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Arrêt
publié le 05 juillet 2022

Extrait de l'arrêt n° 165/2021 du 18 novembre 2021 Numéro du rôle : 7452 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 577-7, § 1er, 2°, e), de l'ancien Code civil, posée par la Cour de cassation. La Cour constitutionnelle composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges M. Pâques, Y. Kherbache, T. Detienne(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 165/2021 du 18 novembre 2021 Numéro du rôle : 7452 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 577-7, § 1er, 2°, e), de l'ancien Code civil, posée par la Cour de cassation.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges M. Pâques, Y. Kherbache, T. Detienne, D. Pieters et S. de Bethune, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président P. Nihoul, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 24 septembre 2020, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 15 octobre 2020, la Cour de cassation a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 577-7, § 1er, 2°, e), du Code civil, dans la version applicable au litige, en ce qu'il permet à l'assemblée générale de vendre, à la majorité des quatre cinquièmes des voix et non à l'unanimité, des parties communes de l'immeuble, privant de leur propriété sur ces parties communes, en dehors de toute cause d'utilité publique, les copropriétaires opposés à la vente, viole-t-il l'article 16 de la Constitution ? ». (...) III. En droit (...) B.1.1. La question préjudicielle porte sur l'article 577-7, § 1er, 2°, e), de l'ancien Code civil, tel qu'il a été inséré par la loi du 30 juin 1994Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/1994 pub. 23/04/2013 numac 2013000250 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la vie privée contre les écoutes, la prise de connaissance et l'enregistrement de communications et de télécommunications privées. - Coordination officieuse en langue allemande type loi prom. 30/06/1994 pub. 29/01/2013 numac 2013000051 source service public federal interieur Loi transposant en droit belge la directive européenne du 14 mai 1991 concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur. - Coordination officieuse en langue allemande type loi prom. 30/06/1994 pub. 14/01/2009 numac 2008001061 source service public federal interieur Loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins. - Traduction allemande de dispositions modificatives et d'exécution fermer « modifiant et complétant les dispositions du Code civil relatives à la copropriété » (ci-après : la loi du 30 juin 1994Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/1994 pub. 23/04/2013 numac 2013000250 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la vie privée contre les écoutes, la prise de connaissance et l'enregistrement de communications et de télécommunications privées. - Coordination officieuse en langue allemande type loi prom. 30/06/1994 pub. 29/01/2013 numac 2013000051 source service public federal interieur Loi transposant en droit belge la directive européenne du 14 mai 1991 concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur. - Coordination officieuse en langue allemande type loi prom. 30/06/1994 pub. 14/01/2009 numac 2008001061 source service public federal interieur Loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins. - Traduction allemande de dispositions modificatives et d'exécution fermer), tel qu'il a été modifié par la loi du 2 juin 2010Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/06/2010 pub. 28/06/2010 numac 2010009584 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil afin de moderniser le fonctionnement des copropriétés et d'accroître la transparence de leur gestion fermer « modifiant le Code civil afin de moderniser le fonctionnement des copropriétés et d'accroître la transparence de leur gestion » (ci-après : la loi du 2 juin 2010Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/06/2010 pub. 28/06/2010 numac 2010009584 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil afin de moderniser le fonctionnement des copropriétés et d'accroître la transparence de leur gestion fermer) et tel qu'il était rédigé avant sa modification par la loi du 18 juin 2018Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/06/2018 pub. 02/07/2018 numac 2018012858 source service public federal justice Loi portant dispositions diverses en matière de droit civil et des dispositions en vue de promouvoir des formes alternatives de résolution des litiges fermer « portant dispositions diverses en matière de droit civil et des dispositions en vue de promouvoir des formes alternatives de résolution des litiges ».

Tel qu'il est applicable dans l'affaire pendante devant le juge a quo, l'article 577-7 de l'ancien Code civil dispose : « § 1. L'assemblée générale décide : 1° à la majorité des trois quarts des voix : a) de toute modification aux statuts pour autant qu'elle ne concerne que la jouissance, l'usage ou l'administration des parties communes;b) de tous travaux affectant les parties communes, à l'exception de ceux qui peuvent être décidés par le syndic;c) dans toute copropriété de moins de vingt lots, à l'exclusion des caves, garages et parkings, de la création et de la composition d'un conseil de copropriété, exclusivement composé de copropriétaires, qui a pour mission de veiller à la bonne exécution par le syndic de ses missions, sans préjudice de l'article 577-8/2. A cet effet, le conseil de copropriété peut prendre connaissance et copie, après en avoir avisé le syndic, de toutes pièces ou documents se rapportant à la gestion de ce dernier ou intéressant la copropriété.

Sous réserve des compétences légales du syndic et de l'assemblée générale, le conseil de copropriété peut recevoir toute autre mission ou délégation sur décision de l'assemblée générale prise à la majorité des trois quarts des voix. Une mission ou une délégation de l'assemblée générale ne peut porter que sur des actes expressément déterminés et n'est valable que pour un an.

Le conseil de copropriété adresse aux copropriétaires un rapport semestriel circonstancié sur l'exercice de sa mission. d) du montant des marchés et des contrats à partir duquel une mise en concurrence est obligatoire, sauf les actes visés à l'article 577-8, § 4, 4°;e) moyennant une motivation spéciale, de l'exécution de travaux à certaines parties privatives qui, pour des raisons techniques ou économiques, sera assurée par l'association des copropriétaires. Cette décision ne modifie pas la répartition des coûts de l'exécution de ces travaux entre les copropriétaires. 2° à la majorité des quatre cinquième des voix : a) de toute autre modification aux statuts, en ce compris la modification de la répartition des charges de copropriété;b) de la modification de la destination de l'immeuble ou d'une partie de celui-ci;c) de la reconstruction de l'immeuble ou de la remise en état de la partie endommagée en cas de destruction partielle;d) de toute acquisition des biens immobiliers destinés à devenir communs;e) de tous actes de disposition de biens immobiliers communs;f) de la modification des statuts en fonction de l'article 577-3, alinéa 4;g) sans préjudice de l'article 577-3, alinéa 4, de la création d'associations partielles dépourvues de la personnalité juridique, celles-ci pouvant uniquement préparer les décisions relatives aux parties communes particulières indiquées dans la décision.Ces propositions de décisions doivent être ratifiées lors de l'assemblée générale suivante. § 2. En cas de destruction totale ou partielle, les indemnités représentatives de l'immeuble détruit sont affectées par priorités à la reconstruction lorsque celle-ci est décidée.

Sans préjudice des actions exercées contre le propriétaire, l'occupant ou le tiers, responsable du sinistre, les copropriétaires sont tenus, en cas de reconstruction ou de remise en état, de participer aux frais en proportion de leur quote-part dans la copropriété. § 3. Il est statué à l'unanimité des voix de tous les copropriétaires sur toute modification de la répartition des quotes-parts de copropriété, ainsi que sur toute décision de l'assemblée générale de reconstruction totale de l'immeuble.

Toutefois, lorsque l'assemblée générale, à la majorité requise par la loi, décide de travaux ou d'actes d'acquisition ou de disposition, elle peut statuer, à la même majorité, sur la modification de la répartition des quotes-parts de copropriété dans les cas où cette modification est nécessaire.

S'il est décidé de la constitution d'associations partielles à la majorité requise par la loi, la modification des quotités de la copropriété nécessaire en conséquence de cette modification peut être décidée par l'assemblée générale à la même majorité ».

B.1.2. La disposition en cause porte sur les majorités requises à l'assemblée générale de l'association des copropriétaires d'un immeuble à appartements. Les décisions de l'assemblée générale sont prises tantôt à la majorité simple, tantôt à la majorité qualifiée, et dans d'autres cas encore, à l'unanimité des voix.

Les travaux préparatoires de la loi du 30 juin 1994Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/1994 pub. 23/04/2013 numac 2013000250 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la vie privée contre les écoutes, la prise de connaissance et l'enregistrement de communications et de télécommunications privées. - Coordination officieuse en langue allemande type loi prom. 30/06/1994 pub. 29/01/2013 numac 2013000051 source service public federal interieur Loi transposant en droit belge la directive européenne du 14 mai 1991 concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur. - Coordination officieuse en langue allemande type loi prom. 30/06/1994 pub. 14/01/2009 numac 2008001061 source service public federal interieur Loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins. - Traduction allemande de dispositions modificatives et d'exécution fermer précisent à ce sujet : « La règle de l'unanimité, qui régit impérativement l'indivision ordinaire, et à laquelle la loi de 1924 n'apportait pas de réelle dérogation, est depuis longtemps décriée par les auteurs et les praticiens du droit de la copropriété.

Cette règle, contenue au paragraphe 6 de l'article 577-2, est, en ce qui concerne la copropriété forcée, supplétive de la volonté des parties. Les règlements de copropriété se sont, dès l'origine, employés à l'écarter, de manière tout à fait générale pour les actes d'administration ordinaire, avec davantage de timidité en ce qui concerne les actes d'administration étendue.

Il est évident que la saine gestion d'un immeuble divisé et l'intérêt bien compris des propriétaires appellent des pouvoirs de décision assez large dans des domaines dépassant la simple conservation de la chose commune : il faut aussi pallier à l'insuffisance des règlements de copropriété à cet égard, voire l'absence totale de clauses totales dans nombre de ceux-ci.

L'article 577-6 dispose déjà que l'assemblée générale prend ses décisions à la majorité simple des voix des membres présents ou représentés. Ce principe ne vaut cependant que pour les actes relevant de la simple conservation de la chose commune.

L'article 577-7 énumère ensuite les actes qui exigent une majorité qualifiée : il s'agit des actes d'administration large, et même des actes de disposition.

Il était logique d'imposer, en cette matière, un système de majorités renforcées, tout en laissant à la convention le soin de soumettre des décisions s'y rapportant à des conditions plus strictes encore.

Les actes visés peuvent, en effet, porter atteinte dans une certaine mesure au droit de propriété même des copropriétaires ou à tout le moins entraîner des dépenses importantes dont l'utilité peut être diversement appréciée par ceux-ci.

Il fallait notamment prévoir les modalités de révision des statuts.

Le projet distingue, en continuant de s'inspirer quelque peu des règles prévues par les lois coordonnées sur les sociétés commerciales, les modifications n'affectant pas les éléments essentiels de ceux-ci et qui requièrent une majorité des 3/4 des voix (ainsi, par exemple, l'augmentation du nombre de membres du conseil de gérance s'il est prévu dans les statuts) et celles affectant plus gravement la conservation, exigeant les 4/5es des suffrages. Il réserve cependant, de manière impérative, à l'assentiment unanime de tous les copropriétaires, une modification des statuts touchant à la répartition des quotes-parts de copropriété » (Doc. parl., Chambre, 1990-1991, n° 1756/1, pp. 19-20).

B.1.3. Aux termes de l'article 577-7, § 1er, 2°, e), de l'ancien Code civil, l'assemblée générale décide à la majorité des quatre cinquièmes des voix « de tous les actes de disposition de biens immobiliers communs ». Au sujet de cette majorité, les travaux préparatoires de la loi du 30 juin 1994Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/1994 pub. 23/04/2013 numac 2013000250 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la vie privée contre les écoutes, la prise de connaissance et l'enregistrement de communications et de télécommunications privées. - Coordination officieuse en langue allemande type loi prom. 30/06/1994 pub. 29/01/2013 numac 2013000051 source service public federal interieur Loi transposant en droit belge la directive européenne du 14 mai 1991 concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur. - Coordination officieuse en langue allemande type loi prom. 30/06/1994 pub. 14/01/2009 numac 2008001061 source service public federal interieur Loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins. - Traduction allemande de dispositions modificatives et d'exécution fermer précisent : « Il est apparu par ailleurs nécessaire de rendre possible l'accomplissement d'opérations entrant dans la catégorie des actes de disposition tels que la vente d'une fraction du domaine commun (exemple : vente d'une partie du terrain ne présentant pas ou plus d'utilité pour la copropriété, cession d'une partie commune, une conciergerie par exemple, à titre de lot privatif), la transformation ou la démolition d'une partie de celui-ci, la surélévation de l'immeuble (ou la cession à un tiers du droit de surélever l'immeuble) ou l'acquisition de biens destinés à devenir communs (ex. une cour, un jardin) la modification de la destination de l'immeuble (exemple : immeuble d'habitation situé dans un quartier résidentiel se transformant en zone commerciale ou de bureau). Pour ces décisions, qui revêtent évidemment un caractère nettement plus exceptionnel et important, le projet prévoit qu'elles ne pourront être prises qu'à une majorité d'au moins 4/5èmes des voix.

On ne peut passer sous silence la critique formulée par le Conseil d'Etat à l'égard du pouvoir reconnu par le texte à l'assemblée générale de décider à une majorité qualifiée de l'acquisition et de l'aliénation de biens communs immobiliers, et de lier ainsi des propriétaires quant à leurs droits immobiliers. Ceux-ci sont en effet seuls propriétaires des biens faisant partie de l'indivision, puisque la personne morale ne peut jamais être propriétaire de biens immobiliers.

Cette objection n'a pas paru fondée aux auteurs du projet qui ont maintenu la règle des 4/5 pour les raisons suivantes : 1. La règle de l'unanimité, reconnue mais de manière supplétive par le législateur de 1924, est décriée par la pratique qui y déroge d'ailleurs souvent car elle aboutit dans bien des cas à un blocage de la gestion des indivisions. Cette règle n'est maintenue dans le projet, de façon impérative, que pour la décision portant sur une modification de la répartition des quotes-parts de copropriété, où il paraît essentiel de la maintenir : la modification des quotes-parts de propriété entraîne en effet une modification du nombre de voix appartenant à chaque propriétaire, c'est-à-dire un véritable changement des règles du jeu.

Il n'en va pas de même pour l'acquisition ou la disposition de biens communs, où l'efficacité recherchée ne se heurte pas à l'exigence d'une aussi grande protection des intérêts individuels. 2. La règle instaurée n'est impérative que dans un sens : le règlement de copropriété peut exiger des conditions plus strictes, voire l'unanimité. 3. Il ne faut pas perdre de vue que le droit de recours prévu à l'article 577-9, § 2, qui autorise tout copropriétaire qui se verrait imposer contre son gré par le jeu de la majorité qualifiée une décision irrégulière, frauduleuse ou abusive, à en demander au juge de paix l'annulation ou la réformation » (ibid., pp. 21-22).

B.1.4. Initialement, l'article 577-7, § 1er, de l'ancien Code civil permettait de prévoir, dans le règlement de copropriété, une majorité plus renforcée que celle des quatre cinquièmes, voire l'unanimité, en ce qui concernait notamment les actes de disposition sur les parties communes de l'immeuble. Par la loi du 2 juin 2010Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/06/2010 pub. 28/06/2010 numac 2010009584 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil afin de moderniser le fonctionnement des copropriétés et d'accroître la transparence de leur gestion fermer, le législateur a supprimé cette faculté. Les travaux préparatoires de cette loi précisent à ce sujet : « Si le règlement de copropriété prévoit que la prise de certaines décisions nécessite une majorité plus ample ou l'unanimité, une petite minorité de copropriétaires aura la possibilité de s'opposer à toute modification concernant l'immeuble.

Un grand nombre d'actes de base antérieurs à la loi de 1994 prévoyaient l'unanimité pour certaines décisions. Il vaudrait mieux supprimer cette possibilité si l'on veut aboutir à un règlement uniforme du fonctionnement des assemblées générales » (Doc. parl., Sénat, 2009-2010, n° 4-1409/6, p. 7).

Cette modification « s'inscrit également dans la lignée du caractère impératif » de la loi du 2 juin 2010Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/06/2010 pub. 28/06/2010 numac 2010009584 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil afin de moderniser le fonctionnement des copropriétés et d'accroître la transparence de leur gestion fermer (Doc. parl., Sénat, 2009-2010, n° 4-1409/10, p. 39).

B.2. La question préjudicielle porte sur la compatibilité de la disposition en cause avec l'article 16 de la Constitution, en ce qu'elle permet à l'assemblée générale de vendre, à la majorité des quatre cinquièmes des voix et non à l'unanimité, des parties communes de l'immeuble, privant ainsi les copropriétaires opposés à la vente de leur propriété sur ces parties communes, et ce en dehors de toute cause d'utilité publique.

L'article 16 de la Constitution dispose : « Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique, dans les cas et de la manière prévue par la loi, et moyennant une juste et préalable indemnité ».

B.3.1. L'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme ayant une portée analogue à celle de l'article 16 de la Constitution, les garanties qu'il contient forment un ensemble indissociable avec celles qui sont inscrites dans cette disposition constitutionnelle, de sorte que la Cour en tient compte lors de son contrôle de la disposition en cause.

L'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme dispose : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens.

Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux de droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaire pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement d'impôts ou d'autres contributions ou des amendes ».

B.3.2. L'article 1er du Protocole précité offre une protection non seulement contre une expropriation ou une privation de propriété (premier alinéa, seconde phrase), mais également contre toute ingérence dans le droit au respect des biens (premier alinéa, première phrase) et contre toute réglementation de l'usage des biens (second alinéa).

B.3.3. Les modalités de prise de décision entre copropriétaires concernant les actes de dispositions des parties communes de l'immeuble constituent une ingérence dans le droit au respect des biens au sens de l'article 1er du Premier Protocole additionnel et relèvent donc du champ d'application de cette disposition conventionnelle, lue en combinaison avec l'article 16 de la Constitution.

B.4. Toute ingérence dans le droit de propriété doit réaliser un juste équilibre entre les impératifs de l'intérêt général et ceux de la protection du droit au respect des biens. Il faut qu'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but poursuivi.

B.5. A la différence de l'article 577-7, § 1er, 2°, h), de l'ancien Code civil, qui constituait l'objet de l'arrêt de la Cour n° 30/2020 du 20 février 2020, la disposition en cause ne porte que sur les parties communes de l'immeuble et non sur l'ensemble du lot en copropriété, qui comprend une partie privative et une quote-part dans les parties communes. Partant, contrairement à ce que soutient la partie demanderesse devant le juge a quo, le raisonnement que la Cour a tenu dans cet arrêt ne saurait être transposé dans le cadre de la question préjudicielle présentement examinée.

B.6.1. Il ressort des travaux préparatoires cités en B.1.2 à B.1.4 que la disposition en cause, telle qu'elle a été modifiée par la loi du 2 juin 2010Documents pertinents retrouvés type loi prom. 02/06/2010 pub. 28/06/2010 numac 2010009584 source service public federal justice Loi modifiant le Code civil afin de moderniser le fonctionnement des copropriétés et d'accroître la transparence de leur gestion fermer, tend à assouplir les modalités de prise de décision au sein de l'assemblée générale des copropriétaires en vue d'éviter les situations de blocage dans la gestion de la copropriété, ce qui constitue un objectif légitime d'intérêt général.

B.6.2. Le législateur a prévu un système graduel selon lequel le seuil de majorité à atteindre est proportionnel à la gravité de l'ingérence dans les droits des copropriétaires. En ce qui concerne les actes de disposition des parties communes, il a raisonnablement pu estimer qu'une majorité des quatre cinquièmes permettait d'assurer un juste équilibre entre les intérêts de la copropriété, d'une part, et les intérêts individuels des copropriétaires, d'autre part.

Si ce système permet qu'une minorité de copropriétaires soit privée de son droit de propriété contre sa volonté, il lui garantit aussi le paiement du prix de vente de la partie des biens communs cédée.

B.6.3. Le législateur a aussi prévu une procédure de contrôle quant à l'ingérence dans le droit de propriété des copropriétaires sur les parties communes. En vertu de l'article 577-9, § 2, de l'ancien Code civil, tout copropriétaire peut demander au juge d'annuler ou de réformer une décision irrégulière, frauduleuse ou abusive prise par l'assemblée générale. Cette action doit être intentée dans un délai de quatre mois, à compter de la date à laquelle l'assemblée générale a eu lieu. Le juge de paix contrôle ainsi la décision prise par l'assemblée générale et peut, le cas échéant, déclarer nulle la décision abusive.

Par ailleurs, l'article 577-9, § 7, de l'ancien Code civil prévoit aussi que tout copropriétaire lésé peut introduire un recours devant le juge de paix dans le cas où une minorité de copropriétaires empêche abusivement l'assemblée générale de prendre une décision à la majorité requise.

Les travaux préparatoires de la loi du 30 juin 1994Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/1994 pub. 23/04/2013 numac 2013000250 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la vie privée contre les écoutes, la prise de connaissance et l'enregistrement de communications et de télécommunications privées. - Coordination officieuse en langue allemande type loi prom. 30/06/1994 pub. 29/01/2013 numac 2013000051 source service public federal interieur Loi transposant en droit belge la directive européenne du 14 mai 1991 concernant la protection juridique des programmes d'ordinateur. - Coordination officieuse en langue allemande type loi prom. 30/06/1994 pub. 14/01/2009 numac 2008001061 source service public federal interieur Loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins. - Traduction allemande de dispositions modificatives et d'exécution fermer précisent à ce sujet : « Ces recours sont nécessaires dans l'optique du projet de loi qui est notamment d'organiser, sur le plan interne, les rapports entre les différents copropriétaires en ce qui concerne la gestion de leur [copropriété] indivise. De ce point de vue, il apparaît absolument indispensable de prévoir un certain nombre de ' soupapes ' qui permettent d'éviter la paralysie du mécanisme de prise de décision lorsque celui-ci est ' grippé ' par un blocage interne que les organes de l'association sont impuissants à dépasser seuls » (Doc. parl., Chambre, 1990-1991, n° 1756/1, p. 28).

B.6.4. En établissant ces garanties, le législateur a ménagé un juste équilibre entre les droits de chacun.

B.7. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 577-7, § 1er, 2°, e), de l'ancien Code civil, tel qu'il était rédigé avant sa modification par la loi du 18 juin 2018Documents pertinents retrouvés type loi prom. 18/06/2018 pub. 02/07/2018 numac 2018012858 source service public federal justice Loi portant dispositions diverses en matière de droit civil et des dispositions en vue de promouvoir des formes alternatives de résolution des litiges fermer « portant dispositions diverses en matière de droit civil et des dispositions en vue de promouvoir des formes alternatives de résolution des litiges », ne viole pas l'article 16 de la Constitution, lu ou non en combinaison avec l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 18 novembre 2021.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, P. Nihoul

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