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Arrêt
publié le 17 septembre 2021

Extrait de l'arrêt n° 106/2021 du 15 juillet 2021 Numéro du rôle : 7247 En cause : le recours en annulation du décret de la Région wallonne du 14 février 2019 « modifiant l'article 11 de la loi du 12 juillet 1973 sur la conservation de la nat La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et L. Lavrysen, des juges P. Nihoul,(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 106/2021 du 15 juillet 2021 Numéro du rôle : 7247 En cause : le recours en annulation du décret de la Région wallonne du 14 février 2019 « modifiant l'article 11 de la loi du 12 juillet 1973Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/07/1973 pub. 24/08/2010 numac 2010000473 source service public federal interieur Loi sur la conservation de la nature Traduction en langue allemande de la version fédérale fermer sur la conservation de la nature en vue d'interdire le survol des réserves naturelles avec un drone », introduit par le Conseil des ministres.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et L. Lavrysen, des juges P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache et T. Detienne, et conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, de la juge émérite T. Merckx-Van Goey, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président F. Daoût, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 3 septembre 2019 et parvenue au greffe le 5 septembre 2019, le Conseil des ministres, assisté et représenté par Me B. Van Hyfte et Me L. Delmotte, avocats au barreau de Bruxelles, a introduit un recours en annulation du décret de la Région wallonne du 14 février 2019 « modifiant l'article 11 de la loi du 12 juillet 1973Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/07/1973 pub. 24/08/2010 numac 2010000473 source service public federal interieur Loi sur la conservation de la nature Traduction en langue allemande de la version fédérale fermer sur la conservation de la nature en vue d'interdire le survol des réserves naturelles avec un drone » (publié au Moniteur belge du 5 mars 2019). (...) II. En droit (...) Quant au décret attaqué et à son contexte B.1. Le Conseil des ministres demande l'annulation du décret de la Région wallonne du 14 février 2019 « modifiant l'article 11 de la loi du 12 juillet 1973Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/07/1973 pub. 24/08/2010 numac 2010000473 source service public federal interieur Loi sur la conservation de la nature Traduction en langue allemande de la version fédérale fermer sur la conservation de la nature en vue d'interdire le survol des réserves naturelles avec un drone » (ci-après : le décret attaqué).

L'article unique du décret attaqué ajoute un cinquième tiret à l'article 11, alinéa 1er, de la loi du 12 juillet 1973Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/07/1973 pub. 24/08/2010 numac 2010000473 source service public federal interieur Loi sur la conservation de la nature Traduction en langue allemande de la version fédérale fermer « sur la conservation de la nature » (ci-après : la loi du 12 juillet 1973Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/07/1973 pub. 24/08/2010 numac 2010000473 source service public federal interieur Loi sur la conservation de la nature Traduction en langue allemande de la version fédérale fermer), afin d'interdire le survol des réserves naturelles par des drones. Tel qu'il a été modifié par le décret attaqué, l'article 11, alinéa 1er, de la loi du 12 juillet 1973Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/07/1973 pub. 24/08/2010 numac 2010000473 source service public federal interieur Loi sur la conservation de la nature Traduction en langue allemande de la version fédérale fermer dispose : « Dans les réserves naturelles, il est interdit : - de tuer, de chasser ou de piéger de n'importe quelle manière les animaux, de déranger ou de détruire leurs jeunes, leurs oeufs, leurs nids ou leurs terriers; - d'enlever, couper, déraciner ou mutiler des arbres et des arbustes, de détruire ou d'endommager le tapis végétal; - de procéder à des fouilles, sondages, terrassements, exploitations de matériaux, d'effectuer tous travaux susceptibles de modifier le sol, l'aspect du terrain, les sources et le système hydrographique, d'établir des conduites aériennes ou souterraines, de construire des bâtiments ou des abris et de placer des panneaux et des affiches publicitaires; - d'allumer des feux et de déposer des immondices; - d'effectuer un survol avec un drone ».

B.2. Il ressort des travaux préparatoires que, dans un souci de protection de la faune et de la biodiversité, le décret attaqué vise à généraliser à l'ensemble des réserves naturelles l'interdiction de survol avec un drone qui était auparavant insérée dans les arrêtés du Gouvernement wallon relatifs à la création ou à l'extension de certaines réserves naturelles : « En réponse à la question écrite N° 71 (2017-2018) [...] adressée [au] Ministre de l'Agriculture, de la Nature, de la Forêt, de la Ruralité, du Tourisme, du Patrimoine et délégué à la Grande Région sur la protection de la biodiversité face au survol de drones à des fins récréatives, celui-ci a indiqué qu'afin d'éviter tout risque de dérangement ou de perturbation au sein des réserves naturelles [...], et sur base de l'avis du 28 février 2017 du Conseil supérieur wallon de la Conservation de la Nature, il a été décidé depuis, d'insérer un article dans tous les nouveaux arrêtés de création ou d'extension de réserves naturelles.

Celui-ci prévoit l'interdiction du survol des réserves naturelles par des aéronefs télépilotés. [...]. [...] Afin d'améliorer la politique publique portant sur la biodiversité, la présente proposition de décret a pour objectif de généraliser l'interdiction de survol par des drones [...] à l'ensemble des réserves naturelles. Cette proposition de décret permet de régler de manière générale la question du survol des réserves naturelles de la Région wallonne, présentes et à venir. L'interdiction générale permet d'éviter le dérangement des espèces ainsi que la recherche inopportune d'espèces rares dans des lieux privés (trafic, etc.). Sur le plan administratif, elle permet d'éviter la fastidieuse opération de recopiage qui s'étalerait sur plusieurs années, arrêté par arrêté, pour atteindre le même objectif » (Doc. parl., Parlement wallon, 2017-2018, n° 1160/1, pp. 3-4).

B.3. L'interdiction de survoler une réserve naturelle avec un drone qui est prévue par le décret attaqué n'est toutefois pas absolue. En effet, le deuxième alinéa initial de l'article 11 de la loi du 12 juillet 1973Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/07/1973 pub. 24/08/2010 numac 2010000473 source service public federal interieur Loi sur la conservation de la nature Traduction en langue allemande de la version fédérale fermer, devenu le troisième alinéa de cette disposition, prévoit que le Gouvernement wallon « peut lever certaines interdictions prévues au présent article conformément à l'article 41 de la loi ».

L'article 41 de la loi du 12 juillet 1973Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/07/1973 pub. 24/08/2010 numac 2010000473 source service public federal interieur Loi sur la conservation de la nature Traduction en langue allemande de la version fédérale fermer régit les dérogations et dispose : « § 1er. Le Gouvernement peut accorder des dérogations aux mesures de protection des réserves naturelles et forestières visées aux sections 1re et 2 du chapitre III. Sauf décision contraire du Gouvernement, la dérogation accordée est individuelle, personnelle et incessible.

Pour une réserve naturelle ou forestière désignée en tout ou en partie comme site Natura 2000, seules les dérogations autorisées par ou en vertu de la section 3 du chapitre III s'appliquent, pour la partie désignée comme site Natura 2000. § 2. La dérogation ne peut être accordée qu'à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien dans un état de conservation favorable des milieux concernés et pour un des motifs suivants : 1° dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques;2° dans l'intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvages et de la conservation des habitats naturels;3° à des fins de recherche et d'éducation;4° pour des raisons d'utilité régionale ou locale ou pour d'autres raisons d'intérêt public. § 3. La demande de dérogation est introduite auprès du service de l'administration régionale désigné par le Gouvernement et indique, notamment : 1° l'identité du demandeur;2° la réserve ou partie de réserve pour laquelle la dérogation est demandée ainsi que la superficie concernée par la demande;3° les motifs de la demande de dérogation et l'action visée par la demande;4° la période pour laquelle la dérogation est sollicitée;5° les moyens, installations ou méthodes employés pour la mise en oeuvre de la dérogation. § 4. L'autorisation de dérogation indique, notamment : 1° le destinataire de l'autorisation;2° la réserve ou partie de réserve pour laquelle la dérogation est autorisée;3° les actions autorisées;4° la durée de validité de l'autorisation ». Les travaux préparatoires du décret attaqué soulignent « qu'une dérogation, dans les conditions et selon la procédure visées à l'article 41 de la loi du 12 juillet 1973Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/07/1973 pub. 24/08/2010 numac 2010000473 source service public federal interieur Loi sur la conservation de la nature Traduction en langue allemande de la version fédérale fermer sur la conservation de la nature, pourra être prévue soit dans l'arrêté de désignation de la réserve naturelle, soit de façon individuelle comme c'est d'usage sur la base de la loi du 12 juillet 1973Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/07/1973 pub. 24/08/2010 numac 2010000473 source service public federal interieur Loi sur la conservation de la nature Traduction en langue allemande de la version fédérale fermer précitée » (Doc. parl., Parlement wallon, 2017-2018, n° 1160/1, p. 4). L'une des auteurs de la proposition qui est à l'origine du décret attaqué a illustré les quatre motifs de dérogation énumérés à l'article 41, § 2, de la loi du 12 juillet 1973Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/07/1973 pub. 24/08/2010 numac 2010000473 source service public federal interieur Loi sur la conservation de la nature Traduction en langue allemande de la version fédérale fermer de la manière suivante : « Le survol dérogatoire doit se réaliser : - dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publique. Il est permis de citer le repérage des carcasses de sangliers touchés par la peste porcine africaine; - dans l'intérêt de la protection de la faune et de la flore sauvage ainsi que de la conservation des habitats naturels, par exemple afin d'éviter des feux qui viendraient les abimer; - à des fins de recherche et d'éducation; - pour des raisons d'utilité régionale, locale ou pour d'autres raisons d'intérêt public " (Doc. parl., Parlement wallon, 2017-2018, n° 1160/3, p.4).

En plus du régime de dérogation prévu à l'article 41 de la loi du 12 juillet 1973Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/07/1973 pub. 24/08/2010 numac 2010000473 source service public federal interieur Loi sur la conservation de la nature Traduction en langue allemande de la version fédérale fermer, la proposition qui est à l'origine du décret attaqué incluait également un mécanisme spécifique d'octroi d'une autorisation simplifiée par le gestionnaire de la réserve. Ce mécanisme a finalement été rejeté par l'adoption d'un amendement qui visait à « conserver la cohérence de la loi du 12 juillet 1973Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/07/1973 pub. 24/08/2010 numac 2010000473 source service public federal interieur Loi sur la conservation de la nature Traduction en langue allemande de la version fédérale fermer sur la conservation de la nature » (Doc. parl., Parlement wallon, 2017-2018, n° 1160/2, p.2). Lors des discussions en commission, l'un des auteurs de cet amendement a exposé : « La logique de l'amendement est de mettre en place un régime d'interdiction pour les réserves naturelles similaire aux autres systèmes d'interdiction.

Il n'est pas souhaitable de créer pour le survol par les drones des réserves naturelles un mécanisme spécifique. Le régime actuel est suffisamment complexe. Il existe d'autres interdictions et un mécanisme dérogatoire qui permettent de répondre à certaines demandes.

Il convient de faire confiance au Gouvernement wallon pour adopter les conditions et les délégations qui s'imposent.

Il faut privilégier la lisibilité et l'efficacité des textes. Le Parlement donne un signal : a priori, il est interdit de survoler avec un drone des réserves naturelles, ce qui constitue la réponse à l'avis du Conseil supérieur wallon de la conservation de la nature. Il est normal que le Gouvernement et ses services [...] soient chargés des modalités d'exécution » (Doc. parl., Parlement wallon, 2017-2018, n° 1160/3, p. 5).

Quant à la recevabilité des interventions B.4. Le Conseil des ministres conteste à plusieurs égards la recevabilité des interventions de l'ASBL « Ardennes liégeoises » et de l'ASBL « Avala ».

B.5.1. Premièrement, le Conseil des ministres conteste l'intérêt à intervenir de ces deux ASBL. B.5.2. Lorsque la Cour est saisie d'un recours en annulation, « toute personne justifiant d'un intérêt » peut adresser ses observations à la Cour dans un mémoire (article 87, § 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle).

Justifie d'un intérêt au sens de cette disposition la personne qui montre que sa situation peut être directement affectée par l'arrêt que la Cour est appelée à rendre à propos du recours en annulation.

Lorsqu'une association sans but lucratif qui n'invoque pas son intérêt personnel intervient devant la Cour, il est requis que son but statutaire soit d'une nature particulière et, dès lors, distinct de l'intérêt général; qu'elle défende un intérêt collectif; que l'arrêt à rendre par la Cour soit susceptible d'affecter le but de cette association; qu'il n'apparaisse pas, enfin, que ce but n'est pas ou n'est plus réellement poursuivi.

B.5.3. Selon ses statuts, l'ASBL « Ardennes liégeoises » « a pour but de défendre l'environnement des Ardennes liégeoises », étant précisé que « le but comprend aussi la mise en oeuvre des voies de droit et recours qui ont pour objectif d'assurer le respect des textes juridiques ayant pour but ou pour effet de protéger l'environnement ».

Selon ses statuts, l'ASBL « Avala » a pour but « de défendre l'environnement et le cadre de vie des vallées de l'Amblève et de ses affluents » et « de susciter et d'encourager toute initiative en harmonie avec la vocation naturelle de cette région », étant précisé qu'elle peut accomplir « tout acte juridique en rapport avec son but, notamment en vue d'assurer le respect des plans d'aménagement et des lois visant à protéger l'environnement ».

Il s'ensuit que chacune de ces deux ASBL a un but statutaire d'une nature particulière et défend un intérêt collectif. En outre, l'annulation du décret attaqué serait de nature à affecter la situation des réserves naturelles situées dans les régions concernées par leurs buts statutaires respectifs. Enfin, il n'apparaît pas que leurs buts statutaires respectifs ne sont pas ou ne sont plus réellement poursuivis.

L'ASBL « Ardennes liégeoises » et l'ASBL « Avala » justifient donc d'un intérêt à intervenir dans la procédure.

B.6.1. Deuxièmement, le Conseil des ministres conteste la recevabilité du mémoire déposé par l'ASBL « Ardennes liégeoises » et l'ASBL « Avala », au motif que celui-ci ne contiendrait pas d' « observations » au sens de l'article 87, § 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle.

B.6.2. Dans leur mémoire, l'ASBL « Ardennes liégeoises » et l'ASBL « Avala » décrivent brièvement leur intérêt à intervenir et indiquent qu'elles développeront leur argumentaire sur le vu de celui de la partie requérante.

Malgré son caractère sommaire, ce mémoire peut être considéré comme un mémoire au sens de l'article 87, § 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, de sorte qu'il est recevable.

B.7.1. Enfin, le Conseil des ministres demande que l'ASBL « Ardennes liégeoises » et l'ASBL « Avala » déposent la preuve que la décision d'intervenir a été prise par leurs organes statutairement compétents.

B.7.2. Le mémoire des deux ASBL a été signé par leur avocat.

En vertu de l'article 440, alinéa 2, du Code judiciaire, l'avocat comparaît comme mandaté par la partie sans avoir à justifier de la moindre procuration, sauf lorsque la loi exige un mandat spécial. Le mandat ad litem est donc légalement présumé exister dans le chef de l'avocat. Cette présomption est réfragable, tant à l'égard des personnes physiques que des personnes morales.

L'article 7, alinéa 3, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle prévoit que la preuve de la décision d'intervenir de l'organe compétent de la personne morale doit être produite « à la première demande ». Cette formulation permet à la Cour de renoncer à une telle demande, notamment lorsque la personne morale est représentée par un avocat. Une partie peut objecter que la décision d'intervenir n'a pas été prise par les organes compétents de la personne morale, mais la preuve de son allégation, qu'elle peut apporter par toutes voies de droit, lui incombe.

B.7.3. Le Conseil des ministres ne démontre pas que l'ASBL « Ardennes liégeoises » et l'ASBL « Avala » n'ont pas confié de mandat à leur avocat. Il ne démontre pas non plus qu'elles n'ont pas introduit valablement leur mémoire.

L'exception n'est pas fondée.

B.8. Les interventions de l'ASBL « Ardennes liégeoises » et de l'ASBL « Avala » sont recevables.

Quant au fond En ce qui concerne le premier moyen B.9. Le premier moyen est pris de la violation, par le décret attaqué, des articles 35 et 39 de la Constitution, de l'article 6, § 4, 3° et 4°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles (ci-après : la loi spéciale du 8 août 1980), de la compétence résiduelle de l'autorité fédérale, du principe de proportionnalité et du principe de la loyauté fédérale consacré à l'article 143, § 1er, de la Constitution, ou de ces normes combinées.

B.10. Le Conseil des ministres fait valoir en substance que le décret attaqué porte atteinte à la compétence de l'autorité fédérale en matière de navigation aérienne, qu'il rend impossible ou exagérément difficile l'exercice par l'autorité fédérale de ses compétences en matière de navigation aérienne, de défense, de police et de sécurité civile, et que son adoption aurait dû être précédée d'une concertation avec l'autorité fédérale.

B.11. En vertu de l'article 142, alinéa 2, de la Constitution et de l'article 1er de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, la Cour est compétente pour statuer sur les recours en annulation d'une loi, d'un décret ou d'une règle visée à l'article 134 de la Constitution pour cause de violation des règles qui sont établies par la Constitution ou en vertu de celle-ci pour déterminer les compétences respectives de l'autorité fédérale, des communautés et des régions et pour cause de violation des articles du titre II (« Des Belges et de leurs droits ») et des articles 143, § 1er, 170, 172 et 191 de la Constitution.

B.12. L'article 35 de la Constitution dispose : « L'autorité fédérale n'a de compétences que dans les matières que lui attribuent formellement la Constitution et les lois portées en vertu de la Constitution même.

Les communautés ou les régions, chacune pour ce qui la concerne, sont compétentes pour les autres matières, dans les conditions et selon les modalités fixées par la loi. Cette loi doit être adoptée à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa.

Disposition transitoire La loi visée à l'alinéa 2 détermine la date à laquelle le présent article entre en vigueur. Cette date ne peut pas être antérieure à la date d'entrée en vigueur du nouvel article à insérer au titre III de la Constitution, déterminant les compétences exclusives de l'autorité fédérale ».

La loi visée à l'alinéa 2 de l'article 35 de la Constitution n'a pas encore été adoptée. Cette disposition constitutionnelle n'est donc jamais entrée en vigueur, de sorte que la Cour n'est pas compétente pour statuer sur le respect de celle-ci.

En ce qu'il est pris de la violation de l'article 35 de la Constitution, le moyen est irrecevable.

B.13.1. Le Gouvernement flamand fait valoir que le moyen est irrecevable en ce qu'il est pris de la violation de l'article 6, § 4, 4°, de la loi spéciale du 8 août 1980, au motif que la requête en annulation n'exposerait pas en quoi cette disposition serait violée par le décret attaqué.

B.13.2. Pour satisfaire aux exigences de l'article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, les moyens de la requête doivent faire connaître, parmi les règles dont la Cour garantit le respect, celles qui seraient violées ainsi que les dispositions qui violeraient ces règles et exposer en quoi ces règles auraient été transgressées par ces dispositions.

B.13.3. L'article 6, § 4, 4°, de la loi spéciale du 8 août 1980 dispose : « Les Gouvernements seront associés : [...] 4° à l'élaboration des règles relatives à l'organisation et à la mise en oeuvre de la sécurité de la circulation aérienne sur les aéroports régionaux et les aérodromes publics ». Comme le Gouvernement flamand le fait valoir, les développements, dans la requête en annulation, concernant la compétence de l'autorité fédérale en matière de navigation aérienne se fondent sur l'article 6, § 4, 3°, alinéa 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980 et non sur l'article 6, § 4, 4°, de la même loi spéciale.

Dès lors que la requête en annulation n'expose pas en quoi le décret attaqué violerait l'article 6, § 4, 4°, de la loi spéciale du 8 août 1980, le moyen est irrecevable en ce qu'il est pris de la violation de cette disposition.

B.14.1. Le Gouvernement flamand fait également valoir que le moyen est irrecevable en ce qu'il est pris de la violation du principe de la loyauté fédérale, au motif que le moyen est également pris de la violation du principe de proportionnalité, qui constitue déjà une application de la loyauté fédérale.

B.14.2. Comme il est dit en B.11, la Cour est compétente pour contrôler la conformité d'une norme législative à l'article 143, § 1er, de la Constitution, qui consacre le principe de la loyauté fédérale.

Le moyen est donc recevable en ce qu'il est pris de la violation du principe de la loyauté fédérale. La circonstance que le moyen est également pris de la violation du principe de proportionnalité ne change rien à ce constat.

B.15.1. L'article 39 de la Constitution dispose : « La loi attribue aux organes régionaux qu'elle crée et qui sont composés de mandataires élus, la compétence de régler les matières qu'elle détermine, à l'exception de celles visées aux articles 30 et 127 à 129, dans le ressort et selon le mode qu'elle établit. Cette loi doit être adoptée à la majorité prévue à l'article 4, dernier alinéa ».

B.15.2. L'article 6, § 1er, III, 2°, de la loi spéciale du 8 août 1980 attribue aux régions la compétence de régler : « La protection et la conservation de la nature, à l'exception de l'importation, de l'exportation et du transit des espèces végétales non indigènes, ainsi que des espèces animales non indigènes et de leurs dépouilles ».

En transférant aux régions la compétence en matière de protection et de conservation de la nature, le Constituant et le législateur spécial ont attribué aux régions, sous réserve de l'exception indiquée à l'article 6, § 1er, III, 2° in fine, toute la compétence d'édicter les règles propres à ces matières, et ce, sans préjudice de leur recours, au besoin, à l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980.

B.15.3. L'article 6, § 4, 3°, alinéa 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980 dispose : « Les Gouvernements seront associés : [...] 3° à l'élaboration des règles de police générale à l'exception des règles de police de la navigation sur les voies navigables visées au § 1er, X, 10°, et de la réglementation relatives aux communications et aux transports [...] ».

Selon les travaux préparatoires de cette disposition : « la police générale concerne les réglementations de police applicables aux divers modes de transports, tels que : [...] - la police [...] de la navigation aérienne » (Doc. parl., Chambre, S.E. 1988, n° 516/1, p. 21).

B.15.4. Il ressort de la combinaison des articles 6, § 1er, III, 2°, et 6, § 4, 3°, alinéa 1er, précités, que les régions sont compétentes pour adopter l'ensemble des règles propres à la matière de la protection et de la conservation de la nature, mais que cette attribution de compétence ne comprend pas le pouvoir d'adopter, notamment, les règles de police de la navigation aérienne, compétence qui est demeurée fédérale même si les gouvernements de région doivent être associés à leur élaboration.

B.15.5. Par « police de la navigation aérienne », le législateur spécial se réfère à la matière qui est régie, notamment, par la loi du 27 juin 1937 « portant révision de la loi du 16 novembre 1919 relative à la réglementation de la navigation aérienne » (ci-après : la loi du 27 juin 1937). La loi du 27 juin 1937 distingue les aéronefs d'Etat, qu'elle définit comme « les aéronefs militaires ou affectés à des services d'Etat, tels que la police et la douane », et les aéronefs privés, qu'elle définit comme « tous aéronefs à l'exclusion des aéronefs d'Etat ». Bien que l'article 1er, dernier alinéa, de la loi du 27 juin 1937 dispose que « sauf stipulation contraire, les dispositions de la présente loi ne sont applicables qu'aux aéronefs privés », les aéronefs d'Etat sont tout de même régis à certains égards par la loi du 27 juin 1937. Il s'ensuit que la matière de la police de la navigation aérienne concerne à la fois les aéronefs privés et les aéronefs d'Etat.

L'article 2, alinéa 1er, de la loi du 27 juin 1937 dispose que « la circulation des aéronefs nationaux au-dessus du territoire du Royaume est libre, sauf les restrictions résultant de la présente loi et celles qui seront édictées par arrêté royal ». L'article 5, § 1er, de la même loi dispose que « seront de même édictées par arrêté royal, toutes prescriptions réglementaires intéressant la navigation aérienne et notamment celles relatives aux aéronefs, à leur personnel de bord, à la navigation et à la circulation aériennes, au domaine et aux services publics affectés à cette navigation et à cette circulation, aux péages, taxes, redevances ou droits réglementaires auxquels est soumise l'utilisation de ces domaines et services publics ». Sur le fondement de ces dispositions, a notamment été adopté l'arrêté royal du 10 avril 2016 « relatif à l'utilisation des aéronefs télépilotés dans l'espace aérien belge » (ci-après : l'arrêté royal du 10 avril 2016), qui, à l'époque de l'adoption du décret attaqué, fixait la réglementation applicable à l'usage de certains drones.

B.15.6. Il résulte de ce qui précède que la police de la navigation aérienne, qui est demeurée une compétence fédérale, inclut notamment les règles applicables à l'usage des drones. Dès lors que le décret attaqué interdit par principe de survoler avec un drone certaines parties du territoire, à savoir les réserves naturelles, il empiète sur cette compétence de l'autorité fédérale.

B.16.1. Il convient dès lors d'examiner si les conditions d'application de l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 ont été respectées. Cet article dispose : « Les décrets peuvent porter des dispositions de droit relatives à des matières pour lesquelles les Parlements ne sont pas compétents, dans la mesure où ces dispositions sont nécessaires à l'exercice de leur compétence ».

Cette disposition autorise notamment la Région wallonne à adopter un décret réglant une matière fédérale, pour autant que cette disposition soit nécessaire à l'exercice de ses compétences, que cette matière se prête à un règlement différencié et que son incidence sur la matière fédérale ne soit que marginale.

B.16.2. Comme il est dit en B.2, le décret attaqué vise, dans un souci de protection de la faune et de la biodiversité, à généraliser à l'ensemble des réserves naturelles l'interdiction de survol avec un drone qui, à la suite d'un avis du 28 février 2017 du Conseil supérieur wallon de la conservation de la nature, avait entre-temps été insérée dans les arrêtés du Gouvernement wallon relatifs à la création ou à l'extension de réserves naturelles déterminées.

Le législateur décrétal a pu raisonnablement estimer qu'il était nécessaire d'interdire, par principe et sauf dérogation, le survol des réserves naturelles par des drones, pour exercer sa compétence en matière de protection et de conservation de la nature, eu égard aux effets négatifs que l'usage des drones peut avoir sur la faune, ainsi que le mettent en évidence, notamment, l'avis précité du Conseil supérieur wallon de la conservation de la nature et l'avis du Département d'étude du milieu naturel du Service public de Wallonie du 19 février 2018.

B.16.3. En outre, la matière se prête à un règlement différencié. En effet, dès leur adoption, les articles 12 et 13 de la loi du 12 juillet 1973Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/07/1973 pub. 24/08/2010 numac 2010000473 source service public federal interieur Loi sur la conservation de la nature Traduction en langue allemande de la version fédérale fermer prévoyaient la possibilité pour le ministre de l'Agriculture d'adopter des règlements relatifs à la circulation dans les réserves naturelles en dehors des routes et chemins ouverts à la circulation publique, ainsi que des règlements de surveillance et de police des réserves naturelles. Sur cette base, l'article 5, l), de l'arrêté ministériel du 23 octobre 1975 « établissant le règlement relatif à la surveillance, la police et la circulation dans les réserves naturelles domaniales, en dehors des chemins ouverts à la circulation publique » (ci-après : l'arrêté ministériel du 23 octobre 1975) prévoyait déjà une interdiction de principe de survoler les réserves naturelles domaniales à basse altitude au moyen d'avions de tourisme ou d'hélicoptères.L'article 1er de l'arrêté de l'Exécutif régional wallon du 17 juillet 1986 « concernant l'agrément des réserves naturelles et le subventionnement des achats de terrains à ériger en réserves naturelles agréées par les associations privées » (ci-après : l'arrêté de l'Exécutif régional wallon du 17 juillet 1986) a étendu le champ d'application de l'article 5 de l'arrêté ministériel du 23 octobre 1975 aux réserves naturelles agréées. Il s'ensuit que déjà avant l'adoption du décret attaqué, une réglementation spécifique existait concernant le survol des réserves naturelles par certains aéronefs.

Par ailleurs, les législations respectivement adoptées par la Région flamande et par la Région de Bruxelles-Capitale en la matière confirment également que celle-ci se prête à un règlement différencié.

En Région flamande, l'article 35, § 2, 12°, du décret du 21 octobre 1997 « concernant la conservation de la nature et le milieu naturel » interdit par principe de survoler les réserves naturelles à basse altitude ou d'y atterrir avec des avions, hélicoptères, ballons et autres aéronefs de quelque nature que ce soit. En Région de Bruxelles-Capitale, l'article 27, § 1er, 26°, de l' ordonnance du 1er mars 2012Documents pertinents retrouvés type ordonnance prom. 01/03/2012 pub. 16/03/2012 numac 2012031122 source region de bruxelles-capitale Ordonnance relative à la conservation de la nature fermer « relative à la conservation de la nature » interdit par principe de survoler les réserves naturelles à basse altitude, d'y décoller ou d'y atterrir avec des avions, hélicoptères, ballons et autres aéronefs de quelque nature que ce soit et d'y lâcher du kérosène, sauf en cas de détresse.

B.16.4. Enfin, l'incidence du décret attaqué sur la matière fédérale de la police de la navigation aérienne est marginale, dès lors qu'il s'applique uniquement aux réserves naturelles.

B.16.5. Il résulte de ce qui précède que le législateur décrétal a pu puiser sa compétence en ce qui concerne la police de la navigation aérienne pour adopter le décret attaqué dans l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980.

B.17.1. Le Conseil des ministres soutient également que le décret attaqué rend impossible ou exagérément difficile l'exercice par l'autorité fédérale de ses compétences en matière de défense, de police et de sécurité civile.

B.17.2. Il convient donc d'examiner si le décret attaqué respecte le principe de la loyauté fédérale et le principe de proportionnalité.

B.17.3.1. L'article 143, § 1er, de la Constitution dispose : « Dans l'exercice de leurs compétences respectives, l'Etat fédéral, les communautés, les régions et la Commission communautaire commune agissent dans le respect de la loyauté fédérale, en vue d'éviter des conflits d'intérêts ».

Le respect de la loyauté fédérale suppose que, lorsqu'elles exercent leurs compétences, l'autorité fédérale et les entités fédérées ne perturbent pas l'équilibre de la construction fédérale dans son ensemble. La loyauté fédérale concerne plus que le simple exercice des compétences : elle indique dans quel esprit il doit avoir lieu.

Le principe de la loyauté fédérale oblige chaque législateur à veiller à ce que l'exercice de sa propre compétence ne rende pas impossible ou exagérément difficile l'exercice de leurs compétences par les autres législateurs.

B.17.3.2. En l'espèce, la prise en considération du principe de proportionnalité n'ajoute rien au principe de la loyauté fédérale.

B.17.4. En ce qui concerne l'incidence sur les matières fédérales de la défense, de la police et de la sécurité civile, il y a lieu de relever que le décret attaqué n'édicte pas une interdiction absolue.

Comme il est dit en B.3, l'article 41 de la loi du 12 juillet 1973Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/07/1973 pub. 24/08/2010 numac 2010000473 source service public federal interieur Loi sur la conservation de la nature Traduction en langue allemande de la version fédérale fermer permet en effet au Gouvernement wallon d'octroyer des dérogations à l'interdiction de survol des réserves naturelles par des drones.

Comme motifs pouvant justifier une dérogation, l'article 41, § 2, de la même loi prévoit notamment « l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques » et, plus généralement, toutes les « autres raisons d'intérêt public ».

Il résulte de l'article 41, § 1er, alinéa 2, de la même loi que la dérogation est en principe individuelle, personnelle et incessible, mais que le Gouvernement wallon peut, le cas échéant, prévoir des dérogations de portée générale. En outre, le Gouvernement wallon peut, le cas échéant, préciser la dérogation en l'assortissant des conditions qu'il détermine.

Il s'ensuit que les services de la défense, les services de police et les services de sécurité civile peuvent solliciter auprès du Gouvernement wallon des dérogations, le cas échéant une dérogation décrite de manière générale, à l'interdiction prévue par le décret attaqué.

Dès lors qu'il prévoit de telles possibilités de dérogations, le décret attaqué ne rend pas impossible ou exagérément difficile l'exercice par l'autorité fédérale de ses compétences en matière de défense, de police et de sécurité civile, et il respecte le principe de la loyauté fédérale.

Lors de l'appréciation de telles demandes de dérogation et lors de la détermination des éventuelles conditions assortissant de telles dérogations, le Gouvernement wallon doit veiller à ne pas rendre impossible ou exagérément difficile l'exercice de leurs missions par les services concernés.

B.18.1. Le Conseil des ministres soutient également que l'adoption du décret attaqué aurait dû être précédée d'une concertation avec l'autorité fédérale.

B.18.2. Le fait qu'en vertu de l'article 6, § 4, 3°, alinéa 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980, l'autorité fédérale doit associer les gouvernements de région lorsqu'elle élabore des règles de police de la navigation aérienne n'implique pas que le législateur décrétal devrait nécessairement se concerter préalablement avec l'autorité fédérale lorsqu'il empiète sur cette matière fédérale sur le fondement de l'article 10 de la même loi spéciale.

Il s'ensuit que l'adoption du décret attaqué ne devait pas être précédée d'une concertation avec l'autorité fédérale.

B.19. Le premier moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne le second moyen B.20. Le second moyen est pris de la violation, par le décret attaqué, des articles 10, 11, 35 et 39 de la Constitution, de l'article 6, § 4, 3° et 4°, de la loi spéciale du 8 août 1980, de la compétence résiduelle de l'autorité fédérale, du principe de proportionnalité et du principe de la loyauté fédérale consacré à l'article 143, § 1er, de la Constitution, ou de ces normes combinées. B.21. Le Conseil des ministres soutient que le décret attaqué fait naître deux discriminations.

D'une part, il fait valoir que le décret attaqué traite de manière identique tous les exploitants de drones, quels que soient les caractéristiques des drones, leurs conditions d'utilisation, le type d'exploitant ou d'utilisateur, la finalité du survol et la réserve naturelle survolée. Selon lui, cette identité de traitement est discriminatoire.

D'autre part, il fait valoir que le décret attaqué s'applique uniquement aux drones et pas aux aéronefs habités, comme les avions, les hélicoptères ou les ULM, qui peuvent également avoir un impact sur la faune. Selon lui, cette différence de traitement n'est pas raisonnablement justifiée.

B.22.1. Le Gouvernement flamand fait valoir que, pour satisfaire à l'exigence d'exposé du moyen, il ne suffit pas que la requête en annulation indique que les développements du premier moyen peuvent être tenus pour intégralement reproduits dans le cadre du second moyen. Selon lui, le second moyen est uniquement recevable en ce qu'il est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution.

B.22.2. Il suffit de constater qu'en ce qu'il est pris de la violation des mêmes normes que le premier moyen et en ce qu'il tient pour intégralement reproduits les développements du premier moyen, le second moyen se confond avec le premier moyen et doit donc, dans cette mesure, être rejeté pour les mêmes motifs.

B.23. La Cour doit dès lors encore examiner, au regard des articles 10 et 11 de la Constitution, d'une part, l'identité de traitement et, d'autre part, la différence de traitement visées en B.21.

B.24. Le principe d'égalité et de non-discrimination n'exclut pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée. Ce principe s'oppose, par ailleurs, à ce que soient traitées de manière identique, sans qu'apparaisse une justification raisonnable, des catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure critiquée, sont essentiellement différentes.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité et de non-discrimination est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.25. Comme il est dit en B.2, le décret attaqué vise à protéger la faune et la biodiversité en généralisant à l'ensemble des réserves naturelles l'interdiction de survol avec un drone. Il s'agit d'un objectif légitime.

B.26. Compte tenu de la diversité des situations, le législateur décrétal a raisonnablement pu prévoir une interdiction générale de principe applicable à tous les drones et habiliter le Gouvernement wallon à octroyer des dérogations sur la base de l'article 41 de la loi du 12 juillet 1973Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/07/1973 pub. 24/08/2010 numac 2010000473 source service public federal interieur Loi sur la conservation de la nature Traduction en langue allemande de la version fédérale fermer. Comme il est dit en B.17.4, le Gouvernement wallon peut ainsi, pour les motifs énumérés à l'article 41, § 2, de la même loi, octroyer des dérogations individuelles ou générales et les assortir des conditions qu'il détermine. Ce régime de police administrative est raisonnablement justifié, eu égard à la nécessité, d'une part, de prendre en considération les différentes incidences que le survol par un drone peut avoir sur la faune et la biodiversité en fonction notamment des caractéristiques du drone, de ses conditions d'utilisation et de la réserve naturelle survolée et, d'autre part, de mettre en balance l'intérêt de la protection de la nature avec l'intérêt pouvant justifier le survol d'une réserve naturelle avec un drone.

B.27. En ce qui concerne le fait que le décret attaqué s'applique uniquement aux drones et non aux aéronefs habités, il y a lieu de relever que l'article 5, l), de l'arrêté ministériel du 23 octobre 1975 et l'article 1er de l'arrêté de l'Exécutif régional wallon du 17 juillet 1986 interdisent déjà par principe le survol des réserves naturelles domaniales et agréées à basse altitude au moyen d'avions de tourisme ou d'hélicoptères. En outre, comme le Gouvernement wallon le souligne, les drones présentent des caractéristiques qui leur sont propres, par comparaison aux aéronefs habités, notamment le fait que de nombreux drones sont financièrement abordables et relativement aisés à piloter, de sorte que leur utilisation par un nombre potentiellement élevé de personnes engendre un risque accru pour la faune des réserves naturelles. Le législateur décrétal a donc raisonnablement pu adopter un décret qui s'applique uniquement aux drones.

B.28. Le second moyen n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 15 juillet 2021.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, F. Daoût

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