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Arrêt
publié le 08 juillet 2022

Extrait de l'arrêt n° 148/2021 du 21 octobre 2021 Numéro du rôle : 7435 En cause : le recours en annulation partielle des articles 2 et 31 de la loi du 4 février 2020 « portant le livre 3 ' Les biens ' du Code civil » La Cour constitutionnelle, composée du président L. Lavrysen, des juges T. Giet, R. Leysen, J. M(...)

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Extrait de l'arrêt n° 148/2021 du 21 octobre 2021 Numéro du rôle : 7435 En cause : le recours en annulation partielle des articles 2 et 31 de la loi du 4 février 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/02/2020 pub. 17/03/2020 numac 2020020347 source service public federal justice Loi portant le livre 3 « Les biens » du Code civil fermer « portant le livre 3 ' Les biens ' du Code civil » (articles 3.133 et 3.134 et disposition abrogatoire dans le Code rural), introduit par l'ASBL « Natuurpunt » et autres.

La Cour constitutionnelle, composée du président L. Lavrysen, des juges T. Giet, R. Leysen, J. Moerman, M. Pâques et S. de Bethune, et, conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, du président émérite F. Daoût, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président L. Lavrysen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 17 septembre 2020 et parvenue au greffe le 21 septembre 2020, un recours en annulation partielle des articles 2 et 31 de la loi du 4 février 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/02/2020 pub. 17/03/2020 numac 2020020347 source service public federal justice Loi portant le livre 3 « Les biens » du Code civil fermer « portant le livre 3 ' Les biens ' du Code civil » (articles 3.133 et 3.134 et disposition abrogatoire dans le Code rural), publiée au Moniteur belge du 17 mars 2020, a été introduit par l'ASBL « Natuurpunt, vereniging voor natuur en landschap in Vlaanderen », l'ASBL « BOS+ Vlaanderen », l'ASBL « Bond Beter Leefmilieu Vlaanderen », l'ASBL « Trage Wegen », l'ASBL « Vereniging voor Openbaar Groen », l'ASBL « World Wide Fund for Nature - Belgium » et l'ASBL « Voetgangersbeweging », assistées et représentées par Me P. De Smedt et Me R. Verbeke, avocats au barreau de Gand. (...) II. En droit (...) Quant aux dispositions attaquées et à leur contexte B.1. Les parties requérantes demandent l'annulation de l'article 2 de la loi du 4 février 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/02/2020 pub. 17/03/2020 numac 2020020347 source service public federal justice Loi portant le livre 3 « Les biens » du Code civil fermer « portant le livre 3 ' Les biens ' du Code civil » (ci-après : la loi du 4 février 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/02/2020 pub. 17/03/2020 numac 2020020347 source service public federal justice Loi portant le livre 3 « Les biens » du Code civil fermer), dans la mesure où il insère les articles 3.133 et 3.134 dans le livre 3 « Les biens » du Code civil, ainsi que de l'article 31 de la même loi. Ces dispositions portent, d'une part, sur les distances de plantations à respecter par rapport à la limite de la parcelle et, d'autre part, sur les branches et racines envahissantes.

B.2.1. La loi du 4 février 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/02/2020 pub. 17/03/2020 numac 2020020347 source service public federal justice Loi portant le livre 3 « Les biens » du Code civil fermer s'inscrit dans une réforme plus large du droit civil. A cet effet, l'article 2 de la loi du 13 avril 2019Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/04/2019 pub. 14/05/2019 numac 2019012168 source service public federal justice Loi portant création d'un Code civil et y insérant un livre 8 « La preuve » type loi prom. 13/04/2019 pub. 30/04/2019 numac 2019041000 source service public federal finances Loi introduisant le Code du recouvrement amiable et forcé des créances fiscales et non fiscales fermer « portant création d'un Code civil et y insérant un livre 8 ' La preuve ' » (ci-après : la loi du 13 avril 2019Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/04/2019 pub. 14/05/2019 numac 2019012168 source service public federal justice Loi portant création d'un Code civil et y insérant un livre 8 « La preuve » type loi prom. 13/04/2019 pub. 30/04/2019 numac 2019041000 source service public federal finances Loi introduisant le Code du recouvrement amiable et forcé des créances fiscales et non fiscales fermer) a instauré un nouveau Code civil.

En vertu de l'article 2, alinéa 1er, de la loi du 13 avril 2019Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/04/2019 pub. 14/05/2019 numac 2019012168 source service public federal justice Loi portant création d'un Code civil et y insérant un livre 8 « La preuve » type loi prom. 13/04/2019 pub. 30/04/2019 numac 2019041000 source service public federal finances Loi introduisant le Code du recouvrement amiable et forcé des créances fiscales et non fiscales fermer, ce Code contient les livres suivants : « 1° livre 1er. Dispositions générales; 2° livre 2.Les personnes, la famille et les relations patrimoniales des couples; 3° livre 3.Les biens; 4° livre 4.Les successions, donations et testaments; 5° livre 5.Les obligations; 6° livre 6.Les contrats spéciaux; 7° livre 7.Les sûretés; 8° livre 8.La preuve; 9° livre 9.La prescription ».

L'article 2, alinéa 2, de la loi du 13 avril 2019Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/04/2019 pub. 14/05/2019 numac 2019012168 source service public federal justice Loi portant création d'un Code civil et y insérant un livre 8 « La preuve » type loi prom. 13/04/2019 pub. 30/04/2019 numac 2019041000 source service public federal finances Loi introduisant le Code du recouvrement amiable et forcé des créances fiscales et non fiscales fermer prévoit qu'à compter de l'entrée en vigueur de cette même loi, « le Code civil du 21 mars 1804 portera l'intitulé ' ancien Code civil ' ». A partir de ce même moment, la dénomination « Code civil » se réfère au Code civil nouvellement instauré.

En vertu de l'article 75, alinéa 1er, de la loi du 13 avril 2019Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/04/2019 pub. 14/05/2019 numac 2019012168 source service public federal justice Loi portant création d'un Code civil et y insérant un livre 8 « La preuve » type loi prom. 13/04/2019 pub. 30/04/2019 numac 2019041000 source service public federal finances Loi introduisant le Code du recouvrement amiable et forcé des créances fiscales et non fiscales fermer, cette loi est entrée en vigueur le 1er novembre 2020.

B.2.2. L'article 2, attaqué, de la loi du 4 février 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/02/2020 pub. 17/03/2020 numac 2020020347 source service public federal justice Loi portant le livre 3 « Les biens » du Code civil fermer contient les dispositions du livre 3 du Code civil, qui concerne le droit des biens.

Les objectifs de ce livre sont « 1° d'intégrer de manière structurée les textes majeurs concernant le droit des biens dans le Code civil afin d'optimiser la transparence et la sécurité juridique dans ce domaine », « 2° d'instrumentaliser le droit des biens et de le rendre plus fonctionnel », « 3° de moderniser le droit des biens et de l'adapter aux besoins de la société actuelle », et « 4° de flexibiliser le droit des biens et de trouver un nouvel équilibre entre la liberté contractuelle et la sécurité juridique » (Doc. parl., Chambre, 2019, DOC 55-0173/001, p. 3).

B.2.3. Le livre 3 comprend huit titres : le titre 1er « Dispositions générales » (articles 3.1 à 3.37), le titre 2 « Classifications des biens » (articles 3.38 à 3.49), le titre 3 « Droit de propriété » (articles 3.50 à 3.67), le titre 4 « Copropriété » (articles 3.68 à 3.100), le titre 5 « Relations de voisinage » (articles 3.101 à 3.137), le titre 6 « Droit d'usufruit » (articles 3.138 à 3.166), le titre 7 « Droit d'emphytéose » (articles 3.167 à 3.176) et le titre 8 « Droit de superficie » (articles 3.177 à 3.188).

B.3.1. Les articles 3.133 et 3.134 du Code civil, tels qu'ils ont été insérés par l'article 2, attaqué, de la loi du 4 février 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/02/2020 pub. 17/03/2020 numac 2020020347 source service public federal justice Loi portant le livre 3 « Les biens » du Code civil fermer, font partie du titre 5 « Relations de voisinage » et plus précisément de la section 2 « Distances » du chapitre 3 « Servitudes légales » du sous-titre 3 « Servitudes » de ce titre.

Ces articles disposent : « Art. 3.133. Distances de plantations Toutes les plantations doivent être situées au minimum aux distances définies ci-après de la limite des parcelles, sauf si les parties ont conclu un contrat à cet égard ou si les plantations se trouvent au même endroit depuis plus de trente ans.

La distance visée à l'alinéa 1er est, pour les arbres d'une hauteur de deux mètres au moins, de deux mètres à partir du milieu du tronc de l'arbre et, pour les autres arbres, arbustes et haies, d'un demi-mètre. Le voisin peut exiger l'élagage ou l'arrachage des plantations qui sont situées à une distance moindre, sauf si le juge estime que cette demande constitue un abus de droit. Le juge tient compte, dans son appréciation, de toutes les circonstances de la cause, y compris de l'intérêt général.

Toutefois, le voisin ne peut pas s'opposer à la présence de plantations qui ne sont pas plus hautes que la clôture existant entre les parcelles. Dans ce cas, s'il s'agit d'une clôture non mitoyenne, son propriétaire a le droit de s'en servir comme appui pour ses plantations.

Art. 3.134. Branches et racines envahissantes Si un propriétaire de plantations dont les branches ou les racines dépassent la limite séparative des propriétés néglige de couper celles-ci dans les soixante jours d'une mise en demeure par envoi recommandé du voisin, ce dernier peut, de son propre chef et aux frais du propriétaire des plantations, couper ces branches ou racines et se les approprier. Si le voisin coupe lui-même ces branches ou racines qui dépassent, il assume le risque des dommages causés aux plantations. Il peut également exiger que leur propriétaire procède à leur coupe, sauf si le juge estime que cette demande constitue un abus de droit. Le juge tient compte, dans son appréciation, de toutes les circonstances de la cause, y compris de l'intérêt général. Le droit d'exiger l'enlèvement ne peut s'éteindre par prescription.

Les fruits qui tombent naturellement des arbres sur un bien immeuble contigu appartiennent à celui qui a la jouissance de ce bien immeuble contigu ».

B.3.2. L'article 31 de la loi du 4 février 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/02/2020 pub. 17/03/2020 numac 2020020347 source service public federal justice Loi portant le livre 3 « Les biens » du Code civil fermer, qui est également attaqué, dispose : « Dans le Code Rural, sont abrogés : 1° les articles 29 à 34;2° l'article 35, modifié par la loi du 8 avril 1969;3° l'article 36;4° l'article 37;5° l'article 38, modifié par la loi du 8 avril 1969;6° l'article 39 ». Sont ainsi abrogés, en particulier, les articles 35, 36 et 37 du Code rural, qui contenaient les règles existantes en matière de distances de plantations à respecter et de branches et racines envahissantes.

Ces articles disposaient : «

Art. 35.Il n'est permis de planter des arbres de haute tige qu'à la distance consacrée par les usages constants et reconnus; et, à défaut d'usages, qu'à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les arbres à haute tige, et à la distance d'un demi-mètre pour les autres arbres et haies vives.

Les arbres fruitiers de toute espèce peuvent être plantés en espaliers de chaque côté du mur séparatif de deux propriétés, sans que l'on soit tenu d'observer aucune distance.

Si ce mur n'est pas mitoyen, son propriétaire a seul le droit d'y appuyer ses espaliers ». «

Art. 36.Le voisin peut exiger que les arbres, haies, arbrisseaux et arbustes plantés à une distance moindre que la distance légale soient arrachés ». «

Art. 37.Celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres du voisin peut contraindre celui-ci à couper ces branches.

Les fruits tombés naturellement sur la propriété du voisin lui appartiennent.

Si ce sont les racines qui avancent sur son héritage, il a le droit de les y couper lui-même.

Le droit de couper les racines ou de faire couper les branches est imprescriptible ».

B.4.1. Initialement, les règles relatives aux distances de plantations à respecter et aux branches et racines envahissantes figuraient aux articles 3.148 et 3.149 de la proposition de loi qui a donné lieu à la loi du 4 février 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/02/2020 pub. 17/03/2020 numac 2020020347 source service public federal justice Loi portant le livre 3 « Les biens » du Code civil fermer (Doc. parl., Chambre, 2019, DOC 55-0173/001, p. 421).

En ce qui concerne les distances de plantations, telles qu'elles sont réglées à l'article 3.148 de la proposition de loi, l'exposé des motifs mentionne : « Toute référence à des usages constants et reconnus est supprimée car ces derniers ne sont souvent pas très transparents et entament donc la sécurité juridique. Dans la même perspective de simplification pour une meilleure prévisibilité, même si une bonne part de l'article 35 du Code rural est reprise, la différence entre arbres de haute tige et de basse tige est abandonnée et remplacée par un critère de hauteur, à savoir deux mètres. Cette distinction suscite en effet de grandes contestations en jurisprudence et en doctrine. Il est choisi d'établir une distinction objective en fonction de la taille de l'arbre. Par conséquent, si un propriétaire prévoit qu'un arbre dépassera deux mètres, il doit le planter à une plus grande distance de la limite de la parcelle. Il est précisé que ces distances se calculent à compter du milieu du tronc de l'arbre. Aucune exception n'est prévue pour le domaine public. On réserve bien sûr l'accord contraire des parties et l'existence, depuis plus de 30 ans, des arbres plantés en deçà de la distance imposée.

Il va de soi que l'action visant l'enlèvement des plantations est possible comme forme de réparation en nature, sauf si cela constitue un abus de droit. Est considér [é] par la loi comme abusif à cet égard, le fait d'exiger l'enlèvement d'arbres plantés certes en deçà des distances mais qui ne dépassent pas, en hauteur, la clôture existante.

Le dernier paragraphe de cet article vise le propriétaire, mais il convient de l'appliquer plus largement à tout titulaire d'un droit réel d'usage dans la mesure où il est concerné » (ibid., pp. 249-250).

En ce qui concerne les branches et racines envahissantes, telles qu'elles sont réglées à l'article 3.149 de la proposition de loi, l'exposé des motifs mentionne : « Cette disposition supprime la distinction entre les remèdes du propriétaire sur la parcelle duquel avancent des branches et ceux du propriétaire sous la parcelle duquel avancent des racines. Dans le deuxième cas, conformément au droit actuel, le propriétaire peut lui-même couper les racines, alors que dans le premier cas, il doit intenter une action en justice. Cette distinction n'a plus aucune raison d'être. Dans les deux cas, vu la violation objective du droit de propriété, une certaine forme de justice privée est licite, mais à condition, évidemment, d'avoir sollicité au préalable le voisin pour qu'il coupe lui-même les branches et les racines envahissantes.

La disposition précise que ce droit est imprescriptible. Le législateur considère ainsi, comme dans l'article 37 du Code rural, que le fait, pour un propriétaire, de laisser des branches ou racines s'avancer sur son fonds ne constitue qu'une simple tolérance ne pouvant aboutir à une prescription acquisitive, conformément à l'article 2232 du Code civil (art. 3.18 du présent projet).

La disposition quant à l'attribution des fruits tombés est reprise en précisant, conformément à l'opinion défendue actuellement, que cette attribution en propriété n'est permise que si la chute est naturelle et qu'elle se fait au profit non seulement du propriétaire du fonds mais aussi au profit de celui qui a la jouissance actuelle du fonds sur lequel les fruits sont naturellement tombés.

L'article vise les propriétaires, mais il convient de l'appliquer plus largement à tout titulaire d'un droit réel d'usage dans la mesure où il est concerné » (ibid., pp. 251-252).

B.4.2. Par la voie d'un amendement, il a été prévu à l'article 3.148, alinéa 2, de la proposition de loi que le voisin peut exiger non seulement l'arrachage mais également l'élagage de plantations qui ne respectent pas les distances minimales. Il a en outre été précisé que le juge ne peut faire droit à une telle exigence s'il estime qu'elle constitue un abus de droit, le juge devant tenir compte de toutes les circonstances de la cause, y compris de l'intérêt général (Doc. parl., Chambre, 2019-2020, DOC 55-0173/002, p. 6).

Cet amendement a été justifié comme suit : « Selon la lettre de la loi, le juge ne dispose aujourd'hui, en ce qui concerne les plantations non réglementaires, que de la possibilité d'arrachage. Lorsqu'un voisin proteste, le juge est tenu d'opter pour la solution la plus radicale et d'ordonner l'arrachage des plantations, sauf à recourir à la doctrine de l'abus de droit qui n'est pas généralement admise à ce jour.

Notre pays se distingue, à cet égard, de la France, où le juge peut intervenir de différentes manières. En France, le Code civil prévoit en effet aussi la possibilité de réduire ou de raccourcir les arbres, arbustes ou autres plantations.

L'article 672 du Code civil français s'énonce comme suit : ' Le voisin peut exiger que les arbres, arbrisseaux et arbustes, plantés à une distance moindre que la distance légale, soient arrachés ou réduits à la hauteur déterminée dans l'article précédent '.

Lorsqu'un voisin proteste, le juge français peut donc également décider que les arbres doivent être réduits à une hauteur donnée.

Transposée à la présente proposition de loi, cette règle signifierait qu'en cas de protestation d'un voisin, le juge pourrait ordonner que tout arbre situé à moins de deux mètres de la limite des parcelles soit élagué jusqu'à une hauteur de moins de deux mètres. Le juge pourrait également ordonner l'élagage plutôt que l'arrachage des plantations situées à moins d'un demi-mètre de la limite des parcelles.

Déjà appliquée en France, cette solution semble préférable à l'option aujourd'hui en vigueur en Belgique. Il semble en effet disproportionné de procéder immédiatement à l'arrachage d'un arbre ou d'un arbuste lorsque d'autres solutions existent pour rétablir le respect de la loi. Il en est a fortiori ainsi pour les arbres de plus deux mètres situés à moins de deux mètres de la limite des parcelles. Si l'article proposé était appliqué, il pourrait signifier qu'un arbre parfaitement conforme à la loi à l'âge de 4 ans devrait être arraché quelques semaines plus tard au motif qu'il atteint une hauteur supérieure à 2 mètres. Il serait quasi absurde de ne pas prévoir la possibilité d'élaguer cet arbre, à ce moment, afin de rétablir le respect des dispositions légales.

En outre, il importe que, dans son appréciation, le juge tienne non seulement compte des intérêts des voisins, mais aussi de l'intérêt général. On ne peut plus ignorer, certainement aujourd'hui, les fonctions des plantations à l'égard de l'intérêt général, par exemple leur intérêt environnemental, leur valeur paysagère, ni leur valeur patrimoniale, cette énumération n'étant pas exhaustive.

On doit en effet se demander s'il est nécessaire, voire souhaitable, qu'un voisin ait le droit d'exiger, sans intérêt manifeste suffisant, qu'un arbre soit arraché. L'exemple donné plus haut est, une fois de plus, instrumental. Il est clair, en effet, que la loi tente de prévoir un critère objectif, mais qu'elle risque ainsi d'autoriser trop facilement l'abattage d'arbres. Un arbre de 2m15 qui ne dérange personne et situé à 1,8 m de la limite des parcelles doit-il être abattu simplement parce qu'un voisin, qui n'y a pas un intérêt manifeste suffisant à cet égard, le souhaite ? Même si elle part d'une bonne intention, cette disposition manque son objectif. Il serait dès lors préférable de disposer explicitement que la doctrine de l'abus de pouvoir peut s'appliquer à l'exigence d'arrachage ou d'élagage, et que l'intérêt général doit être pris en compte.

Les juges sont actuellement partagés à propos de la question de savoir si la doctrine de l'abus de droit peut être appliquée à l'égard de cette disposition initialement préventive. En renvoyant explicitement à l'abus de droit, il sera clairement établi qu'un intérêt suffisant sera requis pour exiger l'arrachage ou l'élagage. Cela permettra d'éviter que des arbres ou d'autres plantations subissent trop facilement les conséquences de querelles de voisinage » (ibid., pp. 6-7).

Au cours de la discussion de cet amendement en Commission de la Justice, un député a observé que « certains arbres ont en effet une valeur écologique ou paysagère » et que « l'amendement à l'examen favorisera aussi la sécurité juridique car, jusqu'à présent, la question de savoir si l'abus de droit peut être invoqué lorsqu'il est demandé d'arracher des plantations trop proches de la limite de la parcelle fait débat » (Doc. parl., Chambre, 2019-2020, DOC 55-0173/004, p. 39).

Un des membres de la commission ministérielle qui a préparé la réforme du droit des biens a précisé à cet égard que « la théorie de l'abus de droit s'applique de toute façon, indépendamment d'une mention explicite. Rien ne s'oppose toutefois à une mention explicite. C'est également le cas à deux autres endroits du Code proposé (dans les dispositions concernant la mitoyenneté et la copropriété). En outre, la modification proposée présente une valeur ajoutée dans la mesure où l'intérêt général est également considéré comme un élément qui peut être pris en considération » (ibid., p. 40).

B.4.3. Par la voie d'un autre amendement, il a été prévu, à l'article 3.149, alinéa 1er, de la proposition de loi, un contrôle juridictionnel analogue au regard de l'interdiction d'abus de droit, dans le cadre de l'examen d'une demande faite par un voisin de couper des branches ou racines envahissantes. Il a par ailleurs été précisé, dans cette disposition, que « si le voisin coupe lui-même ces branches ou racines qui dépassent, il assume le risque des dommages causés aux plantations » (Doc. parl., Chambre, 2019-2020, DOC 55-0173/002, p. 8).

Cet amendement a été justifié comme suit : « L'article 3.149 proposé dans la proposition de loi confère à un voisin le droit d'enlever, de son propre chef, les branches ou racines envahissantes. Bien que cette disposition, qui vise à protéger le voisin contre la nuisance provoquée par des branches ou racines envahissantes, semble logique à première vue, elle soulève quelques problèmes en pratique.

Premièrement, l'article proposé n'exige pas que le voisin démontre un intérêt suffisant. Par analogie avec les dispositions relatives à l'abus de droit exposées dans l'amendement précédent, il est opportun d'insérer également une telle disposition dans l'article proposé et de préciser explicitement que le juge peut également invoquer la doctrine de l'abus de droit pour apprécier la demande d'élagage des plantations.

Une telle disposition permet d'éviter que des plantations soient utilisées, comme c'est trop souvent le cas, comme un moyen évident d'atteindre le voisin en cas de conflit de voisinage.

Un deuxième problème réside dans le fait que l'article proposé ne tient pas compte de la survie de la plantation ni de l'intérêt général. Un voisin peut enlever de grandes parties des branches ou racines envahissantes, même si cela menace la survie de l'arbre ou de la plantation, ce qui a des effets indésirables, tant en ce qui concerne les objectifs de la législation qu'en ce qui concerne l'intérêt général.

Concernant la loi proprement dite, celle-ci prévoit que les arbres de moins de deux mètres peuvent être plantés à un demi-mètre de la limite de la parcelle. En outre, les arbres de plus de deux mètres peuvent également, par prescription, rester tout près de la limite de la parcelle. Cela implique que les racines et les branches dépasseront toujours plus ou moins.

Bien qu'il soit évident, par exemple, que les arbustes envahissants peuvent être élagués, il est également inévitable que les racines dépassent. Dans sa forme actuelle, la disposition permet au voisin d'enlever ces racines et ces branches, même si cela menace la survie de la plante. L'objectif ne peut pas être de prescrire le droit de demander l'enlèvement des plantations et ensuite de donner indirectement au voisin la possibilité de faire mourir ces plantations. C'est la raison pour laquelle il est précisé que le voisin qui coupe lui-même les branches ou les racines envahissantes assume lui-même le risque du dommage qu'il cause aux plantations.

En outre, on ne peut pas négliger les fonctions d'intérêt général que les plantations remplissent actuellement. La mort d'un arbre a non seulement des conséquences pour son propriétaire, mais aussi pour l'intérêt général. Celui-ci comprend, de manière non limitative, les intérêts environnementaux, la valeur paysagère et la valeur patrimoniale. C'est la raison pour laquelle il est également précisé, dans les dispositions en question, que le juge doit tenir compte de l'intérêt général dans son appréciation de la demande d'enlèvement des plantations » (ibid., pp. 8-9).

B.4.4. Lors de leur adoption, en première lecture, par la Commission de la Justice, les articles 3.148 et 3.149 de la proposition de loi, tels qu'ils ont été modifiés par la voie des amendements mentionnés en B.4.2 et B.4.3, ont été renumérotés, pour devenir les articles 3.133 et 3.134 (Doc. parl., Chambre, 2019-2020, DOC 55-0173/005, pp. 67-68).

B.5. En vertu de l'article 39, la loi du 4 février 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/02/2020 pub. 17/03/2020 numac 2020020347 source service public federal justice Loi portant le livre 3 « Les biens » du Code civil fermer, y compris les dispositions attaquées, « entre en vigueur le premier jour du dix-huitième mois qui suit celui de sa publication au Moniteur belge ». Cette publication a eu lieu le 17 mars 2020, de sorte que les dispositions attaquées sont entrées en vigueur le 1er septembre 2021.

Quant à la recevabilité du recours en annulation B.6. Les parties requérantes n'invoquent des griefs contre les dispositions attaquées que dans la mesure où les règles qu'elles contiennent en matière de distances de plantations et de branches et racines envahissantes seraient applicables au domaine public. La Cour limite donc son examen en ce sens.

B.7.1. Le Conseil des ministres conteste la recevabilité du recours, faute d'intérêt. Il fait valoir que les parties requérantes confèrent une portée erronée aux dispositions attaquées. Ces dernières seraient en effet uniquement applicables aux parcelles privées et n'auraient dès lors pas d'incidence sur les plantations qui se trouvent sur le domaine public.

B.7.2. Lorsqu'une exception d'irrecevabilité concerne également la portée qu'il y a lieu de donner aux dispositions attaquées, l'examen de la recevabilité se confond avec celui du fond de l'affaire.

Quant au fond En ce qui concerne le premier moyen B.8. Le premier moyen est pris de la violation des règles répartitrices de compétences, en particulier des articles 39 et 134 de la Constitution et de l'article 6, § 1er, I, 1°, 3°, 4°, 6° et 7°, II, alinéa 1er, 1° et 4°, III, 1°, 2°, 3°, 4°, 8° et 10°, V, 1°, VIII, 1°, et X, alinéa 1er, 1°, 2°, 2°bis, 3°, 4°, 5°, 7° et 12°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles et du « principe constitutionnel de l'autonomie ». Selon les parties requérantes, les dispositions attaquées, pour autant qu'elles s'appliquent aux plantations qui se trouvent sur le domaine public, porteraient atteinte à la compétence exclusive des régions de gérer et organiser le domaine public sur leur territoire.

Il ne ressort pas de l'exposé du moyen que les parties requérantes donnent au « principe constitutionnel d'autonomie » une signification autonome qui diffère de la portée des dispositions répartitrices de compétences qu'elles invoquent. En tant qu'il est pris de la violation d'un tel principe, le moyen est irrecevable.

B.9.1. Ainsi qu'il est dit en B.7.1, le Conseil des ministres fait valoir que le moyen repose sur une prémisse erronée, dès lors que les articles 3.133 et 3.134 du Code civil ne seraient pas applicables au domaine public. L'ASBL « Terre wallonne », qui agit en tant que partie intervenante, partage ce point de vue.

B.9.2. Les règles en matière de distances de plantations qui sont contenues dans les dispositions attaquées concernent des droits réels d'usage et relèvent plus précisément de la catégorie des servitudes légales.

B.9.3. L'article 3.45 du Code civil, qui n'est pas attaqué par les parties requérantes, dispose : « Art. 3.45. Biens publics et biens privés Les biens publics appartiennent au domaine privé, sauf s'ils sont affectés au domaine public.

Les biens du domaine public ne sont pas susceptibles de prescription acquisitive par une autre personne privée ou publique et ne peuvent faire l'objet d'une accession en faveur de toute autre personne privée ou publique ou de tout autre mode originaire d'acquisition. Toutefois, il peut exister un droit personnel ou réel d'usage sur un bien du domaine public dans la mesure où la destination publique de ce bien n'y fait pas obstacle ».

Le commentaire de cette disposition précise : « Les rédacteurs de ce projet ont, pour le surplus, rendu les possibilités de rentabiliser le domaine public plus flexibles. Les possibilités d'utiliser le bail, l'emphytéose et la superficie dans le cadre d'une collaboration privé public dans le sens large du mot sont étendues.

A été aussi généralisée, tout en en respectant l'idée, la jurisprudence développée sur la possibilité de grever des biens du domaine public de droits réels, en lien avec la destination de ces biens. En effet, la Cour de cassation, a affirmé depuis longtemps que la circonstance qu'un bien appartienne au domaine public n'interdit pas l'établissement sur ce bien d'une servitude, si celle-ci est compatible avec la destination publique de ce domaine, ne fait pas obstacle à l'usage public de ce bien et ne porte pas atteinte au droit de l'administration de régler et de modifier cet usage d'après les besoins et l'intérêt de la collectivité (voy. Cass., 11 septembre 1964, Pas., 1965, I, p. 29, R.W., 1965-66, 494; Cass., 27 septembre 1990, Pas., 1991, I, p. 78; Rev. not. b., 1991, p. 49). La Cour l'a ensuite transposé à propos d'un droit de superficie (Cass., 18 mai 2007, N.J.W., 2007, p. 652; Rev. not. b., 2007, p. 631, note D. Lagasse, J.L.M.B., 2007, p. 1727; R.W. 2007-08, p. 736, note V. SAGAERT, T.B.O., 2008, p. 9, note D. VAN HEUVEN) ce qui a été généralement applaudi par la doctrine. Des incertitudes subsistant pour d'autres droits, et notamment les droits personnels et réels d'usage, il paraît utile de permettre de concéder, aux mêmes conditions et avec les mêmes limites que celles admises, des droits personnels ou réels d'usage sur les biens du domaine public en vue d'élargir la conception évolutionniste de l'indisponibilité des biens du domaine public » (Doc. parl., 2019, DOC 55-0173/001, pp. 111-112).

Il apparaît que le législateur a voulu que les droits réels ou personnels d'usage de droit commun, tels qu'ils sont réglés dans le livre 3 du Code civil, puissent aussi exister sur un bien du domaine public, mais exclusivement dans la mesure où la destination publique de ce bien n'y fait pas obstacle. Ce constat vaut également pour les servitudes, qui, en vertu de l'article 3.3, alinéa 3, du Code civil, sont considérées comme des droits réels d'usage, et en particulier pour les servitudes légales relatives aux distances de plantations et aux branches et racines envahissantes, telles qu'elles sont réglées aux articles 3.133 et 3.134 du même Code.

B.9.4. L'applicabilité de principe des droits réels et personnels d'usage aux biens du domaine public ressort également de ce que plusieurs dispositions du livre 3 du Code civil prévoient, en ce qui concerne les modalités de certains droits d'usage, des exceptions spécifiques pour les biens du domaine public. Tel est en particulier le cas des dispositions relatives à l'enlèvement d'ouvrages érigés en violation des distances minimales pour les fenêtres, ouvertures de murs et ouvrages semblables (article 3.132, § 2, 2°) et à la durée du droit d'emphytéose et du droit de superficie (articles 3.169, alinéa 2, et 3.180, alinéa 2, 2°).

B.9.5. Les articles 3.133 et 3.134 du Code civil ne prévoient pas de telles exceptions spécifiques pour les biens du domaine public et, de manière plus générale, ils n'établissent aucune distinction entre les biens du domaine public et les autres biens. Les travaux préparatoires de la loi du 4 février 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/02/2020 pub. 17/03/2020 numac 2020020347 source service public federal justice Loi portant le livre 3 « Les biens » du Code civil fermer mentionnent expressément qu'en ce qui concerne les règles relatives aux distances de plantations, « aucune exception n'est prévue pour le domaine public » (Doc. parl., Chambre, 2019, DOC 55-0173/001, p. 250).

B.9.6. Contrairement à ce que le Conseil des ministres et la partie intervenante soutiennent, il n'apparaît donc pas que les plantations qui se trouvent sur le domaine public seraient exclues du champ d'application des articles 3.133 et 3.134 du Code civil.

B.9.7. Le fait que, comme le Conseil des ministres l'observe, la Cour de cassation a jugé, par un arrêt du 20 juin 1872, que les prescriptions relatives aux distances de plantations ne sont pas applicables au cas de deux propriétés voisines dont l'une se trouve incorporée dans la voirie et est, en tant que telle, affectée à l'usage du public (Pas., 1872, I, p. 352), ne conduit pas à une autre conclusion. Lorsque le législateur édicte de nouvelles règles dans une matière déterminée, il n'est en effet pas tenu de se conformer à l'interprétation donnée jusque-là dans la jurisprudence aux règles qu'il souhaite remplacer. Par ailleurs, l'arrêt précité ne porte pas sur le domaine public en général mais exclusivement sur la situation spécifique des voies publiques, et la Cour de cassation a elle-même admis entre-temps qu'il n'est pas a priori impossible qu'un bien du domaine public puisse faire l'objet de certains droits réels d'usage, telle une servitude (Cass., 6 décembre 1957, Pas., 1958, I, p. 366;

Cass., 11 septembre 1964, Pas., 1965, I, p. 29; Cass., 27 septembre 1990, Pas., 1991, n° 41).

B.9.8. Il convient par conséquent d'examiner si les dispositions sont conformes aux règles répartitrices de compétences mentionnées en B.8.

B.10.1. Les règles générales en matière de droits réels s'appliquant à tous les biens relèvent du droit civil et, dès lors, de la compétence résiduelle de l'Etat fédéral. Cette compétence appartient à l'autorité fédérale, que les droits réels portent ou non sur des biens qui relèvent du domaine public et qu'il s'agisse ou non de biens du domaine public à l'égard desquels des autorités autres que l'autorité fédérale, en particulier les régions, peuvent, dans le cadre de l'exercice de leurs compétences, édicter des règles, ou dont la gestion relève de ces compétences.

B.10.2. Les dispositions attaquées fixent des règles générales en matière de droits réels, à savoir les servitudes légales concernant, d'une part, les distances de plantations et, d'autre part, les branches et racines envahissantes. Il s'ensuit que ces dispositions relèvent de la compétence fédérale en matière de droit civil.

B.10.3. Dans l'exercice de ses compétences, le législateur fédéral doit toutefois respecter le principe de proportionnalité, qui est inhérent à tout exercice de compétence. Il doit dès lors veiller à ne pas rendre impossible ou exagérément difficile l'exercice des compétences régionales.

B.11.1. Les parties requérantes renvoient aux différentes matières qui, en vertu de l'article 6, § 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, relèvent des compétences régionales, à savoir : en ce qui concerne l'aménagement du territoire (I), l'urbanisme et l'aménagement du territoire (1°), l'acquisition, l'aménagement, l'équipement de terrains à l'usage de l'industrie, de l'artisanat et des services, ou d'autres infrastructures d'accueil aux investisseurs (3°), la rénovation urbaine (4°), la politique foncière (6°) et les monuments et les sites (7°); en ce qui concerne l'environnement et la politique de l'eau (II), la protection de l'environnement (alinéa 1er, 1°) et la production et la distribution d'eau (alinéa 1er, 4°); en ce qui concerne la rénovation rurale et la conservation de la nature (III), le remembrement des biens ruraux et la rénovation rurale (1°), la protection et la conservation de la nature (2°), les zones d'espaces verts, les zones de parcs et les zones vertes (3°), les forêts (4°), l'hydraulique agricole et les cours d'eau non navigables (en ce compris leurs berges) (8°) et les polders et les wateringues (10°); en ce qui concerne l'agriculture (V), la politique agricole et la pêche maritime (alinéa 1er, 1°); en ce qui concerne les pouvoirs subordonnés (VIII), la composition, l'organisation, la compétence et le fonctionnement des institutions provinciales et communales et des collectivités supracommunales (alinéa 1er, 1°); en qui concerne les travaux publics et le transport (X), les routes et leurs dépendances (alinéa 1er, 1°), les voies hydrauliques et leurs dépendances (alinéa 1er, 2°), le régime juridique de la voirie terrestre et des voies hydrauliques (alinéa 1er, 2°bis), les ports et leurs dépendances (alinéa 1er, 3°), les défenses côtières (alinéa 1er, 4°), les digues (alinéa 1er, 5°), l'équipement et l'exploitation des aéroports et des aérodromes publics, à l'exception de l'aéroport de Bruxelles-National (alinéa 1er, 7°) et les normes techniques minimales de sécurité en matière de construction et d'entretien des routes et de leurs dépendances, et des voies hydrauliques et leurs dépendances (alinéa 1er, 12°).

B.11.2. Les parties requérantes n'exposent pas concrètement en quoi les dispositions attaquées violeraient chacune de ces compétences. Le moyen doit toutefois être compris en ce sens que les parties requérantes estiment qu'il est porté atteinte aux compétences régionales précitées, en ce que les dispositions attaquées règlent, pour les biens du domaine public à l'égard desquels les régions peuvent édicter des règles dans le cadre de l'exercice de ces compétences ou dont la gestion relève de ces compétences, les distances de plantations ou octroient aux voisins un droit à l'enlèvement des plantations qui ne respectent pas les règles de distances ou des branches ou racines envahissantes.

B.12.1. Les règles fédérales de droit commun en matière de « biens » ne s'opposent pas à l'application de règles régionales spécifiques concernant certains biens du domaine public, ainsi qu'il ressort également de l'article 3.2 du Code civil. Cet article confirme que les dispositions du livre 3 du Code civil « ne préjudicient pas aux dispositions spéciales régissant des biens particuliers ». Le commentaire de l'article 3.2 mentionne que « [c]ette disposition est une application du principe selon lequel prévaut une règle particulière qui déroge à la règle générale (' lex specialis derogat legi generali ') », précisant que « certaines des compétences concernant [des] biens [spécifiques] ont été régionalisées ou communautarisées. Par conséquent, des décrets contiennent également de plus en plus de dispositions susceptibles d'affecter le droit des biens. C'est le cas, par exemple, des biens du domaine public » (Doc. parl., Chambre, 2019, DOC 55-0173/001, p. 13).

B.12.2. Les dispositions attaquées ne portent donc pas atteinte à la possibilité pour les régions d'apporter, dans le cadre de leurs compétences et dans le respect du principe de proportionnalité, des restrictions à l'exercice des droits réels, par exemple en soumettant certains actes à une obligation d'autorisation.

A cet égard, la Cour a jugé, par son arrêt n° 8/2016 du 21 janvier 2016, que, dans le cadre de leur compétence de fixer le régime juridique de la voirie terrestre et des voies hydrauliques en vertu de l'article 6, § 1er, X, alinéa 1er, 2°bis, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, les régions peuvent également régler l'usage privatif du domaine de la voirie, des ports, des défenses côtières et des digues (B.27.3).

Le seul fait qu'un voisin d'un bien du domaine public dispose, en vertu des dispositions attaquées, d'une servitude légale sur ce bien ne le dispense pas de respecter les obligations susceptibles d'être imposées par les régions dans le cadre des compétences qui leur ont été attribuées.

B.12.3. Les dispositions attaquées ne portent pas atteinte non plus à la possibilité, pour les régions, d'adopter, dans les limites de leurs compétences, en ce qui concerne les distances de plantations et les droits connexes des voisins, des dispositions spécifiques dérogeant aux règles de droit commun contenues dans le Code civil, dans le cadre desquelles les régions sont cependant également tenues de respecter le principe de proportionnalité. Par ailleurs, les régions peuvent invoquer l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, pour autant qu'il soit satisfait aux conditions d'application de cette disposition.

B.12.4. Enfin, les dispositions attaquées doivent être lues en combinaison avec l'article 3.45 du Code civil, mentionné en B.10.3. Il en découle que les servitudes légales concernant, d'une part, des distances de plantations et, d'autre part, les branches et racines envahissantes, qui sont réglées par les articles 3.133 et 3.134 du Code civil, pourront concerner un bien du domaine public uniquement « dans la mesure où la destination publique de ce bien n'y fait pas obstacle ». Cette règle s'applique également aux biens du domaine public à l'égard desquels les régions peuvent, dans le cadre de l'exercice de leurs compétences, prendre des mesures ou dont la gestion relève de ces compétences. Même en l'absence de règles régionales spécifiques, les dispositions attaquées ne pourront donc en aucun cas avoir pour effet de porter atteinte à la destination de tels biens du domaine public.

B.13. Le premier moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne le deuxième moyen B.14. Le deuxième moyen est pris de la violation, par les dispositions attaquées, des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec le principe de la sécurité juridique, avec le principe de la confiance et avec le principe de la non-rétroactivité.

B.15.1. Dans la première branche du moyen, les parties requérantes font valoir que les dispositions attaquées établiraient, sans qu'existe une justification raisonnable à cet égard, une égalité de traitement entre des situations non comparables, dès lors qu'elles ne font pas de distinction entre les biens du domaine public et les autres biens.

B.15.2. Le contrôle au regard des articles 10 et 11 de la Constitution porte sur un traitement distinct ou égal de catégories de personnes.

La branche du moyen doit par conséquent être comprise en ce sens que la Cour est interrogée au sujet d'une égalité de traitement entre des voisins, en ce qui concerne les règles relatives aux distances de plantations à respecter par rapport à la limite de la parcelle, selon que cette limite se trouve entre deux parcelles privées ou qu'une de ces parcelles appartient au domaine public.

B.16.1. Les biens qui appartiennent au domaine public, du fait de leur nature et de leur affectation, diffèrent des autres biens. Ces différences peuvent justifier que les règles de droit commun relatives aux distances de plantations ne soient pas rendues généralement applicables au domaine public et donc que les catégories de personnes mentionnées en B.15.2 soient soumises à des traitements différents.

La Cour a ainsi jugé, par son arrêt n° 115/2017 du 12 octobre 2017, en ce qui concerne les plantations de protection des talus qui font partie de la voie publique : « Les voies publiques et leurs plantations de protection des talus diffèrent, quant à leur nature et leur affectation, des plantations se trouvant sur les propriétés privées. Les voies publiques et leurs équipements ne sont pas seulement destinés à la circulation et au transport de chacun; ils font en outre partie intégrante de l'environnement, du paysage et de l'aménagement du territoire.

De par cette nature et cette affectation particulières, il n'est pas sans justification raisonnable que le régime de droit commun en matière de distance à respecter pour les plantations ne soit pas réputé généralement applicable aux voies publiques et à leurs équipements.

Les besoins en matière de mobilité, d'environnement, de paysage et d'aménagement du territoire doivent en effet être déterminés en substance par des considérations d'intérêt général, alors que le régime de droit commun en matière de distance à respecter pour les plantations vise en premier lieu à préserver le bon voisinage des propriétaires privés » (B.6).

B.16.2. Contrairement à ce que les parties requérantes soutiennent, les articles 3.133 et 3.134 du Code civil permettent effectivement de tenir compte des différences entre les biens du domaine public et les autres biens.

Lorsque se pose la question de l'existence d'un droit réel d'usage, comme une servitude légale, sur un bien du domaine public, il convient effectivement, en vertu de l'article 3.45 du Code civil, d'examiner si ce droit d'usage fait obstacle à la destination publique de ce bien, comme il est dit en B.12.4. Ce n'est que lorsque tel n'est pas le cas que les plantations situées sur ce bien du domaine public doivent respecter les distances minimales et qu'un voisin peut faire valoir un droit à l'élagage, à l'arrachage ou à la coupe.

Lorsque le voisin réclame l'élagage ou l'arrachage de plantations qui se trouvent sur de tels biens du domaine public, l'article 3.133, alinéa 2, du Code civil confirme par ailleurs expressément qu'il convient d'examiner s'il est question d'abus de droit, étant entendu que le juge doit tenir compte « de toutes les circonstances de la cause, y compris de l'intérêt général ». Pareille obligation s'applique lorsque le voisin exige la coupe de branches ou racines envahissantes, ainsi qu'il ressort de l'article 3.134, alinéa 1er.

B.16.3. Il ressort ainsi de ce qui précède que les catégories de personnes mentionnées en B.15.2 ne sont, en vertu des articles 3.133 et 3.134 du Code civil, pas soumises à une identité de traitement. Au contraire, ces catégories de personnes seront traitées différemment, pour autant que l'affectation du bien du domaine public sur lequel les plantations se trouvent l'exige.

B.17. Pour le reste, il n'est, à la lumière de l'objectif de généralisation de la « jurisprudence développée sur la possibilité de grever des biens du domaine public de droits réels » (Doc. parl., Chambre, 2019, DOC 55-0173/001, pp. 111-112), pas sans justification raisonnable que le législateur choisisse d'étendre le champ d'application du régime de droit commun en matière de distances de plantations aux biens du domaine public dont l'affectation ne fait pas obstacle à l'existence des servitudes en question.

B.18. Il n'est pas non plus sans justification raisonnable que les servitudes légales réglées aux articles 3.133 et 3.134 du Code civil en faveur du gestionnaire d'un bien du domaine public puissent exister sur une parcelle privée limitrophe. Certes, l'article 3.45 de ce Code n'est pas applicable à cette situation, mais il n'empêche que le gestionnaire d'un bien du domaine public doit en principe respecter les prescriptions des articles 3.133 et 3.134, y compris l'interdiction d'abus de droit, lorsqu'il souhaite obtenir l'élagage ou l'arrachage de plantations ou la coupe de branches ou racines. En outre, l'article 3.1 du Code civil dispose que « les parties peuvent déroger aux dispositions du présent Livre » et le gestionnaire d'un bien du domaine public peut donc autoriser son voisin à réaliser des plantations qui ne respectent pas les règles de distances, ainsi qu'il ressort également de l'article 3.133, alinéa 1er.

B.19. En sa première branche, le deuxième moyen n'est pas fondé.

B.20. Dans la seconde branche du moyen, les parties requérantes critiquent l'absence de régime transitoire en ce qui concerne les nouvelles règles de distances de plantations. Selon les parties requérantes, ces règles s'appliquent immédiatement à toutes les plantations existantes. Il s'ensuivrait que des voisins pourraient exiger l'élagage ou l'arrachage de plantations sur le domaine public qui ne respectent pas les règles de distances, même si les plantations sont antérieures à l'entrée en vigueur de la loi du 4 février 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/02/2020 pub. 17/03/2020 numac 2020020347 source service public federal justice Loi portant le livre 3 « Les biens » du Code civil fermer.

Pour la même raison, les voisins pourraient réclamer la coupe de branches et racines envahissantes ou pourraient même prendre l'initiative de la faire eux-mêmes. En réalité, il serait ainsi conféré un effet rétroactif aux dispositions attaquées et, à tout le moins, l'absence de régime transitoire porterait atteinte à la confiance légitime des parties requérantes.

B.21. L'article 37 de la loi du 4 février 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/02/2020 pub. 17/03/2020 numac 2020020347 source service public federal justice Loi portant le livre 3 « Les biens » du Code civil fermer contient le régime transitoire suivant : « § 1er. La présente loi s'applique à tous les actes juridiques et faits juridiques qui ont eu lieu après son entrée en vigueur.

Sauf accord contraire entre les parties, la présente loi ne s'applique pas : 1° aux effets futurs des actes juridiques et des faits juridiques survenus avant son entrée en vigueur;2° aux actes juridiques et aux faits juridiques qui se sont produits après son entrée en vigueur et qui se rapportent à des droits réels découlant d'un acte juridique ou d'un fait juridique survenu avant son entrée en vigueur. Les dispositions de la présente loi ne peuvent porter atteinte aux droits qui auraient été acquis avant l'entrée en vigueur de la présente loi. § 2. Lorsque le délai de prescription a commencé à courir avant l'entrée en vigueur des nouveaux délais de prescription prévus par la présente loi, la prescription ne court qu'à compter de cette entrée en vigueur. La durée totale du délai de prescription ne peut toutefois excéder celle qui était applicable avant l'entrée en vigueur de la présente loi ».

Dans l'exposé de la loi du 4 février 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/02/2020 pub. 17/03/2020 numac 2020020347 source service public federal justice Loi portant le livre 3 « Les biens » du Code civil fermer, il est dit à cet égard : « Les dispositions transitoires visent à assurer une sécurité juridique maximale en excluant notamment, et sauf clause contraire, l'application des nouvelles dispositions aux effets futurs des actes et faits juridiques survenus avant l'entrée en vigueur mais aussi à tout ce qui se rapporterait à un droit réel né avant cette entrée en vigueur même si l'acte ou le fait juridique survient postérieurement.

On pourrait songer, par exemple, aux actes notariés déclaratifs d'un droit de superficie. S'agissant de droits réels, parfois perpétuels, plus encore demain qu'aujourd'hui, il est affirmé qu'il ne peut en aucun cas être porté atteinte aux droits acquis avant l'entrée en vigueur.

Différents délais de prescription, tant acquisitive qu'extinctive, sont modifiés par les nouvelles dispositions. Une disposition transitoire a donc été prévue en conséquence sur le modèle de ce qui a été décidé lors de la réforme des délais de prescription par la loi du 10 juin 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/06/1998 pub. 17/07/1998 numac 1998009557 source ministere de la justice Loi modifiant certaines dispositions en matière de prescription fermer » (Doc. parl., Chambre, 2019, DOC 55-0173/001, p. 351).

B.22.1. La branche du moyen repose sur la prémisse selon laquelle les nouvelles règles relatives aux distances de plantations doivent être appliquées aux plantations faites sur le domaine public avant l'entrée en vigueur de la loi du 4 février 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/02/2020 pub. 17/03/2020 numac 2020020347 source service public federal justice Loi portant le livre 3 « Les biens » du Code civil fermer. Cette prémisse est toutefois erronée, étant donné qu'il découle de l'article 37, § 1er, alinéa 1er, de la loi du 4 février 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/02/2020 pub. 17/03/2020 numac 2020020347 source service public federal justice Loi portant le livre 3 « Les biens » du Code civil fermer que cette loi, y compris les dispositions attaquées, n'est applicable qu'aux faits juridiques, comme la réalisation de plantations, survenus après son entrée en vigueur. En outre, l'article 37, § 1er, alinéa 2, 1°, dispose que la même loi ne s'applique pas aux effets futurs de faits juridiques qui ont eu lieu avant son entrée en vigueur.

B.22.2. Contrairement à ce que les parties requérantes prétendent, une telle lecture de l'article 37 de la loi du 4 février 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/02/2020 pub. 17/03/2020 numac 2020020347 source service public federal justice Loi portant le livre 3 « Les biens » du Code civil fermer n'est pas en contradiction avec le fait que les règles existantes en matière de distances de plantations et de branches et racines envahissantes, contenues dans les articles 35, 36 et 37 du Code rural, sont, en vertu de l'article 31 de la loi du 4 février 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/02/2020 pub. 17/03/2020 numac 2020020347 source service public federal justice Loi portant le livre 3 « Les biens » du Code civil fermer, abrogées à compter de l'entrée en vigueur de cette loi. L'abrogation de ces règles existantes s'applique en effet exclusivement aux actes et faits juridiques ou aux effets auxquels les nouvelles règles relatives à la même matière, contenues dans les articles 3.133 et 3.134 de la loi du 4 février 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/02/2020 pub. 17/03/2020 numac 2020020347 source service public federal justice Loi portant le livre 3 « Les biens » du Code civil fermer, sont applicables en vertu de l'article 37 précité.

Pareille lecture de la disposition abrogatoire de l'article 31 trouve du reste appui dans l'objectif qui, selon les travaux préparatoires, est poursuivi en vue d'« assurer une sécurité juridique maximale », ce qui se fait « en excluant notamment, [...], l'application des nouvelles dispositions aux effets futurs des actes et faits juridiques survenus avant l'entrée en vigueur » (ibid., p. 351).

Les articles 35, 36 et 37 du Code rural restent dès lors applicables aux plantations réalisées avant l'entrée en vigueur de la loi du 4 février 2020Documents pertinents retrouvés type loi prom. 04/02/2020 pub. 17/03/2020 numac 2020020347 source service public federal justice Loi portant le livre 3 « Les biens » du Code civil fermer, auxquelles les articles 3.133 et 3.134 de ladite loi ne sont pas applicables, en vertu de l'article 37 de la même loi.

B.23. En sa seconde branche, le deuxième moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne le troisième moyen B.24.1. Le troisième moyen est pris de la violation de l'article 23, alinéa 3, 4°, de la Constitution par les dispositions attaquées. Les parties requérantes font valoir que les dispositions attaquées entraînent un recul significatif du degré de protection d'un environnement sain qui n'est pas justifié par un but d'intérêt général.

B.24.2. Dans le cadre juridique qui existait auparavant, les règles relatives aux distances de plantations et aux branches et racines envahissantes, contenues dans les articles 35, 36 et 37 du Code rural, étaient censées ne pas s'appliquer au domaine public. Les voisins qui s'estimaient lésés pouvaient exiger l'élagage ou l'arrachage de plantations publiques s'ils subissaient des nuisances anormales.

Ainsi, en cas de conflit, le juge devait toujours procéder concrètement à une balance des intérêts du voisin et de ceux du domaine public.

Selon les parties requérantes, les voisins pourront désormais, en vertu de l'article 3.133 du Code civil, exiger l'élagage ou l'arrachage de plantations sur le domaine public si les règles de distances ne sont pas respectées, alors qu'auparavant cette possibilité n'était prévue qu'en cas de troubles de voisinage anormaux. Cela vaudrait également, conformément à l'article 3.134, pour la coupe de branches ou racines envahissantes, dont les voisins pourront en outre prendre l'initiative.

Les dispositions attaquées entraîneraient donc une perte au niveau des espaces verts publics.

B.25. L'article 23, alinéa 3, 4°, de la Constitution contient, en ce qui concerne le droit à la protection d'un environnement sain, une obligation de standstill qui interdit au législateur compétent de réduire significativement le degré de protection offert par la législation applicable, sans qu'existent pour ce faire des motifs d'intérêt général.

B.26.1. Ainsi qu'il est mentionné en B.9.3, les articles 3.133 et 3.134 du Code civil peuvent être appliqués aux plantations qui se trouvent sur un bien du domaine public uniquement dans la mesure où la destination publique de ce bien n'y fait pas obstacle. Dans le cadre de l'appréciation du respect de cette condition, il devra être tenu compte de ce que, dans de nombreux cas, la présence de plantations est essentielle à la réalisation de la destination publique d'un bien du domaine public. Tel semble être en particulier le cas pour les voies publiques et leurs plantations de protection des talus, auxquelles les parties requérantes renvoient pour l'essentiel. En ce qui concerne ces biens du domaine public, la Cour a en effet considéré, par son arrêt n° 115/2017, que ceux-ci « ne sont pas seulement destinés à la circulation et au transport de chacun », mais qu'ils font « partie intégrante de l'environnement, du paysage et de l'aménagement du territoire » (B.6).

B.26.2. Si l'application de l'article 3.133 ou 3.134 n'est pas incompatible avec l'affectation publique du bien du domaine public, le juge devra toujours, lorsque l'élagage ou l'arrachage de plantations ou la coupe de branches ou racines seront réclamés, vérifier si cette exigence constitue un abus de droit, compte tenu de « toutes les circonstances de la cause, y compris de l'intérêt général ». Il ressort des travaux préparatoires que cette précision a été dictée par la considération selon laquelle « on ne peut plus ignorer [...] les fonctions des plantations à l'égard de l'intérêt général, par exemple leur intérêt environnemental, leur valeur paysagère, ni leur valeur patrimoniale, cette énumération n'étant pas exhaustive » (Doc. parl., Chambre, 2019-2020, DOC 55-0173/002, p. 7).

B.27. Ensuite, en ce qui concerne la possibilité pour le voisin de couper lui-même des branches ou racines envahissantes et de se les approprier, en vertu de l'article 3.134, alinéa 1er, du Code civil, il convient d'observer que cette possibilité n'existe que si le propriétaire des plantations a omis d'enlever lui-même les branches ou racines envahissantes « dans les soixante jours d'une mise en demeure par envoi recommandé du voisin ». Lorsque les plantations se trouvent sur un bien du domaine public, le propriétaire de ces plantations dispose dès lors d'un délai raisonnable pour s'opposer à l'enlèvement des branches ou racines par le voisin de sa propre initiative. Il dispose à cet égard de la possibilité d'introduire une action auprès du juge compétent, lequel pourra examiner si l'existence de la servitude légale dans le chef du voisin est compatible avec l'affectation du bien du domaine public ou si l'enlèvement demandé constitue un abus de droit.

Par ailleurs, l'article 3.134, alinéa 1er, du Code civil dispose que le voisin, s'il coupe de son propre chef des branches ou racines, « assume le risque des dommages causés aux plantations ». Il ressort des travaux préparatoires que, par cette précision, le législateur a voulu éviter que le voisin qui a laissé se prescrire le droit de demander l'arrachage de la plantation enlève par la suite « ces racines et ces branches, même si cela menace la survie de la plante » (Doc. parl., Chambre, 2019-2020, DOC 55-0173/002, p. 9).

B.28. Eu égard à ce qui précède, il ne peut être admis que les dispositions attaquées entraînent un recul significatif du degré de protection existant du droit à un environnement sain. Par conséquent, l'article 23, alinéa 3, 4°, de la Constitution n'est pas violé.

B.29. Le troisième moyen n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 21 octobre 2021.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, L. Lavrysen

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