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Arrêt
publié le 13 mars 2023

Extrait de l'arrêt n° 135/2022 du 20 octobre 2022 Numéro du rôle : 7850 En cause : la demande de suspension de l'article 64, § 2, de la loi du 30 juillet 2022 « visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II », in La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges M. Pâ(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 135/2022 du 20 octobre 2022 Numéro du rôle : 7850 En cause : la demande de suspension de l'article 64, § 2, de la loi du 30 juillet 2022Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/07/2022 pub. 08/08/2022 numac 2022015553 source service public federal justice Loi visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II fermer « visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II », introduite par E.G. et I.M. La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges M. Pâques, Y. Kherbache, T. Detienne, S. de Bethune et K. Jadin, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président P. Nihoul, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la demande et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 30 août 2022 et parvenue au greffe le 31 août 2022, une demande de suspension de l'article 64, § 2, de la loi du 30 juillet 2022Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/07/2022 pub. 08/08/2022 numac 2022015553 source service public federal justice Loi visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II fermer « visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II » (publiée au Moniteur belge du 8 août 2022) a été introduite par E.G. et I.M., assistés et représentés par Me L. Laperche, avocate au barreau de Liège-Huy.

Par la même requête, les parties requérantes demandent également l'annulation de la même disposition légale. (...) II. En droit (...) Quant à la disposition attaquée B.1.1. Les parties requérantes demandent la suspension de l'article 64, § 2, de la loi du 30 juillet 2022Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/07/2022 pub. 08/08/2022 numac 2022015553 source service public federal justice Loi visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II fermer « visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II » (ci-après : la loi du 30 juillet 2022Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/07/2022 pub. 08/08/2022 numac 2022015553 source service public federal justice Loi visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II fermer). Cette disposition fait partie du chapitre 15 de cette loi, intitulé « Mesure temporaire afin de réduire la surpopulation dans les prisons ».

B.1.2. L'article 64 de la loi du 30 juillet 2022Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/07/2022 pub. 08/08/2022 numac 2022015553 source service public federal justice Loi visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II fermer dispose : « § 1er. Le directeur octroie la libération anticipée au condamné qui se trouve dans les conditions de temps pour l'octroi de la libération conditionnelle, à partir de six mois avant la fin de la partie exécutoire de la ou des peines privatives de liberté auxquelles il a été condamné.

Par dérogation à l'alinéa 1er, le condamné dont la modalité d'exécution de la peine est révoquée par le juge de l'application des peines ou le tribunal de l'application des peines pendant la durée de validité de cette mesure est exclu de la libération anticipée pendant six mois à compter de l'exécution du jugement de révocation.

Si la libération anticipée n'est pas révoquée, elle court jusqu'à la fin de la peine.

Si la libération anticipée est révoquée, elle ne peut plus être octroyée à nouveau. § 2. Les condamnés suivants sont exclus de la libération anticipée visée au paragraphe 1er : - les condamnés qui subissent une ou plusieurs peines privatives de liberté dont le total s'élève à plus de dix ans; - les condamnés qui subissent une ou plusieurs peine(s) d'emprisonnement pour des faits visés au livre II, titre Iter, du Code pénal; - les condamnés qui subissent une ou plusieurs peine(s) d'emprisonnement pour des faits visés aux articles 417/7 à 417/24, 417/50, 417/55, 417/56, 417/59 et 417/63 du Code pénal; - les condamnés qui font l'objet d'une condamnation avec une mise à la disposition du tribunal de l'application des peines, conformément aux articles 34ter ou 34quater du Code pénal; - les condamnés qui n'ont pas de droit de séjour; - les condamnés qui sont suivis par l'Organe de coordination pour l'analyse de la menace dans le cadre des banques de données communes visées aux articles 44/11/3bis à 44/11/3quinquies de la loi du 5 août 1992Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/1992 pub. 21/10/1999 numac 1999015203 source ministere des affaires etrangeres, du commerce exterieur et de la cooperation internationale Loi portant approbation du Protocole modifiant l'article 81 du Traité instituant l'Union économique Benelux du 3 février 1958, fait à Bruxelles le 16 février 1990 fermer sur la fonction de police ».

B.1.3. En vertu de l'article 64, § 1er, de la loi du 30 juillet 2022Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/07/2022 pub. 08/08/2022 numac 2022015553 source service public federal justice Loi visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II fermer, le directeur octroie la libération anticipée au condamné qui se trouve dans les conditions de temps pour l'octroi de la libération conditionnelle, à partir de six mois avant la fin de la partie exécutoire de la ou des peines privatives de liberté auxquelles il a été condamné, moyennant le respect de plusieurs conditions. Le condamné doit n'avoir pas fait l'objet d'une révocation d'une modalité d'exécution de la peine dans les six mois qui précèdent par le juge ou le tribunal de l'application des peines. Le directeur doit également s'assurer de la faisabilité de la mesure et vérifier que le condamné dispose d'un logement et de moyens d'existence suffisants (article 65, § 1er).

Le directeur peut révoquer la libération anticipée lorsqu'il existe des indications sérieuses selon lesquelles le condamné n'a pas respecté l'interdiction de commettre des infractions ou lorsqu'il ne respecte pas la condition de ne pas importuner les victimes et de quitter immédiatement les lieux lorsqu'il rencontre une victime (article 65, § 3, de la même loi).

B.1.4. La libération anticipée est une mesure temporaire visant à réduire la surpopulation dans les prisons, dans l'attente de la création de nouvelles places au sein du système pénitentiaire. Elle s'applique jusqu'au 31 août 2023. Le Roi peut toutefois en prolonger l'application, par un arrêté délibéré en Conseil des ministres, jusqu'au 31 décembre 2024 (article 66 de la loi du 30 juillet 2022Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/07/2022 pub. 08/08/2022 numac 2022015553 source service public federal justice Loi visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II fermer).

Les travaux préparatoires mentionnent à cet égard : « Compte tenu de la situation actuelle de surpopulation dans les prisons et des perspectives à cet égard, il est nécessaire de conserver temporairement la mesure de libération anticipée qui avait été utilisée dans le but de lutter contre la crise du coronavirus en tant cette fois qu'instrument de lutte contre la surpopulation et ce, jusqu'au 31 août 2023. Cette date peut être prolongée par le Roi, par un arrêté délibéré en Conseil des ministres, jusqu'au 31 décembre 2024.

Cette mesure est donc prévue dans un premier temps jusqu'au 31 août 2023, mais peut être prolongée jusqu'à fin 2024. Entre la fin de cette année et la fin 2024, de la capacité permanente de détention sera ajoutée. Une évaluation à mi-parcours d'ici au 31 août 2023 s'impose toutefois » (Doc. parl., Chambre, 2021-2022, DOC 55-2774/001, p. 77).

Si la libération anticipée n'est pas révoquée, elle court jusqu'à la fin de la peine (article 64, § 1er, alinéa 3, de la loi). Elle s'accompagne d'un délai d'épreuve qui est égal à la durée des peines privatives de liberté qu'il restait à subir au moment de la libération anticipée, pendant lequel le condamné ne doit pas commettre d'infraction ni importuner les victimes, et quitter immédiatement les lieux lorsqu'il rencontre une victime (article 65, § 2, alinéas 1er et 2).

B.1.5. Plusieurs catégories de condamnés sont exclues de la mesure, en vertu de l'article 64, § 2, attaqué, de la loi du 30 juillet 2022Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/07/2022 pub. 08/08/2022 numac 2022015553 source service public federal justice Loi visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II fermer. Il s'agit notamment des « condamnés qui subissent une ou plusieurs peine(s) d'emprisonnement pour des faits visés au livre II, titre Ierter, du Code pénal » (infractions terroristes) (deuxième tiret) et des « condamnés qui sont suivis par l'Organe de coordination pour l'analyse de la menace [ci-après : l'OCAM] dans le cadre des banques de données communes visées aux articles 44/11/3bis à 44/11/3quinquies de la loi du 5 août 1992Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/1992 pub. 21/10/1999 numac 1999015203 source ministere des affaires etrangeres, du commerce exterieur et de la cooperation internationale Loi portant approbation du Protocole modifiant l'article 81 du Traité instituant l'Union économique Benelux du 3 février 1958, fait à Bruxelles le 16 février 1990 fermer sur la fonction de police » (sixième tiret).

Ces exclusions sont justifiées dans les travaux préparatoires comme suit : « Le paragraphe 2 reprend les catégories de condamnés qui sont exclus de la libération anticipée. Ce sont les mêmes catégories que pour la libération anticipée ' COVID ', et la justification est la même. Il s'agit des personnes qui sont condamnées à une ou plusieurs peines privatives de liberté dont le total s'élève à plus de 10 ans, car le total des peines est trop élevé et qu'il est trop dangereux de libérer ces condamnés anticipativement de manière automatique, sans examiner aucune contre-indication. Par ailleurs, la nature de la peine est également utilisée comme critère : condamnation pour des faits de moeurs, infractions terroristes, et condamnations avec une mise à disposition du tribunal de l'application des peines. Les étrangers sans droit au séjour sont également exclus. Enfin, les personnes condamnées qui sont suivies par l'OCAM dans le cadre des banques de données communes sont également exclues. La justification de l'exclusion est la même que pour les autres catégories : le danger que représentent ces condamnés pour la société » (Doc. parl., Chambre, 2021-2022, DOC 55-2774/001, p. 80).

Quant à la demande de suspension B.2.1. Dès lors que seule la première partie requérante soutient que l'application immédiate de la disposition attaquée risque de lui causer un préjudice grave difficilement réparable, il y a lieu de considérer que la demande de suspension est introduite par cette seule partie.

B.2.2. Il n'est pas déraisonnable de considérer, à ce stade de la procédure, que la condamnation de la première partie requérante concerne des faits visés au livre II, titre Ierter, du Code pénal et, en particulier, des faits visés à l'article 140 de ce Code (participation à l'activité d'un groupe terroriste). C'est en tout cas sur cette base qu'en l'espèce, la demande de libération anticipée de cette partie paraît avoir été rejetée par le directeur. L'article 64, § 2, deuxième tiret, de la loi du 30 juillet 2022Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/07/2022 pub. 08/08/2022 numac 2022015553 source service public federal justice Loi visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II fermer exclut la première partie requérante de la mesure de libération anticipée instaurée par cette même loi.

En outre, dès lors qu'elle a été condamnée pour une infraction en matière de terrorisme, il ne peut pas être exclu que la première partie requérante soit suivie par l'OCAM « dans le cadre des banques de données communes visées aux articles 44/11/3bis à 44/11/3quinquies de la loi du 5 août 1992Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/1992 pub. 21/10/1999 numac 1999015203 source ministere des affaires etrangeres, du commerce exterieur et de la cooperation internationale Loi portant approbation du Protocole modifiant l'article 81 du Traité instituant l'Union économique Benelux du 3 février 1958, fait à Bruxelles le 16 février 1990 fermer sur la fonction de police » et, partant, qu'elle soit concernée par l'exclusion prévue à l'article 64, § 2, sixième tiret, de la loi du 30 juillet 2022Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/07/2022 pub. 08/08/2022 numac 2022015553 source service public federal justice Loi visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II fermer.

B.2.3. La demande de suspension est par conséquent dirigée contre l'article 64, § 2, deuxième et sixième tirets, de la loi du 30 juillet 2022Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/07/2022 pub. 08/08/2022 numac 2022015553 source service public federal justice Loi visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II fermer.

B.3. Aux termes de l'article 20, 1°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, deux conditions de fond doivent être remplies pour que la suspension puisse être décidée : - des moyens sérieux doivent être invoqués; - l'exécution immédiate de la règle attaquée doit risquer de causer un préjudice grave difficilement réparable.

Les deux conditions étant cumulatives, la constatation que l'une de ces deux conditions n'est pas remplie entraîne le rejet de la demande de suspension.

B.4. Le moyen sérieux ne se confond pas avec le moyen fondé.

Pour qu'un moyen soit considéré comme sérieux au sens de l'article 20, 1°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, il ne suffit pas qu'il ne soit pas manifestement non fondé au sens de l'article 72, mais il faut aussi qu'il revête une apparence de fondement au terme d'un premier examen des éléments dont la Cour dispose à ce stade de la procédure.

B.5. Les parties requérantes prennent un moyen unique de la violation, par la disposition attaquée, des articles 10, 11 et 12 de la Constitution, lus le cas échéant en combinaison avec les articles 5 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, du principe d'égalité et de non-discrimination et du principe de proportionnalité, en ce qu'elle exclut d'office plusieurs catégories de condamnés du bénéfice de la libération anticipée six mois avant la fin de peine, sans prévoir un examen individualisé de leur situation.

Les parties requérantes soutiennent que la disposition attaquée engendre une différence de traitement entre les condamnés selon qu'ils sont visés ou non par une exclusion prévue par la disposition attaquée. Les condamnés qui sont visés par une telle exclusion sont obligatoirement exclus du bénéfice d'une libération anticipée, sans pouvoir bénéficier d'un examen individualisé de leur situation, alors que les autres condamnés bénéficient de plein droit d'une telle mesure, et ce alors que les condamnés relevant de ces deux catégories peuvent présenter des degrés de dangerosité comparables (première branche).

Les parties requérantes critiquent également le fait que la disposition attaquée traite de manière identique, sans justification raisonnable, des catégories de condamnés qui se trouvent dans des situations fondamentalement différentes, en ce que tous les détenus condamnés pour un même type d'infraction sont automatiquement exclus du bénéfice de la libération anticipée, alors même qu'ils pourraient présenter des degrés de dangerosité qui ne sont pas comparables. En effet, la dangerosité, le risque de récidive ou le risque d'importuner les victimes peuvent varier significativement selon chaque situation (seconde branche).

B.6. Compte tenu de ce qui est dit en B.2.3, la Cour limite son examen aux condamnés exclus sur la base de l'article 64, § 2, deuxième et sixième tirets, de la loi du 30 juillet 2022Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/07/2022 pub. 08/08/2022 numac 2022015553 source service public federal justice Loi visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II fermer.

B.7.1. Les articles 10 et 11 de la Constitution ont une portée générale. Ils interdisent toute discrimination, quelle qu'en soit l'origine : les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination sont applicables à l'égard de tous les droits et de toutes les libertés, en ce compris ceux résultant des conventions internationales liant la Belgique.

Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée. Ce principe s'oppose, par ailleurs, à ce que soient traitées de manière identique, sans qu'apparaisse une justification raisonnable, des catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure critiquée, sont essentiellement différentes.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.7.2. L'article 12 de la Constitution garantit la liberté individuelle.

B.7.3. L'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme garantit également le principe d'égalité et de non-discrimination en ce qui concerne la jouissance des droits et libertés mentionnés dans cette Convention et dans ses protocoles additionnels. Parmi ces droits et libertés figure l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme qui dispose : « 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales : a) s'il est détenu régulièrement après condamnation par un tribunal compétent;b) s'il a fait l'objet d'une arrestation ou d'une détention régulières pour insoumission à une ordonnance rendue, conformément à la loi, par un tribunal ou en vue de garantir l'exécution d'une obligation prescrite par la loi;c) s'il a été arrêté et détenu en vue d'être conduit devant l'autorité judiciaire compétente, lorsqu'il y a des raisons plausibles de soupçonner qu'il a commis une infraction ou qu'il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l'empêcher de commettre une infraction ou de s'enfuir après l'accomplissement de celle-ci;d) s'il s'agit de la détention régulière d'un mineur, décidée pour son éducation surveillée ou de sa détention régulière, afin de le traduire devant l'autorité compétente;e) s'il s'agit de la détention régulière d'une personne susceptible de propager une maladie contagieuse, d'un aliéné, d'un alcoolique, d'un toxicomane ou d'un vagabond;f) s'il s'agit de l'arrestation ou de la détention régulières d'une personne pour l'empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d'expulsion ou d'extradition est en cours.2. Toute personne arrêtée doit être informée, dans le plus court délai et dans une langue qu'elle comprend, des raisons de son arrestation et de toute accusation portée contre elle. 3. Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1.c) du présent article, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. La mise en liberté peut être subordonnée à une garantie assurant la comparution de l'intéressé à l'audience. 4. Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale.5. Toute personne victime d'une arrestation ou d'une détention dans des conditions contraires aux dispositions de cet article a droit à réparation ». B.8. La politique répressive, qui englobe l'appréciation de la gravité d'un manquement et la sévérité avec laquelle il peut être puni, y compris les possibilités d'individualisation de la peine et les effets et actions qui y sont attachés, relève du pouvoir d'appréciation du législateur. Celui-ci peut aussi se montrer sévère dans des matières où les infractions peuvent porter gravement atteinte aux droits fondamentaux des individus et aux intérêts de la collectivité. Ces considérations valent également pour l'exécution des peines, spécialement s'il s'agit d'une mesure temporaire visant à diminuer la surpopulation carcérale.

B.9. La différence de traitement concerne, d'une part, les condamnés « qui subissent une ou plusieurs peine(s) d'emprisonnement pour des faits visés au livre II, titre Ierter, du Code pénal » (infractions terroristes) et ceux « qui sont suivis par [l'OCAM] dans le cadre des banques de données communes visées aux articles 44/11/3bis à 44/11/3quinquies de la loi du 5 août 1992Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/08/1992 pub. 21/10/1999 numac 1999015203 source ministere des affaires etrangeres, du commerce exterieur et de la cooperation internationale Loi portant approbation du Protocole modifiant l'article 81 du Traité instituant l'Union économique Benelux du 3 février 1958, fait à Bruxelles le 16 février 1990 fermer sur la fonction de police », en ce que ces personnes sont exclues de la libération anticipée prévue par la loi du 30 juillet 2022Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/07/2022 pub. 08/08/2022 numac 2022015553 source service public federal justice Loi visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II fermer, et, d'autre part, les autres condamnés qui subissent une peine privative de liberté et qui peuvent bénéficier de la libération anticipée.

B.10. La différence de traitement repose sur deux critères distincts, à savoir, d'une part, la qualification juridique de l'infraction commise et, d'autre part, le fait que le condamné est suivi par l'OCAM dans le cadre des banques de données communes. Le premier critère est objectif et, à ce stade, il n'est pas établi que le second ne l'est pas. La Cour doit examiner s'ils sont pertinents eu égard aux objectifs poursuivis par le législateur.

B.11. Comme il est dit en B.1.4, la mesure de libération anticipée est une mesure temporaire visant à réduire la surpopulation dans les prisons, dans l'attente de la création de nouvelles places au sein du système pénitentiaire. Cette mesure suppose, pour être efficace, de pouvoir être facilement et rapidement mise en oeuvre. Le directeur exerce une compétence liée et doit libérer le détenu qui remplit les conditions prévues par le législateur, sans disposer d'un pouvoir d'appréciation. La nature de la mesure paraît difficilement conciliable avec l'organisation d'un examen individualisé de la situation de chaque condamné.

Il ressort des travaux préparatoires cités en B.1.5 que l'exclusion de la libération anticipée des différentes catégories de condamnés mentionnées dans l'article 64, § 2, de la loi du 30 juillet 2022Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/07/2022 pub. 08/08/2022 numac 2022015553 source service public federal justice Loi visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II fermer est justifiée par « le danger que représentent ces condamnés pour la société » (Doc. parl., Chambre, 2021-2022, DOC 55-2774/001, p. 80). En ce qui concerne les condamnés « qui subissent une ou plusieurs peine(s) d'emprisonnement pour des faits visés au livre II, titre Iter, du Code pénal » (infractions terroristes), cette dangerosité résulterait en particulier de « la nature de la peine » ou, plus exactement, de la nature de l'infraction qui a donné lieu à la condamnation qui a été prononcée à leur égard (ibid.).

Les critères mentionnés en B.10 semblent pertinents, eu égard à l'objectif du législateur d'exclure les condamnés jugés dangereux de la mesure de libération anticipée. Dans la large marge d'appréciation dont il dispose, s'agissant d'une mesure temporaire de libération anticipée visant à réduire la surpopulation dans les prisons, le législateur a pu raisonnablement considérer, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, que les condamnés qui ont commis des infractions terroristes et les condamnés qui sont suivis par l'OCAM dans le cadre des banques de données communes représentent un danger particulièrement important pour la collectivité et qu'à ce titre, il ne convient pas qu'ils soient libérés anticipativement de manière automatique. Eu égard à l'objectif du législateur, ces condamnés semblent se trouver dans une situation essentiellement différente de celle des condamnés qui ne sont visés par aucun motif d'exclusion.

B.12. Le fait que le législateur n'ait pas prévu un examen individualisé de la situation de chacun des condamnés exclus de la mesure de libération anticipée permettant, le cas échéant, de pouvoir libérer certains d'entre eux anticipativement après avoir vérifié qu'il n'y a aucune contre-indication, ne paraît pas critiquable en soi. L'organisation d'un tel examen individualisé semble en effet difficilement conciliable avec la nature particulière de la mesure, dont l'efficacité dépend en grande partie de sa mise en oeuvre automatique.

B.13. Pour le reste, les condamnés exclus de la mesure temporaire de libération anticipée disposent de la possibilité de demander la libération conditionnelle, conformément aux articles 24 et suivants de la loi du 17 mai 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/05/2006 pub. 15/06/2006 numac 2006009456 source service public federal justice Loi relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d'exécution de la peine (2) fermer « relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d'exécution de la peine ». Dans le cadre de cette procédure, les condamnés concernés peuvent se prévaloir de leur situation personnelle devant le juge de l'application des peines ou le tribunal de l'application des peines, lequel appréciera s'il y a lieu de faire droit à la demande de libération conditionnelle. En l'espèce, la première partie requérante a d'ailleurs bénéficié de l'accès à une telle procédure individualisée, même si sa demande de libération conditionnelle n'a pas abouti. Le fait que cette partie ne puisse pas formuler à nouveau une telle demande avant la fin de sa peine découle de l'application des règles applicables en matière de libération conditionnelle, qui sont conçues pour que les condamnés ne puissent pas introduire des demandes de manière répétée, et ne conduit dès lors pas à une autre conclusion. La différence de traitement en cause ne semble donc pas entraîner des effets disproportionnés pour les personnes concernées.

B.14. Le moyen unique, en sa première branche, n'est pas sérieux.

B.15. En ce qui concerne l'identité de traitement critiquée dans la seconde branche, il y a lieu de souligner que, dans la large marge d'appréciation dont il dispose, s'agissant d'une mesure temporaire de libération anticipée visant à réduire la surpopulation dans les prisons, le législateur a pu raisonnablement considérer, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, que tous les condamnés qui ont commis des infractions terroristes ou qui sont suivis par l'OCAM dans le cadre des banques de données communes représentent également un danger particulièrement important pour la collectivité, et doivent dès lors être soumis au même régime, d'autant plus que la mesure de libération anticipée concernée paraît difficilement conciliable avec l'organisation d'un examen individualisé, comme il est dit en B.11 et en B.12.

Pour les mêmes motifs que ceux qui ont été retenus précédemment, l'identité de traitement paraît raisonnablement justifiée, sans entraîner des effets disproportionnés pour les intéressés.

B.16. Le moyen unique, en sa seconde branche, n'est pas sérieux.

B.17. Il ressort de ce qui précède qu'il n'est pas satisfait à la condition des moyens sérieux visée à l'article 20, 1°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989.

Par conséquent, la demande de suspension ne peut être accueillie.

Par ces motifs, la Cour rejette la demande de suspension.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 20 octobre 2022.

Le greffier, Le président, F. Meersschaut P. Nihoul

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