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Arrêt
publié le 03 mai 2022

Extrait de l'arrêt n° 87/2021 du 10 juin 2021 Numéro du rôle : 7428 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 187, § 1 er , alinéa 4, du Code d'instruction criminelle, posée par le Tribunal correctionnel francoph La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et L. Lavrysen, et des juges T. Merc(...)

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Extrait de l'arrêt n° 87/2021 du 10 juin 2021 Numéro du rôle : 7428 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 187, § 1er, alinéa 4, du Code d'instruction criminelle, posée par le Tribunal correctionnel francophone de Bruxelles.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et L. Lavrysen, et des juges T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache et T. Detienne, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président F. Daoût, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 20 juillet 2020, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 27 août 2020, le Tribunal correctionnel francophone de Bruxelles a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 187, § 1er, alinéa 4, du Code d'instruction criminelle - interprété en ce sens qu'il n'est plus possible de former opposition contre la condamnation au civil au terme de la prescription de la peine - viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il implique qu'une personne qui a été condamnée par défaut et n'a pas eu connaissance de la signification du jugement avant que la prescription de la peine prononcée par ce jugement ait été atteinte ne peut plus former opposition civile à ce jugement après l'expiration du délai de prescription de la peine, alors que la personne qui a eu connaissance de la signification du jugement avant que la prescription de la peine soit intervenue, peut former opposition civile à ce jugement dans les quinze jours qui suivent cette prise de connaissance, alors que le jugement rendu par défaut crée, pour les deux catégories de personnes, des obligations en matière civile ? ». (...) III. En droit (...) Quant à la disposition en cause et à sa portée B.1.1 La Cour est interrogée au sujet de l'article 187, § 1er, alinéa 4, du Code d'instruction criminelle. Tel qu'il a été remplacé par l'article 83 de la loi du 5 février 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/02/2016 pub. 19/02/2016 numac 2016009064 source service public federal justice Loi modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice fermer « modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice » (ci-après : la loi du 5 février 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/02/2016 pub. 19/02/2016 numac 2016009064 source service public federal justice Loi modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice fermer), l'article 187, § 1er, du Code d'instruction criminelle dispose : « La personne condamnée par défaut pourra faire opposition au jugement dans les quinze jours qui suivent celui de la signification de ce dernier.

Lorsque la signification du jugement n'a pas été faite à sa personne, le condamné par défaut pourra faire opposition, quant aux condamnations pénales, dans les quinze jours qui suivent celui où il aura eu connaissance de la signification.

S'il en a eu connaissance par la signification d'un mandat d'arrêt européen ou d'une demande d'extradition ou que le délai en cours de quinze jours n'a pas encore expiré au moment de son arrestation à l'étranger, il pourra faire opposition dans les quinze jours qui suivent celui de sa remise ou de sa remise en liberté à l'étranger.

S'il n'est pas établi qu'il a eu connaissance de la signification, le condamné par défaut pourra faire opposition jusqu'à l'expiration des délais de prescription de la peine. Il pourra faire opposition, quant aux condamnations civiles, jusqu'à l'exécution du jugement.

La partie civile et la partie civilement responsable ne pourront faire opposition que dans les conditions énoncées à l'alinéa 1er ».

B.1.2. En vertu de l'article 143, alinéa 2, de la loi du 5 février 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/02/2016 pub. 19/02/2016 numac 2016009064 source service public federal justice Loi modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice fermer, cette disposition s'applique au défaut que fait une partie après le 29 février 2016. Dès lors que, dans l'affaire soumise au juge a quo, la personne condamnée a fait défaut le 30 avril 2014, la disposition ainsi modifiée ne lui est pas applicable.

B.1.3. Avant son remplacement par l'article 83 de la loi du 5 février 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/02/2016 pub. 19/02/2016 numac 2016009064 source service public federal justice Loi modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice fermer, l'article 187 du Code d'instruction criminelle disposait : « Le condamné par défaut pourra faire opposition au jugement dans les quinze jours, qui suivent celui de sa signification.

Lorsque la signification du jugement n'a pas été faite à sa personne, le prévenu pourra faire opposition, quant aux condamnations pénales, dans les quinze jours qui suivent celui où il aura connu la signification. S'il en a eu connaissance par la signification d'un mandat d'arrêt européen ou d'une demande d'extradition ou que le délai en cours de quinze jours n'a pas encore expiré au moment de son arrestation à l'étranger, il pourra faire opposition dans les quinze jours qui suivent celui de sa remise ou de sa remise en liberté à l'étranger. S'il n'est pas établi qu'il a eu connaissance de la signification, le prévenu pourra faire opposition jusqu'à l'expiration des délais de prescription de la peine. Il pourra faire opposition, quant aux condamnations civiles, jusqu'à l'exécution du jugement.

La partie civile et la partie civilement responsable ne pourront faire opposition que dans les conditions énoncées à l'alinéa 1.

L'opposition sera signifiée au ministère public, à la partie poursuivante ou aux autres parties en cause.

Si l'opposition n'a pas été signifiée dans les quinze jours qui suivent la signification du jugement, il pourra être procédé à l'exécution des condamnations et, en cas d'appel des parties poursuivantes ou de l'une d'elles, il pourra être procédé au jugement sur l'appel.

La condamnation sera comme non avenue par suite de l'opposition; néanmoins, les frais et dépens causés par l'opposition, y compris le coût de l'expédition et de la signification du jugement, seront laissés à charge de l'opposant, si le défaut lui est imputable ».

B.1.4. Dans les travaux préparatoires de la loi du 5 février 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/02/2016 pub. 19/02/2016 numac 2016009064 source service public federal justice Loi modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice fermer, il est précisé que l'article 83 de cette loi « maintient le contenu des anciens articles 187 et 188 en le précisant et en le restructurant par souci de clarté » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1418/001, p. 77). Les modifications ne concernent pas le délai « extraordinaire » d'opposition prévu à l'article 187, alinéa 2, ancien, du Code d'instruction criminelle. Cet alinéa a été repris dans le nouvel article 187, § 1er, alinéas 2 à 4, du Code d'instruction criminelle, moyennant quelques modifications de pure forme.

Dès lors que l'article 187 du Code d'instruction criminelle, dans sa version antérieure à son remplacement par l'article 83 de la loi du 5 février 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/02/2016 pub. 19/02/2016 numac 2016009064 source service public federal justice Loi modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice fermer, et l'article 187, § 1er, du Code d'instruction criminelle, tel qu'il a été introduit par l'article 83 de la loi du 5 février 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/02/2016 pub. 19/02/2016 numac 2016009064 source service public federal justice Loi modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice fermer, ne diffèrent pas en ce qui concerne la disposition en cause dans la question préjudicielle, il convient de considérer que la Cour est interrogée au sujet de l'article 187, alinéa 2, in fine, du Code d'instruction criminelle, tel qu'il était applicable avant son remplacement par l'article 83 de la loi du 5 février 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/02/2016 pub. 19/02/2016 numac 2016009064 source service public federal justice Loi modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice fermer.

B.1.5. La Cour reformule la question en ce sens.

B.2.1. L'opposition est une voie de recours ordinaire ouverte à la partie qui a été condamnée par défaut, en vue d'obtenir de la juridiction qui a statué par défaut une nouvelle décision après un débat contradictoire. L'essence et la finalité mêmes de l'opposition sont de permettre le plein exercice des droits de la défense par une personne qui pourrait, en raison de sa défaillance, ne pas avoir connaissance de tous les éléments d'une cause ou tout au moins ne pas avoir pu s'expliquer sur eux.

B.2.2. En vertu de l'article 187, alinéas 1er et 3, du Code d'instruction criminelle, tel qu'il est applicable dans l'affaire devant le juge a quo, le condamné, la partie civilement responsable et la partie civile ont quinze jours pour faire opposition à un jugement pénal prononcé par défaut. Ce délai court à compter de la signification régulière de la décision rendue par défaut. Toutefois, l'alinéa 2 du même article prévoit un délai supplémentaire au seul bénéfice du condamné par défaut auquel la signification du jugement n'a pas été faite en parlant à sa personne, alors que la partie civile et la partie civilement responsable ne disposent que du délai ordinaire d'opposition prévu à l'alinéa 1er.

Lorsque le jugement n'a pas été signifié à sa personne, le condamné par défaut peut faire opposition, en ce qui concerne la condamnation pénale, dans les quinze jours qui suivent celui où il a eu connaissance de la signification. S'il n'est pas établi qu'il a eu connaissance de la signification, le condamné par défaut peut encore faire opposition jusqu'à l'expiration des délais de prescription de la peine.

Le délai « extraordinaire » d'opposition visé à l'article 187, alinéa 2, du Code d'instruction criminelle se termine à l'expiration des délais de prescription de la peine. Lorsque le condamné par défaut a connaissance de la signification après la prescription de la peine, celui-ci ne peut plus contester au pénal la décision rendue par défaut (Cass., 22 février 1994, Pas., 1994, I, n° 88).

Les délais de prescription de la peine figurent aux articles 91 à 93 du Code pénal, qui disposent : «

Art. 91.Sauf pour les peines concernant les infractions définies dans les articles 136bis, 136ter et 136quater, les peines criminelles se prescriront par vingt années révolues, à compter de la date des arrêts ou jugements qui les prononcent.

Art. 92.Sauf pour les peines concernant les infractions définies aux articles 136bis, 136ter et 136quater, qui sont imprescriptibles, les peines correctionnelles se prescriront par cinq années révolues, à compter de la date de l'arrêt ou du jugement rendu en dernier ressort, ou à compter du jour où le jugement rendu en première instance ne pourra plus être attaqué par la voie de l'appel.

Si la peine prononcée dépasse trois années, la prescription sera de dix ans.

Art. 93.Les peines de police se prescriront par une année révolue, à compter des époques fixées à l'article précédent ».

B.2.3. En ce qui concerne les condamnations civiles, l'article 187, alinéa 2, in fine, du Code d'instruction criminelle dispose que le condamné par défaut auquel le jugement n'a pas été signifié à sa personne ne peut faire opposition que « jusqu'à l'exécution du jugement ».

B.2.4. Dans les travaux préparatoires de la loi du 9 mars 1908 « portant modification des articles 151, 187 et 413 du Code d'instruction criminelle », il est précisé, à ce sujet : « Il serait excessif de laisser les droits de la partie civile douteux jusqu'à l'expiration du délai de prescription de la peine. Le Projet fait au prévenu une situation privilégiée. S'il est condamné par défaut, c'est le plus souvent par sa faute ou par sa négligence. Dès lors, on doit tenir compte des intérêts de la partie civile qui, elle, est la victime de l'infraction. Le Projet adopte un moyen terme en n'accordant le droit d'opposition extraordinaire quant aux condamnations civiles que jusqu'à l'exécution du jugement.

C'est la solution consacrée en matière civile par l'article 158 du Code de procédure civile. Il s'agit ici de l'exécution définitive et non des premières mesures d'exécution, comme la saisie. Cela résulte de la similitude des textes, confirmée par les déclarations de M. le Ministre de la Justice à la Chambre. Il pourra y avoir, en fait, des décisions judiciaires contradictoires en raison de la règle que nous examinons en ce moment, et cet inconvénient se produira lorsque, après exécution d'un jugement correctionnel accueillant les conclusions de la partie civile, le condamné fera plus tard opposition à sa condamnation et obtiendra un acquittement. Il est, cependant, impossible de méconnaître complètement les droits de la victime en laissant les choses en suspens au civil aussi longtemps qu'au correctionnel [...] » (Doc. parl., Sénat, 1907-1908, n° 56, pp. 4-5).

B.2.5. L'article 187, alinéa 2, in fine, du Code d'instruction criminelle, tel qu'il est applicable dans l'affaire devant le juge a quo, permet au condamné par défaut de faire opposition, en ce qui concerne les condamnations civiles, jusqu'à l'expiration du délai de prescription de la peine (Cass. 7 octobre 1992, Pas., I, 1992, n° 652;

Cass., 9 janvier 2007, P.06.1250.N), à moins que le jugement ait été exécuté, auquel cas il ne peut plus faire opposition sur le plan civil après l'exécution. L'exécution du jugement, sur le plan civil, avant l'expiration des délais de prescription de la peine laisse néanmoins intacte la faculté, pour le condamné par défaut, de former opposition, sur le plan pénal, après cette exécution, jusqu'à l'expiration du délai extraordinaire.

Quant au fond B.3.1. Le juge a quo interroge la Cour au sujet de la différence de traitement entre, d'une part, les condamnés par défaut qui n'ont pas eu connaissance de la signification du jugement avant l'expiration du délai de prescription de la peine et, d'autre part, ceux qui ont eu connaissance de cette signification avant l'expiration du délai de prescription de la peine, en ce que, contrairement aux seconds, qui ont pu former une opposition à ce jugement sur le plan civil dans les quinze jours de cette connaissance, les premiers ne peuvent pas faire opposition à ce jugement sur le plan civil.

B.3.2. Par son arrêt n° 163/2014 du 6 novembre 2014, la Cour a jugé que la même différence de traitement, en ce qui concerne le délai extraordinaire d'opposition sur le plan pénal, est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution : « B.4. Selon l'article 185 du Code d'instruction criminelle, le prévenu doit comparaître en personne ou par un avocat. Si un prévenu est condamné par défaut, celui-ci dispose du droit à une nouvelle appréciation en fait et en droit et du droit d'être entendu, sauf s'il a renoncé à son droit de comparaître et de se défendre ou s'il a l'intention de se soustraire à la justice (CEDH, 24 mai 2007, Da Luz Domingues Ferreira c. Belgique, § 54; 1er mars 2011, Faniel c.

Belgique, § 26).

Le droit de former opposition à un jugement par défaut peut certes se prêter à des exigences procédurales en ce qui concerne l'utilisation de voies de recours, mais ces exigences ne peuvent empêcher le prévenu de faire usage des voies de recours disponibles (CEDH, 28 octobre 1998, Pérez de Rada Cavanilles c. Espagne, §§ 44-45; 24 mai 2007, Da Luz Domingues Ferreira c. Belgique, § 57; 1er mars 2011, Faniel c.

Belgique, § 26). Les règles relatives aux délais à respecter pour former un recours visent à assurer une bonne administration de la justice et le respect, en particulier, du principe de la sécurité juridique (CEDH, 28 octobre 1998, Pérez de Rada Cavanilles c. Espagne, § 45).

Afin de garantir la possibilité d'opposition et le droit d'accès au juge, il importe non seulement que les règles concernant les possibilités des voies de recours et les délais soient posées avec clarté, mais qu'elles soient aussi portées à la connaissance des justiciables de la manière la plus explicite possible, afin que ceux-ci puissent en faire usage conformément à la loi (CEDH, 1er mars 2011, Faniel c. Belgique, § 30).

B.5.1. L'article 187, alinéa 2, du Code d'instruction criminelle garantit au prévenu condamné par défaut auquel le jugement par défaut n'a pu être signifié à personne un délai d'opposition supplémentaire qui, ainsi qu'il a été exposé en B.1.2, diffère selon que l'intéressé a ou non connaissance de la signification du jugement par défaut avant la prescription de la peine.

B.5.2. Le juge qui doit se prononcer sur la recevabilité de l'opposition apprécie souverainement si et à quelle date l'intéressé a eu connaissance de la signification (Cass., 3 janvier 1989, Pas. 1989, p. 473). En cas de contestation, ce n'est pas au prévenu qu'il appartient de prouver l'absence de prise de connaissance. C'est au contraire au ministère public ou à la partie civile qu'il appartient d'établir le moment de la prise de connaissance de la signification lorsqu'ils veulent soulever la tardiveté de l'opposition (Cass., 19 décembre 1972, Pas. 1973, I, p. 396). La charge de la preuve qui repose sur eux à l'égard d'une telle question de fait deviendra plus lourde à mesure que le temps passe.

B.5.3. Si l'opposition faite dans le délai extraordinaire est recevable, la décision prise par défaut est anéantie et l'action publique renaît. Plus la période entre le jugement par défaut et la formation de l'opposition est longue, plus il sera difficile de réexaminer l'affaire et plus la manifestation de la vérité sera malaisée. En outre, les droits de la défense dans un procès doivent être examinés non seulement du point de vue du prévenu, mais également du point de vue de la partie civile et de la victime, dont la situation peut également être influencée par suite de l'opposition formée par le prévenu.

Le législateur fait usage d'un critère de distinction objectif et pertinent en n'admettant l'opposition, dans le délai extraordinaire, que tant que la peine n'est pas prescrite et peut donc encore être exécutée. Du fait que des délais de prescription différents s'appliquent aux différents types de peines, la durée de la période durant laquelle le délai extraordinaire d'opposition s'applique, si le prévenu condamné n'a pas eu connaissance de la signification du jugement rendu par défaut, est donc aussi proportionnée à la lourdeur de la peine.

B.5.4. Par ailleurs, lorsque la force majeure est prouvée, l'opposition formée hors délai peut néanmoins être déclarée recevable (Cass., 3 mars 1981, Pas. 1981, I, n° 388). Dans ce cas, le jugement par défaut ne peut plus servir de fondement pour la récidive légale en cas de nouvelle infraction et il ne pourra faire obstacle au bénéfice de la suspension ou à la possibilité d'un sursis. La force majeure justifiant la recevabilité de l'opposition formée après l'expiration du délai légal 'ne peut résulter que d'une circonstance indépendante de la volonté du demandeur et que cette volonté n'a pu ni prévoir ni conjurer' (Cass., 8 novembre 2006, Pas., 2006, n° 545).

B.6. Eu égard aux objectifs précités du législateur et compte tenu du principe général de droit selon lequel la sévérité de la loi peut être tempérée en cas de force majeure, principe auquel la disposition en cause n'a pas dérogé, la différence de traitement au sujet de laquelle la Cour est interrogée n'est pas incompatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution ».

B.3.3. Dans ce même arrêt, la Cour a précisé qu'elle était uniquement interrogée au sujet de l'article 187 du Code d'instruction criminelle en ce qu'il règle le délai extraordinaire d'opposition au pénal et non au civil (B.2.2).

B.3.4. La Cour est à présent interrogée au sujet de l'article 187 du Code d'instruction criminelle, tel qu'il est applicable devant le juge a quo, en ce qu'il règle le délai extraordinaire d'opposition au civil. Il ressort de la décision de renvoi que, dans l'affaire soumise au juge a quo, le jugement n'a pas été signifié à la personne du prévenu qui a été condamné par défaut et n'a pas été exécuté avant l'expiration du délai de prescription de la peine. La Cour limite son examen à cette hypothèse.

B.4.1. La Cour européenne des droits de l'homme juge que la question de l'irrecevabilité de l'opposition sur le plan civil due à la prescription de la condamnation pénale appartient en principe au premier chef aux juridictions internes, les Etats jouissant d'une large marge d'appréciation en matière de délai de prescription (CEDH, décision, 16 novembre 2004, Lefebvre c. France, § 1). Les règles relatives aux délais à respecter pour former un recours visent à assurer une bonne administration de la justice et le respect, en particulier, du principe de la sécurité juridique (CEDH, 28 octobre 1998, Pérez de Rada Cavanilles c. Espagne, § 45). Par ailleurs, l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l'homme s'applique aux procédures dans lesquelles le volet civil est étroitement lié au déroulement de la procédure pénale, lorsque cette dernière conditionne le volet civil. A fortiori, l'article 6, paragraphe 1, s'applique aux procédures qui portent à la fois sur le bien-fondé de l'accusation pénale et sur le volet civil de l'affaire (CEDH, grande chambre, 12 février 2004, Perez c. France, § 67), de sorte que les garanties prévues pour l'opposition sur le plan pénal s'appliquent également en ce qui concerne l'opposition aux condamnations civiles prononcées par les juridictions pénales.

B.4.2. La comparution d'un prévenu revêt une importance capitale en raison tant du droit de celui-ci à être entendu que de la nécessité de contrôler l'exactitude de ses affirmations et de les confronter avec les dires de la victime, dont il y a lieu de protéger les intérêts, ainsi qu'avec ceux des témoins (CEDH, 23 novembre 1993, Poitrimol c.

France, § 35; 13 février 2001, Krombach c. France, § 84; 14 juin 2001, Medenica c. Suisse, § 54; 13 janvier 2011, Drakos c. Grèce, § 35). Si le droit national autorise le déroulement d'un procès nonobstant l'absence de l'accusé, celui-ci doit pouvoir obtenir ultérieurement qu'une juridiction statue à nouveau, après l'avoir entendu, sur le bien-fondé de l'accusation en fait comme en droit, lorsqu'il n'est pas établi qu'il a renoncé à son droit de comparaître et de se défendre ni qu'il a eu l'intention de se soustraire à la justice (CEDH, grande chambre, 1er mars 2006, Sejdovic c. Italie, § 82; 1er mars 2011, Faniel c. Belgique, § 26). Il faut qu'il n'incombe pas à l'accusé de prouver qu'il n'entendait pas se dérober à la justice, ni que son absence s'expliquait par un cas de force majeure. En même temps, il est loisible aux autorités nationales d'évaluer si les excuses fournies par l'accusé pour justifier son absence étaient valables ou si les éléments versés au dossier permettaient de conclure que son absence était indépendante de sa volonté (CEDH, Sejdovic c. Italie, précité, § 88). Le législateur doit pouvoir décourager les abstentions injustifiées, à condition que les sanctions ne se révèlent pas disproportionnées et que le prévenu ne soit pas privé de son droit à l'assistance d'un défenseur (ibid., § 92).

B.5.1. Il ressort des travaux préparatoires mentionnés en B.2.4 qu'en réglant le délai extraordinaire d'opposition sur le plan civil, le législateur a souhaité ménager un équilibre entre le droit du condamné par défaut d'être entendu et les intérêts patrimoniaux de la victime, qui ne peuvent être laissés indéfiniment en suspens. Il s'agit d'un objectif légitime.

B.5.2. Le législateur a estimé que le sort de l'action civile dépend du sort réservé à l'action publique, si bien que, lorsqu'elle est portée devant le juge répressif, l'action civile est réglée spécifiquement par les dispositions du Code d'instruction criminelle, et non par celles du Code judiciaire. Dans l'hypothèse visée dans la question préjudicielle, selon laquelle le condamné n'a pas eu connaissance de la signification du jugement et ce jugement n'a pas été exécuté avant l'expiration du délai de prescription de la peine, le délai extraordinaire d'opposition est identique sur le plan civil et sur le plan pénal, ce qui résulte du caractère accessoire de l'action civile par rapport à l'action publique.

Si l'opposition faite dans le délai extraordinaire est recevable, la décision prise par défaut est anéantie et l'action civile renaît. Plus la période entre le jugement par défaut et la formation de l'opposition est longue, plus il sera difficile de réexaminer l'affaire et moins la manifestation de la vérité sera aisée. En outre, les droits de la défense dans un procès doivent être examinés non seulement du point de vue du prévenu, mais également du point de vue de la partie civile et de la victime, dont la situation peut également être influencée par l'opposition formée par le prévenu.

Le législateur a fait usage d'un critère de distinction objectif et pertinent en n'admettant l'opposition sur le plan civil, dans le délai extraordinaire, que tant que la peine n'est pas prescrite et qu'elle peut donc encore être exécutée. Par ailleurs, du fait que des délais de prescription différents s'appliquent aux différents types de peines, le délai pour former opposition est aussi proportionné à la sévérité de la peine.

B.5.3. Enfin, la mesure ne produit pas des effets disproportionnés pour le condamné par défaut, dès lors que l'article 187, alinéa 2, du Code d'instruction criminelle, tel qu'il est applicable dans l'affaire devant le juge a quo, ne déroge pas au principe général de droit selon lequel la sévérité de la loi peut être tempérée en cas de force majeure. Partant, si la force majeure est prouvée, le condamné par défaut a également la possibilité de former opposition, sur le plan civil, après l'expiration du délai extraordinaire. Pour être recevable, la force majeure « ne peut résulter que d'une circonstance indépendante de la volonté du demandeur et que cette volonté n'a pu ni prévoir ni conjurer » (Cass., 8 novembre 2006, Pas., 2006, n° 545).

B.6. Il n'y a donc pas lieu de dresser en ce qui concerne le délai extraordinaire d'opposition prévu par le Code d'instruction criminelle sur le plan civil un constat autre qu'en ce qui concerne le délai prévu sur le plan pénal. Eu égard aux objectifs, précités, du législateur et compte tenu du principe général de droit selon lequel la sévérité de la loi peut être tempérée en cas de force majeure, auquel la disposition en cause n'a pas dérogé, la différence de traitement au sujet de laquelle la Cour est interrogée est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.7. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 187, alinéa 2, in fine, du Code d'instruction criminelle, tel qu'il était applicable avant son remplacement par l'article 83 de la loi du 5 février 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/02/2016 pub. 19/02/2016 numac 2016009064 source service public federal justice Loi modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice fermer « modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice », ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 10 juin 2021.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, F. Daoût

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