publié le 15 février 2022
Extrait de l'arrêt n° 93/2021 du 17 juin 2021 Numéro du rôle : 7447 En cause : la question préjudicielle concernant les articles 10 et 11ter, § 1 er , alinéa 5, de la loi du 3 juillet 1978 « relative aux contrats de travail », p La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et F. Daoût, et des juges T. Merc(...)
Extrait de l'arrêt n° 93/2021 du 17 juin 2021 Numéro du rôle : 7447 En cause : la question préjudicielle concernant les articles 10 et 11ter, § 1er, alinéa 5, de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer « relative aux contrats de travail », posée par la Cour du travail de Gand, division Bruges.
La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et F. Daoût, et des juges T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache et T. Detienne, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président L. Lavrysen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 28 septembre 2020, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 6 octobre 2020, la Cour du travail de Gand, division Bruges, a posé la question préjudicielle suivante : « Les articles 10 et 11ter, § 1er, alinéa 5, de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer relative aux contrats de travail violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que les interdictions, contenues dans ces articles, de conclure des contrats de travail à durée déterminée successifs (article 10 de la loi relative aux contrats de travail) et de conclure des contrats de remplacement successifs (article 11ter, § 1er, alinéa 5, de la loi relative aux contrats de travail) ne peuvent être appliquées lorsqu'il y a une succession de contrats de travail à durée déterminée et de contrats de remplacement ? Un travailleur qui est occupé sur la base d'une succession de contrats de travail à durée déterminée et de contrats de remplacement, dont la durée des contrats de travail à durée déterminée successifs ne dépasse pas deux ans et la durée des contrats de remplacement successifs ne dépasse pas davantage deux ans, mais dont la durée totale des contrats de travail à durée déterminée successifs et des contrats de remplacement dépasse deux ans, mais qui, dans l'interprétation stricte des articles 10 et 11ter, § 1er, alinéa 5, de la loi relative aux contrats de travail, ne sera donc pas considéré comme étant occupé dans les liens d'un contrat de travail à durée indéterminée, est-il, en violation des articles 10 et 11 de la Constitution belge, discriminé par comparaison avec : - soit un travailleur occupé uniquement dans les liens de contrats de travail à durée déterminée successifs dont la durée totale dépasse deux ans et qui sera donc considéré, sur la base de l'article 10 de la loi relative aux contrats de travail, comme étant occupé dans les liens d'un contrat de travail à durée indéterminée; - soit un travailleur occupé uniquement dans les liens de contrats de remplacement successifs dont la durée totale dépasse deux ans et qui sera donc considéré, sur la base de l'article 11ter, § 1er, alinéa 5, de la loi relative aux contrats de travail, comme étant occupé dans les liens d'un contrat de travail à durée indéterminée ? ». (...) III. En droit (...) B.1. La question préjudicielle concerne les articles 10 et 11ter, § 1er, alinéa 5, de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer « relative aux contrats de travail » (ci-après : la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer), lesquels portent respectivement sur les contrats de travail successifs à durée déterminée et sur les contrats de remplacement successifs.
B.2.1. En ce qui concerne les contrats de travail successifs à durée déterminée, les articles 10 et 10bis de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer disposent : «
Art. 10.Lorsque les parties ont conclu plusieurs contrats de travail successifs pour une durée déterminée sans qu'il y ait entre eux une interruption attribuable au travailleur, elles sont censées avoir conclu un contrat pour une durée indéterminée, sauf si l'employeur prouve que ces contrats étaient justifiés par la nature du travail ou par d'autres raisons légitimes.
Le Roi peut déterminer les cas dans lesquels l'employeur ne peut apporter cette preuve.
Les dispositions du présent article sont également applicables aux contrats conclus pour un travail nettement défini.
Art. 10bis.§ 1er. Par dérogation à l'article 10, des contrats successifs peuvent être conclus pour une durée déterminée, dans les conditions prévues aux § 2 et § 3 du présent article. § 2. Il peut être conclu au maximum quatre contrats pour une durée déterminée qui ne peut, chaque fois, être inférieure à trois mois sans que la durée totale de ces contrats successifs ne puisse dépasser deux ans. § 3. Moyennant l'autorisation préalable du fonctionnaire désigné par le Roi, il peut être conclu des contrats pour une durée déterminée qui ne peut, chaque fois, être inférieure à six mois sans que la durée totale de ces contrats successifs ne puisse dépasser trois ans.
Le Roi fixe la procédure à suivre pour obtenir l'autorisation du fonctionnaire visé à l'alinéa 1er ».
B.2.2. En ce qui concerne les contrats de remplacement successifs, l'article 11ter, § 1er, de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer dispose : « Celui qui remplace un travailleur dont l'exécution du contrat est suspendue pour un motif autre que le manque de travail résultant de causes économiques, d'intempéries, de grève ou de lock-out, peut être engagé dans des conditions qui dérogent aux règles prévues par la présente loi en ce qui concerne la durée du contrat et le délai de préavis.
Le motif, l'identité du ou des travailleur(s) remplacé(s) et les conditions de cet engagement doivent être constatés par écrit pour chaque travailleur individuellement, au plus tard au moment de l'entrée en service de celui-ci.
La durée du contrat de remplacement conclu en application des dispositions du présent article ne peut dépasser deux ans.
Lorsque les parties ont conclu plusieurs contrats de travail de remplacement successifs, sans qu'il y ait entre eux une interruption attribuable au travailleur, la durée totale de ces contrats successifs ne peut dépasser deux ans.
A défaut d'écrit ou en cas de dépassement de la période de deux ans prévue aux alinéas 3 et 4, le contrat est soumis aux mêmes conditions que les contrats conclus pour une durée indéterminée ».
B.3. Le juge a quo demande à la Cour si les articles 10 et 11ter, § 1er, alinéa 5, de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer violent les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que les « interdictions » prévues dans ces dispositions de conclure, dans le premier cas, des contrats de travail successifs à durée déterminée et, dans le second cas, des contrats de remplacement successifs ne peuvent être appliquées lorsqu'il y a une succession de contrats de travail à durée déterminée et de contrats de remplacement.
Plus précisément, le juge a quo demande à la Cour si les dispositions attaquées entraînent une discrimination entre, d'une part, un travailleur qui est occupé uniquement dans les liens de contrats de travail successifs à durée déterminée ou uniquement dans les liens de contrats de remplacement successifs dont la durée totale dépasse deux ans et, d'autre part, un travailleur qui est occupé dans les liens tant de contrats de travail successifs à durée déterminée pendant une durée totale inférieure à deux ans que de contrats de remplacement successifs pendant une durée totale inférieure à deux ans, mais dont la durée totale de la succession de ces contrats de travail à durée déterminée et contrats de remplacement dépasse deux ans. Alors qu'en vertu des dispositions en cause, les travailleurs de la première catégorie seraient considérés comme étant occupés dans les liens d'un contrat de travail à durée indéterminée, tel ne serait pas le cas pour les travailleurs appartenant à la seconde catégorie.
B.4. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.
L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
B.5.1. Le Conseil des ministres conteste la comparabilité des personnes engagées dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée et de celles qui sont engagées dans le cadre d'un contrat de remplacement, en ce qu'il s'agirait de deux types différents de contrats poursuivant chacun un objectif distinct.
B.5.2. Il ne faut pas confondre différence et non-comparabilité. S'il est vrai que les caractéristiques différentes d'un contrat de travail à durée déterminée et d'un contrat de remplacement peuvent constituer un critère d'appréciation du caractère raisonnable et proportionné d'une différence de traitement entre les travailleurs liés par ces contrats, elles ne sont pas suffisantes pour conclure à la non-comparabilité de ces travailleurs, sous peine de priver de toute substance le contrôle exercé au regard du principe d'égalité et de non-discrimination.
B.6.1. Un contrat de travail à durée déterminée est un contrat de travail qui suppose l'indication d'un jour déterminé ou d'un événement devant se produire à une date fixe, après lesquels les parties sont déchargées de leurs obligations réciproques, sauf tacite reconduction (Cass., 15 avril 1982, Pas., 1982, p. 930). Le contrat de travail prend dès lors automatiquement fin à l'expiration du terme (article 32, 1°, de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer).
Aux termes de l'article 10, alinéa 1er, en cause, de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer, lorsque les parties ont conclu plusieurs contrats de travail successifs pour une durée déterminée sans qu'il y ait entre eux une interruption attribuable au travailleur, elles sont censées avoir conclu un contrat pour une durée indéterminée. Ainsi, cette disposition instaure une présomption légale au profit du travailleur, qui ne peut être invoquée que par lui (Cass., 2 décembre 2002, S.02.0060.N). Cette présomption légale vise à assurer la stabilité de l'emploi et à protéger le travailleur contre le recours abusif à des contrats successifs à durée déterminée (Doc. parl., Chambre, 1968-1969, n° 270/6, p. 3). L'employeur peut réfuter cette présomption en prouvant que les contrats de travail successifs étaient justifiés par la nature du travail ou par d'autres raisons légitimes.
Par dérogation à la disposition précitée, l'article 10bis de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer prévoit des possibilités limitées de conclure des contrats successifs à durée déterminée. Ainsi, en vertu du paragraphe 2 de cette disposition, il peut être conclu au maximum quatre contrats pour une durée déterminée, à condition que cette durée ne soit jamais inférieure à trois mois et que la durée totale de ces contrats successifs ne dépasse pas deux ans. En vertu du paragraphe 3 de cette disposition, moyennant l'autorisation préalable du fonctionnaire désigné par le Roi, la durée totale maximale de ces contrats successifs peut être portée à trois ans, la durée de chaque contrat ne pouvant être inférieure à six mois. En cas de dépassement de cette durée de deux ou de trois ans, la présomption prévue à l'article 10, alinéa 1er, précitée, s'applique.
B.6.2. Un contrat de remplacement est un contrat de travail qui est conclu en vue de remplacer un travailleur dont l'exécution du contrat est suspendue pour un motif autre que le manque de travail résultant de causes économiques, d'intempéries, de grèves ou de lock-out. En vertu de l'article 11ter, alinéa 1er, de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer, les conditions d'un contrat de remplacement peuvent déroger à cette loi en ce qui concerne la durée du contrat et le délai de préavis. Lorsque le contrat ne prévoit aucune règle spécifique ou lorsque le contrat de remplacement prend fin pour une autre raison que le retour du travailleur remplacé, les règles ordinaires en matière de résiliation des contrats s'appliquent.
Un contrat de remplacement peut être conclu pour une durée indéterminée, si l'événement qui doit mettre fin au remplacement est déterminé en ce qui concerne sa nature mais pas le moment précis de sa survenance, ou pour une durée déterminée, lorsque le moment de la fin du remplacement est fixé. Dans les deux cas, la durée d'un contrat de remplacement ne peut en principe dépasser deux ans. Lorsque les parties ont conclu plusieurs contrats de remplacement successifs, sans qu'il y ait entre eux une interruption attribuable au travailleur, la durée totale de ces contrats successifs ne peut en principe pas davantage dépasser deux ans (article 11ter, § 1er, alinéas 3 et 4). En cas de dépassement de cette durée de deux ans, ce contrat est soumis aux mêmes conditions que les contrats conclus pour une durée indéterminée (article 11ter, § 1er, alinéa 5). En effet, bien que « la majorité des contrats de remplacement ne durent pas deux ans », le législateur a estimé que « dans ceux qui exceptionnellement atteignent cette durée, on ne peut pas priver le travailleur des garanties légales en matière de stabilité de l'emploi » (Doc. parl., Sénat, 1977-1978, n° 258/2, p. 140).
B.6.3. Il découle de ce qui précède que les contrats de travail à durée déterminée et les contrats de remplacement sont des contrats de travail de nature différente, qui sont soumis à des règles différentes. Ainsi, l'article 10bis de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer prévoit, en ce qui concerne les contrats de travail à durée déterminée, un nombre maximal de contrats pouvant être conclus successivement, sachant que chaque contrat doit être conclu pour une durée minimale de trois ou de six mois et que la durée totale ne peut dépasser deux ou trois ans. En cas de non-respect de ces conditions, la présomption prévue à l'article 10, selon laquelle les contrats de travail successifs sont conclus pour une durée indéterminée, s'applique; cette présomption ne peut être invoquée que par le travailleur et peut être réfutée par l'employeur aux conditions fixées à l'alinéa 1er. En ce qui concerne les contrats de remplacement, l'article 11ter, § 1er, alinéas 3 et 4, de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer prévoit seulement que tant la durée du contrat de remplacement que la durée totale des contrats de remplacement successifs ne peuvent dépasser deux ans. En cas de dépassement de cette durée, les règles relatives aux contrats à durée indéterminée s'appliquent purement et simplement.
B.7.1. Le législateur entendait, par les dispositions en cause, protéger le travailleur qui est occupé dans les liens de contrats de travail à durée déterminée ou dans les liens de contrats de remplacement contre l'abus de ces statuts par l'employeur (Doc. parl., Sénat, 1977-1978, n° 258/2, pp. 54-58 et 139-140). Toutefois, il a choisi de « remédier à cette situation, sans pour autant interdire purement et simplement les contrats de travail successifs » (Doc. parl., Chambre, 1968-1969, n° 270/6, p. 3). Ainsi, il ressort des travaux préparatoires des dispositions en cause que le législateur voulait établir un équilibre entre, d'une part, l'intérêt de l'employeur de pouvoir organiser le travail de manière flexible, en particulier lorsqu'il y a des pics temporaires ou des absences inattendues, et, d'autre part, l'intérêt du travailleur de pouvoir bénéficier de la stabilité légale de l'emploi après une période suffisamment longue chez le même employeur.
B.7.2. La différence de traitement en cause repose sur un critère objectif, à savoir le type de contrats de travail successifs entre un travailleur et un même employeur.
Si le travailleur et l'employeur concluent soit des contrats de travail successifs à durée déterminée, soit des contrats de remplacement successifs, les dispositions en cause garantissent que le travailleur peut bénéficier de la stabilité de l'emploi, en principe après deux ans.
Toutefois, cette garantie ne s'applique pas si le travailleur est occupé par le même employeur successivement dans les liens de contrats de travail à durée déterminée et dans les liens de contrats de remplacement.
B.7.3. Compte tenu de l'objectif poursuivi par les dispositions en cause mentionné en B.7.1, à savoir assurer la stabilité de l'emploi et protéger le travailleur contre le recours abusif de l'employeur à des contrats de travail successifs à durée déterminée ou à des contrats de remplacement successifs, il n'est pas raisonnablement justifié que la garantie de la stabilité de l'emploi prévue dans ces dispositions s'applique après en principe deux ans uniquement soit en cas de contrats de travail successifs à durée déterminée, soit en cas de contrats de remplacement successifs, mais pas dans le cas d'une succession de contrats de travail à durée déterminée et de contrats de remplacement.
Ainsi que le démontrent les faits de l'instance qui est soumise au juge a quo, un travailleur peut en effet être occupé chez le même employeur pendant de nombreuses années en vertu d'une succession de contrats de travail à durée déterminée et de contrats de remplacement, sans que ce travailleur bénéficie des garanties de la stabilité de l'emploi. La circonstance que le travailleur concerné dans l'affaire qui est soumise au juge a quo n'a pas réussi un concours de recrutement et ne réunit pas les conditions prévues par le statut qui lui est applicable pour être nommé à titre définitif dans un lien statutaire ne modifie pas ce constat.
B.7.4. Le seul fait que les règles générales en matière d'abus de droit soient d'application ne saurait justifier raisonnablement les dispositions en cause. En effet, il sera dans de nombreux cas impossible au travailleur de prouver que l'employeur a voulu éluder la loi. C'est précisément pour remédier à ce problème d'administration de la preuve que le législateur a introduit la présomption d'un contrat de travail à durée indéterminée dans l'article 10 de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer (Doc. parl., Chambre, 1968-1969, n° 270/6, p. 3).
B.8. Les articles 10 et 11ter, § 1er, alinéa 5, de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer, ne sont pas compatibles avec les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'ils ne s'appliquent pas lorsqu'il y a une succession de contrats de travail à durée déterminée et de contrats de remplacement.
B.9. Il appartient au législateur de déterminer les conditions et les exceptions applicables à la stabilité de l'emploi d'un travailleur qui est occupé par le même employeur pendant plus de deux ans dans les liens d'une succession de contrats de travail à durée déterminée et de contrats de remplacement. Dans l'attente d'une intervention du législateur, il appartient au juge a quo de mettre fin à l'inconstitutionnalité constatée en appliquant les règles relatives aux contrats à durée indéterminée à l'égard d'un travailleur qui se trouve dans une telle situation.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : Les articles 10 et 11ter, § 1er, alinéa 5, de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer « relative aux contrats de travail » violent les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'ils ne s'appliquent pas lorsqu'il y a une succession de contrats de travail à durée déterminée et de contrats de remplacement.
Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 17 juin 2021.
Le greffier, F. Meersschaut Le président, L. Lavrysen