publié le 01 mars 2022
Extrait de l'arrêt n° 91/2021 du 17 juin 2021 Numéro du rôle : 7418 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 6, 4°, de la loi du 19 décembre 2003 « relative au mandat d'arrêt européen », posée par la chambre des mises en accu La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et F. Daoût, et des juges T. Giet(...)
COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 91/2021 du 17 juin 2021 Numéro du rôle : 7418 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 6, 4°, de la
loi du 19 décembre 2003Documents pertinents retrouvés
type
loi
prom.
19/12/2003
pub.
22/12/2003
numac
2003009950
source
service public federal justice
Loi relative au mandat d'arrêt européen
fermer « relative au mandat d'arrêt européen », posée par la chambre des mises en accusation de la Cour d'appel de Bruxelles.
La Cour constitutionnelle, composée des présidents L. Lavrysen et F. Daoût, et des juges T. Giet, R. Leysen, M. Pâques, Y. Kherbache et T. Detienne, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président L. Lavrysen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 11 juin 2020, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 9 juillet 2020, la chambre des mises en accusation de la Cour d'appel de Bruxelles a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 6, 4°, de la loi du 19 décembre 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/2003 pub. 22/12/2003 numac 2003009950 source service public federal justice Loi relative au mandat d'arrêt européen fermer relative au mandat d'arrêt européen, lu en combinaison avec les articles 12, 6°, et 38 de la loi du 15 mai 2012Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/05/2012 pub. 08/06/2012 numac 2012009226 source service public federal justice Loi relative à l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux peines ou mesures privatives de liberté prononcées dans un Etat membre de l'Union européenne fermer et avec l'article 92 du Code pénal, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que, après cinq ans à partir de l'arrêt ou du jugement définitif par lequel un Belge ou une personne résidant en Belgique a été condamné à un emprisonnement de trois ans au maximum et pour lequel la remise aux fins de l'exécution d'une peine est demandée, la juridiction d'instruction ne peut plus refuser, aux fins de l'exécution d'une peine en Belgique, la remise de cette personne parce que cette peine est prescrite selon le droit belge, ce qui a des conséquences sur sa réinsertion sociale et ses liens familiaux et économiques, alors que, dans les mêmes circonstances, la juridiction d'instruction peut refuser, aux fins de l'exécution d'une peine en Belgique, la remise du Belge ou de la personne résidant en Belgique qui a été puni d'un emprisonnement de plus de trois ans, parce que cette peine ne se prescrit, selon le droit belge, qu'après dix ans à partir de l'arrêt ou du jugement définitif ? ». (...) III. En droit (...) B.1. La question préjudicielle concerne l'article 6, 4°, de la loi du 19 décembre 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/2003 pub. 22/12/2003 numac 2003009950 source service public federal justice Loi relative au mandat d'arrêt européen fermer « relative au mandat d'arrêt européen » (ci-après : la loi du 19 décembre 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/2003 pub. 22/12/2003 numac 2003009950 source service public federal justice Loi relative au mandat d'arrêt européen fermer), lu en combinaison avec les articles 12, 6°, et 38 de la loi du 15 mai 2012Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/05/2012 pub. 08/06/2012 numac 2012009226 source service public federal justice Loi relative à l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux peines ou mesures privatives de liberté prononcées dans un Etat membre de l'Union européenne fermer « relative à l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux peines ou mesures privatives de liberté prononcées dans un Etat membre de l'Union européenne » (ci-après : la loi du 15 mai 2012Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/05/2012 pub. 08/06/2012 numac 2012009226 source service public federal justice Loi relative à l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux peines ou mesures privatives de liberté prononcées dans un Etat membre de l'Union européenne fermer) et avec l'article 92 du Code pénal.
Quant à la disposition en cause et à son contexte B.2.1. La loi du 19 décembre 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/2003 pub. 22/12/2003 numac 2003009950 source service public federal justice Loi relative au mandat d'arrêt européen fermer transpose en droit interne la décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil de l'Union européenne du 13 juin 2002 « relative au mandat d'arrêt européen et aux procédures de remise entre Etats membres » (ci-après : la décision-cadre 2002/584/JAI).
B.2.2. La décision-cadre 2002/584/JAI a pour objet de remplacer le système d'extradition multilatéral entre Etats membres par un système de remise de personnes condamnées ou soupçonnées entre autorités judiciaires aux fins de l'exécution de jugements ou de poursuites en matière pénale, fondé sur le principe de la reconnaissance mutuelle (CJCE, grande chambre, 3 mai 2007, C-303/05, Advocaten voor de Wereld, point 28; grande chambre, 17 juillet 2008, C-66/08, Szymon Kozlowski, point 31; 1er décembre 2008, C-388/08 PPU, Leymann, point 42; CJUE, grande chambre, 26 février 2013, C-399/11, Melloni, point 36; grande chambre, 5 avril 2016, C-404/15 et C-659/15 PPU, Aranyosi et Caldararu, point 75).
L'article 1er, point 1), de la décision-cadre 2002/584/JAI définit le mandat d'arrêt européen comme étant « une décision judiciaire émise par un Etat membre en vue de l'arrestation et de la remise par un autre Etat membre d'une personne recherchée pour l'exercice de poursuites pénales ou pour l'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté privatives de liberté ».
Dans le même sens, l'article 2, § 3, de la loi du 19 décembre 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/2003 pub. 22/12/2003 numac 2003009950 source service public federal justice Loi relative au mandat d'arrêt européen fermer dispose : « Le mandat d'arrêt européen est une décision judiciaire émise par l'autorité judiciaire compétente d'un Etat membre de l'Union européenne, appelée autorité judiciaire d'émission, en vue de l'arrestation et de la remise par l'autorité judiciaire compétente d'un autre Etat membre, appelée autorité d'exécution, d'une personne recherchée pour l'exercice de poursuites pénales ou pour l'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté privative de liberté ».
B.2.3. L'article 4 de la décision-cadre 2002/584/JAI, intitulé « Motifs de non-exécution facultative du mandat d'arrêt européen », dispose : « L'autorité judiciaire d'exécution peut refuser d'exécuter le mandat d'arrêt européen : [...] 6) si le mandat d'arrêt européen a été délivré aux fins d'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté privatives de liberté, lorsque la personne recherchée demeure dans l'Etat membre d'exécution, en est ressortissante ou y réside, et que cet Etat s'engage à exécuter cette peine ou mesure de sûreté conformément à son droit interne; [...] ».
Cette disposition a été transposée par l'article 6, 4°, en cause, de la loi du 19 décembre 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/2003 pub. 22/12/2003 numac 2003009950 source service public federal justice Loi relative au mandat d'arrêt européen fermer, qui dispose : « L'exécution peut être refusée [...] : [...] 4° si le mandat d'arrêt européen a été délivré aux fins d'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté, lorsque la personne concernée est belge, demeure ou réside en Belgique et que les autorités belges compétentes s'engagent à exécuter cette peine ou mesure de sûreté conformément à la loi belge ». Dans les travaux préparatoires, cette disposition a été justifiée comme suit : « Bien que le nouvel instrument ne prévoie plus de cause générale de refus en raison de la nationalité, celle-ci continue à être prise en compte dans des cas spécifiques. En effet, dans l'hypothèse où le mandat d'arrêt européen a été délivré aux fins d'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté, l'autorité judiciaire d'exécution peut refuser l'exécution du mandat d'arrêt européen lorsque la personne recherchée est ressortissante ou résidente de l'Etat d'exécution et que cet Etat s'engage à exécuter lui-même cette peine ou mesure de sûreté conformément à son droit. La disposition est plus large que la cause de refus relative aux nationaux, puisqu'elle s'applique également aux résidents et de façon plus générale à toute personne qui ' demeure ' sur le territoire de l'Etat d'exécution. Elle est d'application plus limitée dans la mesure où elle ne pourra être utilisée que dans la mesure où le droit belge permet l'exécution de la peine ou mesure de sûreté prononcée par un autre Etat et seulement pour autant que la Belgique prenne un engagement concret à faire usage de cette possibilité » (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-0279/001, pp. 15-16).
B.3.1. La loi du 15 mai 2012Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/05/2012 pub. 08/06/2012 numac 2012009226 source service public federal justice Loi relative à l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux peines ou mesures privatives de liberté prononcées dans un Etat membre de l'Union européenne fermer transpose en droit interne la décision-cadre 2008/909/JAI du Conseil du 27 novembre 2008 « concernant l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements en matière pénale prononçant des peines ou des mesures privatives de liberté aux fins de leur exécution dans l'Union européenne » (ci-après : la décision-cadre 2008/909/JAI).
Aux termes de l'article 2, § 1er, de la loi du 15 mai 2012Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/05/2012 pub. 08/06/2012 numac 2012009226 source service public federal justice Loi relative à l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux peines ou mesures privatives de liberté prononcées dans un Etat membre de l'Union européenne fermer, cette loi régit « la reconnaissance des jugements et l'exécution de peines ou mesures privatives de liberté sur le territoire d'un Etat membre de l'Union européenne autre que celui qui a prononcé le jugement » (alinéa 1er). L'objectif de cette loi est « de faciliter la réinsertion et la réintégration sociale de la personne condamnée » (alinéa 2).
Dans le même sens, les travaux préparatoires de cette loi précisent : « Le principal objectif de [la décision-cadre 2008/909/JAI] est de simplifier et d'accélérer la reconnaissance et l'exécution d'une peine ou mesure privative de liberté prononcée dans un Etat membre de l'Union européenne vers un autre Etat membre avec lequel la personne est liée et où il apparaît probable qu'une réinsertion sociale optimale sera possible » (Doc. parl., Chambre, 2011-2012, DOC 53-1796/001, p. 7).
B.3.2. L'article 9 de la décision-cadre 2008/909/JAI, intitulé « Motifs de non-reconnaissance et de non-exécution », dispose : « 1. L'autorité compétente de l'Etat d'exécution peut refuser de reconnaître le jugement et d'exécuter la condamnation si : [...] e) l'exécution de la condamnation est prescrite en vertu du droit de l'Etat d'exécution; [...] ».
Cette disposition a été transposée par l'article 12, 6°, de la loi du 15 mai 2012Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/05/2012 pub. 08/06/2012 numac 2012009226 source service public federal justice Loi relative à l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux peines ou mesures privatives de liberté prononcées dans un Etat membre de l'Union européenne fermer, mentionné dans la question préjudicielle, qui figure dans le chapitre 3 de cette loi, intitulé « Procédure relative à la reconnaissance et à l'exécution en Belgique d'un jugement rendu dans un autre Etat membre de l'Union européenne », et qui dispose : « L'exécution est refusée dans les cas suivants : [...] 6° l'exécution de la décision est prescrite en vertu du droit belge ». L'article 38, § 1er, de la loi du 15 mai 2012Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/05/2012 pub. 08/06/2012 numac 2012009226 source service public federal justice Loi relative à l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux peines ou mesures privatives de liberté prononcées dans un Etat membre de l'Union européenne fermer, également mentionné dans la question préjudicielle, qui figure dans le chapitre 5 de cette loi, intitulé « Exécution du jugement à la suite d'un mandat d'arrêt européen », dispose : « Lorsque la chambre du conseil fait application de l'article 6, 4°, de la loi du 19 décembre 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/2003 pub. 22/12/2003 numac 2003009950 source service public federal justice Loi relative au mandat d'arrêt européen fermer relative au mandat d'arrêt européen, sa décision emporte la reconnaissance et l'exécution de la peine ou mesure privative de liberté visée dans la décision judiciaire faisant l'objet du mandat d'arrêt européen. La condamnation est ensuite exécutée conformément aux dispositions de la présente loi. Le procureur du Roi territorialement compétent exige de l'autorité d'émission du mandat d'arrêt européen le jugement, accompagné du certificat, et procède si nécessaire à l'adaptation de la peine conformément à l'article 18 ».
B.4. L'article 92 du Code pénal, qui est également mentionné dans la question préjudicielle, dispose : « Sauf pour les peines concernant les infractions définies aux articles 136bis, 136ter et 136quater, qui sont imprescriptibles, les peines correctionnelles se prescriront par cinq années révolues, à compter de la date de l'arrêt ou du jugement rendu en dernier ressort, ou à compter du jour où le jugement rendu en première instance ne pourra plus être attaqué par la voie de l'appel.
Si la peine prononcée dépasse trois années, la prescription sera de dix ans ».
Quant au fond B.5. Par la question préjudicielle, la Cour est invitée à se prononcer sur la compatibilité, avec les articles 10 et 11 de la Constitution, de l'article 6, 4°, en cause, de la loi du 19 décembre 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/2003 pub. 22/12/2003 numac 2003009950 source service public federal justice Loi relative au mandat d'arrêt européen fermer, lu en combinaison avec les articles 12, 6°, et 38 de la loi du 15 mai 2012Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/05/2012 pub. 08/06/2012 numac 2012009226 source service public federal justice Loi relative à l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux peines ou mesures privatives de liberté prononcées dans un Etat membre de l'Union européenne fermer et avec l'article 92 du Code pénal, en ce que ces dispositions ont pour effet « qu'après cinq ans à partir de l'arrêt ou du jugement définitif par lequel un Belge ou une personne résidant en Belgique a été condamné à un emprisonnement de trois ans au maximum et pour lequel la remise aux fins de l'exécution d'une peine est demandée, la juridiction d'instruction ne peut plus refuser, aux fins de l'exécution d'une peine en Belgique, la remise de cette personne parce que cette peine est prescrite selon le droit belge, ce qui a des conséquences sur sa réinsertion sociale et ses liens familiaux et économiques, alors que, dans les mêmes circonstances, la juridiction d'instruction peut refuser, aux fins de l'exécution d'une peine en Belgique, la remise du Belge ou de la personne résidant en Belgique qui a été puni d'un emprisonnement de plus de trois ans, parce que cette peine ne se prescrit, selon le droit belge, qu'après dix ans à partir de l'arrêt ou du jugement définitif ».
Par cette question préjudicielle, la Cour est donc invitée à comparer la situation de personnes qui sont de nationalité belge ou qui demeurent ou résident en Belgique et à l'égard desquelles un mandat d'arrêt européen a été délivré, selon qu'elles ont été condamnées à un emprisonnement de trois ans maximum ou à un emprisonnement de plus de trois ans : alors qu'à l'égard de la première catégorie de personnes, l'exécution du mandat d'arrêt ne peut plus être refusée au-delà de cinq ans à partir de la condamnation définitive, parce que la peine est prescrite après ce délai, en vertu de l'article 92, alinéa 1er, du Code pénal, et parce qu'elle ne peut donc plus être exécutée en Belgique, en vertu de l'article 12, 6°, de la loi du 15 mai 2012Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/05/2012 pub. 08/06/2012 numac 2012009226 source service public federal justice Loi relative à l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux peines ou mesures privatives de liberté prononcées dans un Etat membre de l'Union européenne fermer, à l'égard de la seconde catégorie de personnes, l'exécution du mandat d'arrêt peut être refusée jusqu'à dix ans après la condamnation définitive, dès lors qu'en vertu de l'article 92, alinéa 2, du Code pénal, un emprisonnement de plus de trois ans ne se prescrit qu'après dix ans à partir de la condamnation définitive et que cette peine peut donc être exécutée en Belgique jusqu'à l'expiration de ce délai.
B.6. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.
L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
B.7.1. La différence de traitement en cause dans la question préjudicielle repose sur le critère de la durée de l'emprisonnement qui a été infligé par une décision définitive de l'autorité judiciaire compétente d'un Etat membre de l'Union européenne et pour lequel l'extradition aux fins de l'exécution d'une peine est demandée.
Un tel critère est objectif. La Cour doit examiner s'il est pertinent eu égard au but poursuivi par la disposition en cause.
B.7.2. Comme il est dit en B.2.1, la loi du 19 décembre 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/2003 pub. 22/12/2003 numac 2003009950 source service public federal justice Loi relative au mandat d'arrêt européen fermer transpose en droit interne la décision-cadre 2002/584/JAI. Aux termes de l'article 1er, paragraphe 2, de cette décision-cadre, « [les Etats membres s'engagent à exécuter] tout mandat d'arrêt européen, sur la base du principe de reconnaissance mutuelle et conformément aux dispositions de la présente décision-cadre ». Quant à l'intérêt et à la portée de ce principe de reconnaissance mutuelle, la Cour de justice de l'Union européenne, en grande chambre, a jugé : « 77. Le principe de reconnaissance mutuelle sur lequel est fondé le système du mandat d'arrêt européen repose lui-même sur la confiance réciproque entre les Etats membres quant au fait que leurs ordres juridiques nationaux respectifs sont en mesure de fournir une protection équivalente et effective des droits fondamentaux, reconnus au niveau de l'Union, en particulier, dans la Charte (voir, en ce sens, arrêt F., C-168/13 PPU, EU:C:2013:358, point 50, et, par analogie, en ce qui concerne la coopération judiciaire en matière civile, arrêt Aguirre Zarraga, C-491/10 PPU, EU: C:2010:828, point 70). 78. Tant le principe de la confiance mutuelle entre les Etats membres que le principe de reconnaissance mutuelle ont, dans le droit de l'Union, une importance fondamentale étant donné qu'ils permettent la création et le maintien d'un espace sans frontières intérieures.Plus spécifiquement, le principe de confiance mutuelle impose, notamment en ce qui concerne l'espace de liberté, de sécurité et de justice, à chacun de ces Etats de considérer, sauf dans des circonstances exceptionnelles, que tous les autres Etats membres respectent le droit de l'Union et, tout particulièrement, les droits fondamentaux reconnus par ce droit (voir, en ce sens, avis 2/13, EU:C:2014:2454, point 191). 79. Dans le domaine régi par la décision-cadre, le principe de reconnaissance mutuelle, qui constitue, ainsi qu'il ressort notamment du considérant 6 de la décision-cadre, la "pierre angulaire" de la coopération judiciaire en matière pénale, trouve son application à l'article 1er, paragraphe 2, de la décision-cadre, conformément auquel les Etats membres sont en principe tenus de donner suite à un mandat d'arrêt européen (voir, en ce sens, arrêt Lanigan, C-237/15 PPU, EU:C:2015:474, point 36 et jurisprudence citée).80. Il s'ensuit que l'autorité judiciaire d'exécution ne peut refuser d'exécuter un tel mandat que dans les cas, exhaustivement énumérés, de non-exécution obligatoire, prévus à l'article 3 de la décision-cadre, ou de non-exécution facultative, prévus aux articles 4 et 4bis de la décision-cadre.En outre, l'exécution du mandat d'arrêt européen ne saurait être subordonnée qu'à l'une des conditions limitativement prévues à l'article 5 de la décision-cadre (voir, en ce sens, arrêt Lanigan, C-237/15 PPU, EU:C:2015:474, point 36 et jurisprudence citée) » (CJUE, grande chambre, 5 avril 2016, C-404/15 et C-659/15 PPU, Pà l Aranyosi et Robert Caldararu).
L'article 4, point 6), de la décision-cadre 2002/584/JAI, qui prévoit « des motifs de non-exécution facultative » et qui a été transposé par l'article 6, 4°, en cause, de la loi du 19 décembre 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/2003 pub. 22/12/2003 numac 2003009950 source service public federal justice Loi relative au mandat d'arrêt européen fermer, vise à concilier, dans le champ d'application du droit de l'Union européenne, le principe essentiel de la reconnaissance mutuelle en matière pénale avec le souci d'accroître les chances de réinsertion sociale de la personne recherchée à l'expiration de la peine à laquelle cette dernière a été condamnée.
En réponse à une demande d'interprétation de l'article 4, point 6), de la décision-cadre 2002/584/JAI introduite par la Cour d'appel de Liège, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé, par son arrêt du 13 décembre 2018 : « 43. Dans ce contexte, ainsi que la Cour l'a déjà relevé, le législateur national qui, en vertu des possibilités que lui accorde l'article 4 de ladite décision-cadre, fait le choix de limiter les situations dans lesquelles l'autorité judiciaire d'exécution nationale peut refuser de remettre une personne recherchée ne fait que renforcer le système de remise instauré par cette décision-cadre en faveur d'un espace de liberté, de sécurité et de justice (arrêt du 6 octobre 2009, Wolzenburg, C-123/08, EU:C:2009:616, point 58). 44. En effet, en limitant les situations dans lesquelles l'autorité judiciaire d'exécution peut refuser d'exécuter un mandat d'arrêt européen, une telle législation ne fait que faciliter la remise des personnes recherchées, conformément au principe de reconnaissance mutuelle édicté à l'article 1er, paragraphe 2, de la décision-cadre 2002/584, lequel constitue la règle essentielle instaurée par cette dernière (arrêt du 6 octobre 2009, Wolzenburg, C-123/08, EU:C:2009: 616, point 59).45. Il est, dès lors, loisible au législateur national d'un Etat membre de mettre en oeuvre le motif de non-exécution facultative prévu à l'article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584 en prévoyant que, dans l'hypothèse où l'infraction qui est à la base du mandat d'arrêt européen n'est passible dans cet Etat membre que d'une peine d'amende, ce dernier ne peut pas s'engager à exécuter la peine privative de liberté, aux fins dudit article.46. En effet, ainsi que la Cour l'a déjà jugé, si le motif de non-exécution facultative énoncé à l'article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584 a notamment pour but de permettre d'accorder une importance particulière à la possibilité d'accroître les chances de réinsertion sociale de la personne recherchée à l'expiration de la peine à laquelle cette dernière a été condamnée, un tel but, pour important qu'il soit, ne saurait exclure que les Etats membres, lors de la mise en oeuvre de cette décision-cadre, limitent, dans le sens indiqué par la règle essentielle énoncée à l'article 1er, paragraphe 2, de celle-ci, les situations dans lesquelles il devrait être possible de refuser de remettre une personne relevant du champ d'application dudit article 4, point 6 (voir arrêt du 6 octobre 2009, Wolzenburg, C-123/08, EU: C: 2009: 616, point 62 et jurisprudence citée).47. En troisième lieu, si, en édictant l'article 4, point 6, de la décision-cadre 2002/584, le législateur de l'Union a voulu permettre aux Etats membres, en vue de faciliter la réinsertion sociale de la personne recherchée, de refuser l'exécution du mandat d'arrêt européen, il a pris toutefois soin de fixer, dans cette même disposition, les conditions d'application de ce motif de refus, dont, notamment, l'engagement de l'Etat d'exécution à faire exécuter effectivement la peine privative de liberté infligée à la personne recherchée, afin de garantir l'exécution de la peine imposée et d'éviter, ainsi, tout risque d'impunité de cette personne » (CJUE, 13 décembre 2018, C-514/17, Sut). B.7.3. Eu égard à l'objectif du législateur de concilier le principe de la reconnaissance mutuelle en matière pénale avec le souci d'accroître les chances de réinsertion sociale de la personne recherchée à l'expiration de la peine à laquelle cette dernière a été condamnée, la différence de traitement critiquée repose sur un critère distinctif pertinent. Il ressort en effet de la lecture combinée de l'article 92, alinéa 1er, du Code pénal et de l'article 12, 6°, de la loi du 15 mai 2012Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/05/2012 pub. 08/06/2012 numac 2012009226 source service public federal justice Loi relative à l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux peines ou mesures privatives de liberté prononcées dans un Etat membre de l'Union européenne fermer qu'une peine d'emprisonnement de trois ans maximum qui a été infligée par une décision définitive de l'autorité judiciaire compétente d'un Etat membre de l'Union européenne se prescrit par cinq ans, et qu'elle ne peut plus être exécutée par les autorités belges compétentes après ce délai. Compte tenu de l'importance du principe de la reconnaissance mutuelle, qui constitue le fondement de la décision-cadre 2002/584/JAI et de la loi du 19 décembre 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/2003 pub. 22/12/2003 numac 2003009950 source service public federal justice Loi relative au mandat d'arrêt européen fermer, il est pertinent que, dans pareil cas, l'exécution du mandat d'arrêt ne puisse plus être refusée après ce délai de prescription de cinq ans, afin que l'exécution de la peine infligée soit garantie et que soit ainsi évité tout risque d'impunité de la personne condamnée.
Cette mesure ne produit par ailleurs pas des effets disproportionnés, dès lors que les juridictions d'instruction doivent vérifier s'il y a lieu de refuser l'exécution du mandat d'arrêt sur la base d'un des autres motifs de refus qui sont prévus aux articles 4 et 6 de la loi du 19 décembre 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/2003 pub. 22/12/2003 numac 2003009950 source service public federal justice Loi relative au mandat d'arrêt européen fermer. Ainsi, il y a lieu de refuser l'exécution du mandat d'arrêt européen s'il existe des raisons sérieuses de croire que l'exécution de ce mandat aurait pour effet de porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne concernée, tels qu'ils sont consacrés par l'ancien article 6 du Traité sur l'Union européenne (article 4, 5°), et si la personne concernée a déjà fait l'objet, en Belgique ou dans un autre Etat membre, d'une condamnation pour les mêmes faits, de sorte que le principe non bis in idem serait compromis (article 4, 2°). Il est donc garanti que les droits fondamentaux de l'intéressé dans le cadre de l'exécution du mandat d'arrêt européen sont respectés.
B.8. L'article 6, 4°, de la loi du 19 décembre 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/2003 pub. 22/12/2003 numac 2003009950 source service public federal justice Loi relative au mandat d'arrêt européen fermer, lu en combinaison avec les articles 12, 6°, et 38 de la loi du 15 mai 2012Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/05/2012 pub. 08/06/2012 numac 2012009226 source service public federal justice Loi relative à l'application du principe de reconnaissance mutuelle aux peines ou mesures privatives de liberté prononcées dans un Etat membre de l'Union européenne fermer et avec l'article 92 du Code pénal, n'est donc pas incompatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.
La question préjudicielle appelle une réponse négative.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 6, 4°, de la loi du 19 décembre 2003Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/12/2003 pub. 22/12/2003 numac 2003009950 source service public federal justice Loi relative au mandat d'arrêt européen fermer « relative au mandat d'arrêt européen » ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.
Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 17 juin 2021.
Le greffier, F. Meersschaut Le président, L. Lavrysen