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Arrêt
publié le 27 juin 2022

Extrait de l'arrêt n° 176/2021 du 2 décembre 2021 Numéros du rôle : 7519, 7520 et 7586 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 219 du Code des impôts sur les revenus 1992, posées par la Cour d'appel d'Anvers. La Cour composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, et des juges T. Giet, J. Moerman, M. Pâques, D. P(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 176/2021 du 2 décembre 2021 Numéros du rôle : 7519, 7520 et 7586 En cause : les questions préjudicielles relatives à l'article 219 du Code des impôts sur les revenus 1992, posées par la Cour d'appel d'Anvers.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, et des juges T. Giet, J. Moerman, M. Pâques, D. Pieters et S. de Bethune, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président L. Lavrysen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure a. Par deux arrêts du 16 février 2021, dont les expéditions sont parvenues au greffe de la Cour le 24 février 2021, la Cour d'appel d'Anvers a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 219 du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu'il a été modifié par la loi-programme du 19 décembre 2014Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 19/12/2014 pub. 29/12/2014 numac 2014021137 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer, viole-t-il les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, en ce que les associations qui sont soumises à l'impôt des sociétés et qui allouent des indemnités à des volontaires sans mentionner ces indemnités sur une fiche individuelle et sur un relevé récapitulatif sont traitées différemment selon que les bénéficiaires des indemnités n'ont pas été identifiés de manière univoque dans le délai de 2 ans et 6 mois à partir du 1er janvier de l'exercice d'imposition concerné, mais qu'ils ont été soumis à l'impôt applicable dans les délais d'imposition accordés par l'article 354 ou dans les délais d'imposition de l'article 358 du CIR 1992, de sorte que la cotisation (de 100 % ) sur les commissions secrètes, prévue par l'article 219 du CIR 1992, n'est pas appliquée à ces associations, et selon que les bénéficiaires des indemnités n'ont pas été identifiés de manière univoque dans le délai de 2 ans et 6 mois à partir du 1er janvier de l'exercice d'imposition concerné, mais que l'administration a eu la possibilité, après identification, de soumettre quand même les bénéficiaires à l'impôt applicable dans les délais d'imposition accordés par l'article 354 ou dans les délais d'imposition de l'article 358 du CIR 1992, sans que ces bénéficiaires aient pour autant été effectivement imposés, en conséquence de quoi la cotisation (de 100 % ) sur les commissions secrètes, prévue par l'article 219 du CIR 1992, est néanmoins appliquée à ces associations ? ».b. Par un arrêt du 18 mai 2021, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 27 mai 2021, la Cour d'appel d'Anvers a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 219 du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu'il a été modifié par la loi-programme du 19 décembre 2014Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 19/12/2014 pub. 29/12/2014 numac 2014021137 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer, viole-t-il les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, en ce que les sociétés soumises à l'impôt des sociétés qui allouent des indemnités sans les mentionner sur une fiche individuelle et sur un relevé récapitulatif sont traitées différemment selon que les bénéficiaires des indemnités n'ont pas été identifiés de manière univoque dans le délai de 2 ans et 6 mois à partir du 1er janvier de l'exercice d'imposition concerné, mais qu'ils ont été soumis à l'impôt applicable dans les délais d'imposition accordés par l'article 354 ou dans les délais d'imposition de l'article 358 du CIR 1992, de sorte que la cotisation (de 100 % ) sur les commissions secrètes, prévue par l'article 219 du CIR 1992, n'est pas appliquée à ces sociétés, et selon que les bénéficiaires des indemnités n'ont pas été identifiés de manière univoque dans le délai de 2 ans et 6 mois à partir du 1er janvier de l'exercice d'imposition concerné, mais que l'administration a eu la possibilité, après identification, de soumettre quand même les bénéficiaires à l'impôt applicable dans les délais d'imposition accordés par l'article 354 ou dans les délais d'imposition de l'article 358 du CIR 1992, sans que ces bénéficiaires aient pour autant été effectivement imposés, en conséquence de quoi la cotisation (de 100 % ) sur les commissions secrètes, prévue par l'article 219 du CIR 1992, est néanmoins appliquée à ces sociétés ? ». Ces affaires, inscrites sous les numéros 7519, 7520 et 7586 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) III. En droit (...) Quant à l'exception soulevée par la SRL « Poons Maritime Consultancy » B.1.1. La SRL « Poons Maritime Consultancy », partie appelante devant la juridiction a quo dans l'affaire n° 7586, demande à la Cour d'écarter des débats le mémoire du Conseil des ministres dans cette affaire, pour cause de violation des droits de la défense.

B.1.2. Dans son mémoire dans l'affaire n° 7586, le Conseil des ministres renvoie, en ce qui concerne l'« analyse de la norme contrôlée : historique, objectif du législateur et traitement des précédentes questions préjudicielles [soumises à la Cour] », à son mémoire dans les affaires jointes nos 7519 et 7520.

Les droits de la défense seraient violés si le Conseil des ministres renvoyait simplement aux points de vue qu'il a développés dans une autre affaire impliquant d'autres parties. Cependant, l'argumentation au fond du Conseil des ministres, en ce qui concerne l'« analyse constitutionnelle relative à la présente question préjudicielle », figure effectivement dans son mémoire dans l'affaire n° 7586. Dès lors que la SRL « Poons Maritime Consultancy » en a pris connaissance, les droits de la défense de cette partie et le principe du caractère contradictoire des débats ne sont pas violés. C'est aussi ce qui ressort de la défense utile qu'elle a pu présenter dans son mémoire en réponse.

B.1.3. Le mémoire du Conseil des ministres dans l'affaire n° 7586 ne doit pas être écarté des débats, sauf dans la mesure où il renvoie simplement à des pièces déposées dans les affaires jointes nos 7519 et 7520.

Quant au fond B.2. Les questions préjudicielles portent sur la cotisation distincte à l'impôt des sociétés inscrite à l'article 219 du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après : le CIR 1992), tel qu'il a été remplacé par l'article 30 de la loi-programme du 19 décembre 2014Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 19/12/2014 pub. 29/12/2014 numac 2014021137 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer.

L'article 219 du CIR 1992, dans cette version, dispose : « Une cotisation distincte est établie à raison des dépenses visées à l'article 57 et des avantages de toute nature visés aux articles 31, alinéa 2, 2°, et 32, alinéa 2, 2°, qui ne sont pas justifiés par la production de fiches individuelles et d'un relevé récapitulatif ainsi qu'à raison des bénéfices dissimulés qui ne se retrouvent pas parmi les éléments du patrimoine de la société, et des avantages financiers ou de toute nature visés à l'article 53, 24°.

Cette cotisation est égale à 100 p.c. de ces dépenses, avantages de toute nature, avantages financiers et bénéfices dissimulés, sauf lorsqu'on peut démontrer que le bénéficiaire de ces dépenses, avantages de toute nature et avantages financiers est une personne morale ou que les bénéfices dissimulés sont réintégrés dans la comptabilité, comme prévu à l'alinéa 4, auxquels cas le taux est fixé à 50 p.c.

Ne sont pas considérées comme des bénéfices dissimulés, les réserves visées à l'article 24, alinéa 1er, 2° à 4°.

Les bénéfices dissimulés peuvent être réintégrés dans la comptabilité d'un exercice comptable postérieur à l'exercice comptable au cours duquel le bénéfice est réalisé, même si les délais d'imposition visés à l'article 354, alinéa 1er, sont expirés, pour autant que le contribuable n'ait pas encore été informé par écrit d'actes d'administration ou d'instruction spécifiques en cours.

De plus, les bénéfices dissimulés précités ne sont soumis à cette cotisation distincte que dans le cas où ils ne sont pas le résultat d'un rejet de frais professionnels.

Cette cotisation n'est pas applicable si le contribuable démontre que le montant des dépenses, visées à l'article 57, ou des avantages de toute nature visés aux articles 31, alinéa 2, 2°, et 32, alinéa 2, 2°, est compris dans une déclaration introduite par le bénéficiaire conformément à l'article 305 ou dans une déclaration analogue introduite à l'étranger par le bénéficiaire.

Lorsque le montant des dépenses visées à l'article 57 ou des avantages de toute nature visés aux articles 31, alinéa 2, 2°, et 32, alinéa 2, 2°, n'est pas compris dans une déclaration introduite conformément à l'article 305 ou dans une déclaration analogue introduite à l'étranger par le bénéficiaire, la cotisation distincte n'est pas applicable dans le chef du contribuable si le bénéficiaire a été identifié de manière univoque au plus tard dans un délai de 2 ans et 6 mois à partir du 1er janvier de l'exercice d'imposition concerné ».

B.3. Il ressort des questions préjudicielles et des motifs des décisions de renvoi que les questions préjudicielles portent essentiellement sur le délai de deux ans et six mois fixé à l'article 219, alinéa 7, du CIR 1992.

La Cour limite dès lors son examen à cette disposition.

B.4.1. Par son arrêt n° 125/2019 du 26 septembre 2019, la Cour a jugé, en ce qui concerne cette disposition : « B.6. [...] Si l'administration fiscale constate un avantage de toute nature non déclaré, en identifie le bénéficiaire de manière univoque et soumet celui-ci à l'impôt applicable dans les délais d'imposition légaux précités ou a encore eu la possibilité de le faire, il n'est pas raisonnablement justifié, eu égard aux objectifs mentionnés en B.5.4, que la personne qui octroie l'avantage soit soumise à une cotisation distincte. L'inverse conduirait à ce que tant celui qui octroie que celui qui bénéficie de l'avantage puissent être soumis aux impositions appropriées, ce qui va au-delà de la simple compensation, poursuivie par le législateur, d'une perte de recettes fiscales.

En limitant la non-application de la cotisation distincte en cause aux cas dans lesquels le bénéficiaire de l'avantage de toute nature a simplement été identifié de manière univoque dans les 2 ans et 6 mois, et en ne prévoyant pas la non-application pour les cas dans lesquels le bénéficiaire de l'avantage de toute nature non déclaré est identifié au-delà du délai de 2 ans et 6 mois, mais a néanmoins été soumis au régime d'imposition applicable dans un des délais d'imposition légaux, le législateur a dès lors établi un délai qui, à la lumière des objectifs poursuivis, n'est pas raisonnablement justifié.

En ce que la non-application de la cotisation distincte est limitée aux cas dans lesquels le bénéficiaire de l'avantage de toute nature a simplement été identifié de manière univoque dans les 2 ans et 6 mois et ne vaut pas pour les cas dans lesquels le bénéficiaire a été identifié de manière univoque au-delà de ce délai, mais a été effectivement imposé dans les délais d'imposition légaux, l'article 219, alinéa 7, du CIR 1992 n'est pas compatible avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution.

B.7. La question préjudicielle appelle une réponse affirmative.

Partant, la cotisation distincte sur les commissions secrètes ne peut trouver à s'appliquer lorsque le bénéficiaire de l'avantage de toute nature a été effectivement imposé dans les délais d'imposition légaux ».

B.4.2. A la suite de cet arrêt, le législateur a modifié la disposition en cause, qui est entre-temps devenue l'alinéa 6 de l'article 219 du CIR 1992 en raison de l'abrogation de l'alinéa 4 par la loi du 25 décembre 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 25/12/2017 pub. 29/12/2017 numac 2017014414 source service public federal finances Loi portant réforme de l'impôt des sociétés type loi prom. 25/12/2017 pub. 29/12/2017 numac 2017014381 source service public federal finances Loi portant des dispositions fiscales diverses IV type loi prom. 25/12/2017 pub. 29/12/2017 numac 2017014380 source service public federal finances Loi portant des dispositions fiscales diverses III fermer « portant réforme de l'impôt des sociétés », par la loi du 27 juin 2021 « portant des dispositions fiscales diverses et modifiant la loi du 18 septembre 2017 relative à la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme et à la limitation de l'utilisation des espèces ».

Actuellement, cette disposition énonce que la cotisation distincte n'est pas applicable non plus « si le montant [des dépenses ou avantages de toute nature non déclarés] est compris dans une imposition établie avec l'accord du bénéficiaire résident dans son chef dans les délais visés aux articles 354, alinéas 1er et 2, et 358 ».

Ces modifications n'ont pas d'incidence sur l'examen des questions préjudicielles.

B.5. La juridiction a quo demande à la Cour si l'article 219, alinéa 7, en cause, du CIR 1992, tel qu'il a été remplacé par l'article 30 de la loi-programme du 19 décembre 2014Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 19/12/2014 pub. 29/12/2014 numac 2014021137 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer, est compatible avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, en ce que les personnes morales qui sont assujetties à l'impôt des sociétés et qui allouent des indemnités sans mentionner celles-ci sur une fiche individuelle et sur un relevé récapitulatif sont traitées différemment, sur le plan fiscal, selon que les bénéficiaires de ces indemnités qui n'ont pas été identifiés de manière univoque dans le délai de deux ans et six mois à compter du 1er janvier de l'exercice d'imposition concerné ont été effectivement imposés dans les délais d'imposition légaux ou n'ont pas été effectivement imposés dans les délais légaux d'imposition, bien que l'administration fiscale ait eu la possibilité de les soumettre à l'impôt, après identification. Dans le premier cas, la société n'est, en vertu de l'arrêt n° 125/2019, précité, du 26 septembre 2019, pas soumise à la cotisation distincte à l'impôt de sociétés, alors que, dans le second, la société est effectivement soumise à cette cotisation.

B.6. Par l'arrêt n° 125/2019 précité, la Cour devait se prononcer sur la situation d'un bénéficiaire d'un avantage identifié de manière univoque a-delà du délai de deux ans et six mois, mais effectivement imposé dans les délais d'imposition légaux. La Cour, par cet arrêt, ne s'est pas prononcée sur la situation dans laquelle le bénéficiaire de l'avantage de toute nature a été identifié de manière univoque au-delà du délai de deux ans et six mois et n'a pas été effectivement imposé dans les délais d'imposition légaux, bien qu'il aurait encore pu l'être.

B.7.1. Le système de taxation des commissions secrètes est le résultat de plusieurs modifications législatives successives. Les travaux préparatoires de ces différentes adaptations démontrent que le législateur entendait lutter contre certaines formes d'abus. Il a dès lors instauré une « corrélation entre, d'une part, la déductibilité des montants dans le chef de celui qui les paie et, d'autre part, l' ' imposabilité ' de ces montants au nom des bénéficiaires » (Doc. parl., Chambre, 1972-1973, n° 521/7, pp. 38-39).

C'est pourquoi, par la loi du 25 juin 1973 « modifiant le Code des impôts sur les revenus, en ce qui concerne, notamment, la taxation des plus-values, l'assiette et le calcul de l'impôt des sociétés et de l'impôt des non-résidents, ainsi que la répression de certaines formes de fraude et d'évasion fiscales », il a établi la cotisation distincte « compensant la perte de l'impôt qui ne peut être perçu dans le chef des bénéficiaires » (ibid., p. 39).

B.7.2. A l'origine, la disposition en cause s'appliquait uniquement aux dépenses visées à l'article 57 du CIR 1992, c'est-à-dire aux commissions, courtages, honoraires et avantages de toute nature qui sont payés aux bénéficiaires pour qui ces sommes constituent des revenus professionnels, ou encore aux rémunérations et pensions payées aux membres ou anciens membres du personnel, ainsi qu'aux administrateurs et gérants. Lorsqu'une société ne justifie pas dans le délai imparti les sommes visées dans cette disposition par la production des fiches individuelles et du relevé récapitulatif visés par la loi, qui révèlent l'identité du bénéficiaire, elle est redevable d'une cotisation distincte à l'impôt des sociétés. Ces dépenses non justifiées comprennent les « commissions secrètes ».

La cotisation distincte sur les commissions secrètes prévue à l'impôt des sociétés tend donc à contraindre les contribuables à respecter leur obligation de fournir à l'administration fiscale, dans la forme et dans le délai prévus par la loi, les informations qui lui permettent de procéder à l'imposition des bénéficiaires.

B.7.3. Depuis la modification législative du 30 mars 1994, il s'avère qu'outre cet objectif légitime, le législateur avait également l'intention de dissuader la fraude en fixant le taux de la cotisation distincte à 300 % et en visant entre autres à sanctionner le contribuable qui ne respecte pas ses obligations, afin d'éviter la récidive des infractions (Doc. parl., Chambre, 1993-1994, n° 1290/6, pp. 45-46 et p. 86).

B.7.4. Par la loi-programme du 19 décembre 2014Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 19/12/2014 pub. 29/12/2014 numac 2014021137 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer, le législateur a voulu conférer à la cotisation distincte sur les commissions secrètes un caractère purement indemnitaire et non plus un caractère punitif (Doc. parl., Chambre, 2014-2015, DOC 54-0672/001, p. 10). La cotisation distincte a dorénavant pour seul objectif de compenser la perte d'impôts sur les revenus.

Conformément à cet objectif, le législateur a ramené le taux de la cotisation distincte sur les commissions secrètes de 300 à 100 % (avec, dans certains cas, une réduction supplémentaire allant jusqu'à 50 % ), à majorer de la contribution complémentaire de crise prévue à l'article 463bis, § 1er, 1°, du CIR 1992. Il a également adapté les cas de non-application de cette cotisation prévus par la loi du 27 novembre 2002Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/11/2002 pub. 10/12/2002 numac 2002003512 source ministere des finances Loi modifiant l'article 219 du Code des impôts sur les revenus 1992 fermer.

La cotisation n'est donc pas applicable si le contribuable concerné démontre que le montant des dépenses ou des avantages de toute nature est compris dans la déclaration à l'impôt sur les revenus introduite par le bénéficiaire dans le délai imparti (article 219, alinéa 6, du CIR 1992). En l'absence d'une telle déclaration, lorsque les dépenses ou les avantages de toute nature n'ont pas été déclarés par le bénéficiaire dans le délai fixé, la cotisation n'est pas applicable désormais « si le bénéficiaire a été identifié de manière univoque au plus tard dans le délai de 2 ans et 6 mois à partir du 1er janvier de l'exercice d'imposition concerné » (article 219, alinéa 7, du CIR 1992).

B.7.5. Il ressort d'une réponse du ministre des Finances que ce délai de deux ans et six mois visait à donner à l'administration fiscale une période d'au moins six mois pour établir, en application de l'article 354, alinéa 1er, du CIR 1992, une cotisation complémentaire dans le chef du bénéficiaire de l'avantage non déclaré (Q.R., Chambre, 2015-2016, QRVA 54-072, p. 250).

En vertu de l'article 354, alinéa 1er, du CIR 1992, le bénéficiaire identifié de manière univoque d'un avantage de toute nature qui n'est mentionné ni sur une fiche ni dans la déclaration peut, dans un délai de trois ans, être soumis à l'impôt applicable afin de pourvoir aux moyens visés par le Trésor. Ce délai est porté à sept ans en cas d'infraction aux dispositions du CIR 1992 ou des arrêtés pris pour son exécution, commise dans une intention frauduleuse ou à dessein de nuire (article 354, alinéa 2, du CIR 1992). Dans les cas mentionnés à l'article 358 du CIR 1992, l'impôt peut par ailleurs être établi après l'expiration des délais prévus à l'article 354.

B.8.1. Il appartient au législateur d'établir la base de l'impôt. Il dispose en la matière d'une large marge d'appréciation. En effet, les mesures fiscales constituent un élément essentiel de la politique socioéconomique. Elles assurent non seulement une part substantielle des recettes qui doivent permettre la réalisation de cette politique, mais elles permettent également au législateur d'orienter certains comportements et d'adopter des mesures correctrices afin de donner corps à la politique sociale et économique.

Les choix sociaux qui doivent être réalisés lors de la collecte et de l'affectation des ressources relèvent par conséquent du pouvoir d'appréciation du législateur. La Cour ne peut sanctionner un tel choix politique et les motifs qui le fondent que s'ils reposent sur une erreur manifeste ou s'ils sont manifestement déraisonnables.

B.8.2. Eu égard à l'objectif poursuivi par le législateur, qui est, comme il est dit en B.7.4, de compenser la perte pour le Trésor liée à l'existence de commissions secrètes constitutives d'une fraude fiscale, il n'est pas sans justification raisonnable que la non-application de la cotisation en cause soit limitée aux cas dans lesquels le bénéficiaire de l'avantage de toute nature a été identifié de manière univoque dans le délai de deux ans et six mois et, conformément à l'arrêt de la Cour n° 125/2019 du 26 septembre 2019 mentionné en B.4.1, aux cas dans lesquels le bénéficiaire de l'avantage de toute nature a été identifié au-delà du délai de deux ans et six mois, mais a été soumis au régime d'imposition applicable dans un des délais d'imposition légaux.

Si la non-application de la cotisation distincte valait également pour les cas dans lesquels le bénéficiaire de l'avantage de toute nature a été identifié au-delà du délai de deux ans et six mois et n'a pas été soumis au régime d'imposition applicable dans un des délais d'imposition légaux alors qu'il aurait encore pu l'être, cela aurait pour effet que ni celui qui octroie l'avantage ni celui qui en bénéficie ne seraient soumis à l'imposition applicable, ce qui contreviendrait à l'objectif du législateur de compenser la perte d'impôts sur les revenus.

B.8.3. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 219, alinéa 7, du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu'il a été remplacé par l'article 30 de la loi-programme du 19 décembre 2014Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 19/12/2014 pub. 29/12/2014 numac 2014021137 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer, ne viole pas les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, en ce que la non-application de la cotisation distincte ne vaut pas pour les cas dans lesquels le bénéficiaire de l'avantage de toute nature a été identifié de manière univoque au-delà du délai de deux ans et six mois et n'a pas été soumis au régime d'imposition applicable dans les délais d'imposition légaux alors qu'il aurait encore pu l'être.

Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 2 décembre 2021.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, L. Lavrysen

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