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Arrêt
publié le 12 décembre 2022

Extrait de l'arrêt n° 85/2022 du 23 juin 2022 Numéro du rôle : 7614 En cause : le recours en annulation des articles 21 et 25 du décret de la Région wallonne du 11 février 2021 « modifiant le décret du 8 février 2018 relatif à la gestion et a La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges T. Gie(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 85/2022 du 23 juin 2022 Numéro du rôle : 7614 En cause : le recours en annulation des articles 21 et 25 du décret de la Région wallonne du 11 février 2021 « modifiant le décret du 8 février 2018 relatif à la gestion et au paiement des prestations familiales », introduit par Françoise Abad Gonzales.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges T. Giet, J. Moerman, M. Pâques, S. de Bethune et W. Verrijdt, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président P. Nihoul, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 13 juillet 2021 et parvenue au greffe le 15 juillet 2021, Françoise Abad Gonzales, assistée et représentée par Me P. Levert, avocat au barreau de Bruxelles, et par Me N. Tison, avocat au barreau de Charleroi, a introduit un recours en annulation des articles 21 et 25 du décret de la Région wallonne du 11 février 2021 « modifiant le décret du 8 février 2018 relatif à la gestion et au paiement des prestations familiales » (publié au Moniteur belge du 17 février 2021). (...) II. En droit (...) Quant aux dispositions attaquées et à leur contexte B.1. L'article 5, § 1er, IV, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, inséré par l'article 12 de la loi spéciale du 6 janvier 2014 « relative à la Sixième Réforme de l'Etat », mentionne « les prestations familiales » parmi les matières personnalisables visées à l'article 128, § 1er, de la Constitution.

Conformément à l'article 138 de la Constitution, l'article 3, 8°, du décret spécial de la Communauté française du 3 avril 2014 « relatif aux compétences de la Communauté française dont l'exercice est transféré à la Région wallonne et à la Commission communautaire française », prévoit que la Région wallonne exerce, sur le territoire de la région de langue française, la compétence de la Communauté française en matière de prestations familiales.

B.2.1. Le décret de la Région wallonne du 8 février 2018 « relatif à la gestion et au paiement des prestations familiales » (ci-après : le décret du 8 février 2018) met en oeuvre cette compétence en matière de prestations familiales.

Conformément à l'article 23 du décret du 8 février 2018, il est créé une unité d'administration publique dotée de la personnalité juridique appelée « Caisse publique wallonne d'allocations familiales » (en abrégé et ci-après : FAMIWAL), qui succède, en ce qui concerne la Région wallonne, aux droits, obligations, biens et charges de l'Agence fédérale pour les allocations familiales pour ce qui concerne le paiement des prestations familiales visées à l'article 5, § 1er, IV, de la loi spéciale du 8 août 1980.

Figurant dans un chapitre III intitulé « La gestion journalière », les articles 37 et 38 du décret du 8 février 2018 définissent les attributions du directeur général de FAMIWAL. Dans ce même chapitre, l'article 39 prévoit que le Gouvernement « désigne le Directeur général pour un mandat de rang A2 aux conditions fixées par le Livre II de l'arrêté du Gouvernement wallon du 18 décembre 2003 portant le Code de la Fonction publique wallonne ».

B.2.2. Figurant sous le titre X, intitulé « Dispositions transitoires », l'article 135 du décret du 8 février 2018 prévoyait, en ce qui concerne la première désignation du directeur général de FAMIWAL, un régime qui dérogeait à l'arrêté du Gouvernement wallon du 18 décembre 2003 « portant le Code de la fonction publique wallonne » (ci-après : le Code de la fonction publique wallonne). Cet article disposait : « § 1er. Pour la première désignation du Directeur général, les articles 340 et 343 de l'arrêté du Gouvernement wallon du 18 décembre 2003 portant le Code de la Fonction publique wallonne ne sont pas applicables.

Pour participer aux sélections comparatives pour la fonction de Directeur général pour la première désignation, les candidats : 1° sont titulaires d'un diplôme donnant accès au niveau A ou sont lauréats d'un concours d'accession au niveau A ou à un niveau équivalent ou être porteur du certificat de compétences acquises hors diplôme donnant accès au niveau A, ce certificat étant délivré ou reconnu par l'Ecole d'Administration publique ou par un autre organe désigné par l'arrêté du Gouvernement wallon du 18 décembre 2003 portant le Code de la Fonction publique wallonne ou reconnu dans le cadre de la fonction publique fédérale;2° possèdent une expérience professionnelle utile d'au moins huit ans, dont deux ans d'expérience de gestion d'équipe ou de projets. § 2. Le Gouvernement, sur proposition du Comité de gestion, approuve la lettre de mission du Directeur général. § 3. Le SELOR est chargé d'organiser une épreuve de sélection relative à la désignation du Directeur général.

Une Commission de sélection est constituée à cet effet. Elle est organisée et présidée par le SELOR et composée de cinq membres : 1° l'Administrateur délégué du SELOR ou son représentant;2° deux membres désignés en raison de leur qualité d'expert présentant des compétences incontestables en matière de management ou en matière de prestations familiales et choisies en dehors des Services du Gouvernement, des organismes relevant du Comité de Secteur XVI et des Cabinets ministériels;3° deux mandataires en fonction titulaires d'un rang A1 ou A2. Les candidatures sont introduites auprès du SELOR qui en examine l'admissibilité.

Les candidats déclarés admissibles présentent une épreuve d'assessment informatisée qui mesure les compétences managériales génériques et est adaptée au niveau de la fonction à pourvoir.

Les candidats qui ont réussi l'épreuve d'assessment informatisée présentent, devant la Commission de sélection, une épreuve orale au départ d'un cas pratique ayant trait à la fonction de management à pourvoir. Cette épreuve évalue les compétences spécifiques et les aptitudes managériales requises pour l'exercice de cette fonction.

Au terme de l'épreuve visée à l'alinéa 5 et de la comparaison des titres et mérites des candidats, ceux-ci sont inscrits soit dans le groupe A ' très apte ', soit dans le groupe B ' apte ', soit dans le groupe C ' moins apte ', soit dans le groupe D ' pas apte '. Cette inscription est motivée. Dans le groupe A et le groupe B, les candidats sont classés.

Les candidats sont informés de leur inscription dans le groupe A, B, C, ou D et de leur classement dans les groupes A et B. Un entretien complémentaire a lieu avec les candidats du groupe A afin de les comparer quant à leurs compétences spécifiques, leurs aptitudes relationnelles et leurs capacités à diriger par rapport à la description de fonction et le profil de compétence afférents à la fonction de management à pourvoir. Cet entretien est mené par le Ministre ayant la Fonction publique dans ses attributions et le Ministre ayant les Prestations familiales dans ses attributions. Dans l'hypothèse où le Ministre ayant la Fonction publique dans ses attributions a également les Prestations familiales dans ses attributions, le Gouvernement peut désigner un deuxième Ministre pour mener cet entretien ».

Ce régime transitoire dérogeait ainsi à la procédure de sélection des candidats, pour la procédure visant à la première désignation de directeur général de FAMIWAL, les autres conditions prévues par le livre II du Code de la fonction publique wallonne demeurant applicables.

B.2.3. En ce qui concerne ce régime transitoire, dérogatoire, de « primo-désignation » pour le premier mandat de directeur général de FAMIWAL, les travaux préparatoires du décret du 8 février 2018 exposaient : « Pour la désignation du Directeur général, il sera recouru au pool de candidats visé par l'article 341/8 du Code de la Fonction publique wallonne.

Toutefois, comme les membres du personnel de FAMIFED exerçant les missions aujourd'hui relèvent du Fédéral et donc ne sont pas soumis à l'EAP, une procédure particulière est instituée afin de pourvoir au premier mandat de la Caisse et ainsi permettre aux personnes transférées du Fédéral et travaillant dans cette matière de pouvoir postuler à ce premier mandat. Il s'agit également d'un objectif de continuité du service.

Pour participer aux sélections comparatives pour la fonction de Directeur général, les candidats sont titulaires d'une fonction de niveau A ou à un niveau équivalent ou être porteur du certificat de compétences acquises hors diplôme donnant accès au niveau A, ce certificat étant délivré ou reconnu par l'Ecole d'Administration publique ou par un autre organe désigné par l'arrêté du Gouvernement wallon du 18 décembre 2003 portant le Code de la Fonction publique wallonne ou reconnu dans le cadre de la fonction publique fédérale et possèdent une expérience professionnelle utile d'au moins huit ans, dont deux ans d'expérience de gestion d'équipe ou de projets.

Le processus prévoit la mise en place d'une Commission de sélection organisée par le SELOR qui sera par ailleurs chargé des étapes suivantes : - l'examen de l'admissibilité; - l'organisation d'une épreuve informatisée qui permet de mesurer les compétences managériales génériques; - l'organisation d'un assessment et d'une épreuve orale devant la Commission de sélection organisée par le SELOR, qui a pour but d'évaluer tant les compétences spécifiques que les aptitudes managériales requises.

L'application de cet article se fait sans préjudice de l'application de la loi du 19 décembre 1974Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/1974 pub. 05/10/2012 numac 2012000586 source service public federal interieur Loi organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats des agents relevant de ces autorités. - Coordination officieuse en langue allemande fermer organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats des agents relevant de ces autorités et de ses arrêtés d'application » (Doc. parl., Parlement wallon, 2017-2018, n° 989/1, pp. 36-37).

B.2.4. La disposition initiale en projet figurait dans un article 38, § 3, au sujet duquel la déléguée de la ministre de l'Action sociale, de la Santé, de l'Egalité des chances, de la Fonction publique et de la Simplification administrative de la Région wallonne a répondu qu'il « ne s'applique que pour la désignation du 1er directeur général de la caisse et ce, compte tenu des circonstances particulières de cette désignation (transfert de compétences, de personnel, mise en place du nouveau modèle, création d'une caisse publique autonome et, par ailleurs, départ à la pension de l'actuel gestionnaire de la caisse publique) » et qu'en dehors de cette dérogation, « le Code de la fonction publique s'applique » (ibid., p. 84).

Compte tenu de cette réponse, la section de législation du Conseil d'Etat a suggéré que « la règlementation relative à la première désignation à la fonction de Directeur général sera insérée dans une disposition transitoire » (ibid., pp. 84-85).

B.3.1. Le recours en annulation est dirigé contre les articles 21 et 25 du décret de la Région wallonne du 11 février 2021 « modifiant le décret du 8 février 2018 relatif à la gestion et au paiement des prestations familiales » (ci-après : le décret du 11 février 2021).

L'article 21 du décret du 11 février 2021 abroge l'article 135 du décret du 8 février 2018.

L'article 25 du décret du 11 février 2021 dispose : « Le présent décret produit ses effets le 1er janvier 2020. [...] Par dérogation à l'alinéa 1er, les articles 11, § 2, 19 et 21 produisent leurs effets au 1er janvier 2021. [...] ».

B.3.2.1. Le texte initial de l'avant-projet de décret soumis à l'avis de la section de législation du Conseil d'Etat visait à compléter l'article 135 du décret du 8 février 2018 par un paragraphe 2 rédigé comme suit : « Le désigné comme Directeur général au terme de la procédure prévue au § 1er fait partie du pool des candidats au sens de l'article 341/8 de l'arrêté du 18 décembre 2003 [portant le] Code de la fonction publique wallonne introduit par l'arrêté du 31 août 2006 » (Doc.

Parl., Parlement wallon, 2020-2021, n° 402/1, p. 29).

Cette disposition était ainsi justifiée : « Cette disposition a pour objectif d'inscrire le mandataire désigné au terme de la procédure prévue à l'article 135 comme Directeur général de FAMIWAL [...] dans la liste des candidats à un mandat prévu par le Code de la fonction publique dans le cadre de la procédure de désignation de mandataire » (ibid., p. 25).

B.3.2.2. Au sujet de cette disposition, la section de législation du Conseil d'Etat a émis les observations suivantes : « Invitée à apporter des éléments justifiant que le mandataire désigné en vertu de l'article 135, § 1er, du décret du 8 février 2018 en projet doit figurer dans le pool des candidats et sur la suggestion de plutôt modifier l'article 341/8 du Code de la Fonction publique wallonne afin de l'y viser, la déléguée de la Ministre a indiqué ce qui suit : ' La procédure telle que prévue dans l'article 135 du décret permet une ouverture à l'accès à un poste à mandat aux personnes venant notamment du fédéral qui ne disposent pas du certificat de management prévu dans le Code de la fonction publique. Au vu de la lourdeur de la procédure et de l'exercice d'un premier mandat, il ne serait pas équitable de ne pas permettre au mandataire sortant évalué favorablement de ne pas pouvoir repostuler à son poste de mandataire.

Il pourrait de fait être préférable de modifier le Code de la Fonction publique wallonne '.

Il n'appartient pas au législateur de déterminer la composition du pool des candidats établi en vertu de l'article 341/8 du Code de la Fonction publique wallonne. La modification de cette disposition, de manière à faire figurer le premier directeur général dans le pool des candidats qui y est fixé, relève de la compétence du Gouvernement.

Partant, l'article 19 de l'avant-projet sera omis » (ibid., p. 18).

B.3.3. Suivant la suggestion de la section de législation du Conseil d'Etat, le législateur décrétal a choisi d'abroger le régime dérogatoire de primo-désignation contenu dans l'article 135 du décret du 8 février 2018. Les travaux préparatoires du décret du 11 février 2021 exposent : « La disposition transitoire de l'article 135 permettant de déroger au certificat de management public est abrogée » (Doc. parl., Parlement wallon, 2020-2021, n° 402/1, p. 4).

Le commentaire de l'article 21 en projet indique : « Cette disposition vise à abroger l'article 135 du décret à la lumière de l'avis du Conseil d'Etat et ce afin de doter FAMIWAL d'un mandataire qui a obtenu le certificat de management public conformément à l'article 39 du décret du 8 février 2018 qui précise que le Gouvernement désigne le Directeur général pour un mandat de rang A2 aux conditions fixées par le Livre II de l'arrêté du Gouvernement wallon du 18 décembre 2003 portant le Code de la Fonction publique wallonne » (ibid., p. 8).

Quant à la recevabilité du recours B.4. La partie requérante justifie son intérêt à agir par le fait qu'elle est la directrice faisant fonction de FAMIWAL et que, sur la base de l'article 135 du décret du 8 février 2018, sa candidature à ce poste a été validée par SELOR, qu'elle a réussi les deux premiers tests de sélection et a été déclarée « A-très apte » par le jury de sélection en décembre 2020. Elle estime que les dispositions attaquées, qui abrogent avec effet rétroactif l'article 135 du décret du 8 février 2018, ont pour effet de l'exclure de toute procédure de sélection future.

B.5.1. A titre principal, le Gouvernement wallon conteste l'intérêt à agir de la partie requérante, estimant qu'elle ne justifie pas d'un intérêt à l'annulation des dispositions attaquées, ni en qualité de directrice faisant fonction, ni en qualité de candidate ayant été déclarée « très apte » dans une procédure de sélection basée sur l'article 135, abrogé, du décret du 8 février 2018.

B.5.2. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme attaquée.

B.5.3. La question de savoir si la situation de la partie requérante pourrait être directement et défavorablement affectée par les dispositions qu'elle attaque dépend de la portée de ces dispositions et des effets qu'elles peuvent avoir. Il en résulte que l'examen de la recevabilité du recours se confond avec celui du fond.

B.6.1. A titre subsidiaire, le Gouvernement wallon soulève l'irrecevabilité partielle du recours, en ce qu'il est dirigé contre l'article 25, alinéas 1er, 2 et 4, le recours n'étant recevable qu'en ce qu'il porte sur les termes « et 21 », contenus dans l'article 25, alinéa 3, du décret du 11 février 2021.

B.6.2. La Cour doit déterminer l'étendue du recours en annulation à partir du contenu de la requête et en particulier sur la base de l'exposé des moyens. La Cour limite son examen aux dispositions contre lesquelles des moyens sont dirigés.

B.6.3. Il ressort de l'exposé des moyens que l'article 25 du décret du 11 février 2021 est attaqué uniquement en ce qu'il fixe la date d'entrée en vigueur de l'article 21 du même décret, en l'espèce au 1er janvier 2021.

La Cour limite dès lors, dans cette mesure, son examen de l'article 25 attaqué.

Quant au fond B.7. Le premier moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec le principe général de la non-rétroactivité des lois et de la sécurité juridique.

Selon la partie requérante, l'abrogation, avec effet rétroactif, de l'article 135 du décret du 8 février 2018, a des conséquences disproportionnées à son égard puisqu'elle la prive du bénéfice de la procédure de primo-désignation en cours et de la mention « A-très apte » qui lui a été attribuée, ce qui la discriminerait par rapport aux autres justiciables et par rapport aux autres agents de la fonction publique qui bénéficient du principe de la non-rétroactivité des lois.

B.8. Le second moyen, subsidiaire, est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution.

Au regard de la justification de l'article 135 du décret du 8 février 2018 qui était mentionnée dans les travaux préparatoires lors de l'adoption de cette disposition, la partie requérante estime qu'aucun critère ne justifie l'abrogation, avec effet rétroactif, de cette disposition et les conséquences disproportionnées qui en découlent pour la partie requérante, dès lors qu'elle n'est pas considérée comme un membre du pool de candidats à l'exercice de la fonction publique, visé à l'article 348/1 du Code de la fonction publique wallonne, auquel se réfère l'article 39 du décret du 8 février 2018.

B.9. Dès lors que les deux moyens critiquent tous deux la portée et les conséquences des dispositions attaquées à l'égard de la partie requérante, la Cour les examine conjointement.

B.10.1. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.10.2. La non-rétroactivité des lois est une garantie ayant pour but de prévenir l'insécurité juridique. Cette garantie exige que le contenu du droit soit prévisible et accessible, de sorte que le justiciable puisse prévoir, dans une mesure raisonnable, les conséquences d'un acte déterminé au moment où cet acte est accompli.

La rétroactivité ne se justifie que si elle est indispensable à la réalisation d'un objectif d'intérêt général.

S'il s'avère que la rétroactivité a en outre pour but ou pour effet d'influencer dans un sens l'issue de procédures judiciaires ou que les juridictions soient empêchées de se prononcer sur une question de droit bien précise, la nature du principe en cause exige que des circonstances exceptionnelles ou des motifs impérieux d'intérêt général justifient l'intervention du législateur, laquelle porte atteinte, au préjudice d'une catégorie de citoyens, aux garanties juridictionnelles offertes à tous.

B.11.1. Les dispositions attaquées abrogent le régime dérogatoire prévu dans l'article 135 du décret du 8 février 2018, avec effet au 1er janvier 2021.

Contrairement à ce qu'allègue la partie requérante dans sa requête, cette abrogation n'a dès lors pas un effet rétroactif au 1er janvier 2020, mais un effet rétroactif limité, au 1er janvier 2021.

A partir du 1er janvier 2021, la désignation du directeur général de FAMIWAL est par conséquent régie, conformément à l'article 39 du décret du 8 février 2018, par le régime général applicable à un mandat de rang A2, aux conditions fixées par le livre II du Code de la fonction publique wallonne.

B.11.2.1. Au sein de ce livre II, intitulé « Régime des fonctionnaires généraux », du Code de la fonction publique wallonne, le titre II, intitulé « Du régime des mandats », remplacé par l'arrêté du Gouvernement wallon du 20 septembre 2012 « réformant le régime de mandats des fonctionnaires généraux des Services du Gouvernement et de certains organismes d'intérêt public dépendant de la Région wallonne » (ci-après : l'arrêté du 20 septembre 2012), s'applique désormais sans dérogation à la désignation du directeur général de FAMIWAL. B.11.2.2. L'article 341/8 de ce Code organise à cet égard une procédure de sélection par pool de candidats en vue d'une désignation aux mandats de fonctionnaires généraux au sein des services du Gouvernement et de certains organismes d'intérêt public dépendant de la Région wallonne. Cet article dispose : « Il est constitué un pool de candidats à l'exercice d'un mandat au sens du présent Titre.

Seuls les membres de ce pool peuvent déposer leur candidature à un emploi à pourvoir par mandat.

Le pool des candidats à un mandat est composé : 1° des titulaires du Certificat de management public;2° des mandataires en fonction au sein des services du Gouvernement et des organismes visés à l'article 1er le jour de l'entrée en vigueur de l'arrêté du Gouvernement wallon du 20 septembre 2012 réformant le régime de mandats des fonctionnaires généraux des services du Gouvernement wallon et de certains organismes d'intérêt public dépendant de la Région wallonne ou pour lesquels l'emploi a été déclaré vacant et la procédure de recrutement lancée au jour de cette entrée en vigueur, et ayant fait l'objet d'une mention ' très favorable ' ou ' favorable ' lors de l'évaluation réalisée en application de l'article 10 du même arrêté;3° des membres du pool de candidats à l'exercice d'un mandat établi par l'article 14 de l'arrêté du Gouvernement de la Communauté française du 20 septembre 2012 instaurant un régime de mandats pour les fonctionnaires généraux des services du Gouvernement de la Communauté française et des organismes d'intérêt public qui relèvent du Comité de secteur XVII;4° des mandataires en fonction au sein de Wallonie-Bruxelles international le jour de l'entrée en vigueur de l'arrêté du Gouvernement wallon et de l'arrêté du Gouvernement de la Communauté française réformant le régime de mandats des fonctionnaires généraux de Wallonie-Bruxelles international ou pour lesquels l'emploi a été déclaré vacant et la procédure de recrutement lancée au jour de cette entrée en vigueur et qui ont reçu une mention ' très favorable ' ou ' favorable ' lors de l'évaluation réalisée par le Gouvernement désigné à la suite de l'installation du Parlement;5° du mandataire en fonction au sein de l'école d'administration publique le jour de l'entrée en vigueur de l'arrêté du Gouvernement wallon du 20 septembre 2012 réformant le régime de mandats des fonctionnaires généraux des services du Gouvernement wallon et de certains organismes d'intérêt public dépendant de la Région wallonne et ayant fait l'objet d'une mention ' très favorable ' ou ' favorable ' lors de l'évaluation réalisée en application de l'article 10 du même arrêté;6° de l'administrateur général adjoint du FOREm ayant fait l'objet d'une mention ' très favorable ' ou ' favorable ' lors de l'évaluation réalisée en application de l'article 10 de l'arrêté du Gouvernement wallon du 20 septembre 2012 réformant le régime de mandats des fonctionnaires généraux des services du Gouvernement wallon et de certains organismes d'intérêt public dépendant de la Région wallonne;7° de l'administrateur général adjoint de Wallonie-Bruxelles international ayant fait l'objet d'une mention ' très favorable ' ou ' favorable ' lors de l'évaluation réalisée en application de l'arrêté du Gouvernement wallon et de l'arrêté du Gouvernement de la Communauté française réformant le régime de mandats des fonctionnaires généraux de Wallonie-Bruxelles international par le Gouvernement désigné à la suite de l'installation du Parlement. Il n'est établi aucun classement parmi les membres du pool. Leur liste est établie par ordre alphabétique. Cette liste est tenue par l'Ecole d'Administration publique. Les membres du pool sont tenus de lui notifier, par écrit, toute modification de leurs coordonnées.

L'appartenance au pool ne confère aucun autre droit que celui de pouvoir déposer sa candidature à un emploi à pourvoir par mandat. Elle ne donne lieu à aucune sorte de rétribution ou de rémunération.

Le titulaire du brevet de management public, visé à l'article 2, 5°, de l'arrêté du Gouvernement de la Communauté française du 25 octobre 2002 créant une école d'administration publique en Communauté française est assimilé au titulaire du certificat en management public pour autant qu'il ait réussi l'examen visé à l'article 341/7 du présent Code dans sa version applicable avant l'entrée en vigueur de l'arrêté du Gouvernement wallon du 20 mai 2021 modifiant diverses dispositions relatives au certificat de management public au sein de l'arrêté du Gouvernement wallon du 18 décembre 2003 portant le Code de la fonction publique wallonne et de l'arrêté du Gouvernement wallon du 5 décembre 2008 fixant le statut administratif et pécuniaire du personnel de Wallonie-Bruxelles International ».

B.11.2.3. Conformément au régime mis en place par l'arrêté du 20 septembre 2012, le pool est « composé des titulaires du certificat de management public, et des personnes y assimilées » (rapport au Gouvernement, Moniteur belge du 28 mars 2013, p. 19758).

B.11.3. Interrogée par un parlementaire sur la question de « savoir si la suppression de la dérogation accordée au mandataire de rang A2 de la Caisse publique FamiWal aura une conséquence directe pour la directrice actuelle » et « si une nouvelle procédure sera lancée en déclarant le mandat vacant pour pourvoir au remplacement du mandat actuel » (Doc. parl., Parlement wallon, 2020-2021, n° 402/5, p. 5), la ministre a répondu : « Concernant la direction générale de FamiWal, la suppression du régime transitoire permettra de mettre fin à une procédure dérogatoire et le retour à un régime général, auquel l'ensemble des agents de la Région wallonne qui se trouvent dans une situation comparable sont soumis. La raison d'être de l'article 135 du décret de 2018 qui visait à assurer une opérationnalisation immédiate de FamiWal n'est plus pertinente au regard de la situation actuelle. Une procédure dérogatoire au Code de la fonction publique wallonne se justifiait au regard des circonstances particulières : transferts de compétences, de personnel, mise en place du nouveau modèle, création d'une caisse publique autonome et par ailleurs, départ à la pension de l'actuel gestionnaire de la caisse publique et dans un objectif de continuité de service public. Ceci n'est plus le cas aujourd'hui.

Il n'y a actuellement pas de directeur général de FamiWal mais une directrice qui exerce les fonctions supérieures et qui est en fait inspectrice générale. Elle retrouvera son poste d'inspecteur général.

La volonté est donc de lancer une procédure pour désigner la directrice générale » (ibid., p. 7).

B.12.1. C'est le propre d'une nouvelle règle, fût-elle abrogatoire, d'établir une distinction entre les personnes qui sont concernées par des situations juridiques qui entraient dans le champ d'application de la règle antérieure et les personnes qui sont concernées par des situations juridiques qui entrent dans le champ d'application de la nouvelle règle. Semblable distinction ne viole pas en soi les articles 10 et 11 de la Constitution. A peine de rendre impossible toute modification de la loi, il ne peut être soutenu qu'une disposition abrogatoire violerait ces dispositions constitutionnelles par cela seul qu'elle modifie les conditions d'application de la législation ancienne.

B.12.2. En l'espèce, l'existence d'un régime transitoire dérogatoire relatif à la désignation du premier mandat de directeur général de FAMIWAL n'a pas fait naître de droit à ce que ce régime transitoire ne soit ni modifié, ni abrogé. Il en va particulièrement ainsi lorsque les motifs qui ont justifié ce régime transitoire n'existent plus.

Comme il est dit dans les travaux préparatoires cités en B.2.3, le régime prévu par l'article 135 du décret du 8 février 2018 était justifié par le contexte du transfert des compétences en matière de prestations familiales et par la volonté de permettre au personnel de l'administration fédérale de se porter candidat pour le premier mandat de directeur général de FAMIWAL, dans un objectif de continuité du service public.

Trois ans après l'entrée en vigueur du décret du 8 février 2018 et après plusieurs déclarations de vacance de ce poste, le législateur décrétal a pu estimer qu'il ne se justifiait plus de déroger, pour ce premier mandat, aux règles générales de sélection prévues par le Code de la fonction publique wallonne pour les mandataires publics et qu'il convenait dès lors d'abroger le régime transitoire dérogatoire prévu par l'article 135 du décret du 8 février 2018.

B.12.3. Comme il est dit en B.2.1, l'article 135 du décret du 8 février 2018, avant son abrogation, se limitait à organiser un régime dérogatoire de sélection des candidats pour la première désignation du directeur général de FAMIWAL, sans conférer aucun droit à être désigné sur la base de ce régime dérogatoire de sélection et sans déroger, pour le surplus, au Code de la fonction publique wallonne. En abrogeant ce régime dérogatoire, les dispositions attaquées rétablissent ainsi, pour l'ensemble des mandataires wallons, l'application des mêmes exigences dans la procédure de sélection des candidats.

L'exercice provisoire de la fonction de directeur général de FAMIWAL ne confère par ailleurs aucun titre à une désignation définitive, qui est subordonnée aux conditions fixées par le Code de la fonction publique wallonne.

B.12.4. Ni le fait que la partie requérante ait obtenu en décembre 2020 la mention « A - très apte » au cours de la procédure de sélection lancée en septembre 2020, sur la base de l'article 135 du décret du 8 février 2018, abrogé le 1er janvier 2021, ni le fait qu'elle ait été désignée comme « faisant fonction » de directeur général de FAMIWAL, ne lui confère par conséquent un droit à être désignée sur la base de cette disposition.

Les dispositions relatives à la désignation des mandataires sont par ailleurs prévues dans les articles 344 et 345 du Code de la fonction publique wallonne.

Compte tenu du caractère limité de l'effet rétroactif des dispositions attaquées, qui seul est critiqué dans le premier moyen, l'abrogation de l'article 135 du décret du 8 février 2018 ne peut dès lors pas affecter directement et défavorablement la situation de la partie requérante, puisqu'elle ne porte atteinte à aucun de ses droits et qu'elle n'affecte pas la validité de la procédure de sélection organisée fin 2020.

B.13. En outre, en tant qu'il critique la différence entre la situation de la partie requérante, qui n'est pas considérée comme un membre du pool de candidats à l'exercice de la fonction publique, visé à l'article 341/8 du Code wallon de la fonction publique, et la situation des candidats visés par cette même disposition, le second moyen, subsidiaire, dénonce une différence de traitement qui ne trouve pas sa source dans les dispositions attaquées, mais dans l'article 39 du décret du 8 février 2018, qui rend applicable à la procédure de désignation du directeur général de FAMIWAL le livre II du Code de la fonction publique wallonne, notamment son article 341/8.

En tant qu'il viserait l'article 39 du décret du 8 février 2018, le recours serait irrecevable ratione temporis. En tant qu'il viserait l'article 341/8 du Code de la fonction publique wallonne, qui est une disposition réglementaire, le recours ne relèverait pas de la compétence de la Cour. C'est au juge compétent qu'il appartient de contrôler si cette disposition est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

Enfin, l'affirmation selon laquelle les formations en vue d'acquérir le certificat de management public ne seraient pas organisées avant un certain temps porte sur l'application de l'article 341/8 précité.

Cette critique ne relève pas de la compétence de la Cour, qui ne peut examiner que la compatibilité des dispositions de nature législative avec la Constitution, et non la manière dont celles-ci sont appliquées, ni a fortiori la manière dont des dispositions réglementaires sont appliquées.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 23 juin 2022.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, P. Nihoul

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