à la circulation (article 62 de la loi du 16 mars 1968Documents pertinents retrouvés type loi prom. 16/03/1968 pub. 21/10/1998 numac 1998000446 source ministere de l'interieur Loi relative à la police de la circulation routière, coordonnée par l'arrêté royal du 16 mars 1968 portant coordination des lois relatives à la police de la circulation routière . - Traduction allemande Le texte q(...) - la loi du 10 octobre 1967 contenant le Code judiciaire (Moniteur belge du 31 octobre 1967); - (...) fermer relative à la police de la circulation routière) ; - aux méthodes particulières de recherche (plus précisément, les règles en matière d'observation visées aux articles 47sexies et 47septies du Code d'instruction criminelle) ; - à l'audition audiovisuelle en matière pénale (articles 91bis à 101, et 112ter du Code d'instruction criminelle, article 2bis, § 3, de la loi relative à la détention préventive).

A titre d'exemple, en application de ce principe, il n'est pas autorisé de filmer une audition avec une bodycam.

Cette directive n'affecte pas la responsabilité opérationnelle, visée à l'article 25/5 LFP, du chef de corps, du commissaire général et du directeur (général) qui peuvent également adopter des directives opérationnelles, adaptées à la situation spécifique de leur service.

Dans le strict respect du cadre légal et de la présente directive, les responsables de traitement peuvent ainsi édicter des instructions spécifiques, propres au terrain, pour compléter les modalités d'utilisation (détermination des entités qui doivent porter ou non la caméra individuelle, détermination des missions pour lesquelles le port de la caméra individuelle est obligatoire, augmentation de la durée de conservation minimale des enregistrements, ....). 2. Objectifs poursuivis Cette directive vise à proposer les règles minimales à observer par les services de police si ces derniers décident de se doter de caméras individuelles (bodycams). Le cadre légal récemment modifié n'introduit pas l'obligation dans le chef des services de police de doter leurs membres du personnel de caméras individuelles. Il s'agit donc bien d'une possibilité légale d'utilisation de la bodycam et non d'une obligation pour les services de police. 3. Notion de "caméra individuelle" En vue d'obtenir une réglementation cohérente et spécifique pour la catégorie particulière des caméras individuelles, cette catégorie de caméras mobiles se voit attribuer une définition distincte, de sorte que des règles particulières puissent également s'appliquer à ces caméras. Une caméra individuelle, mieux connue sous le nom de « bodycam », est définie par la loi comme suit : « une caméra mobile réalisant des enregistrements audiovisuels portée par un membre du cadre opérationnel. » Cette catégorie particulière doit être interprétée de manière restrictive, en ce sens que la réglementation particulière s'applique uniquement aux "bodycams", à savoir les caméras destinées à être fixées à l'équipement du membre du cadre opérationnel. Cela signifie donc que le fait de filmer à l'aide d'une caméra à la main ne relève pas de cette réglementation particulière et qu'une telle caméra doit donc continuer à être considérée comme une caméra mobile "ordinaire" (n'est pas une caméra individuelle car non portée sur le corps ou l'équipement).

Dans la mesure où il n'y est pas dérogé dans des dispositions particulières, toutes les modalités fixées par la loi concernant les caméras mobiles sont donc pleinement applicables à la caméra individuelle.

Les règles générales des caméras mobiles (qui restent d'application pour les caméras individuelles) et les règles spécifiques liées aux caméras individuelles sont reprises dans un tableau de synthèse en annexe de la présente directive. 4. Cas d'utilisation autorisés Dans le cadre de l'exercice de leurs missions de police administrative et judiciaire, les membres du cadre opérationnel peuvent ainsi faire usage de leur caméra individuelle en tous lieux et pendant la durée de leur intervention, dans les situations suivantes : 1° en cas d'incident d'une certaine gravité, notamment s'il y a des indices concrets de risques d'émergence de la violence, d'utilisation de la contrainte, d'atteinte à l'intégrité de membres des services de police ou de l'appelant ou encore de tiers;2° lorsqu'il y a des motifs raisonnables de croire, en fonction du comportement des personnes, d'indices matériels ou de circonstances de temps et de lieu, qu'il y a des personnes qui sont recherchées, ou qui ont tenté de commettre une infraction ou se préparent à la commettre, ou qui ont commis une infraction, ou qui pourraient troubler l'ordre public ou qui l'ont troublé;3° en cas de nécessité de recueillir des preuves matérielles d`infractions et d'identifier les personnes impliquées;4° lors de l'exécution de missions au cours desquelles les services de police prêtent main forte lorsqu'ils y sont légalement requis;5° lors de l'exécution de missions au cours desquelles les services de police sont requis pour notifier et mettre à exécution les mandats de justice.5. Cas d'utilisation fortement recommandés Il n'est légalement pas obligatoire de porter une caméra individuelle. En pratique, le chef de corps, le commissaire général ou le directeur (général) édicteront des directives relatives au port de la caméra par les membres de leurs services.

Dans le respect de ces directives adoptées par le chef de corps, le commissaire général ou le directeur (général), le membre du cadre opérationnel, porteur de la caméra individuelle, décide d'actionner et de mettre fin à l'enregistrement sur base de sa propre évaluation de la situation, dans le strict respect du cadre légal, tenant compte des principes de proportionnalité, de subsidiarité, de finalité et d'effectivité.

La loi sur la fonction de police détermine de manière stricte les situations dans lesquelles l'activation des caméras individuelles est autorisée. Il convient de s'y conformer à tout moment.

Bien que la loi détermine uniquement dans quelles situations l'activation de la caméra individuelle est autorisée, il demeure important, tant pour le citoyen que pour le membre du cadre opérationnel, que les ministres de tutelle déterminent dans quels cas l'utilisation est fortement recommandée.

L'utilisation de la caméra individuelle est fortement recommandée en cas d'existence d'indices concrets de survenance possible d'un incident d'une certaine gravité. Le membre du cadre opérationnel qui porte la caméra individuelle, prend appui sur les circonstances de l'intervention ou le comportement des personnes concernées qui peuvent présenter un risque d'incident grave.

En cas d'émergence/de présence de violence, d'utilisation de la contrainte, de risque d'une situation chaotique ou de risque pour l'intégrité des membres des services de police ou de tiers, l'utilisation est toujours fortement recommandée sauf si on est dans les situations d'exception légales (voir infra).

Il s'agit notamment des cas suivants, liés aux circonstances de l'intervention ou au comportement des personnes impliquées, dans lesquels l'utilisation de la caméra est en principe nécessaire : - l'usage potentiel et/ou imminent de la contrainte par les services de police ; - les interventions potentiellement risquées en raison du comportement des interlocuteurs (agression verbale, résistance physique, comportement agressif, personne dont l'équilibre mental ou émotionnel semble compromis, rébellion, possibilité d'escalade...).

Quand un membre du cadre opérationnel active la caméra et débute l'enregistrement, il est en principe obligatoire de filmer l'entièreté de l'intervention afin de disposer d'enregistrements qui couvrent l'intégralité de celle-ci et de diminuer ainsi les risques de contestations ultérieures.

Il ne sera pas toujours possible pour chaque membre du cadre opérationnel concerné de filmer l'entièreté d'une intervention. Par exemple, les situations a priori anodines sur base des premiers éléments d'information disponibles ou ne nécessitant pas, à première vue, l'intervention de la police et/ou aux interventions qui se déroulent initialement sans difficulté et lors desquelles le comportement de l'interlocuteur peut évoluer en fonction des mesures et/ou actions qui doivent être prises par les services de police.

Il en est de même dans les situations de légitime de défense et/ou qui requièrent une intervention urgente lors desquelles un membre du cadre opérationnel n'a pas la possibilité d'activer la caméra individuelle. 6. Personnes vulnérables et situations d'exception L'enregistrement peut être interrompu dans les situations d'exception (intervention où, à un moment donné, il devient souhaitable de ne pas filmer les personnes vulnérables ou lorsque l'intervention ou l'enquête risque d'être entravée, etc.). De préférence, seul l'enregistrement du membre du cadre opérationnel concerné qui se trouve personnellement dans la situation d'exception (par exemple, l'accompagnement d'une personne vulnérable, par exemple) est interrompu, tandis que les autres membres du cadre opérationnel peuvent continuer à filmer.

De manière générale, il conviendra en effet de tenir compte qu'une personne n'est privée de sa capacité de discernement que si sa faculté d'agir raisonnablement est entravée par le jeune âge (la loi ne fixe pas un "âge de raison"), la déficience mentale, les troubles psychiques (la jurisprudence exige un état jugé anormal et suffisamment grave pour altérer la faculté d'agir raisonnablement) et les autres causes semblables.

Il n'existe aucune restriction et/ou obligation légale liée à l'âge de la personne filmée.

Mais, comme le souligne à juste titre, le délégué général aux droits de l'enfant, il faudra tenir compte du fait que les enfants et les jeunes ne pensent et n'agissent pas comme des adultes, ce qui peut avoir pour conséquence de rendre les interventions de police impressionnantes. Le fait d'être filmé peut certainement être ressenti comme une pression supplémentaire à cet égard.

Il est très important de tenir compte du fait que la faculté de discernement des jeunes/des adolescents est en cours de construction et varie sensiblement d'un individu à l'autre, ce qui a un impact sur l'évaluation de la proportionnalité par le membre du cadre opérationnel de certaines interventions et d'éventuels enregistrements. Il s'agit d'une préoccupation transversale dans l'action de la police à l'égard des mineurs, qui est également réitérée ici.

Par conséquent, le membre du cadre opérationnel pourra faire usage de sa caméra individuelle dans le cadre d'une interaction avec un mineur d'âge moyennant le respect des conditions prévues par la loi, tout en restant particulièrement attentif aux principes de proportionnalité et de subsidiarité. Ces principes doivent ainsi permettre d'être très prudent lorsque l'on filme en présence de mineurs et de veiller à ce que l'enregistrement soit limité au strict minimum.

En conclusion, dans chaque situation individuelle, une approche adaptée doit être mise en oeuvre compte tenu de la minorité de l'interlocuteur et des circonstances de l'intervention policière. En cas de doute sur la minorité, il conviendra de considérer l'interlocuteur comme mineur. 7. Demande d'activation par le citoyen Le membre du cadre opérationnel porteur de la caméra accédera à la demande d'activation de la caméra individuelle exprimée par une personne directement concernée, pour autant que cela ne mette pas en péril l'exécution de la mission, que l'enregistrement corresponde aux situations où l'activation de la caméra est autorisée et tenant compte du droit de toutes les personnes directement concernées (p.ex. : l'interdiction de porter atteinte à l'intimité des personnes, les modalités relatives au fait de filmer des personnes vulnérables, ...).

Le membre du cadre opérationnel évalue donc si les conditions légales pour l'activation de la caméra sont réunies.

Les personnes directement concernées peuvent être des suspects, des victimes, des témoins, des parents des groupes précités, des employeurs, etc.

En cas de refus d'activation de la caméra individuelle suite à la demande exprimée par une personne directement concernée par l'intervention, le membre du cadre opérationnel mentionnera ce refus dans le procès-verbal ou, le cas échéant en l'absence de rédaction de procès-verbal, dans un rapport interne (fiche info, fiche intervention, fiche CAD complétée par le dispatching, ...).

Lorsque la caméra individuelle est activée suite à la demande d'un citoyen, toutes les dispositions légalement fixées s'appliquent. Cela signifie notamment qu'il n'est pas mis fin à l'enregistrement pour une raison autre que la fin de l'intervention, sauf si l'enregistrement prend fin anticipativement pour des raisons techniques ou opérationnelles. 8. Modalités de rédaction des procès-verbaux Comme mentionné dans l'avis du Collège des Procureurs généraux relatif à l'avant-projet de loi, "il est recommandé qu'un procès-verbal soit établi suite à l'utilisation d'une caméra individuelle, consignant les circonstances qui ont amené le membre des services de police à l'activer et relatant les faits constatés personnellement par le membre des services de police et que les images enregistrées pourront confirmer". Afin de répondre à cet avis, il importe d'établir des directives pragmatiques pour l'enregistrement de l'activation ou non de la caméra individuelle.

Si l'intervention policière a donné lieu à la rédaction d'un procès-verbal, l'utilisation d'une caméra individuelle (ou la non activation si on ne donne pas une suite favorable à une demande d'activation formulée par le citoyen) sera explicitement mentionnée dans ce procès-verbal.

Ceci permettra de décrire les circonstances qui ont amené les membres du cadre opérationnel à activer la caméra et de relater les faits constatés personnellement par les membres du cadre opérationnel et que les images enregistrées pourront confirmer.

La mention de l'utilisation dans le procès-verbal d'une caméra individuelle ne s'applique toutefois pas lors de perceptions immédiates ou de la rédaction de procès-verbaux d'avertissement.

Par ailleurs, chaque intervention policière n`implique pas systématiquement la rédaction d'un procès-verbal (mission de police administrative, absence d'infraction, etc.). Il n'est donc pas souhaitable d'imposer l'établissement systématique d'un procès-verbal en cas d'utilisation d'une caméra individuelle.

Si une caméra individuelle a été utilisée et qu'aucun procès-verbal n'a été rédigé, l'utilisation de celle-ci sera systématiquement mentionnée dans un rapport interne (fiche info, fiche intervention, fiche CAD complétée par le dispatching ou le CIC, ...).

Les initiatives sont prises au niveau de DRI pour permettre un enregistrement structuré dans les banques de données policières.

De plus, les modifications apportées à la LFP imposent dorénavant à chaque responsable de traitement de prendre les mesures nécessaires pour que les données suivantes traitées par le biais de la caméra individuelle soient conservées dans un registre, automatiquement ou dans les meilleurs délais, après leur enregistrement : - les enregistrements audiovisuels ; - le moment ou la période d'utilisation ; - l'identification du membre du cadre opérationnel qui a fait usage de la caméra individuelle ; - le lieu ou le trajet pour lequel les données ont été conservées.

Concrètement, il sera donc ainsi possible pour tout responsable de traitement, par exemple, en cas de plainte liée à une intervention, de pouvoir déterminer aisément si une caméra individuelle a été activée, même en l'absence de rédaction d'un procès-verbal.

Cette condition de traçabilité (dans le procès-verbal et/ou dans le registre) est nécessaire afin de pouvoir retrouver les enregistrements pertinents si nécessaire.

Si le membre du cadre opérationnel a consulté les enregistrements en vue de rédiger son procès-verbal ou une partie de celui-ci, cette consultation sera également mentionnée dans ledit procès-verbal lié aux faits pour lesquels il y avait nécessité de consulter les enregistrements.

Le membre du cadre opérationnel mentionnera de manière distincte, dans le procès-verbal établi, les faits constatés personnellement.

Il n'est pas opportun de joindre systématiquement tous les enregistrements des interventions aux procédures judiciaires en cours.

Ceux-ci sont en effet conservés par les services de police selon les modalités décrites dans la loi et sont tenus à disposition de l'autorité judiciaire.

Le membre du cadre opérationnel veillera, par contre, à être exhaustif et précis dans la description des faits reprise dans les procès-verbaux établis. Il pourra communiquer à son initiative, et/ou en se faisant conseiller utilement par son supérieur direct, à l'autorité judiciaire, une copie des enregistrements pertinents disponibles si ceux-ci apportent un éclairage spécifique et/ou complémentaire à la description des faits retranscrite dans son procès-verbal et ce, en conformité avec le prescrit légal (dépôt au greffe).

Dès que les enregistrements auront été saisis et déposés au greffe, les règles d'accès et de consultation de ceux-ci se feront conformément aux modalités prescrites dans le code d'instruction criminelle, et donc plus par l'intermédiaire des services de police. 9. Conditions d'enregistrement des interventions policières par des tiers et attitude des services de police Sur le terrain, la police est régulièrement confrontée à des citoyens qui filment une intervention ou la font filmer par d'autres citoyens. Trois aspects sont importants dans ce domaine : - le fait de (pouvoir) filmer/photographier une intervention de police ; - le fait de (pouvoir) publier des vidéos et/ou des images ; - l'évaluation de la légalité du fait de filmer/photographier ou de la publication.

LE FAIT DE POUVOIR FILMER/PHOTOGRAPHIER UNE INTERVENTION DE POLICE Chaque citoyen a la possibilité de filmer et/ou photographier une intervention de police sur la voie publique, et donc de réaliser des images sur lesquelles des policiers sont visibles. Il est toutefois essentiel qu'il soit question d'un contexte explicitement policier.

Ceci n'est pas absolu. Le citoyen doit toujours se conformer à la loi, qui n'a ni prévu ni interdit cette possibilité. Le législateur laisse ce "droit" de filmer entre les mains du juge du fond.

Le citoyen n'a pas le droit de perturber l'intervention lors de la prise d'images et doit suivre les ordres légitimes de la police.

De plus, un juge pourra par la suite juger de la légalité ou non de la prise de vue ou de la photographie. Il est important de rappeler ici, qu'on ne peut jamais évaluer sur le terrain de manière ad hoc, sans équivoque, la légalité du fait de filmer ou de photographier, car il s'agit d'une question factuelle qui doit être appréciée par le juge au cas par cas, c'est-à-dire après les faits et l'intervention.

Concrètement, cela signifie que le membre du cadre opérationnel ne peut en principe pas interdire à des tiers, journalistes professionnels ou simples citoyens, de filmer l'intervention de police, tant que cela ne perturbe pas son bon déroulement. Le membre du cadre opérationnel peut en revanche, par exemple, demander à la personne qui filme l'intervention de reculer pour respecter une distance de sécurité et ainsi éviter de porter atteinte à l'intervention de la police.

Toutefois, l'évaluation réelle de la situation est effectuée ultérieurement par le juge lorsqu'une plainte est déposée à ce sujet.

La présente directive n'indique donc certainement pas que les citoyens ont automatiquement le droit de filmer les membres du cadre opérationnel, mais veut préciser clairement aux membres du cadre opérationnel qu'une attitude neutre à l'égard des citoyens qui filment est la meilleure ligne de conduite, étant donné que la loi n'interdit pas, mais n'autorise pas non plus explicitement, le fait de filmer.

LE FAIT DE POUVOIR PUBLIER LES VIDEOS ET/OU LES IMAGES Le membre du cadre opérationnel dispose, comme tout citoyen, du droit à la protection de sa vie privée, et donc d'un droit à l'image.

Par conséquent, la diffusion des images d'une intervention de police n'est acceptable que dans la mesure où elle répond à la nécessité de l'information pour laquelle elles ont été réalisées, et dans des circonstances directement liées aux événements pertinents pour l'opinion publique. Ici aussi, il s'agit d'une question de faits que seul le juge est habilité à apprécier.

Lorsque des membres du cadre opérationnel apparaissent de manière reconnaissable sur des forums publics, la direction du corps, le commissaire général, le directeur ou l'intéressé a le droit d'entreprendre les démarches d'usage pour faire respecter le droit à l'image.

Dans un arrêt de mai 2023, la Cour d'appel de Gand a confirmé la condamnation, par le tribunal correctionnel de Gand, d'une personne qui avait filmé et publié sur un réseau social une intervention policière dont elle avait fait l'objet. La Cour d'appel a estimé en l'espèce que le citoyen ne pouvait justifier la diffusion publique de ces images en invoquant un objectif légitime, à savoir, notamment, l'information du public. Ces juridictions ont estimé que les fonctionnaires de police ne jouissaient pas d'une quelconque notoriété, que l'enquête judiciaire n'avait pas démontré que la publicité donnée à l'intervention policière contribuait à un débat d'intérêt public et que les images ne démontraient pas un éventuel comportement répréhensible dans le chef des fonctionnaires de police.

L'EVALUATION DE LA LEGALITE DU FAIT DE FILMER OU DE LA PUBLICATION Comme indiqué plus haut, le caractère autorisé ne pourra être évalué qu'a posteriori, par le juge saisi d'une affaire. Le juge se base sur les différents principes de droit énoncés ci-après et pourra se prononcer concrètement au cas par cas : - l'image d'une personne constitue une donnée personnelle conformément au RGPD dans la mesure où elle permet son identification ; - l'enregistrement et la diffusion de cette image constitue un traitement de données à caractère personnel ; - le droit à l'image, qui découle du droit à la vie privée consacré par l'article 8 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, est le droit pour une personne de consentir, ou non, à l'utilisation de son image (prise d'image, diffusion, ...). Pour invoquer son droit à l'image, la personne représentée doit être individualisée et reconnaissable (pas seulement identifiable) ; - le droit à l'information constitue le droit pour tout un chacun de recevoir des informations et d'être informé des questions d'intérêt public. 10. Information des membres du cadre opérationnel Les membres du cadre opérationnel appelés à utiliser les caméras individuelles dans l'exercice de leurs missions doivent recevoir préalablement une information sur le cadre légal en vigueur ainsi que sur la présente directive. L'intégration progressive de l'utilisation de la caméra individuelle dans les formations et/ou exercices de maîtrise de la violence (GPI 48, ...) constitue par ailleurs une bonne pratique afin de permettre aux membres du cadre opérationnel de se familiariser à l'usage de celle-ci dans un contexte d'entraînement. 11. Traitement des données et directives des responsables de traitement En exécution des modifications de la LFP en vue d'encadrer l'utilisation des caméras individuelles, il revient aux différents responsables de traitement, en fonction de l'organisation de leur corps de police et de l'équipement utilisé, de déterminer dans une directive interne notamment les modalités concrètes (en ce compris les personnes habilitées et les profils y liés): - de conservation des données ; - d'accès aux données ; - d'extraction et de transmission des données ; - d'effacement (en fonction de la durée de conservation maximale) des données.

Nous invitons les autorités locales de police à prendre en considération et à diffuser aussi largement que possible les principes et modalités d'utilisation des caméras individuelles mentionnés ci-dessus.

Le Ministre de la Justice, P. VAN TIGCHELT La Ministre de l'Intérieur, A. VERLINDEN

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