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Arrêt
publié le 27 avril 2021

Extrait de l'arrêt n° 168/2020 du 17 décembre 2020 Numéro du rôle : 7407 En cause : la demande de suspension de la loi du 20 décembre 2019 « transposant la Directive 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 modifiant la Directive 2011/16/UE en(...) La Cour constitutionnelle, chambre restreinte, composée du président F. Daoût et des juges-rappo(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 168/2020 du 17 décembre 2020 Numéro du rôle : 7407 En cause : la demande de suspension de la loi du 20 décembre 2019Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/12/2019 pub. 30/12/2019 numac 2019042900 source service public federal finances Loi transposant la Directive 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 modifiant la Directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration (1) fermer « transposant la Directive (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 modifiant la Directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration », introduite par l'association de fait « Belgian Association of Tax Lawyers » et autres.

La Cour constitutionnelle, chambre restreinte, composée du président F. Daoût et des juges-rapporteurs J.-P. Moerman et J. Moerman, assistée du greffier F. Meersschaut, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la demande et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 15 octobre 2020 et parvenue au greffe le 16 octobre 2020, une demande de suspension de la loi du 20 décembre 2019Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/12/2019 pub. 30/12/2019 numac 2019042900 source service public federal finances Loi transposant la Directive 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 modifiant la Directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration (1) fermer « transposant la Directive (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 modifiant la Directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration » (publiée au Moniteur belge du 30 décembre 2019) a été introduite par l'association de fait « Belgian Association of Tax Lawyers », P.V. et G.G., assistés et représentés par Me P. Malherbe, avocat au barreau de Bruxelles.

Par requête séparée, les parties requérantes demandent également l'annulation de la même loi.

Le 21 octobre 2020, en application de l'article 71, alinéa 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, les juges-rapporteurs J.-P. Moerman et J. Moerman ont informé le président qu'ils pourraient être amenés à proposer à la Cour, siégeant en chambre restreinte, de rendre un arrêt constatant que la demande de suspension est manifestement irrecevable. (...) II. En droit (...) B.1. Les parties requérantes demandent la suspension des articles 9, 10, 18, 26, 27, 31, 33, 41, 42, 47, 54 et 55 de la loi du 20 décembre 2019Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/12/2019 pub. 30/12/2019 numac 2019042900 source service public federal finances Loi transposant la Directive 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 modifiant la Directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration (1) fermer « transposant la Directive (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 modifiant la Directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine Iscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration » (ci-après : la loi du 20 décembre 2019Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/12/2019 pub. 30/12/2019 numac 2019042900 source service public federal finances Loi transposant la Directive 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 modifiant la Directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration (1) fermer). Comme son intitulé l'indique, la loi du 20 décembre 2019Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/12/2019 pub. 30/12/2019 numac 2019042900 source service public federal finances Loi transposant la Directive 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 modifiant la Directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration (1) fermer transpose la directive (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 « modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration » (ci-après : la directive (UE) 2018/822).

B.2. L'article 21, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle (ci-après : la loi spéciale du 6 janvier 1989), tel qu'il a été modifié par la loi spéciale du 9 mars 2003 « modifiant la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage » (ci-après : la loi spéciale du 9 mars 2003), dispose que « par dérogation à l'article 3, les demandes de suspension ne sont recevables que si elles sont introduites dans un délai de trois mois suivant la publication de la loi, du décret ou de la règle visée à l'article 134 de la Constitution ».

B.3. La loi attaquée ayant été publiée au Moniteur belge du 30 décembre 2019, le délai pour introduire une demande de suspension a expiré le 30 mars 2020. Il s'ensuit que la demande de suspension introduite le 15 octobre 2020 est tardive et que, partant, elle est manifestement irrecevable.

B.4.1. Contrairement à ce que les parties requérantes affirment, le droit de l'Union européenne ne permet pas de conclure à la recevabilité de leur demande de suspension.

B.4.2. L'article 2 du Traité sur l'Union européenne (ci-après : le TUE) dispose : « L'Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, de l'Etat de droit, ainsi que de respect des droits de l'homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux Etats membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l'égalité entre les femmes et les hommes ».

L'article 4, paragraphe 3, du TUE dispose : « En vertu du principe de coopération loyale, l'Union et les Etats membres se respectent et s'assistent mutuellement dans l'accomplissement des missions découlant des traités.

Les Etats membres prennent toute mesure générale ou particulière propre à assurer l'exécution des obligations découlant des traités ou résultant des actes des institutions de l'Union.

Les Etats membres facilitent l'accomplissement par l'Union de sa mission et s'abstiennent de toute mesure susceptible de mettre en péril la réalisation des objectifs de l'Union ».

L'article 19, paragraphe 1, du TUE dispose : « La Cour de justice de l'Union européenne comprend la Cour de justice, le Tribunal et des tribunaux spécialisés. Elle assure le respect du droit dans l'interprétation et l'application des traités.

Les Etats membres établissent les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l'Union ».

L'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne consacre le droit à un recours effectif et le droit d'accès à un tribunal impartial et dispose : « Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l'Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article.

Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter.

Une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour assurer l'effectivité de l'accès à la justice ».

En ce qui concerne la protection juridictionnelle effective des droits conférés par l'ordre juridique européen, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé (CJCE, grande chambre, 13 mars 2007, C-432/05, Unibet, points 37-43) : « 37. D'emblée, il convient de rappeler que, en vertu d'une jurisprudence constante, le principe de protection juridictionnelle effective constitue un principe général du droit communautaire, qui découle des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres, qui a été consacré par les articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (arrêts du 15 mai 1986, Johnston, 222/84, Rec. p. 1651, points 18 et 19; du 15 octobre 1987, Heylens e.a., 222/86, Rec. p. 4097, point 14; du 27 novembre 2001, Commission/Autriche, C-424/99, Rec. p. I-9285, point 45; du 25 juillet 2002, Unión de Pequenos Agricultores/Conseil, C-50/00 P, Rec. p. I-6677, point 39, et du 19 juin 2003, Eribrand, C-467/01, Rec. p. I-6471, point 61) et qui a également été réaffirmé à l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, proclamée le 7 décembre 2000 à Nice (JO, C 364, p. 1). 38. Il incombe à cet égard aux juridictions des Etats membres, par application du principe de coopération énoncé à l'article 10 CE, d'assurer la protection juridictionnelle des droits que les justiciables tirent du droit communautaire (voir, en ce sens, arrêts du 16 décembre 1976, Rewe, 33/76, Rec.p. 1989, point 5, et Comet, 45/76, Rec. p. 2043, point 12; du 9 mars 1978, Simmenthal, 106/77, Rec. p. 629, points 21 et 22; du 19 juin 1990, Factortame e.a., C-213/89, Rec. p. I-2433, point 19, ainsi que du 14 décembre 1995, Peterbroeck, C-312/93, Rec. p. I-4599, point 12). 39. Il y a également lieu de rappeler que, en l'absence de réglementation communautaire en la matière, il appartient à l'ordre juridique interne de chaque Etat membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit communautaire (voir, notamment, arrêts précités Rewe, point 5;Comet, point 13; Peterbroeck, point 12; du 20 septembre 2001, Courage et Crehan, C-453/99, Rec. p. I-6297, point 29, ainsi que du 11 septembre 2003, Safalero, C-13/01, Rec. p. I-8679, point 49). 40. En effet, si le traité CE a institué un certain nombre d'actions directes qui peuvent être exercées, le cas échéant, par des personnes privées devant le juge communautaire, il n'a pas entendu créer devant les juridictions nationales, en vue du maintien du droit communautaire, des voies de droit autres que celles établies par le droit national (arrêt du 7 juillet 1981, Rewe, 158/80, Rec.p. 1805, point 44). 41. Il n'en irait autrement que s'il ressortait de l'économie de l'ordre juridique national en cause qu'il n'existe aucune voie de recours permettant, même de manière incidente, d'assurer le respect des droits que les justiciables tirent du droit communautaire (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 1976, Rewe, précité, point 5, et arrêts précités Comet, point 16, ainsi que Factortame e.a., points 19 à 23). 42. Ainsi, s'il appartient, en principe, au droit national de déterminer la qualité et l'intérêt d'un justiciable pour agir en justice, le droit communautaire exige néanmoins que la législation nationale ne porte pas atteinte au droit à une protection juridictionnelle effective (voir, notamment, arrêts du 11 juillet 1991, Verholen e.a., C-87/90 à C-89/90, Rec. p. I-3757, point 24, et Safalero, précité, point 50). Il incombe en effet aux Etats membres de prévoir un système de voies de recours et de procédures permettant d'assurer le respect de ce droit (arrêt Unión de Pequenos Agricultores/Conseil, précité, point 41). 43. A cet égard, les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit communautaire ne doivent pas être moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne (principe de l'équivalence) et ne doivent pas rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire (principe d'effectivité) (voir, notamment, arrêt du 16 décembre 1976, Rewe, précité, point 5, et arrêts précités Comet, points 13 à 16;Peterbroeck, point 12; Courage et Crehan, point 29; Eribrand, point 62, ainsi que Safalero, point 49) ».

En ce qui concerne plus particulièrement la portée de l'article 19 du TUE, la Cour de justice a jugé (CJUE, grande chambre, 27 février 2018, C-64/16, Associaçao Sindical dos Juizes Portugueses, points 31-37) : « 31. L'Union est une Union de droit dans laquelle les justiciables ont le droit de contester en justice la légalité de toute décision ou de tout autre acte national relatif à l'application à leur égard d'un acte de l'Union (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C-583/11 P, EU: C: 2013: 625, points 91 et 94 ainsi que jurisprudence citée). 32. L'article 19 TUE, qui concrétise la valeur de l'Etat de droit affirmée à l'article 2 TUE, confie la charge d'assurer le contrôle juridictionnel dans l'ordre juridique de l'Union non seulement à la Cour, mais également aux juridictions nationales [voir, en ce sens, avis 1/09 (Accord sur la création d'un système unifié de règlement des litiges en matière de brevets), du 8 mars 2011, EU: C: 2011: 123, point 66;arrêts du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C-583/11 P, EU: C: 2013: 625, point 90, ainsi que du 28 avril 2015, T & L Sugars et Sidul Açucares/Commission, C-456/13 P, EU: C: 2015: 284, point 45]. 33. Ces juridictions remplissent ainsi, en collaboration avec la Cour, une fonction qui leur est attribuée en commun, en vue d'assurer le respect du droit dans l'interprétation et l'application des traités [voir, en ce sens, avis 1/09 (Accord sur la création d'un système unifié de règlement des litiges en matière de brevets), du 8 mars 2011, EU: C: 2011: 123, point 69, ainsi que arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C-583/11 P, EU: C: 2013: 625, point 99]. 34. Il incombe donc aux Etats membres, notamment, en vertu du principe de coopération loyale, énoncé à l'article 4, paragraphe 3, premier alinéa, TUE, d'assurer, sur leur territoire, l'application et le respect du droit de l'Union [voir, en ce sens, avis 1/09 (Accord sur la création d'un système unifié de règlement des litiges en matière de brevets), du 8 mars 2011, EU: C: 2011: 123, point 68].A ce titre, et ainsi que le prévoit l'article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, les Etats membres établissent les voies de recours nécessaires pour assurer aux justiciables le respect de leur droit à une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l'Union. Ainsi, il appartient aux Etats membres de prévoir un système de voies de recours et de procédures assurant un contrôle juridictionnel effectif dans lesdits domaines (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C-583/11 P, EU: C: 2013: 625, points 100 et 101 ainsi que jurisprudence citée). 35. Le principe de protection juridictionnelle effective des droits que les justiciables tirent du droit de l'Union, auquel se réfère l'article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, constitue, en effet, un principe général du droit de l'Union qui découle des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres, qui a été consacré par les articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, et qui est à présent affirmé à l'article 47 de la Charte (voir, en ce sens, arrêts du 13 mars 2007, Unibet, C-432/05, EU: C: 2007: 163, point 37, et du 22 décembre 2010, DEB, C-279/09, EU: C: 2010: 811, points 29 à 33).36. L'existence même d'un contrôle juridictionnel effectif destiné à assurer le respect du droit de l'Union est inhérente à un Etat de droit (voir, en ce sens, arrêt du 28 mars 2017, Rosneft, C-72/15, EU: C: 2017: 236, point 73 et jurisprudence citée).37. Il s'ensuit que tout Etat membre doit assurer que les instances relevant, en tant que ' juridiction ', au sens défini par le droit de l'Union, de son système de voies de recours dans les domaines couverts par le droit de l'Union satisfont aux exigences d'une protection juridictionnelle effective ». Il ressort de cette jurisprudence constante de la Cour de justice qu'à défaut d'harmonisation au niveau européen, les recours juridictionnels organisés au sein d'un Etat membre en vue de garantir le respect du droit de l'Union européenne sont régis, en vertu du principe de l'autonomie procédurale, par les règles procédurales nationales.

Contrairement à ce que les parties requérantes affirment, la Cour de justice n'opère pas, à cet égard, une distinction entre la sauvegarde des objectifs de l'Union européenne et la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l'Union européenne.

Selon la Cour de justice, le principe de l'autonomie procédurale est encadré par deux autres principes, à savoir, d'une part, le principe d'équivalence et, d'autre part, le principe d'effectivité. Le principe d'équivalence exige que les règles procédurales nationales applicables lorsqu'est en cause le droit européen ne soient pas moins favorables que celles qui sont applicables aux recours similaires de nature interne. Le principe d'effectivité s'oppose à ce que les règles procédurales nationales applicables rendent pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique européen.

Le principe de l'autonomie procédurale, encadré par les principes d'équivalence et d'effectivité, s'applique notamment lorsqu'un juge national est saisi d'une demande de suspension d'une norme nationale dont il est allégué qu'elle violerait le droit européen. La Cour de justice considère en effet que « le principe de protection juridictionnelle effective des droits conférés aux justiciables par le droit communautaire doit être interprété en ce sens que, en cas de doute sur la conformité de dispositions nationales avec le droit communautaire, l'octroi éventuel de mesures provisoires pour suspendre l'application desdites dispositions jusqu'à ce que la juridiction compétente se soit prononcée sur la conformité de celles-ci avec le droit communautaire est régi par les critères fixés par le droit national applicable devant ladite juridiction, pour autant que ces critères ne sont pas moins favorables que ceux concernant des demandes similaires de nature interne et ne rendent pas pratiquement impossible ou excessivement difficile la protection juridictionnelle provisoire de tels droits » (CJCE, grande chambre, 13 mars 2007, C-432/05, Unibet, dispositif, point 3).

Enfin, il ressort également de la jurisprudence de la Cour de justice que, lorsqu'un juge national est saisi d'une demande de suspension d'une norme de droit national prise en exécution d'une norme de droit dérivé dont il est allégué qu'elle violerait le droit primaire, cette demande de suspension relève « [des] règles de procédure nationales, en ce qui concerne notamment l'introduction et l'instruction de la demande » (CJCE, 21 février 1991, C-143/88 et C-92/89, Zuckerfabrik Süderdithmarschen AG et Zuckerfabrik Soest GmbH, point 26; dans le même sens, CJCE, grande chambre, 6 décembre 2005, C-453/03, C-11/04, C-12/04 et C-194/04, ABNA Ltd e.a., point 104).

B.4.3. Conformément à la jurisprudence européenne citée en B.4.2, lorsqu'à l'appui d'une demande de suspension introduite auprès de la Cour, un moyen est pris de la violation du droit européen lu en combinaison avec les normes dont la Cour assure le contrôle en vertu de l'article 142, alinéa 2, de la Constitution et de l'article 1er de la loi spéciale du 6 janvier 1989, il convient de faire application des règles procédurales nationales, et donc notamment de l'article 21, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989, qui fixe à trois mois à compter de la publication de la norme attaquée le délai pour introduire une demande de suspension.

Il convient encore de vérifier si le délai de trois mois prévu pour introduire une demande de suspension auprès de la Cour respecte le principe d'équivalence et le principe d'effectivité.

B.4.4. Le délai de trois mois prévu pour introduire une demande de suspension auprès de la Cour s'applique tant lorsque la violation du droit européen est alléguée que lorsque la violation du droit européen n'est pas alléguée.

Le principe d'équivalence est donc respecté.

B.4.5. Les travaux préparatoires relatifs à la loi spéciale du 6 janvier 1989 justifient la limitation des délais d'introduction d'un recours en annulation et d'une demande de suspension auprès de la Cour, dans les termes suivants : « Le délai [d]'insécurité ne peut en effet être illimité dans le temps; l'exigence de stabilité est particulièrement importante en droit public pour les rapports entre l'autorité et les particuliers et entre les diverses autorités » (Doc. parl., Sénat, 1988-1989, n° 483/1, p. 6).

La loi spéciale du 9 mars 2003 a réduit à trois mois le délai pour introduire une demande de suspension. Les travaux préparatoires précisent à cet égard : « En l'état actuel des choses, la demande de suspension est soumise au même délai que la demande d'annulation, à savoir six mois. Pareil délai est particulièrement long à la lumière des conditions spécifiques de suspension énumérées à l'article 20, à savoir l'existence d'un préjudice grave difficilement réparable ou le fait qu'un recours soit exercé contre une norme identique à une norme déjà annulée par la Cour d'arbitrage et qui a été adoptée par le même législateur. Par sa nature, la procédure de suspension est une procédure d'urgence, qui exige de la Cour d'arbitrage également une diligence particulière (voir la condition requise par l'article 23, selon lequel la Cour statue ' sans délai '). Dans ces circonstances, il y a lieu, semble-t-il, de réclamer aussi quelque peu de diligence de la part des requérants et de ne pas leur permettre d'attendre la fin du délai de six mois pour demander une suspension » (Doc. parl., Sénat, 2001-2002, n° 2-897/4, p. 11).

Selon une jurisprudence constante de la Cour de justice, le principe d'effectivité ne s'oppose pas à « la fixation de délais raisonnables de recours à peine de forclusion dans l'intérêt de la sécurité juridique », dès lors que « de tels délais ne sont pas de nature à rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique de l'Union, même si, par définition, l'écoulement de ces délais entraîne le rejet, total ou partiel, de l'action intentée » (CJUE, 14 février 2019, C-562/17, Nestrade SA, point 41; dans le même sens, 16 décembre 1976, 33/76, Rewe, point 5; 16 décembre 1976, 45/76, Comet BV, points 17-18).

La Cour de justice ajoute à cet égard « qu'il appartient aux Etats membres de déterminer, pour les réglementations nationales qui entrent dans le champ d'application du droit de l'Union, des délais en rapport avec, notamment, l'importance pour les intéressés des décisions à prendre, la complexité des procédures et de la législation à appliquer, le nombre de personnes susceptibles d'être concernées et les autres intérêts publics ou privés qui doivent être pris en considération » (CJUE, 9 septembre 2020, C-651/19, JP, point 53) et qu'« afin de respecter les exigences du principe d'effectivité, ce délai doit être matériellement suffisant pour préparer et former un recours effectif » (ibid., point 57).

Le délai de trois mois prévu pour introduire une demande de suspension auprès de la Cour est suffisamment long pour préparer et former un recours effectif et, partant, il ne rend pas pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique européen.

Le principe d'effectivité est donc respecté.

B.4.6. Par conséquent, lorsqu'une demande de suspension à l'appui de laquelle est alléguée une violation du droit européen est introduite auprès de la Cour, elle est soumise au délai de trois mois prévu à l'article 21, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989, qui est compatible avec le droit européen.

Il ressort également des développements qui précèdent que l'application de ce délai de recours de trois mois tant aux procédures à l'appui desquelles une violation du droit européen n'est pas alléguée qu'aux procédures à l'appui desquelles est alléguée une violation du droit européen est raisonnablement justifiée, de sorte que l'article 21, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

La possibilité d'introduire un recours en annulation d'une norme législative auprès de la Cour et, le cas échéant, d'assortir celui-ci d'une demande de suspension dans les trois mois suivant la publication de la norme attaquée au Moniteur belge constitue un recours juridictionnel effectif. La circonstance que les parties requérantes ont omis d'introduire leur demande de suspension dans le délai imparti ne remet pas en cause ce constat.

La conclusion qui précède n'est pas remise en cause par le fait qu'en vertu de l'article 25 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, une suspension ordonnée par la Cour cesse ses effets si la Cour ne se prononce pas sur le recours en annulation dans les trois mois de l'arrêt ordonnant la suspension, et qu'une éventuelle procédure préjudicielle devant la Cour de justice à la suite de questions posées par la Cour dure généralement plus de trois mois. En effet, c'est uniquement si la Cour avait été régulièrement saisie d'une demande de suspension dans le délai de recours de trois mois prévu à l'article 21, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989, si la Cour avait jugé cette demande de suspension recevable et fondée et si la Cour avait à cette occasion décidé de poser une ou plusieurs questions préjudicielles à la Cour de justice que la Cour aurait pu ordonner que, nonobstant l'article 25 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, la suspension continue à produire ses effets jusqu'à la date de publication au Moniteur belge de l'arrêt statuant sur le recours en annulation.

B.5. Au surplus, il ressort des développements de la requête en suspension consacrés au risque de préjudice grave difficilement réparable que les parties requérantes pouvaient, dès la publication de la loi attaquée, percevoir que l'application immédiate de celle-ci était de nature à leur causer le préjudice qu'elles décrivent, qui consiste en une atteinte au secret professionnel de l'avocat.

B.6. Par ailleurs, les considérations des parties requérantes relatives à la date d'entrée en vigueur des dispositions attaquées ne permettent pas davantage de conclure à la recevabilité de leur demande de suspension, dès lors que le délai de trois mois prévu pour l'introduction d'une demande de suspension prend cours à partir de la publication de la norme attaquée au Moniteur belge.

B.7. Enfin, le fait que certaines dispositions du décret flamand du 26 juin 2020 « modifiant le décret du 21 juin 2013 relatif à la coopération administrative dans le domaine fiscal, en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration », qui transpose la directive (UE) 2018/822, aient été suspendues par l'arrêt de la Cour n° 167/2020 du 17 décembre 2020 et que les dispositions de la loi attaquée, qui transpose la même directive, ne soient, elles, pas suspendues résulte des choix procéduraux effectués en connaissance de cause par les parties requérantes, qui ont introduit dans le délai imparti une demande de suspension dirigée contre ledit décret flamand, mais pas contre la loi attaquée.

B.8. La demande de suspension est manifestement irrecevable.

Par ces motifs, la Cour, chambre restreinte, statuant à l'unanimité des voix, rejette la demande de suspension.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 17 décembre 2020.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, F. Daoût

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