publié le 10 novembre 2023
Extrait de l'arrêt n° 112/2023 du 20 juillet 2023 Numéro du rôle : 7738 En cause : le recours en annulation des articles 18, 21, 43, 45, 46 et 48 du décret de la Communauté flamande du 18 juin 2021 « modifiant la réglementation dans le cadre La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, et des juges T. Gie(...)
COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 112/2023 du 20 juillet 2023 Numéro du rôle : 7738 En cause : le recours en annulation des articles 18, 21, 43, 45, 46 et 48 du décret de la Communauté flamande du 18 juin 2021 « modifiant la réglementation dans le cadre de la protection sociale flamande », introduit par la Confédération des syndicats chrétiens de Belgique et autres.
La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, et des juges T. Giet, M. Pâques, Y. Kherbache, T. Detienne, D. Pieters, S. de Bethune, E. Bribosia et W. Verrijdt, assistée du greffier N. Dupont, présidée par le président L. Lavrysen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 21 janvier 2022 et parvenue au greffe le 25 janvier 2022, un recours en annulation des articles 18, 21, 43, 45, 46 et 48 du décret de la Communauté flamande du 18 juin 2021 « modifiant la réglementation dans le cadre de la protection sociale flamande » (publié au Moniteur belge du 26 juillet 2021) a été introduit par la Confédération des syndicats chrétiens de Belgique, Marc Leemans, la Fédération générale du travail de Belgique, Thierry Bodson, la Centrale générale des syndicats libéraux de Belgique, Mario Coppens, l'ASBL « Vlaams Netwerk tegen Armoede », l'ASBL « Liga voor Mensenrechten », l'ASBL « Samenlevingsopbouw Antwerpen stad », l'ASBL « Vluchtelingenwerk Vlaanderen », l'ASBL « Ella, kenniscentrum gender en etniciteit », l'ASBL « Medimmigrant », l'ASBL « Kif Kif », l'ASBL « Furia » et l'ASBL « Vrienden van Hart boven Hard », assistés et représentés par Me J. Buelens, Me L. Michielsen et Me L. Adriaensens, avocats au barreau d'Anvers, et par Me M. Van Den Broeck, avocat au barreau de Bruxelles. (...) II. En droit (...) Quant aux dispositions attaquées et à leur contexte B.1. Les parties requérantes demandent l'annulation de l'article 18, 1° et 2°, de l'article 21, 2°, et des articles 43, 45, 46 et 48 du décret de la Communauté flamande du 18 juin 2021 « modifiant la réglementation dans le cadre de la protection sociale flamande » (ci-après : le décret du 18 juin 2021). B.2. Le décret de la Communauté flamande du 18 mai 2018 « relatif à la protection sociale flamande » (ci-après : le décret du 18 mai 2018) vise à instaurer une sécurité sociale flamande complémentaire de la sécurité sociale fédérale (Doc. parl., Parlement flamand, 2017-2018, n° 1474/1, p.3). La protection sociale flamande est instaurée par phases, en développant de nouveaux aspects, qui ont été transférés dans le cadre de la sixième réforme de l'Etat, et en intégrant des interventions existantes (ibid.).
B.3.1. La partie 1 contient les dispositions de base communes en matière de protection sociale flamande. Ainsi, l'objet, les objectifs et les principes de la protection sociale flamande sont inscrits dans le décret (articles 4 à 8) et il y est prévu que la protection sociale flamande est une assurance sociale qui attache des droits au paiement d'une prime annuelle (article 5 du décret du 18 mai 2018).
Elle consiste en plusieurs piliers, parmi lesquels le budget de soins pour personnes ayant besoin de soins importants (appelées « personnes en grande dépendance de soins »), le budget de soins pour personnes âgées ayant besoin de soins (appelées « personnes âgées présentant un besoin en soins »), le budget d'assistance de base, les soins résidentiels pour personnes âgées, les soins de santé mentale, y compris la revalidation qui est en premier lieu axée sur les aspects psychosociaux, la revalidation qui est en premier lieu axée sur le rétablissement de fonctions physiques, l'aide à domicile, les soins « transmuraux », les aides à la mobilité et la concertation multidisciplinaire (article 4 du décret du 18 mai 2018).
Cette partie contient en outre les règles concernant l'organisation de la protection sociale flamande par l'« Agentschap voor Vlaamse sociale bescherming » (Agence pour la protection sociale flamande) et les caisses d'assurance soins (articles 9 à 28), les cas dans lesquels une amende administrative peut être infligée et la procédure prévue à cet effet (article 28/1), le contrôle du fonctionnement de l'agence et des caisses d'assurance soins (articles 29 à 32), l'organisation de plusieurs commissions chargées du contrôle et/ou de missions de conseil (articles 33 à 40), les obligations de l'usager et les sanctions qui y sont attachées (articles 41 à 47) et le traitement des données (articles 49 à 54).
La partie 2 du décret du 18 mai 2018 contient les règles communes générales relatives au financement lié aux soins, en particulier en ce qui concerne l'octroi d'une intervention, l'« indication » (c'est-à -dire la détermination des besoins de soins de l'usager), les procédures d'appel, le cumul et la subrogation, les récupérations et les sanctions (articles 58 à 76/2).
Outre ces règles communes, le décret du 18 mai 2018 contient également des règles détaillées par catégorie d'intervention dans le cadre du financement lié aux soins. Ce décret fixe ainsi les conditions d'application et la procédure concernant le budget de soins pour personnes ayant besoin de soins importants (articles 79 à 83), le budget de soins pour personnes âgées ayant besoin de soins (articles 84 à 90) et le budget d'assistance de base (articles 91 à 94). Enfin, cette partie règle également le ticket de soins (articles 95 à 104) et l'intervention pour des aides à la mobilité (articles 105 à 135).
La partie 3 contient les règles relatives au financement lié à l'organisation (articles 136 à 139).
La partie 4 contient des dispositions temporaires (articles 139/1 Ã 154/21).
La partie 5 contient des dispositions modificatives (articles 155 Ã 175).
La partie 6 contient les dispositions finales, dont les dispositions relatives à l'entrée en vigueur et les dispositions transitoires (articles 176 à 188).
B.3.2. Le décret du 18 juin 2021 modifie le cadre décrétal existant sur plusieurs points. Il prévoit en premier lieu l'intégration graduelle de plusieurs secteurs supplémentaires dans la protection sociale flamande, à savoir les centres de soins psychiatriques, les initiatives d'habitation protégée, les hôpitaux de revalidation, les conventions de revalidation, les équipes d'accompagnement multidisciplinaire pour soins palliatifs et la concertation multidisciplinaire. Les dispositions attaquées modifient ensuite les conditions d'octroi du droit à un budget de soins; elles prévoient des conditions relatives au droit à une prime de soins socialement corrigée, elles imposent le paiement d'une taxe de dossier pour introduire un recours administratif et elles prévoient de nouvelles règles pour répartir les usagers dans des catégories et le montant correspondant du budget de soins pour personnes âgées ayant besoin de soins.
Quant au fond En ce qui concerne la compatibilité des nouvelles conditions d'octroi du budget de soins et des conditions relatives à la prime de soins socialement corrigée avec l'obligation de standstill (premier moyen) B.4.1. Les parties requérantes prennent leur premier moyen de la violation de l'article 23 de la Constitution, lu en combinaison ou non avec l'article 22ter de la Constitution, avec l'article 9 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, avec les articles 12, 13 et 15 de la Charte sociale européenne, avec l'article 34 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, avec les articles 19, 26 et 28 de la Convention des Nations unies du 13 décembre 2006 relative aux droits des personnes handicapées et avec l'obligation de motivation matérielle.
Dans la première branche, qui se compose de trois sous-branches, elles font valoir que l'article 18, 1° et 2°, du décret du 18 juin 2021 viole l'obligation de standstill. Dans la première sous-branche, elles contestent la nouvelle condition prolongeant la durée résidence pour entrer en considération pour un budget de soins (article 18, 1° ).
Dans la deuxième sous-branche, elles critiquent la nouvelle condition d'intégration civique pour prétendre à un budget de soins (article 18, 2° ).Dans la troisième sous-branche, elles font valoir que l'effet cumulatif des deux conditions précitées viole a fortiori l'obligation de standstill.
Dans la deuxième branche, qui se compose de trois sous-branches, elles font valoir que l'article 21, 2°, du décret du 18 juin 2021 viole l'obligation de standstill. Dans la première sous-branche, elles critiquent la nouvelle condition de durée de résidence, qui impose un séjour ininterrompu de cinq ans pour prétendre à une prime de soins socialement corrigée. Dans la deuxième sous-branche, elles critiquent la nouvelle condition de l'intégration civique pour prétendre à la même prime. Dans la troisième sous-branche, elles font valoir que l'effet cumulatif des deux nouvelles conditions viole a fortiori l'obligation de standstill.
Dans la troisième branche, les parties requérantes critiquent la combinaison des nouvelles conditions de durée de résidence et de l'intégration civique pour ce qui concerne tant l'accès au budget de soins que le droit à la prime socialement corrigée (article 18, 1° et 2°, du décret du 18 juin 2021 juncto l'article 21, 2°, du même décret).
B.4.2. Le Gouvernement flamand fait valoir que les parties requérantes exposent uniquement en quoi et dans quelle mesure les dispositions attaquées violent l'obligation de standstill, de sorte que le premier moyen ne serait recevable qu'en ce qu'il est pris de la violation de l'article 23 de la Constitution.
B.4.3. Il ressort de l'exposé du premier moyen des parties requérantes qu'elles se bornent en substance à invoquer la violation de l'article 23 de la Constitution, en particulier de l'obligation de standstill contenue dans cette disposition.
Par conséquent, le premier moyen n'est recevable qu'en ce qu'il est pris de la violation de cette disposition constitutionnelle et de l'obligation de standstill contenue dans cette disposition.
B.4.4. Etant donné que les différentes (sous-)branches du premier moyen portent toutes sur le même grief et invitent plus précisément à contrôler une ou plusieurs dispositions décrétales, prises isolément ou conjointement, au regard de l'obligation de standstill contenue dans l'article 23 de la Constitution, et que les dispositions attaquées respectives, prises isolément ou conjointement, affectent toutes l'accès à la protection sociale flamande, la Cour les examine conjointement.
B.5.1. L'article 23 de la Constitution dispose : « Chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine.
A cette fin, la loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent, en tenant compte des obligations correspondantes, les droits économiques, sociaux et culturels, et déterminent les conditions de leur exercice.
Ces droits comprennent notamment : [...] 2° le droit à la sécurité sociale, à la protection de la santé et à l'aide sociale, médicale et juridique; [...] 4° le droit à la protection d'un environnement sain; [...] ».
B.5.2. L'article 23 de la Constitution dispose que chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine. A cette fin, les différents législateurs garantissent, en tenant compte des obligations correspondantes, les droits économiques, sociaux et culturels et ils déterminent les conditions de leur exercice. L'article 23 de la Constitution ne précise pas ce qu'impliquent ces droits dont seul le principe est exprimé, chaque législateur étant chargé de les garantir, conformément à l'alinéa 2 de cet article, en tenant compte des obligations correspondantes.
B.5.3. L'article 23 de la Constitution contient une obligation de standstill qui interdit au législateur compétent de réduire significativement, sans justification raisonnable, le degré de protection offert par la législation applicable.
B.5.4. En matière socio-économique, le législateur compétent dispose d'un large pouvoir d'appréciation en vue de déterminer les mesures à adopter pour tendre vers les objectifs qu'il s'est fixés.
B.5.5. L'obligation de standstill ne peut toutefois s'entendre comme imposant à chaque législateur, dans le cadre de ses compétences, de ne pas toucher aux modalités de la sécurité sociale prévues par la loi.
Elle leur interdit d'adopter des mesures qui marqueraient, sans justification raisonnable, un recul significatif du droit garanti par l'article 23, alinéa 3, 2°, de la Constitution, mais elle ne les prive pas du pouvoir d'apprécier la manière dont ce droit est le plus adéquatement assuré.
B.6.1. L'article 18, 1° et 2°, du décret du 18 juin 2021 modifie les obligations de l'usager de la protection sociale flamande.
B.6.2. Les droits susceptibles de donner lieu aux interventions dans le cadre de la protection sociale flamande sont soumis à plusieurs conditions ou, autrement dit, sont liés à des obligations pour l'usager. Ainsi, toute personne physique qui fait appel ou qui peut faire appel à la protection sociale flamande (article 2, 11°, du décret du 18 mai 2018) en tant que bénéficiaire potentiel de la protection sociale flamande doit satisfaire à des conditions pour pouvoir prétendre à ses droits.
B.6.3.1. Pour pouvoir bénéficier d'une intervention dans le cadre des piliers de la protection sociale flamande, un usager doit satisfaire à des conditions générales : l'usager doit (1) être affilié à une caisse d'assurance soins; (2) séjourner légalement dans un Etat membre de l'Union européenne, en Islande, au Liechtenstein, en Norvège ou en Suisse au moment de la mise en oeuvre de l'intervention et (3) répondre aux conditions d'application du pilier concerné (article 41, § 1er, 1° à 3°, du décret du 18 mai 2018).
B.6.3.2. La personne qui réside ou vient résider dans la région de langue néerlandaise, doit s'affilier à une caisse d'assurance soins à partir de l'année au cours de laquelle l'intéressé atteint l'âge de 26 ans (article 42, § 1er, alinéa 1er, du décret du 18 mai 2018, lu en combinaison avec l'article 56 de l'arrêté du Gouvernement flamand du 30 novembre 2018 « portant exécution du décret du 18 mai 2018 relatif à la protection sociale flamande », ci-après : l'arrêté du 30 novembre 2018). La personne qui ne réside pas en Belgique ou qui réside dans la région de langue française ou dans la région de langue allemande et qui a fait usage à son droit à la libre circulation des travailleurs ou à la liberté d'établissement, mais qui travaille dans la région de langue néerlandaise, doit également s'affilier à une caisse d'assurance soins à partir de l'année au cours de laquelle l'intéressé atteint l'âge de 26 ans, si le régime de sécurité sociale de la Belgique lui est applicable (article 42, § 2, alinéas 1er et 2, du décret du 18 mai 2018).
La personne qui réside ou vient résider dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale peut s'affilier de sa propre initiative à partir de l'année au cours de laquelle l'intéressé atteint l'âge de 26 ans (article 42, § 1er, alinéa 2, du décret du 18 mai 2018, lu en combinaison avec les articles 57 et 58 de l'arrêté du 30 novembre 2018). La personne qui ne réside pas en Belgique ou qui réside dans la région de langue française ou dans la région de langue allemande et qui a fait usage de son droit à la libre circulation des travailleurs ou à la liberté d'établissement, mais qui travaille dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale, peut également s'affilier à une caisse d'assurance soins à partir de l'année au cours de laquelle l'intéressé atteint l'âge de 26 ans, si le régime de sécurité sociale de la Belgique lui est applicable (article 42, § 2, alinéas 3 et 4, du décret du 18 mai 2018).
Par ailleurs, pour les personnes qui, compte tenu de leur âge, ne sont par définition pas encore affiliées et qui ne peuvent donc pas non plus s'affilier dans le cadre de la protection sociale flamande, la règle est qu'elles peuvent entrer en considération pour une intervention comme le budget de soins et qu'elles peuvent, à cet effet, introduire une demande auprès d'une caisse d'assurance soins de leur choix. A cet égard, elles sont « réputées » être affiliées à une caisse d'assurance soins, sans avoir à payer une prime de soins.
B.6.3.3. Conformément à ce qui est dit en B.6.3.2, la personne qui est affiliée à une caisse d'assurance soins doit payer une prime de soins (article 45 du décret du 18 mai 2018), ce qui signifie que l'obligation de contribution s'applique à partir de l'année au cours de laquelle l'intéressé atteint l'âge de 26 ans, ou ultérieurement à partir du moment où l'intéressé réside ou travaille dans la région de langue néerlandaise, ou à partir de l'affiliation sur base volontaire.
Une amende administrative est imposée à la personne qui est affiliée à une caisse d'assurance soins et qui, à deux reprises, omet de payer la prime de soins précitée ou ne l'a payée que partiellement (article 47 du décret du 18 mai 2018).
B.6.3.4. L'usager doit en outre répondre aux conditions d'application du pilier concerné de la protection sociale flamande. A cet égard, le budget d'assurance soins est en réalité réservé aux usagers, âgés de plus de 65 ans ou non, souffrant d'une réduction de longue durée et grave de leur autonomie (articles 78 et 84, § 1er, du décret du 18 mai 2018). Il s'agit de personnes qui sont confrontées à une réduction des possibilités d'autonomie en matière de soins (article 2, 34°, du décret du 18 mai 2018).
B.6.3.5. Pour pouvoir prétendre à un budget de soins, l'usager doit en outre satisfaire à des conditions spécifiques supplémentaires.
B.6.3.6. En premier lieu, le droit à un budget de soins est lié à une condition de durée de résidence ou de durée de l'assurance (article 41, § 1er, 4°, du décret du 18 mai 2018).
L'article 18, 1°, du décret du 18 juin 2021 modifie cette condition.
L'article 41, § 1er, 4°, du décret du 18 mai 2018, tel qu'il a été remplacé par l'article 18, 1°, du décret du 18 juin 2021, dispose à présent : « en ce qui concerne le droit à un budget de soins, pendant au moins dix années, dont au moins cinq années consécutives, précédant l'ouverture du droit à l'intervention conforme au présent décret, résider en région de langue néerlandaise ou en région bilingue de Bruxelles-Capitale ou être affilié à l'assurance sociale dans les Etats membres de l'Union européenne ou dans les autres Etats parties à l'Espace économique européen ou en Suisse. Cette condition ne s'applique pas aux enfants jusqu'à l'âge de dix-huit ans, pour la durée entière de l'exécution des interventions et pour la durée de leur prolongation éventuelle; ».
Avant la modification de cette disposition, un usager devait, en ce qui concerne le droit à un budget de soins, « résider de façon ininterrompue dans la région de langue néerlandaise ou dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale pendant au moins cinq ans précédant l'ouverture du droit à l'intervention conforme au présent décret ou être affilié à l'assurance sociale de façon ininterrompue pendant au moins cinq ans dans les Etats membres de l'Union européenne ou dans les autres Etats parties à l'Espace économique européen, en Suisse ou au Royaume-Uni. Cette condition ne s'applique pas aux enfants jusqu'à l'âge de dix-huit ans, pour la durée entière de l'exécution des interventions et pour la durée de leur prolongation éventuelle ».
B.6.3.7. En deuxième lieu, l'article 18, 2°, du décret du 18 juin 2021 établit une nouvelle condition qui lie le droit à un budget de soins à une obligation d'intégration civique (article 41, § 1er, 5°, du décret du 18 mai 2018).
L'article 41, § 1er, 5°, du décret du 18 mai 2018 dispose : « en ce qui concerne le droit à un budget de soins, répondre à l'obligation d'intégration civique, visée à l'article 2, alinéa 1er, 11°, du décret du 7 juin 2013 relatif à la politique flamande d'intégration et d'intégration civique [lire : de parcours citoyen] ou à l'article 4 de l' ordonnance du 11 mai 2017Documents pertinents retrouvés type ordonnance prom. 11/05/2017 pub. 30/05/2017 numac 2017020366 source commission communautaire commune de bruxelles-capitale Ordonnance concernant le parcours d'accueil des primo-arrivants fermer concernant le parcours d'accueil des primo-arrivants ».
B.7.1. L'article 41, § 1er, 4°, du décret du 18 mai 2018, tel qu'il a été remplacé par l'article 18, 1°, du décret du 18 juin 2021, prévoit qu'afin de pouvoir prétendre à un budget de soins, un usager doit, durant au moins dix ans, dont au moins cinq années consécutives, précédant l'ouverture du droit à une intervention, conformément à l'article 83, alinéa 1er, et à l'article 87, § 4, alinéa 1er, du décret du 18 mai 2018, résider dans la région de langue néerlandaise ou dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale ou être affilié à l'assurance sociale dans les Etats membres de l'Union européenne, dans les autres Etats parties à l'Espace économique européen ou en Suisse.
Ainsi qu'il ressort du B.6.3.6, un usager devait auparavant « résider de façon ininterrompue en région de langue néerlandaise ou en région bilingue de Bruxelles-Capitale pendant au moins cinq ans précédant l'ouverture du droit à l'intervention conforme au présent décret ou être affilié à l'assurance sociale de façon ininterrompue pendant au moins cinq ans dans les Etats membres de l'Union européenne ou dans les autres Etats parties à l'Espace économique européen, en Suisse ou au Royaume-Uni ».
B.7.2. L'article 41, § 1er, 5°, du décret du 18 mai 2018, inséré par l'article 18, 2°, du décret du 18 juin 2021, prévoit que, pour pouvoir prétendre à un budget de soins, un usager doit avoir satisfait à l'obligation d'intégration civique, mentionnée à l'article 2, alinéa 1er, 11°, du décret flamand du 7 juin 2013 « relatif à la politique flamande d'intégration et d'intégration civique [lire : de parcours citoyen] » (ci-après : le décret du 7 juin 2013) ou à l'article 4 de l'ordonnance de la Commission communautaire commune du 11 mai 2017 « concernant le parcours d'accueil des primo-arrivants » (ci-après : l' ordonnance du 11 mai 2017Documents pertinents retrouvés type ordonnance prom. 11/05/2017 pub. 30/05/2017 numac 2017020366 source commission communautaire commune de bruxelles-capitale Ordonnance concernant le parcours d'accueil des primo-arrivants fermer).
L'article 2, alinéa 1er, 11°, du décret du 7 juin 2013 fait référence aux « obligations imposées aux intégrants au statut obligatoire [lire : aux participants tenus de suivre un parcours citoyen] en application de l'article 27, § 3 ». L'usager doit donc satisfaire aux obligations imposées aux participants qui sont tenus de suivre un parcours citoyen en application de l'article 27, § 3, du décret du 7 juin 2013.
L'article 27, § 3, du décret du 7 juin 2013 dispose : « L'intégrant au statut obligatoire [lire : le participant tenu de suivre un parcours citoyen] est tenu de : 1° se présenter à l'AAE dans un délai de trois mois au maximum du début de l'obligation d'intégration civique conformément au paragraphe 1er;2° pour atteindre les objectifs des parties du parcours d'insertion civique [lire : de parcours citoyen]. Le Gouvernement flamand peut raccourcir le délai, visé à l'alinéa premier, 1°.
Par dérogation à l'alinéa 1er, 2°, l'intégrant au statut obligatoire [lire : le participant tenu de suivre un parcours citoyen] ne doit pas atteindre les objectifs des programmes de formation s'il lui est impossible d'atteindre ces objectifs en raison de capacités d'apprentissage limitées. Le Gouvernement flamand règle les modalités d'exécution.
Pour les catégories spécifiques suivantes, le Gouvernement flamand peut prévoir un report du délai dans lequel l'intégrant doit se présenter : 1° pour les intégrants [lire : les participants qui suivent un parcours citoyen] visés à l'article 26, § 1er, qui travaillent ou étudient et peuvent prouver qu'ils ne sont pas en mesure de combiner ce travail ou la formation avec le fait de suivre un parcours d'insertion civique;2° pour les intégrants [lire : les participants qui suivent un parcours citoyen] qui, pour des raisons médicales ou personnelles, sont dans l'impossibilité de satisfaire à l'obligation de présentation dans les temps, visée à l'alinéa 1er, 1°. Le Gouvernement flamand précise ce qu'il faut entendre par des raisons médicales ou personnelles telles que visées à l'alinéa 4, 2°.
Le Gouvernement flamand précise ce qu'il faut entendre par les notions de travail et d'études, visées à l'alinéa 4, 1° ».
La disposition précitée impose expressément au participant tenu de suivre un parcours citoyen, d'une part, de se présenter dans le délai prévu par le décret à l'« Agentschap integratie en inburgering » (l'Agence pour l'intégration et l'intégration civique) et, d'autre part, d'atteindre les objectifs des modules du parcours citoyen. Le parcours citoyen se compose d'un programme de formation « orientation sociale », d'un programme de formation « néerlandais comme deuxième langue », d'une inscription auprès du « Vlaamse Dienst voor Arbeidsbemiddeling en Beroepsopleiding » (VDAB, l'Office flamand de l'emploi et de la formation professionnelle) ou d'Actiris (l'Office régional bruxellois de l'emploi) et d'un parcours de participation et de réseau (article 29, § 1er, alinéa 2, du décret du 7 juin 2013). Les articles 30 à 33 du décret du 7 juin 2013 déterminent les objectifs poursuivis par ces modules et la manière dont le participant tenu de suivre un parcours citoyen démontre qu'il atteint les objectifs (notamment la réussite d'un test concernant le programme de formation « orientation sociale »).
Il résulte de la lecture combinée de l'article 41, § 1er, 5°, du décret du 18 mai 2018 et de l'article 27, § 3, du décret du 7 juin 2013 que, pour satisfaire à l'obligation d'intégration civique comme condition d'octroi du budget de soins, le participant tenu de suivre un parcours citoyen doit avoir respecté préalablement les obligations qui lui incombent de s'enregistrer auprès de l'Agence pour l'intégration et l'intégration civique et d'atteindre les objectifs prévus par les modules du parcours citoyen (voy. dans ce sens aussi Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 710/1, p. 32).
Dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale, l'usager qui est un primo-arrivant doit satisfaire à l'obligation d'intégration civique imposée par l'article 4 de l' ordonnance du 11 mai 2017Documents pertinents retrouvés type ordonnance prom. 11/05/2017 pub. 30/05/2017 numac 2017020366 source commission communautaire commune de bruxelles-capitale Ordonnance concernant le parcours d'accueil des primo-arrivants fermer.
L'article 4 de l' ordonnance du 11 mai 2017Documents pertinents retrouvés type ordonnance prom. 11/05/2017 pub. 30/05/2017 numac 2017020366 source commission communautaire commune de bruxelles-capitale Ordonnance concernant le parcours d'accueil des primo-arrivants fermer dispose : « Chaque primo-arrivant est tenu de suivre le parcours d'accueil tel que visé à l'article 3.
Dans un délai de maximum six mois après son inscription au registre des étrangers d'une commune du territoire bilingue de Bruxelles-Capitale, le primo-arrivant s'enregistre auprès d'un organisateur agréé du parcours d'accueil et conclut une convention d'intégration avec cet organisateur. Si le primo-arrivant s'est enregistré régulièrement chez l'organisateur agréé, celui-ci délivre l'attestation prévue à cette fin au primo-arrivant. Le primo-arrivant introduit l'attestation à la commune, visée à l'article 6.
Dès que le primo-arrivant a terminé de manière régulière le parcours d'accueil, l'organisateur agréé lui remet l'attestation prévue à cette fin.
Dans un délai de maximum dix-huit mois après l'enregistrement, visé au deuxième alinéa, le primo-arrivant démontre à l'aide de l'attestation prévue à cette fin délivrée par l'organisme reconnu qu'il a suivi le parcours d'accueil auprès d'un organisateur agréé. Le primo-arrivant introduit l'attestation à la commune, visée à l'article 6.
Le Collège réuni détermine les conditions précises pour la remise des attestations, mentionnée dans cet article, ainsi que les situations qui peuvent justifier un délai ou une suspension de l'obligation de suivre un parcours d'accueil ».
Cette disposition impose au participant tenu de suivre un parcours d'accueil de s'enregistrer dans le délai fixé auprès d'un organisateur agréé, de suivre et de terminer le parcours d'accueil.
Le contenu du parcours d'accueil dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale est prévu par l'article 3, § 3, de l' ordonnance du 11 mai 2017Documents pertinents retrouvés type ordonnance prom. 11/05/2017 pub. 30/05/2017 numac 2017020366 source commission communautaire commune de bruxelles-capitale Ordonnance concernant le parcours d'accueil des primo-arrivants fermer, qui dispose : « Le parcours d'accueil comprend au moins les modules suivants : 1° un programme d'accueil, où on évalue les besoins existants chez le primo-arrivant, notamment en matière de logement, de revenus, de soins de santé, d'insertion socioprofessionnelle, d'accueil d'enfants et d'enseignement, et où le primo-arrivant est informé des droits et devoirs en vigueur en la matière pour tous les habitants du territoire bilingue de Bruxelles-Capitale, ainsi que des acteurs responsables et des mesures de soutien disponibles;2° un module de cours élémentaires de français ou de néerlandais langue étrangère, en fonction des besoins linguistiques du primo-arrivant;3° une formation sur la citoyenneté, où des informations élémentaires sont fournies sur le fonctionnement des institutions publiques, sur les valeurs clés de la démocratie et sur les rapports sociaux au sein de notre société belge ». Il résulte de l'article 4 de l' ordonnance du 11 mai 2017Documents pertinents retrouvés type ordonnance prom. 11/05/2017 pub. 30/05/2017 numac 2017020366 source commission communautaire commune de bruxelles-capitale Ordonnance concernant le parcours d'accueil des primo-arrivants fermer que, pour satisfaire à son obligation d'intégration civique dans le délai légalement fixé, le primo-arrivant doit suivre et terminer le parcours d'accueil prescrit, ce qui est démontré à l'aide d'une attestation.
Il découle de la lecture combinée de l'article 41, § 1er, 5°, du décret du 18 mai 2018 et de l'article 4 de l' ordonnance du 11 mai 2017Documents pertinents retrouvés type ordonnance prom. 11/05/2017 pub. 30/05/2017 numac 2017020366 source commission communautaire commune de bruxelles-capitale Ordonnance concernant le parcours d'accueil des primo-arrivants fermer que, pour satisfaire à l'obligation d'intégration civique comme condition d'octroi du budget de soins, le primo-arrivant doit avoir respecté les obligations qui lui incombent de s'enregistrer auprès d'un organisateur agréé d'un parcours d'accueil, de suivre et de terminer le parcours (voy. dans ce sens aussi Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 710/1, p. 32).
B.7.3. Premièrement, les mesures attaquées ont pour conséquence qu'un usager doit actuellement satisfaire au moins cinq années de plus à l'exigence de résidence dans la région linguistique précitée avant de pouvoir prétendre effectivement à un budget de soins. En l'espèce, il suffit de constater qu'une condition d'octroi plus sévère est imposée en matière de durée de résidence effective pour conclure qu'en ce qui concerne les personnes qui ne peuvent pas démontrer une telle résidence, quelle que soit la phase de vie dans laquelle elles se trouvent, cette condition implique un recul significatif du degré de protection offert.
Deuxièmement, elles ont pour effet que, contrairement à ce qui était le cas par le passé, un usager doit satisfaire à l'obligation légale d'intégration civique avant de pouvoir prétendre à un budget de soins, ce qui entraîne également un recul significatif du degré de protection offert.
Par conséquent, une personne ayant besoin de soins importants pourra moins vite qu'avant, et seulement si elle satisfait à l'obligation légale d'intégration civique, bénéficier d'une intervention dans le cadre du budget de soins pour compenser les frais qu'elle a exposés pour ces soins.
Les articles 18, 1°, et 18, 2°, du décret du 18 juin 2021, pris isolément ou conjointement, aboutissent donc à un recul significatif du degré de protection sociale qui était offert auparavant. Etant donné que le budget de soins vise à compenser les frais afférents aux soins qui ne sont pas couverts par la sécurité sociale fédérale ou par un autre pilier de la protection sociale flamande, le recul significatif précité n'est pas davantage compensé par d'autres mesures. Le fait que la plupart des usagers ayant besoin de soins importants et souhaitant obtenir une intervention sous la forme du budget de soins satisfont ou satisferaient généralement à la nouvelle condition de séjour d'au moins dix ans au moment où ils ont besoin de ces soins ne permet du reste pas d'aboutir à une autre conclusion.
B.8.1. L'article 21, 2°, attaqué, du décret du 18 juin 2021 modifie l'obligation faite à l'usager de payer une prime annuelle.
B.8.2. Les personnes affiliées à une caisse d'assurance soins doivent, à partir de l'âge fixé par le Gouvernement flamand, payer une prime annuelle pour la protection sociale flamande (article 45, § 1er, alinéa 1er, du décret du 18 mai 2018).
Le Gouvernement flamand fixe les règles complémentaires concernant l'âge et le délai de paiement, le mode de fixation et le montant ainsi que l'indexation des primes (article 45, § 1er, alinéa 2, du décret du 18 mai 2018). Il peut exempter, en tout ou partie, du paiement obligatoire de la prime des catégories de personnes auxquelles seuls certains piliers de ce décret sont applicables (article 45, § 1er, alinéa 3, du décret du 18 mai 2018).
Pour les affiliés ayant droit à une intervention majorée de l'assurance maladie, mentionnée à l'article 37, § 19, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994 (ci-après : les bénéficiaires d'une intervention majorée de l'assurance maladie fédérale), le Gouvernement flamand peut appliquer des correctifs sociaux (article 45, § 1er, alinéa 4, du décret du 18 mai 2018, remplacé par l'article 21, 1°, du décret du 18 juin 2021).
L'article 21, 2°, du décret du 18 juin 2021 insère un nouvel alinéa 5 et subordonne l'application des correctifs sociaux précités à des conditions supplémentaires (article 45, § 1er, alinéa 5, du décret du 18 mai 2018).
L'article 45, § 1er, alinéa 5, du décret du 18 mai 2018 dispose : « Pour l'application des corrections sociales, visées à l'alinéa 4, le membre doit répondre, le cas échéant, à chacune des conditions suivantes : 1° pendant au moins cinq années consécutives, résider en région de langue néerlandaise ou en région bilingue de Bruxelles-Capitale ou être affilié à l'assurance sociale dans un Etat membre de l'Union européenne ou dans un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou en Suisse;2° répondre à l'obligation d'intégration civique, visée à l'article 2, alinéa 1er, 11°, du décret du 7 juin 2013 relatif à la politique flamande d'intégration et d'intégration civique [lire : de parcours citoyen] ou à l'article 4 de l' ordonnance du 11 mai 2017Documents pertinents retrouvés type ordonnance prom. 11/05/2017 pub. 30/05/2017 numac 2017020366 source commission communautaire commune de bruxelles-capitale Ordonnance concernant le parcours d'accueil des primo-arrivants fermer concernant le parcours d'accueil des primo-arrivants ». B.9.1. L'article 45, § 1er, alinéa 5, du décret du 18 mai 2018, inséré par l'article 21, 2°, du décret du 18 juin 2021, prévoit qu'un usager qui a droit à une intervention majorée de l'assurance maladie fédérale n'entre en considération pour un correctif social (c'est-à -dire une réduction) de la prime à payer que si, pendant au moins cinq années successives, il habite dans la région de langue néerlandaise ou dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale ou s'il est affilié à l'assurance sociale dans les Etats membres de l'Union européenne, dans les autres Etats membres de l'Espace économique européen ou en Suisse et s'il satisfait à l'obligation d'intégration civique.
B.9.2. L'insertion attaquée a pour conséquence que, contrairement à ce qui était le cas avant cette insertion, le bénéficiaire d'une intervention majorée de l'assurance maladie fédérale, c'est-à -dire une personne qui est en difficultés financières, ne peut bénéficier d'un correctif social dans le cadre du paiement de la prime de soins que si cet usager satisfait à deux conditions.
Par conséquent, le bénéficiaire d'une intervention majorée de l'assurance maladie fédérale qui, par hypothèse, dispose seulement de ressources financières très limitées ne peut pas prétendre, durant au moins cinq ans, à une réduction de la prime de soins dans le cadre de la protection sociale flamande et cet usager reste en outre privé de cette prime réduite s'il ne satisfait pas à l'obligation d'intégration civique mentionnée en B.7.2, ce qui aboutit à une charge financière supplémentaire pour les personnes qui se trouvent déjà dans une situation financière précaire, indépendamment du fait que le montant de la prime de soins soit considéré comme « limité » ou non. Pour ces personnes, il existe un risque réel qu'elles ne puissent pas payer les primes de soins normales. Il convient aussi de tenir compte du fait qu'une amende administrative est imposée aux personnes qui, à deux reprises, n'ont pas payé (complètement) leur prime de soins (article 47, § 1er, du décret du 18 mai 2018), ce qui affecte défavorablement leur situation financière déjà précaire. En outre, les primes de soins encore dues peuvent être déduites du budget de soins à verser (article 46, § 1er, alinéa 1er, du décret du 18 mai 2018), ce qui affecte défavorablement leurs droits à un budget de soins. Il s'ensuit que les conditions attaquées pour bénéficier de la prime de soins socialement corrigée aboutissent, à l'égard des personnes se trouvant dans une situation financière précaire, à un recul significatif du degré de protection offert auparavant.
B.10. A titre surabondant, il découle de ce qui précède que la combinaison des nouvelles conditions précitées relatives au droit à la prime socialement corrigée (article 21, 2° ) avec les nouvelles conditions précitées pour pouvoir prétendre à un budget de soins (article 18, 1° et 2° ) constitue a fortiori un recul significatif du degré de protection sociale offert auparavant pour les bénéficiaires d'une intervention majorée de l'assurance maladie fédérale.
B.11.1. La Cour doit encore examiner si le recul significatif constaté en B.7.2, B.9.2 et B.10 est raisonnablement justifié.
B.11.2.1. L'augmentation de la durée de résidence exigée est justifiée comme suit dans les travaux préparatoires : « L'augmentation de la durée de résidence exigée doit garantir et conserver l'adhésion en faveur de la solidarité entre les citoyens, ainsi que garantir la viabilité financière du système à long terme, d'autant que la protection sociale flamande est étendue en créant d'autres piliers et sera encore davantage étendue à l'avenir, alors que le montant des primes doit rester abordable pour chacun. En effet, la solidarité sociale intergénérationnelle constitue le fondement de la protection sociale flamande dans le cadre de laquelle le législateur décrétal doit pouvoir justifier l'augmentation des dépenses publiques à court, à moyen et à long terme. Le législateur décrétal choisit à cet égard d'instaurer la condition de résidence pour plusieurs piliers de la protection sociale flamande. Ainsi, d'autres formes de soins restent ouvertes, même pour ceux qui ne satisfont pas à la condition de séjour, mais la viabilité financière de la protection sociale flamande est néanmoins renforcée » (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 710/1, p. 6).
L'augmentation attaquée a encore été explicitée comme suit : « En augmentant la durée de résidence exigée de cinq à dix ans, le législateur décrétal entend garantir que tous les groupes de la société flamande aient au moins, durant une période minimum, contribué (et, s'ils ont atteint l'âge de 26 ans, aient payé des cotisations) au système de la protection sociale flamande avant de pouvoir faire valoir des droits à un budget de soins. Cette augmentation doit garantir et conserver l'adhésion en faveur de la solidarité entre les citoyens, ainsi que garantir la viabilité financière du système à long terme, d'autant que la protection sociale flamande est étendue en créant d'autres piliers, alors que le montant des primes doit rester abordable pour chacun. En effet, la solidarité sociale intergénérationnelle constitue le fondement de la protection sociale flamande dans le cadre de laquelle le législateur décrétal doit pouvoir justifier l'augmentation des dépenses publiques à court, à moyen et à long terme.
L'augmentation de la durée de résidence requise doit également être mise en rapport avec la circonstance que la protection sociale flamande est une nouvelle assurance. Lors du lancement de l'assurance flamande soins de santé en 2002, les bénéficiaires n'avaient encore payé aucune prime de soins, si bien qu'en 2001, une condition de séjour limitée de cinq ans avait été instaurée. Il avait été choisi d'instaurer une condition de séjour parce qu'il n'était pas encore possible de lier explicitement le paiement des primes de soins à l'octroi des budgets de soins. A ce moment, cette condition était justifiée. Or, compte tenu de la longue période durant laquelle les personnes contribuent en moyenne avant de faire valoir des droits et de la longue période au cours de laquelle l'obligation de payer des primes de soins est en vigueur (presque vingt ans) la durée de résidence exigée doit actuellement aussi être portée de cinq à dix ans. La très large majorité des bénéficiaires d'un budget de soins ont à dix ans en effet déjà cotisé pendant plus de vingt ans.
L'augmentation de la durée de résidence exigée est donc tout à fait logique. Cette augmentation doit permettre de continuer à garantir pour l'avenir un équilibre entre le paiement des primes de soins et les budgets de soins octroyés » (ibid., p. 30).
En ce qui concerne cette augmentation, les travaux préparatoires mentionnent encore ce qui suit : « En augmentant la durée de résidence exigée de cinq à dix ans, le législateur décrétal tend en effet à garantir la viabilité financière de la protection sociale flamande et à garantir l'équilibre entre les primes de soins payées et les budgets de soins octroyés, tant au niveau individuel que collectif, ainsi qu'il a été exposé plus haut » (ibid., p. 31). « En effet, pendant cette période supplémentaire de cinq ans, il faut payer une prime de soins obligatoire annuelle pour financer la protection sociale flamande. [...] En outre, il faut avoir à l'esprit que le législateur décrétal impose une condition de séjour, et non une obligation stricte de payer des primes de soins sur une période de dix ans. Ainsi, pour un trentenaire qui a recours à un budget de soins, il suffit donc qu'il ait séjourné (légalement) pendant dix ans en Flandre ou dans la Région de Bruxelles-Capitale, même s'il n'aura payé des primes de soins que pendant quatre ans. En effet, avant l'âge de 26 ans, il suffit que la personne concernée ait séjourné (légalement) en Flandre ou dans la Région de Bruxelles-Capitale et aucune obligation de contribution ne s'applique. En introduisant la condition de séjour, le législateur décrétal opte pour une mesure qui se fonde sur la solidarité entre les différentes générations, par laquelle les personnes peuvent également démontrer leur lien à la protection sociale flamande par d'autres moyens que le simple paiement d'une prime (à savoir, par leur séjour et par l'obligation d'intégration civique, voir également ci-dessous) » (ibid., p. 32).
B.11.2.2. Les motifs invoqués par le législateur décrétal, à savoir la nécessité de contribuer suffisamment et suffisamment longtemps et de maîtriser les dépenses comme l'expression d'une solidarité intergénérationnelle, pour justifier l'augmentation, attaquée, de la durée de résidence de cinq à dix ans concernent en réalité des motifs budgétaires, tels que la viabilité financière de la protection sociale flamande et des budgets de soins. Ces objectifs sont légitimes.
B.11.2.3. La Cour n'aperçoit pas en quoi la condition d'un séjour effectif pendant au moins dix années, dont au moins cinq années consécutives, précédant l'ouverture du droit à intervention permet de maintenir ou de restaurer l'équilibre financier du système.
B.11.2.4. Inversement, la Cour n'aperçoit pas non plus en quoi l'absence de la condition prolongeant la durée de résidence, actuellement attaquée, expliquerait le déséquilibre actuel et futur entre les primes payées et les budgets de soins octroyés, et la non-viabilité du système de la protection sociale flamande. Il ressort en effet des travaux préparatoires que d'autres facteurs, tels que l'extension des piliers de la protection sociale flamande ou le montant limité de la prime, pourraient compromettre la viabilité financière à long terme (ibid., p. 30). Par ailleurs, il apparaît que les budgets de soins actuellement octroyés ne sont financés qu'à concurrence de 30 % environ grâce au paiement de primes de soins (ibid., p. 29; voy. aussi les rapports annuels 2020 et 2021 de l'« Agentschap voor Vlaamse Sociale Bescherming »).
B.11.2.5. En outre, il convient de constater que, compte tenu des effets de la mesure, à savoir un temps d'attente plus long pour obtenir une intervention, il ne ressort pas de données objectives que l'augmentation à dix ans de la condition de durée de résidence améliore fondamentalement et substantiellement la viabilité financière des budgets de soins.
Par conséquent, le recul significatif du degré de protection offert auparavant qu'a causé l'augmentation à dix ans au moins de la durée de résidence requise n'est pas raisonnablement justifié.
B.11.3.1. La subordination, attaquée, du droit à un budget de soins à l'obligation d'intégration civique a été justifiée comme suit au cours des travaux préparatoires : « Le lien créé entre l'obligation d'intégration civique et l'octroi d'un budget de soins et d'un correctif social de la prime de soins tend à renforcer la situation du primo-arrivant dans la société flamande. Ainsi, la personne en question peut en effet améliorer sa situation financière (par exemple par un meilleur accès au marché de l'emploi). Même lorsqu'une personne a besoin de soins, le parcours citoyen qui a déjà été suivi doit permettre à la personne d'avoir accès à de meilleurs soins, notamment parce qu'elle pourra mieux formuler ses besoins en matière de soins grâce à une meilleure connaissance de la société flamande et de la langue néerlandaise.
Par ailleurs, l'obligation d'intégration civique cadre également avec la solidarité intergénérationnelle, qui doit être considérée comme un fondement de la protection sociale flamande. Tandis que les bénéficiaires d'un budget de soins contribuent durant environ 40 ans en moyenne (puisqu'ils ne font appel à un budget de soins, en moyenne, qu'à partir de l'âge de 65 ans), cette période est beaucoup plus courte pour les primo-arrivants (ils arrivent plus tard et demandent plus vite un budget de soins). Ce déséquilibre n'est que partiellement corrigé en augmentant la durée de résidence requise de cinq à dix ans.
Pour cette raison, il est en outre demandé aux primo-arrivants de suivre effectivement le parcours citoyen. Cela leur permet de concrétiser, d'une autre manière, la solidarité intergénérationnelle au sein de la protection sociale flamande, c'est-à -dire en subordonnant l'octroi d'un budget de soins à une obligation d'intégration civique » (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 710/1, pp. 6-7).
Concernant l'obligation d'intégration civique, les travaux préparatoires ajoutent : « La période des primes de soins payées est cependant plus courte pour les primo-arrivants, ce qui donne lieu à un certain déséquilibre entre les primes de soins payées et les budgets de soins octroyés. Ce déséquilibre n'est corrigé que partiellement par l'augmentation de la condition de séjour de cinq à dix ans. C'est pourquoi une obligation supplémentaire est prévue, qui permet aux primo-arrivants de concrétiser d'une autre manière la solidarité intergénérationnelle dans le cadre de la protection sociale flamande, à savoir par la subordination de l'octroi d'un budget de soins à une obligation d'intégration civique. [...] Ainsi, l'obligation d'intégration civique vise l'intégration de la personne ayant besoin de soins, ce qui doit permettre à la personne en question de mieux formuler ses besoins en matière de soins. [...] Ensuite, l'obligation d'intégration civique cadre également avec la solidarité intergénérationnelle, qui, même avec l'augmentation de la durée de résidence de cinq à dix ans, n'est que partiellement financée grâce aux primes de soins payées en proportion des budgets de soins octroyés, étant donné que les primo-arrivants demandent plus vite un budget de soins » (ibid., p. 34).
B.11.3.2. Conformément à l'article 23 de la Constitution, le législateur décrétal peut imposer des obligations correspondantes afin d'avoir accès aux interventions sociales. Ces obligations doivent cependant être imposées aux usagers de manière non discriminatoire, ce qui suppose notamment que leur caractère contraignant puisse être raisonnablement justifié, en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que d'un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et les objectifs poursuivis en l'espèce.
B.11.3.3. L'objectif, mentionné dans les travaux préparatoires, consistant à renforcer la position du primo-arrivant dans la société, constitue un motif susceptible de justifier l'obligation d'intégration civique, mais il est sans rapport avec la mesure attaquée, qui subordonne le droit à un budget de soins au respect de cette obligation d'intégration civique.
En l'espèce, l'objectif invoqué relatif à la solidarité intergénérationnelle implique que les usagers doivent en principe payer une prime de soins et respecter un délai d'attente minimum avant de pouvoir prétendre aux interventions de la protection sociale flamande. Une contribution suffisante et suffisamment longue au système de la protection sociale flamande est uniquement liée à la viabilité financière de la protection sociale flamande et au budget de soins, mais ce motif ne saurait raisonnablement justifier la subordination du droit à un budget de soins au respect de l'obligation d'intégration civique. Cette condition n'a rien à voir en soi avec la viabilité financière de la protection sociale flamande et impose aux primo-arrivants une condition supplémentaire qui n'est pas pertinente pour atteindre l'objectif.
B.11.3.4. Il découle de ce qui précède que ni le renforcement dans la société la situation du primo-arrivant tenu de suivre un parcours citoyen, ni la solidarité intergénérationnelle ou, autrement dit, la viabilité financière du budget de soins ne peuvent raisonnablement justifier la subordination du droit à un budget de soins à l'obligation d'intégration civique.
Par conséquent, le recul significatif du degré de protection sociale causé par la disposition attaquée n'est pas raisonnablement justifié.
B.11.4.1. La subordination, attaquée, de la prime socialement corrigée pour les usagers qui ont droit à une intervention majorée de l'assurance maladie fédérale, d'une part, à une condition de durée de résidence et, d'autre part, à une obligation d'intégration civique, est justifiée comme suit dans les travaux préparatoires : « Cet objectif [consistant à tenir compte exclusivement de la portée contributive des membres concernés] était l'objectif initial du correctif social, mais le législateur décrétal le complète à présent par des objectifs supplémentaires, mentionnés ci-dessus. Les conditions supplémentaires liées au correctif social sont un incitant pour suivre le parcours citoyen et pour soutenir l'intégration en Flandre. Le parcours citoyen est axé sur : l'orientation sociale, la vie, le travail, les normes et valeurs en Flandre (dans une langue que l'intéressé comprend). L'intéressé reçoit également des cours de néerlandais (ou de français si tel est le choix du primo-arrivant à Bruxelles) et est accompagné individuellement pour trouver un emploi, pour suivre des études etc., et reçoit de l'aide pour la valorisation des titres et diplômes. Les personnes qui ont droit à une intervention majorée de l'assurance maladie sont en difficultés financières. Le parcours citoyen doit les aider à améliorer leur situation financière. [...] L'instauration d'une condition de séjour de cinq ans avant d'avoir droit au correctif social tend à ce que les primo-arrivants contribuent suffisamment et suffisamment longtemps au budget de soins, afin de pouvoir continuer à assurer le paiement du budget de soins. En effet, les primo-arrivants contribuent moins longtemps au système, qui est financé grâce à la prime de soins annuelle et aux impôts généraux » (ibid., pp. 35-36).
B.11.4.2. Les bénéficiaires d'une intervention majorée de l'assurance maladie fédérale sont, par hypothèse, des personnes en situation financière précaire, ce qui implique que, contrairement à d'autres personnes, ils ne peuvent être considérés comme étant en mesure de contribuer pareillement aux frais relatifs à leurs besoins en matière de soins. En ce qui concerne d'une mesure de correction sociale relative à la prime de soins à payer, qui vise des personnes qui ne disposent pas des moyens financiers nécessaires pour payer l'intégralité de la prime, il est contradictoire de soumettre ces mêmes personnes à des conditions qui ont pour objet de les faire payer d'abord au moins durant cinq ans l'intégralité de la prime. L'argument selon lequel les primo-arrivants doivent contribuer suffisamment et suffisamment longtemps ne peut toutefois justifier, à l'égard de personnes dans une situation financière précaire, qu'ils ne puissent prétendre à une prime réduite qu'après cinq ans de séjour ininterrompu.
Il découle de ce qui précède que l'objectif de faire participer au financement de la protection sociale flamande, de manière suffisante et suffisamment longtemps, les personnes qui, par hypothèse, ne peuvent pas être considérées comme étant capables de supporter l'intégralité de la prime ne constitue pas un motif susceptible de justifier raisonnablement, à lui seul, le recul significatif du niveau de protection offert auparavant. Il en va par ailleurs de même, mutatis mutandis, pour ce qui est de l'objectif invoqué consistant à garantir la solidarité intergénérationnelle, et donc la viabilité budgétaire.
En ce qui concerne la condition supplémentaire relative à l'obligation d'intégration civique, l'application de correctifs sociaux ne peut en aucun cas servir d'instrument pour imposer l'application de l'obligation d'intégration civique, étant donné qu'il n'existe aucun lien manifeste entre l'obligation d'intégration civique et la situation financière des personnes concernées, ni entre l'obligation d'intégration civique et les correctifs sociaux pour les personnes qui n'ont pas une capacité financière suffisante, de sorte que l'argument de l'amélioration la situation du primo-arrivant ne peut pas davantage être invoqué comme motif pour justifier la mesure. Par ailleurs, il convient d'observer que, pour satisfaire à l'obligation d'intégration civique, les intéressés doivent également supporter des frais, de sorte que les bénéficiaires d'une intervention majorée de l'assurance maladie fédérale sont, en tant que primo-arrivants, doublement affectés parce qu'ils restent non seulement privés durant cinq ans de la prime réduite, mais parce qu'ils doivent déjà supporter des frais dans le cadre du parcours citoyen pour prétendre, comme partie financièrement vulnérable, pour la prime réduite.
Par conséquent, le recul significatif du degré de protection offert auparavant, causé par la disposition attaquée, n'est pas raisonnablement justifié.
B.11.5. Par ailleurs, eu égard à ce qui précède, il convient de constater que la combinaison des mesures attaquées aboutit a fortiori à un recul significatif du degré de protection offert auparavant qui n'est pas raisonnablement justifié.
B.12. Il découle de ce qui précède que l'article 18, 1° et 2°, et l'article 21, 2°, du décret du 18 juin 2021, lus en combinaison ou non, violent l'obligation de standstill contenue dans l'article 23 de la Constitution et doivent dès lors être annulés.
B.13. Le premier moyen est fondé. Etant donné que l'examen du troisième moyen, qui est également dirigé contre les dispositions critiquées dans le premier moyen, ne saurait aboutir à une plus ample annulation, ce moyen ne doit pas être examiné.
Quant à la taxe de dossier (deuxième moyen) B.14.1. Les parties requérantes prennent un deuxième moyen, composé de trois branches, de la violation, par les articles 43, 46 et 48 du décret du 18 juin 2021, des articles 10, 11, 13 et 23 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 13 de la même Convention, avec l'article 14, paragraphe 1, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et avec l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
Dans la première branche, elles font valoir que l'imposition d'une taxe de dossier de 75 euros comme condition de recevabilité pour l'introduction d'un recours administratif contre une décision rendue dans le cadre de la protection sociale flamande entraîne une restriction disproportionnée de l'accès au juge.
Dans la deuxième branche, elles font valoir que la taxe de dossier imposée constitue un recul significatif du degré de protection offert auparavant par le législateur décrétal qui n'est pas justifié par des motifs d'intérêt général.
Dans la troisième branche, elles font valoir en substance que les règles relatives à l'exemption et au remboursement de la taxe de dossier établissent, sans justification raisonnable, une différence de traitement entre des catégories de personnes comparables ou une identité de traitement de catégories de personnes non comparables.
Premièrement, elles invoquent une différence de traitement entre les personnes qui sont partiellement exemptées (cf. les bénéficiaires d'une intervention majorée de l'assurance maladie fédérale) et les personnes qui sont entièrement exemptées de la taxe de dossier (première comparaison). Deuxièmement, elles invoquent une identité de traitement des personnes qui peuvent payer la taxe de dossier et des personnes qui ne peuvent pas la payer (deuxième comparaison).
Troisièmement, elles invoquent une différence de traitement entre les personnes qui introduisent une procédure devant le tribunal du travail contre une décision négative rendue dans le cadre de l'aide sociale ou de la sécurité sociale et les personnes qui introduisent un recours administratif contre une décision rendue dans le cadre de la protection sociale flamande (troisième comparaison). Quatrièmement, elles invoquent une différence de traitement entre les personnes qui font appel à un avocat pro deo et introduisent un recours administratif contre une décision rendue dans le cadre de la protection sociale flamande et les personnes qui font appel à un avocat pro deo et engagent toute autre procédure (quatrième comparaison). Cinquièmement, elles invoquent une différence de traitement entre les personnes qui introduisent un recours fondé et les personnes dont le recours est déclaré non fondé, devient sans objet ou fait l'objet d'un désistement ou d'un accord amiable. Elles critiquent également l'absence de règles régissant la situation dans laquelle le tribunal du travail décide en substance que le requérant a droit à ce qu'il demandait dans le cadre du recours administratif.
B.14.2. Les trois branches du deuxième moyen étant étroitement liées, la Cour les examine conjointement.
B.15.1. En ce qui concerne le processus de décision administrative, les caisses de soins prennent une décision concernant les demandes individuelles d'intervention émanant des usagers dans le cadre du budget de soins pour « personnes en grande dépendance de soins » (article 80, § 1er, du décret du 18 mai 2018), du budget de soins pour « personnes âgées présentant un besoin en soins » (article 87, § 1er, du décret du 18 mai 2018) et dans le cadre du budget d'assistance de base (article 92, § 1er, du décret du 18 mai 2018).
L'usager peut introduire un recours administratif contre ces décisions (article 80, § 5, article 88, § 3, et article 92, § 5, du décret du 18 mai 2018). Après avoir épuisé la procédure de recours administratif, les usagers peuvent encore introduire un recours auprès du tribunal du travail (articles 81, 89 et 93 du décret du 18 mai 2018).
B.15.2. Les articles 43, 46 et 48 attaqués du décret du 18 juin 2021 insèrent de nouvelles dispositions relatives à la procédure de recours administratif selon lesquelles l'usager qui introduit un recours administratif contre une décision relative à un budget de soins ou un budget d'assistance de base doit, à peine d'irrecevabilité, payer une taxe de dossier.
B.15.3. L'article 80, § 6, l'article 88, § 4, et l'article 92, § 6, du décret du 18 mai 2018, insérés respectivement par les articles 43, 46 et 48 du décret du 18 juin 2021, disposent : « Tout usager qui introduit un recours administratif, doit payer une taxe de dossier à l'agence, sous peine d'irrecevabilité du recours.
La taxe de dossier, visée à l'alinéa 1er, s'élève à 75 euros.
Par dérogation à l'alinéa 2, la taxe de dossier ne s'élève qu'à 37,50 euros pour l'usager qui, au 1er janvier de l'année calendaire précédant l'année calendaire pendant laquelle la taxe de dossier doit être payée, a droit à l'intervention majorée de l'assurance, visée à l'article 37, § 19, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994.
Par dérogation à l'alinéa 1er, les usagers suivants sont exemptés du paiement d'une taxe de dossier : 1° l'usager qui fait l'objet d'un règlement collectif de dettes, qui est déclaré en état de faillite ou qui est déclaré insolvable par un huissier de justice;2° l'usager qui fait l'objet d'une guidance budgétaire ou d'une gestion budgétaire par un centre public d'action sociale ou par une institution de médiation de dettes agréée par la Communauté flamande ou d'une médiation de dettes à l'amiable, visée à l'article 519, § 2, 10°, du Code judiciaire;3° l'usager ou un membre de son ménage qui a droit à un revenu d'intégration tel que visé à la loi du 26 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/05/2002 pub. 31/07/2002 numac 2002022559 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi concernant le droit à l'intégration sociale fermer concernant le droit à l'intégration sociale;4° l'usager ou un membre de son ménage qui a droit à une allocation de remplacement de revenus telle que visée à la loi du 27 février 1987Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/02/1987 pub. 18/10/2004 numac 2004000528 source service public federal interieur Loi relative aux allocations aux handicapés Traduction allemande fermer relative aux allocations aux personnes handicapées;5° l'usager ou un membre de son ménage qui a droit au montant journalier minimal de l'allocation de chômage tel que visé à l'arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage et où le revenu du ménage de l'usager consiste uniquement en cette allocation;6° l'usager ou un membre de son ménage qui a droit à la garantie de revenus aux personnes âgées telle que visée à la loi du 22 mars 2001Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/03/2001 pub. 29/03/2001 numac 2001022201 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi instituant la garantie de revenus aux personnes âgées type loi prom. 22/03/2001 pub. 04/04/2014 numac 2014000219 source service public federal interieur Loi instituant la garantie de revenus aux personnes âgées. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer instituant la garantie de revenus aux personnes âgées. Dans les cas auxquels le recours administratif est déclaré fondé, la taxe de dossier est intégralement remboursée.
Le Gouvernement flamand peut arrêter des modalités relatives à la taxe de dossier ».
B.15.4. Les dispositions attaquées ont été commentées comme suit au cours des travaux préparatoires : « C'est pourquoi il est prévu que l'usager doit payer une taxe de dossier lorsqu'il introduit un recours administratif. Il est ainsi instauré un seuil nécessaire mais juste, sans toutefois entraver l'accès à un recours administratif. Si aucun seuil n'est prévu pour introduire un recours administratif, il faut s'attendre à ce qu'en cas de décision négative de la personne habilitée à procéder à une ` indication ', l'usager demande systématiquement un deuxième avis, ce qu'il convient d'éviter » (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 710/1, p.16). « Il convient d'observer en premier lieu que la taxe de dossier est instaurée avant de procéder à une seconde ` indication ' dans le cadre d'une procédure de recours. L'` indication ' effectuée lors de la demande d'un budget de soins est entièrement gratuite pour le citoyen.
En outre, des mesures sont prises afin de garantir effectivement l'accès à la procédure de recours.
La taxe de dossier que doivent payer les personnes bénéficiant d'une intervention majorée est réduite de 50 %. Ensuite, le fait de se trouver dans une situation digne d'intérêt peut également être invoqué pour certains groupes-cibles. Il s'agit notamment des personnes bénéficiant d'un revenu d'intégration ou d'une garantie de revenus pour personnes âgées, des personnes bénéficiant d'une guidance budgétaire et des personnes ayant droit à une allocation de remplacement de revenus visée dans la loi du 27 février 1987Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/02/1987 pub. 18/10/2004 numac 2004000528 source service public federal interieur Loi relative aux allocations aux handicapés Traduction allemande fermer relative aux allocations aux personnes handicapées. Pour ce groupe, aucune taxe de dossier n'est due.
Il n'est pas davantage question d'enrichissement. En effet, la taxe perçue sera remboursée si la seconde ` indication ' ouvre le droit à un budget de soins. La taxe est située au même niveau que le coût d'une indication, soit 75 euros. Ainsi, la taxe perçue constitue une indemnisation pour la personne chargée de procéder à l'` indication '.
Il ne s'agit donc pas d'un enrichissement pour les autorités » (ibid., p. 20). B.16.1. L'article 13 de la Constitution dispose : « Nul ne peut être distrait, contre son gré, du juge que la loi lui assigne ».
B.16.2. L'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme garantit tout autant le droit d'accès à un juge exerçant un contrôle de pleine juridiction pour les contestations sur des droits et obligations de caractère civil et pour établir le bien-fondé d'une accusation en matière pénale.
L'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice ».
B.16.3. Le droit d'accès au juge peut être soumis à des conditions de recevabilité, même à caractère financier. Ces conditions ne peuvent cependant aboutir à restreindre le droit d'accès au juge de manière telle que celui-ci s'en trouve atteint dans sa substance même. Tel serait le cas si les restrictions imposées ne tendaient pas vers un but légitime et s'il n'existait pas un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. La compatibilité d'une telle restriction avec le droit d'accès au juge dépend des particularités de la procédure en cause et s'apprécie au regard de l'ensemble du procès (CEDH, 24 février 2009 L'Erablière c.
Belgique, ECLI:CE:ECHR:2009:0224JUD004923007, § 36; 29 mars 2011, RTBF c. Belgique, ECLI:CE:ECHR:2011:0329JUD005008406, § 70;18 octobre 2016, Miessen c. Belgique, ECLI:CE:ECHR:2016:1018JUD003151712, § 64; 17 juillet 2018, Ronald Vermeulen c. Belgique, ECLI:CE:ECHR:2018:0717JUD000547506, § 58).
Les règles en question ne peuvent toutefois pas empêcher les justiciables de faire valoir les voies de recours disponibles. « En effet, le droit d'accès à un tribunal se trouve atteint lorsque sa réglementation cesse de servir les buts de la sécurité juridique et de la bonne administration de la justice et constitue une sorte de barrière qui empêche le justiciable voir son litige tranché au fond par la juridiction compétente » (CEDH, 24 mai 2011, Sabri Güunes c.
Turquie, ECLI:CE:ECHR:2011:0524JUD002739606, § 58; 13 janvier 2011, Evaggelou c. Grèce, ECLI:CE:ECHR:2011:0113JUD004407807, § 19; 18 octobre 2016, Miessen c. Belgique, précité, § 66).
L'introduction de règles financières est de nature à décourager les procédures non fondées et les frais excessifs et participe d'une bonne administration de la justice et de la sauvegarde des intérêts et droits d'autrui, parmi lesquels l'Etat en tant que partie au procès (CEDH, 18 juillet 2013, Klauz c. Croatie, ECLI:CE:ECHR:2013:0718JUD002896310, § 85; 6 septembre 2016, Cindric et Beslic c. Croatie, ECLI:CE:ECHR:2016:0906JUD007215213, § 96). En soi, l'instauration d'un seuil financier ne porte pas atteinte à ce droit, pour autant qu'il ne soit pas imposé de charge excessive à une partie au procès (CEDH, 3 juin 2014, Harrison McKee c. Hongrie, ECLI:CE:ECHR:2014:0603JUD002284007, §§ 27-28; 6 septembre 2016, Cindric et Beslic c. Croatie, précité, §§ 96-99 et §§ 121-122).
L'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne prévoit également le droit à un recours effectif. Il convient de donner à cette disposition la même portée qu'aux articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme (CJUE, grande chambre, 19 novembre 2019, C-585/18, C-624/18 et C-625/18, A. K. c. Krajowa Rada Sadownictwa et CP et DO c. Sad Najwyzszy, ECLI:EU:C:2019:982, point 117).
B.16.4. Le droit d'accès au juge doit, enfin, être assuré de manière non discriminatoire.
B.17. Etant donné que l'accès au juge en matière sociale contribue également à assurer le droit à l'aide sociale ou à la sécurité sociale du citoyen, les mesures qui concernent les procédures de recours contre les décisions relatives aux interventions dans le cadre de la protection sociale flamande entrent dans le champ d'application de l'article 23 de la Constitution.
B.18. En vertu des articles 43, 46 et 48, attaqués, du décret du 18 juin 2021, un usager qui introduit un recours administratif est tenu de payer une taxe de dossier à l'administration, sous peine d'irrecevabilité de son recours administratif.
Etant donné que le recours administratif doit être épuisé avant d'avoir accès à un recours juridictionnel, l'instauration de la taxe de dossier, sous peine d'irrecevabilité du recours administratif, constitue un seuil financier qui restreint l'accès au juge. En l'espèce, il convient d'observer que, pour les personnes en difficultés financières, même un montant limité peut constituer un seuil financier qui pourrait les dissuader d'introduire un recours administratif.
B.19. Le législateur décrétal a pu considérer qu'il convenait d'éviter que les procédures de recours soient systématiquement utilisées comme deuxième avis pour les décisions relatives aux demandes.
Eviter les procédures inutiles ou systématiques est un but légitime.
B.20. L'imposition de la taxe de dossier attaquée comme condition de recevabilité d'un recours administratif constitue une mesure adéquate pour atteindre cet objectif, étant donné que ce seuil financier permet d'éviter qu'un recours administratif soit introduit sans aucune considération relative à son utilité et à son caractère réaliste.
La Cour doit cependant encore examiner si la mesure attaquée ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire et n'impose pas à cet égard une charge excessive au justiciable, de manière discriminatoire ou non.
B.21. La taxe de dossier s'élève en principe à 75 euros, montant que le requérant doit payer avant de pouvoir introduire un recours administratif recevable. La taxe de dossier en tant que condition de recevabilité et en tant que seuil financier est toutefois modulée.
La réglementation prévoit d'une part des exemptions de la taxe de dossier. La taxe de dossier est réduite à 37,50 euros pour les bénéficiaires d'une intervention majorée de l'assurance maladie fédérale.
En outre, six catégories d'usagers sont entièrement exemptées du paiement de la taxe de dossier : (1) les personnes bénéficiant d'un règlement collectif de dettes et les personnes déclarées en état de faillite ou d'insolvabilité;(2) les bénéficiaires d'un revenu d'intégration;(3) les bénéficiaires d'une garantie de revenus pour personnes âgées;(4) les personnes bénéficiant d'une guidance budgétaire;(5) les bénéficiaires du montant journalier minimum de l'allocation de chômage;(6) les bénéficiaires d'une allocation de remplacement de revenus, mentionnée dans la loi du 27 février 1987Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/02/1987 pub. 18/10/2004 numac 2004000528 source service public federal interieur Loi relative aux allocations aux handicapés Traduction allemande fermer « relative aux allocations aux personnes handicapées ». La réglementation prévoit, d'autre part, le remboursement intégral de la taxe de dossier lorsque le recours administratif est jugé fondé.
B.22. Compte tenu du montant de la taxe de dossier en tant que seuil financier et en tant que charge financière définitive si la condition du remboursement n'est pas remplie, la taxe de dossier ne constitue pas en général, en tant que condition de recevabilité, une charge excessive et n'a pas d'effets disproportionnés.
La Cour doit cependant encore examiner si la manière dont le législateur décrétal a élaboré les règles relatives à la taxe de dossier ne prive pas, de manière discriminatoire, certaines catégories de personnes de l'égal accès au juge.
B.23. Lorsque le législateur décrétal prévoit, comme en l'espèce, une exemption, une réduction ou un remboursement de la taxe de dossier, il doit veiller à ce que l'accès au juge ne soit pas restreint de manière discriminatoire.
B.24. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée. Ce principe s'oppose, par ailleurs, à ce que soient traitées de manière identique, sans qu'apparaisse une justification raisonnable, des catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure critiquée, sont essentiellement différentes.
L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
B.25. Par l'exonération, partielle ou non, du paiement de la taxe de dossier, le législateur décrétal a en substance établi des différences de traitement entre les auteurs d'un recours administratif, en ce qui concerne la condition de recevabilité et donc la mesure dans laquelle l'accès au juge est limité ou garanti.
Ainsi, les requérants non exemptés doivent en principe payer au préalable une taxe de dossier de 75 euros, sous peine d'irrecevabilité de leur recours administratif. En revanche, les bénéficiaires d'une intervention majorée de l'assurance maladie fédérale, qui sont partiellement exemptés, ne doivent payer qu'une taxe de 37,50 euros, sous peine d'irrecevabilité. Enfin, six catégories d'usagers ne doivent pas payer la taxe de dossier.
B.26. Le législateur décrétal entendait garantir l'accès aux procédures de recours, même si une charge financière a été instaurée comme condition de recevabilité (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 710/1, pp. 16 et 20).
B.27.1. Afin de garantir l'accès aux procédures de recours et donc au juge, le législateur décrétal a choisi de modérer ou de supprimer la taxe de dossier en tant que seuil financier pour certaines catégories de personnes. Compte tenu de ce que le paiement préalable de la taxe de dossier est une condition de recevabilité du recours administratif introduit, il ne peut être reproché au législateur décrétal d'avoir visé des catégories clairement délimitées, lesquelles sont déjà reconnues par les pouvoirs publics. Il n'est dès lors pas dénué de justification raisonnable que le législateur décrétal n'ait pas prévu une possibilité de demande individuelle d'exemption. Une telle possibilité rendrait également inopérante la condition de recevabilité.
Les choix relatifs aux catégories de personnes exemptées et la mesure dans laquelle elles sont soumises à la taxe de dossier en tant que condition de recevabilité à caractère financier doivent cependant reposer sur des critères objectifs et raisonnables.
B.27.2.1. Le statut de bénéficiaire d'une intervention majorée de l'assurance maladie fédérale est en substance lié à la situation financière précaire de l'intéressé. Les six catégories d'usagers mentionnées nommément se trouvent dans une « situation digne d'intérêt ». Bien que ces personnes se trouvent toutes dans une situation financière précaire qui nécessite un correctif social pour atteindre l'objectif mentionné en B.26, celles-ci sont traitées différemment.
B.27.2.2. En vertu de l'article 8 de l'arrêté royal du 15 janvier 2014 « relatif à l'intervention majorée de l'assurance visée à l'article 37, § 19, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994 », sont automatiquement bénéficiaires d'une intervention majorée de l'assurance maladie fédérale les personnes qui bénéficient d'un des avantages suivants ou se trouvent dans une des situations suivantes : « 1. le revenu d'intégration institué par la loi du 26 mai 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/05/2002 pub. 31/07/2002 numac 2002022559 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi concernant le droit à l'intégration sociale fermer concernant le droit à l'intégration sociale, pour autant qu'il en ait bénéficié effectivement pendant au moins trois mois complets ininterrompus; 2. le secours partiellement ou totalement pris en charge par l'Etat fédéral sur la base des articles 4 et 5 de la loi du 2 avril 1965 relative à la prise en charge des secours accordés par les centres publics d'action sociale, pour autant qu'il en ait bénéficié effectivement pendant au moins trois mois complets ininterrompus;3. la garantie de revenus aux personnes âgées instituée par la loi du 22 mars 2001Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/03/2001 pub. 29/03/2001 numac 2001022201 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi instituant la garantie de revenus aux personnes âgées type loi prom. 22/03/2001 pub. 04/04/2014 numac 2014000219 source service public federal interieur Loi instituant la garantie de revenus aux personnes âgées. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer;4. le revenu garanti aux personnes âgées institué par la loi du 1er avril 1969Documents pertinents retrouvés type loi prom. 01/04/1969 pub. 11/06/1998 numac 1998000217 source ministere de l'interieur Loi instituant un revenu garanti aux personnes âgées Traduction allemande fermer ainsi que celui qui conserve le droit à la majoration de rente;5. une allocation octroyée à une personne handicapée en application de la loi du 27 février 1987Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/02/1987 pub. 18/10/2004 numac 2004000528 source service public federal interieur Loi relative aux allocations aux handicapés Traduction allemande fermer relative aux allocations aux personnes handicapées ou une allocation pour l'aide aux personnes âgées octroyée en application du Code wallon de l'action sociale et de la santé ou de l'Ordonnance du 10 décembre 2020 relative à l'allocation pour l'aide aux personnes âgées, ou un budget de soins pour personnes âgées présentant un besoin de soins octroyé en application du Décret du 18 mai 2018 relatif à la protection sociale flamande;6. l'enfant handicapé dont l'incapacité physique ou mentale d'au moins 66 % est constatée par un médecin de la Direction générale Personnes handicapées du Service public fédéral Sécurité sociale.La décision de constatation de l'incapacité physique ou mentale d'au moins 66 % prise par un médecin exerçant dans l'arrondissement d'une entité fédérée est également reconnue, à condition qu'elle remplisse les critères énoncés dans la loi générale relative aux allocations familiales; 7. l'enfant inscrit en qualité de titulaire MENA, visé à l'article 32, alinéa 1er, 22°, de la loi;8. l'enfant inscrit en qualité de titulaire orphelin au sens de l'article 32, alinéa 1er, 20°, de la loi;9. l'enfant inscrit en qualité de titulaire orphelin au sens de l'article 32, alinéa 1er, 11° sexies, de la loi, dont les deux parents sont décédés ». En l'espèce, il convient de constater que le législateur décrétal exempte entièrement de la taxe de dossier certaines sous-catégories de personnes au sein de la catégorie des bénéficiaires automatiques d'une intervention majorée de l'assurance maladie fédérale, alors que les autres sous-catégories ne sont que partiellement exemptées.
B.27.2.3. Le choix d'exempter certaines catégories de personnes de la taxe de dossier est lié, d'une part, au statut de bénéficiaire d'une intervention majorée de l'assurance maladie fédérale (critère pour l'exemption partielle) et, d'autre part, au statut des personnes se trouvant dans les six situations nommément citées (critère pour l'exemption totale).
Ces critères de distinction sont objectifs.
B.27.2.4. En imposant une taxe de dossier, certes réduite, de 37,50 euros aux bénéficiaires d'une intervention majorée de l'assurance maladie fédérale, qui ne relèvent pas des six hypothèses nommément citées d'exemption totale, le législateur décrétal a imposé à des personnes qui se trouvent par hypothèse dans une situation financière précaire analogue une mesure qui peut constituer un seuil insurmontable pour cette catégorie de personnes, ce qui les dissuaderait de faire respecter certains droits sociaux en engageant une procédure de recours. Ainsi, même s'il s'agit d'un montant plutôt limité, en l'absence d'une exemption totale, la taxe de dossier a des effets disproportionnés à l'égard des bénéficiaires d'une intervention majorée de l'assurance maladie fédérale, qui ne relèvent pas des six cas nommément exemptés totalement de la taxe de dossier.
Il résulte de ce qui précède que le législateur décrétal a restreint de manière discriminatoire l'accès au juge en prévoyant seulement une exemption partielle et non une exemption totale pour la catégorie précitée de personnes qui ne relèvent pas des cas d'exemption totale nommément cités.
B.27.2.5. Par conséquent, l'article 80, § 6, alinéa 3, l'article 88, § 4, alinéa 3, et l'article 92, § 6, alinéa 3, du décret du 18 mai 2018, insérés respectivement par les articles 43, 46 et 48 du décret du 18 juin 2021, portent une atteinte discriminatoire au droit à un égal accès au juge. Inversement, l'absence d'exemption à l'article 80, § 6, alinéa 4, à l'article 88, § 4, alinéa 4, et à l'article 92, § 6, alinéa 4, du décret 18 mai 2018, insérés respectivement par les articles 43, 46 et 48 du décret du 18 juin 2021, établit, pour les personnes qui sont partiellement exemptées et qui ne relèvent pas des six cas nommément cités d'exemption totale, une différence de traitement injustifiée et porte une atteinte discriminatoire au droit à un égal accès au juge.
Eu égard à ce qui précède, l'article 80, § 6, alinéa 4, l'article 88, § 4, alinéa 4, et l'article 92, § 6, alinéa 4, du décret 18 mai 2018, insérés respectivement par les articles 43, 46 et 48 du décret du 18 juin 2021, violent également les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 13 de la Constitution, en ce que ces dispositions ne prévoient pas l'exemption totale de la taxe de dossier pour les bénéficiaires d'une intervention majorée de l'assurance maladie fédérale qui sont partiellement exemptés et qui ne relèvent pas des six cas nommément cités d'exemption totale. Ces dispositions doivent être annulées dans cette mesure.
B.27.2.6. Dès lors que le constat de la lacune qui a été fait en B.27.2.5 est exprimé en des termes suffisamment précis et complets qui permettent l'application des dispositions attaquées dans le respect des normes de référence sur la base desquelles la Cour exerce son contrôle, il appartient à l'autorité compétente et, le cas échéant, au juge compétent de mettre fin à la violation de ces normes.
B.27.3. Les parties requérantes critiquent encore le fait que la taxe de dossier constitue une restriction discriminatoire de l'accès au juge en ce que les règles ne prévoient pas d'exemption de la taxe de dossier qui soit similaire à celle qui est prévue dans les situations auxquelles elles comparent ce régime. Premièrement, elles établissent une comparaison entre la situation d'un justiciable devant le tribunal du travail, d'une part, et l'auteur d'un recours administratif dans le cadre de la protection sociale flamande, d'autre part. En vertu de l'article 279/1, 3°, du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe, le premier dispose d'une exemption des droits de rôle, alors que le dernier doit en principe payer une taxe de dossier.
Deuxièmement, elles établissent une comparaison entre la situation des justiciables qui bénéficient du système de l'aide juridique de deuxième ligne (gratuite), d'une part, et les personnes qui introduisent un recours administratif dans le cadre de la protection sociale flamande, d'autre part. Les premiers pourraient toujours demander une exemption des droits de rôle et des frais, tandis que les seconds restent soumis à la taxe de dossier.
Il convient de constater que les différences de traitement invoquées portent sur la comparaison de situations qui sont réglées par des autorités distinctes dans le cadre de leurs compétences respectives.
Cette différence de traitement trouve son origine dans les compétences distinctes des communautés et de l'autorité fédérale et ne peut dès lors être réputée contraire au principe d'égalité et de non-discrimination.
B.28. Les règles prévoient un remboursement intégral de la taxe de dossier lorsque le recours administratif est jugé « fondé », si bien que le seuil financier initial ne devient pas une charge financière définitive pour le requérant. Dans d'autres cas dans lesquels l'organe de recours n'aboutit pas, pour quelque raison que ce soit, au constat que le recours administratif est « fondé », la taxe de dossier devient une charge financière définitive pour le requérant. Le législateur décrétal n'a pas davantage prévu de remboursement lorsque l'usager obtient gain de cause devant le tribunal du travail dans le cadre de son droit à un budget de soins (adapté).
Par conséquent, le législateur décrétal a établi une différence de traitement en ce qui concerne la prise en charge définitive de la taxe de dossier.
B.29.1. Le fait qu'un recours administratif soit jugé fondé constitue un critère de distinction objectif. Au regard du but poursuivi par le législateur décrétal consistant à éviter les procédures de recours inutiles et souvent systématiques, il est pertinent de rembourser intégralement la taxe de dossier payée par les personnes qui ont introduit un recours administratif jugé fondé, ce qui ouvre donc le droit à un budget de soins (adapté) pour l'intéressé, étant donné qu'une décision injuste concernant la demande du requérant est rectifiée. En effet, à la lumière de cet objectif, le législateur décrétal a pu considérer que le seuil financier dissuasif ne peut aboutir à une charge financière définitive lorsque l'auteur s'avère avoir droit à un budget de soins ou à une adaptation de celui-ci. Il est également pertinent à cet égard de ne pas prévoir le remboursement lorsque le recours administratif n'aboutit pas au constat que le requérant a droit au budget demandé ou à une adaptation de celui-ci.
B.29.2. Il n'est toutefois pas raisonnablement justifié de ne pas prévoir le remboursement de la taxe de dossier lorsque le tribunal du travail, confronté à un recours dirigé contre la décision rendue sur recours administratif, décide en substance que le recours administratif a été rejeté à tort comme non fondé et que le requérant a droit au budget demandé ou à une adaptation de celui-ci.
B.29.3. En ne prévoyant pas le remboursement intégral de la taxe de dossier lorsque le tribunal du travail décide en substance que le requérant a droit à un budget de soins ou une adaptation de celui-ci, l'article 80, § 6, alinéa 5, l'article 88, § 4, alinéa 5, et l'article 92, § 6, alinéa 5, du décret du 18 mai 2018, insérés respectivement par les articles 43, 46 et 48 du décret du 18 juin 2021, violent les articles 10 et 11 de la Constitution.
B.29.4. Etant donné que le constat de la lacune qui a été fait en B.29.3 est exprimé en des termes suffisamment précis et complets qui permettent d'appliquer les dispositions attaquées dans le respect des normes de référence sur la base desquelles la Cour exerce son pouvoir de contrôle, il appartient au juge compétent de mettre fin à la violation de ces normes.
B.30. Compte tenu du montant de la taxe de dossier, de son exemption pour certaines catégories de personnes et de son remboursement intégral lorsque le requérant a introduit un recours administratif fondé, également dans le cas mentionné en B.29.3, la mesure attaquée ne restreint pas l'accès au juge de manière disproportionnée.
B.31. Il résulte de ce qui précède que l'instauration d'une taxe de dossier ne porte pas davantage en soi atteinte à l'obligation de standstill qui découle de l'article 23 de la Constitution.
B.32. Le deuxième moyen est fondé dans la mesure indiquée en B.27.2.5 et en B.29.3.
En ce qui concerne le classement en catégories des personnes âgées ayant besoin de soins (quatrième moyen) B.33. Les parties requérantes prennent un quatrième moyen de la violation, par l'article 45 du décret du 18 juin 2021, du principe de légalité contenu dans l'article 23 de la Constitution.
B.34.1. L'article 45 attaqué modifie, en ce qui concerne les conditions d'application relatives au budget de soins pour personnes âgées ayant besoin de soins, les règles relatives à la répartition en catégories des usagers et au montant du budget de soins correspondant à celles-ci (article 86 du décret du 18 mai 2018).
B.34.2. L'article 86, alinéa 1er, du décret du 18 mai 2018, tel qu'il a été remplacé par l'article 45, 1°, du décret du 18 juin 2021, dispose : « Le montant du budget des soins pour personnes âgées présentant un besoin en soins varie selon la catégorie à laquelle l'usager appartient, de la façon suivante : 1° l'usager appartenant à la catégorie 1, reçoit un budget de soins pour personnes âgées présentant un besoin en soins, qui est égal à un montant annuel de 1.062,60 euros; 2° l'usager appartenant à la catégorie 2, reçoit un budget de soins pour personnes âgées présentant un besoin en soins, qui est égal à un montant annuel de 4.056,21 euros; 3° l'usager appartenant à la catégorie 3, reçoit un budget de soins pour personnes âgées présentant un besoin en soins, qui est égal à un montant annuel de 4.931,67 euros; 4° l'usager appartenant à la catégorie 4, reçoit un budget de soins pour personnes âgées présentant un besoin en soins, qui est égal à un montant annuel de 5.806,91 euros; 5° l'usager appartenant à la catégorie 5, reçoit un budget de soins pour personnes âgées présentant un besoin en soins, qui est égal à un montant annuel de 7.132,97 euros ».
L'article 86, alinéa 2, du décret du 18 mai 2018, inséré par l'article 45, 2°, du décret du 18 juin 2021, dispose : « Le Gouvernement flamand détermine la catégorie à laquelle l'usager appartient, en tenant compte de la réduction d'autonomie de l'usager ».
B.35. L'article 23, alinéas 2 et 3, 2°, de la Constitution oblige le législateur compétent à garantir le droit à la sécurité sociale et à l'aide sociale et à déterminer les conditions d'exercice de ce droit.
Cette disposition constitutionnelle n'interdit cependant pas à ce législateur d'accorder des délégations au pouvoir exécutif, pour autant qu'elles portent sur l'exécution de mesures dont le législateur a déterminé l'objet.
Cette disposition constitutionnelle n'impose pas au législateur de régler tous les éléments essentiels du droit à la sécurité sociale ou à l'aide sociale et ne lui interdit pas d'habiliter le pouvoir exécutif à régler ceux-ci.
B.36. A l'article 86, alinéa 2, du décret du 18 mai 2018, le législateur décrétal a défini l'objet de l'habilitation au Gouvernement flamand, à savoir la répartition des usagers en catégories (à la lumière de l'alinéa 1er). Par ailleurs, le législateur décrétal a lui-même déterminé les éléments essentiels pour fixer le montant du budget de soins pour les personnes âgées ayant besoin de soins en prévoyant lui-même cinq catégories auxquelles est attaché un montant déterminé, ainsi qu'en prévoyant que la répartition doit s'opérer sur la base du critère de la « réduction d'autonomie de l'usager ».
L'article 86 du décret du 18 mai 2018 ne porte pas atteinte au principe de légalité, qui découle de l'article 23 de la Constitution.
B.37. Le quatrième moyen n'est pas fondé.
Par ces motifs, la Cour - annule l'article 18, 1° et 2°, et l'article 21, 2°, du décret de la Communauté flamande du 18 juin 2021 « modifiant la réglementation dans le cadre de la protection sociale flamande »; - annule l'article 80, § 6, alinéa 3, l'article 88, § 4, alinéa 3, et l'article 92, § 6, alinéa 3, du décret de la Communauté flamande du 18 mai 2018 « relatif à la protection sociale flamande », insérés respectivement par les articles 43, 46 et 48 du décret précité du 18 juin 2021; - annule l'article 80, § 6, alinéa 4, l'article 88, § 4, alinéa 4, et l'article 92, § 6, alinéa 4, du décret précité du 18 mai 2018, insérés respectivement par les articles 43, 46 et 48 du décret précité du 18 juin 2021, en ce que ces dispositions ne prévoient pas l'exemption totale de la taxe de dossier pour les bénéficiaires d'une intervention majorée en vertu de l'article 37, § 19, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, qui ne relèvent pas des six catégories de personnes qui sont totalement exemptées; - annule l'article 80, § 6, alinéa 5, l'article 88, § 4, alinéa 5, et l'article 92, § 6, alinéa 5, du décret précité du 18 mai 2018, insérés respectivement par les articles 43, 46 et 48 du décret précité du 18 juin 2021, en ce qu'ils ne prévoient pas le remboursement intégral de la taxe de dossier lorsque le tribunal du travail décide que, dans le cadre du recours administratif, il a été considéré à tort que le requérant n'a pas droit au budget de soins demandé ou à une adaptation de celui-ci; - rejette le recours pour le surplus.
Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 20 juillet 2023.
Le greffier, Le président, N. Dupont L. Lavrysen