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Arrêt
publié le 14 mai 2020

}Extrait de l'arrêt n° 182/2019 du 14 novembre 2019 Numéro du rôle : 7241 En cause : la demande de suspension de l'article 8, § 2, de la loi du 22 avril 2019 « visant à rendre plus accessible l'assurance protection juridique », introduit La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, des juges L. Lavrysen, J(...)

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14/05/2020
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COUR CONSTITUTIONNELLE


}Extrait de l'arrêt n° 182/2019 du 14 novembre 2019 Numéro du rôle : 7241 En cause : la demande de suspension de l'article 8, § 2, de la loi du 22 avril 2019Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/04/2019 pub. 08/05/2019 numac 2019041139 source service public federal justice Loi visant à rendre plus accessible l'assurance protection juridique fermer « visant à rendre plus accessible l'assurance protection juridique », introduite par Frank Van Vlaenderen et la SPRL « Advocaten Van Vlaenderen ».

La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et F. Daoût, des juges L. Lavrysen, J.-P. Moerman, P. Nihoul et J. Moerman, et, conformément à l'article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, du juge émérite E. Derycke, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Alen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la demande et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 31 juillet 2019 et parvenue au greffe le 1er août 2019, Frank Van Vlaenderen et la SPRL « Advocaten Van Vlaenderen », assistés et représentés par Me J. Van Malleghem, avocat au barreau de Gand, ont introduit une demande de suspension de l'article 8, § 2, de la loi du 22 avril 2019Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/04/2019 pub. 08/05/2019 numac 2019041139 source service public federal justice Loi visant à rendre plus accessible l'assurance protection juridique fermer « visant à rendre plus accessible l'assurance protection juridique » (publiée au Moniteur belge du 8 mai 2019).

Par la même requête, Frank Van Vlaenderen, la SPRL « Evocaten » et la SPRL « Advocaten Van Vlaenderen », assistés et représentés par Me J. Van Malleghem, demandent l'annulation des articles 5 à 8, 11 et 23 de la même loi. (...) II. En droit (...) Quant à la disposition attaquée et à son contexte B.1. Les parties requérantes demandent la suspension de l'article 8, § 2, de la loi du 22 avril 2019Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/04/2019 pub. 08/05/2019 numac 2019041139 source service public federal justice Loi visant à rendre plus accessible l'assurance protection juridique fermer « visant à rendre plus accessible l'assurance protection juridique » (ci-après : la loi du 22 avril 2019Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/04/2019 pub. 08/05/2019 numac 2019041139 source service public federal justice Loi visant à rendre plus accessible l'assurance protection juridique fermer), qui dispose : « La garantie concernant les frais et honoraires des avocats est prise en charge par l'assureur à concurrence des montants fixés par le Roi.

Tout dépassement des montants fixés par le Roi sera à charge du client, même si le plafond de garantie prévu au paragraphe 3 n'est pas atteint.

L'assureur dispose de la faculté de prendre en charge les dépassements des montants fixés par le Roi en tenant compte de ses plafonds de garantie visés au paragraphe 3 ».

B.2.1. La loi du 22 avril 2019Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/04/2019 pub. 08/05/2019 numac 2019041139 source service public federal justice Loi visant à rendre plus accessible l'assurance protection juridique fermer vise à rendre plus accessible l'assurance protection juridique grâce à une « réduction d'impôt à accorder pour les primes pour des assurances protection juridique qui satisfont à un nombre de conditions strictes en ce qui concerne les risques couverts, la couverture et garantie minimales, et les délais d'attente » (Doc. parl., Chambre, 2018-2019, DOC 54-3560/001, p. 4).

Les travaux préparatoires font apparaître qu'en fixant les conditions minimales auxquelles le contrat doit satisfaire pour pouvoir donner lieu à une réduction d'impôt, le législateur a voulu stimuler la conclusion de contrats offrant une couverture plus large et un plafond de garantie plus élevé que ce qui est généralement le cas (ibid.).

En vertu de l'article 26 de la loi du 22 avril 2019Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/04/2019 pub. 08/05/2019 numac 2019041139 source service public federal justice Loi visant à rendre plus accessible l'assurance protection juridique fermer, les dispositions relatives aux conditions minimales précitées entrent en vigueur le premier jour du quatrième mois qui suit la date de publication de la loi au Moniteur belge, c'est-à-dire le 1er septembre 2019.

B.2.2. Aux termes de l'article 8, § 1er, de la loi du 22 avril 2019Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/04/2019 pub. 08/05/2019 numac 2019041139 source service public federal justice Loi visant à rendre plus accessible l'assurance protection juridique fermer, qui fait partie du chapitre 2 (« Conditions minimales auxquelles les contrats d'assurance protection juridique doivent satisfaire en vue de bénéficier de la réduction d'impôt ») de la loi, la garantie doit au moins couvrir les frais et honoraires suivants : les frais et honoraires des avocats; les frais et honoraires des huissiers de justice; les frais des procédures judiciaires et extrajudiciaires mis à charge de l'assuré; les frais et honoraires des experts, conseillers techniques, médiateurs, arbitres et de toute autre personne ayant les qualifications requises par la loi applicable à la procédure; les frais d'exécution.

L'article 8, § 2, de cette loi - la disposition attaquée - prévoit que la garantie concernant les frais et honoraires des avocats est prise en charge par l'assureur à concurrence des montants fixés par le Roi et que tout dépassement de ces montants est à charge du client, même si le plafond de garantie prévu au paragraphe 3 n'est pas atteint.

L'assureur dispose toutefois de la faculté de prendre en charge les dépassements des montants fixés par le Roi en tenant compte de ses plafonds de garantie visés au paragraphe 3.

B.2.3. Selon l'article 11 de la loi du 22 avril 2019Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/04/2019 pub. 08/05/2019 numac 2019041139 source service public federal justice Loi visant à rendre plus accessible l'assurance protection juridique fermer, l'avocat peut s'engager à adapter ses honoraires et frais aux montants par prestation déterminés par le Roi. L'avocat informe clairement son client de son engagement à respecter ou non les montants par prestation fixés par le Roi et des conséquences qui y sont attachées.

Il en informe également simultanément l'assureur de protection juridique du client.

B.2.4. Les plafonds fixés par prestation qui sont visés aux articles 8, § 2, et 11 de la loi du 22 avril 2019Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/04/2019 pub. 08/05/2019 numac 2019041139 source service public federal justice Loi visant à rendre plus accessible l'assurance protection juridique fermer sont définis dans l'arrêté royal du 28 juin 2019 « portant exécution des articles 8, § 2, et 11 de la loi du 22 avril 2019Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/04/2019 pub. 08/05/2019 numac 2019041139 source service public federal justice Loi visant à rendre plus accessible l'assurance protection juridique fermer visant à rendre plus accessible l'assurance protection juridique ».

Quant à la recevabilité de la demande B.3.1. Le Conseil des ministres conteste l'intérêt des parties requérantes.

B.3.2. La demande de suspension étant subordonnée au recours en annulation, la recevabilité de celui-ci, et en particulier l'existence de l'intérêt requis, doit être vérifiée dès l'examen de la demande de suspension.

B.3.3. La première partie requérante exerce la profession d'avocat. La seconde partie requérante est une société qui a pour objet « l'activité d'avocat ».

L'examen limité de la recevabilité du recours en annulation auquel la Cour a pu procéder dans le cadre de la demande de suspension ne fait pas apparaître que le recours en annulation - et donc la demande de suspension - doive être considéré comme irrecevable. En leurs qualités précitées, les parties requérantes semblent en effet avoir un intérêt au recours en annulation d'une disposition qui autorise le Roi à fixer les frais et honoraires d'avocats que l'assureur doit prendre en charge.

Quant aux conditions de la suspension B.4. Aux termes de l'article 20, 1°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, deux conditions de fond doivent être remplies pour que la suspension puisse être décidée : - des moyens sérieux doivent être invoqués; - l'exécution immédiate de la règle attaquée doit risquer de causer un préjudice grave difficilement réparable.

Les deux conditions étant cumulatives, la constatation que l'une de ces deux conditions n'est pas remplie entraîne le rejet de la demande de suspension.

Quant au risque de préjudice grave difficilement réparable B.5. La suspension par la Cour d'une disposition législative doit permettre d'éviter que l'application immédiate de cette norme cause aux parties requérantes un préjudice grave, qui ne pourrait être réparé ou qui pourrait difficilement l'être en cas d'annulation de ladite norme.

Il ressort de l'article 22 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle que, pour satisfaire à la deuxième condition de l'article 20, 1°, de cette loi, les personnes qui forment une demande de suspension doivent exposer, dans leur requête, des faits concrets et précis qui prouvent à suffisance que l'application immédiate des dispositions dont elles demandent l'annulation risque de leur causer un préjudice grave difficilement réparable.

Ces personnes doivent notamment faire la démonstration de l'existence du risque de préjudice, de sa gravité et de son lien avec l'application des dispositions attaquées.

B.6. Les parties requérantes invoquent leur qualité d'avocat et de société ayant pour objet « l'activité d'avocat ».

B.7.1. Comme il est dit en B.2.2, la disposition attaquée prévoit que la garantie concernant les frais et honoraires des avocats est prise en charge par l'assureur à concurrence des montants fixés par le Roi et que tout dépassement de ces montants est à charge du client, même si le plafond de garantie prévu au paragraphe 3 n'est pas atteint.

L'article 11 de la loi du 22 avril 2019Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/04/2019 pub. 08/05/2019 numac 2019041139 source service public federal justice Loi visant à rendre plus accessible l'assurance protection juridique fermer prévoit que l'avocat peut s'engager à adapter ses honoraires et frais aux montants par prestation déterminés par le Roi et qu'il doit informer son client de son engagement à respecter ou non ces montants et des conséquences qui y sont attachées.

B.7.2. Il s'ensuit qu'un avocat peut s'engager à adapter ses honoraires et frais aux montants par prestation déterminés par le Roi, mais qu'il n'y est nullement obligé.

Lorsque le client accepte que les honoraires et frais ne soient pas fixés aux montants par prestation déterminés par le Roi et qu'il accepte donc de prendre lui-même en charge le dépassement de ces montants, la disposition attaquée ne fait subir aucun préjudice à l'avocat, puisque ses honoraires et frais seront intégralement payés, en partie par l'assureur, en partie par le client.

Lorsque le client n'accepte pas de prendre en charge le dépassement des montants fixés par le Roi, l'avocat n'est pas soumis à l'obligation d'assister la personne concernée. Certes, le refus d'un avocat d'assister des personnes qui n'acceptent pas de prendre en charge le dépassement des montants fixés par le Roi peut nuire à sa situation économique. Cependant, ce préjudice ne découle pas, en soi, de la disposition attaquée, mais de la décision de l'avocat de n'assister que des clients prêts à prendre en charge le dépassement des montants fixés par le Roi.

En ce que, pour éviter le préjudice économique précité, un avocat serait contraint d'accepter des clients non disposés à prendre en charge le dépassement des montants fixés par le Roi, ce préjudice ne peut être qualifié de préjudice grave au sens de l'article 20, 1°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle.

Certes, la disposition attaquée autorise le Roi à soumettre à des limitations les frais et honoraires des avocats que l'assureur doit prendre en charge, mais eu égard aux objectifs poursuivis par le législateur, cette autorisation ne peut pas être interprétée en ce sens que le Roi a le pouvoir de limiter de manière excessive les frais et honoraires des avocats que les assureurs doivent prendre en charge.

En outre, le préjudice subi est de nature financière et n'est donc en principe pas difficilement réparable.

B.7.3. Dans la mesure où les parties requérantes soutiennent qu'une annulation ultérieure, par la Cour, de la disposition attaquée pourrait induire en erreur les parties qui concluraient des contrats d'assurance qui reprendraient le contenu de cette disposition et dans la mesure où cette annulation pourrait donner lieu à des interprétations divergentes de ces contrats par les cours et tribunaux compétents, elles invoquent des préjudices qui ne sont pas personnels et qui sont en outre hypothétiques, et qui, par conséquent, ne peuvent être qualifiés de préjudice grave au sens de l'article 20, 1°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle.

B.8. Dès lors qu'il n'est pas satisfait à l'une des conditions requises pour que la suspension puisse être décidée, il y a lieu de rejeter la demande.

Par ces motifs, la Cour rejette la demande de suspension.

Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 14 novembre 2019.

Le greffier, Le président, P.-Y. Dutilleux A. Alen

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