Etaamb.openjustice.be
Arrêt
publié le 17 avril 2020

Extrait de l'arrêt n° 161/2019 du 24 octobre 2019 Numéros du rôle : 7042 et 7089 En cause: les questions préjudicielles concernant l'article 20 de la loi du 14 février 2014 « relative à la procédure devant la Cour de Cassation en matière péna La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges T. Merckx-V(...)

source
cour constitutionnelle
numac
2020201612
pub.
17/04/2020
prom.
--
moniteur
https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article_body(...)
Document Qrcode

COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 161/2019 du 24 octobre 2019 Numéros du rôle : 7042 et 7089 En cause: les questions préjudicielles concernant l'article 20 de la loi du 14 février 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 14/02/2014 pub. 27/02/2014 numac 2014009077 source service public federal justice Loi relative à la procédure devant la Cour de Cassation en matière pénale fermer « relative à la procédure devant la Cour de Cassation en matière pénale », posées par la Cour de cassation.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges T. Merckx-Van Goey, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman et M. Pâques, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président F. Daoût, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure a. Par arrêt du 31 octobre 2018, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 13 novembre 2018, la Cour de cassation a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 20 de la loi du 14 février 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 14/02/2014 pub. 27/02/2014 numac 2014009077 source service public federal justice Loi relative à la procédure devant la Cour de Cassation en matière pénale fermer relative à la procédure devant la Cour de cassation en matière pénale viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution dans la mesure où il supprime la possibilité pour un mineur faisant l'objet d'une décision de dessaisissement et de renvoi rendue conformément à l'article 57bis de la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié infraction et à la réparation du dommage causé pour ce fait, d'introduire un pourvoi immédiat contre cette décision, alors qu'un pourvoi immédiat est ouvert à un prévenu ou à un inculpé à l'encontre de la décision non définitive rendue en dernier ressort sur la compétence des juridictions ? ».b. Par arrêt du 18 décembre 2018, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 31 décembre 2018, la Cour de cassation a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 20 de la loi du 14 février 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 14/02/2014 pub. 27/02/2014 numac 2014009077 source service public federal justice Loi relative à la procédure devant la Cour de Cassation en matière pénale fermer relative à la procédure devant la Cour de cassation en matière pénale viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'il prive le mineur de la possibilité de former un pourvoi en cassation immédiat contre une décision de dessaisissement et de renvoi au sens de l'article 57bis de la loi relative à la protection de la jeunesse et assimile donc ce mineur à un inculpé, qui ne peut pas non plus former un pourvoi en cassation immédiat contre une décision de renvoi rendue par une juridiction d'instruction, alors que les conséquences de l'absence d'un pourvoi en cassation immédiat sont fondamentalement différentes dans les deux situations ? ». Ces affaires, inscrites sous les numéros 7042 et 7089 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) III. En droit (...) B.1. Les questions préjudicielles portent sur la procédure après une décision de dessaisissement prise par le tribunal de la jeunesse.

Le dessaisissement est possible, à certaines conditions, si la personne déférée au tribunal de la jeunesse en raison d'un fait qualifié d'infraction était âgée de seize ans ou plus au moment de ce fait et si le tribunal de la jeunesse estime inadéquate une mesure de garde, de préservation ou d'éducation. Dans ce cas, le tribunal de la jeunesse peut, par décision motivée, se dessaisir et renvoyer l'affaire au ministère public aux fins de poursuite devant la juridiction compétente (article 57bis de la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer « relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié infraction et à la réparation du dommage causé par ce fait », tel qu'il était applicable dans les litiges soumis au juge a quo). La décision de dessaisissement n'est donc pas une décision quant au fond.

B.2. Les questions préjudicielles concernent plus particulièrement la possibilité de former un pourvoi en cassation contre la décision de dessaisissement.

L'article 420 du Code d'instruction criminelle, tel qu'il a été remplacé par la disposition en cause (l'article 20 de la loi du 14 février 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 14/02/2014 pub. 27/02/2014 numac 2014009077 source service public federal justice Loi relative à la procédure devant la Cour de Cassation en matière pénale fermer « relative à la procédure devant la Cour de Cassation en matière pénale » (ci-après : la loi du 14 février 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 14/02/2014 pub. 27/02/2014 numac 2014009077 source service public federal justice Loi relative à la procédure devant la Cour de Cassation en matière pénale fermer)), dispose : « Le pourvoi en cassation contre les décisions préparatoires et d'instruction n'est ouvert qu'après l'arrêt ou le jugement définitif, même si elles ont été exécutées sans réserve.

Toutefois, il peut être formé un pourvoi en cassation immédiat contre les décisions : 1° sur la compétence;2° en application des articles 135, 235bis et 235ter;3° relatives à l'action civile qui statuent sur le principe d'une responsabilité;4° qui, conformément à l'article 524bis, § 1er, statuent sur l'action publique et ordonnent une enquête particulière sur les avantages patrimoniaux ». B.3. Il découle de la disposition précitée qu'une décision de dessaisissement n'est pas susceptible d'un pourvoi en cassation immédiat.

Cette possibilité existait toutefois avant l'entrée en vigueur de la loi du 14 février 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 14/02/2014 pub. 27/02/2014 numac 2014009077 source service public federal justice Loi relative à la procédure devant la Cour de Cassation en matière pénale fermer. En effet, le Code d'instruction criminelle prévoyait expressément une exception pour les « arrêts de renvoi conformément à l'article 57bis de la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à la protection de la jeunesse » (article 416 du Code d'instruction criminelle).

Cette exception n'a pas été retenue dans le nouvel article 420 du Code d'instruction criminelle, sur la base de la motivation suivante : « L'article 420 proposé fait écho à l'actuel article 416 du Code d'instruction criminelle.

La disposition maintient le principe inscrit à l'alinéa 1er de ce dernier : les pourvois en cassation contre les arrêts accidentels sont réservés à la fin du procès.

En même temps, elle limite le nombre d'exceptions admises par l'alinéa 2, c'est-à-dire le nombre de décisions susceptibles de faire l'objet d'un pourvoi immédiat. Sont écartés de la liste les arrêts ou jugements rendus en application des articles 135, 235bis et 235ter du Code d'instruction criminelle, ainsi que les arrêts de renvoi conformément à l'article 57bis de la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à la protection de la jeunesse.

C'est à la faveur de la loi du 12 mars 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/03/1998 pub. 02/04/1998 numac 1998009267 source ministere de la justice Loi relative à l'amélioration de la procédure pénale au stade de l'information et de l'instruction type loi prom. 12/03/1998 pub. 02/04/1998 numac 1998009266 source ministere de la justice Loi modifiant le Code judiciaire et le Code d'instruction criminelle en ce qui concerne la procédure en dessaisissement fermer relative à l'amélioration de la procédure pénale au stade de l'information et de l'instruction qu'a été adopté un système élargi de pourvoi immédiat. A l'heure actuelle, néanmoins, force est de constater les effets pervers de ce système. Les recours aboutissent rarement.

Les trois exceptions maintenues dans l'article 416 proposé sont celles qui paraissent les plus appropriées : celles dont on peut estimer qu'elles n'autorisent pas des recours en trompe-l'oeil, c'est-à-dire des recours appelés dans l'immense majorité des cas à déboucher sur un rejet.

Quant aux décisions écartées de la liste des exceptions, elles continuent à bénéficier de l'économie générale de la réforme. La possibilité d'un contrôle de la Cour de cassation, notamment, est maintenue, quand bien même ce contrôle est postposé » (Doc. parl., Sénat, 2012-2013, n° 5-1832/1, p. 9).

B.4. A la suite d'un amendement, l'exception prévue pour les « décisions prises en application des articles 135, 235bis et 235ter » a été maintenue dans le nouvel article 420 du Code d'instruction criminelle.

La loi du 5 février 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 05/02/2016 pub. 19/02/2016 numac 2016009064 source service public federal justice Loi modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice fermer « modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice » a finalement supprimé cette exception. Elle a ainsi abrogé la possibilité de former un pourvoi en cassation immédiat contre les décisions prises par la chambre des mises en accusation en application des articles 135, 235bis et 235ter du Code d'instruction criminelle.

Par son arrêt n° 148/2017 du 21 décembre 2018, la Cour a considéré que la suppression de cette exception était conforme à la Constitution : « B.55.1. Les dispositions attaquées introduisent une mesure, suggérée à plusieurs reprises déjà par la Cour de cassation, visant à maîtriser et éliminer un arriéré juridictionnel considérable et persistant (cf.

Rapport 2012-2013 du procureur général près la Cour de cassation au Comité parlementaire chargé du suivi législatif, Doc. parl., Chambre, 2012-2013, DOC 53-1414/011, et Sénat, 2012-2013, n° 5-1453/7, pp. 5-10; Rapport 2013-2014 du procureur général près la Cour de cassation au Comité parlementaire chargé du suivi législatif, Doc. parl., Chambre, 2014-2015, DOC 54-0435/001, et Sénat, 2014-2015, n° 6-39/1, pp. 31-33).

L'afflux de pourvois en cassation et l'arriéré qui en résulte pourraient entre autres s'expliquer par la possibilité de former, par dérogation au principe général contenu dans l'article 420, alinéa 1er, du Code d'instruction criminelle, un pourvoi en cassation immédiat contre les décisions prises par la chambre des mises en accusation en application des articles 135, 235bis et 235ter du même Code (cf.

Rapport 2012-2013 du procureur général près la Cour de cassation au Comité parlementaire chargé du suivi législatif, précité, p. 8). Selon les travaux préparatoires de la disposition attaquée, ' [c]ette faculté dégénère souvent en procès fait dans le procès, allongeant démesurément les procédures avant même le jugement de l'affaire au fond, où les mêmes questions seront reposées sous un habillage différent ou par une autre partie ' (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1418/005, p. 19).

B.55.2. Les dispositions attaquées poursuivent dès lors un objectif légitime, à savoir la maîtrise et l'élimination d'un arriéré juridictionnel considérable, et sont pertinentes pour atteindre cet objectif.

Elles ne limitent pas les droits des personnes concernées de manière disproportionnée. Du fait de la suppression de la possibilité de former un pourvoi en cassation immédiat contre les décisions prises par la chambre des mises en accusation en application des articles 135, 235bis et 235ter du Code d'instruction criminelle, la règle générale contenue dans l'article 420, alinéa 1er, de ce Code est d'application. Un pourvoi en cassation est donc toujours ouvert contre ces décisions, fût-ce uniquement après l'arrêt ou le jugement définitifs.

B.55.3. Certes, par les dispositions attaquées, le législateur revient à cet égard sur le choix, qu'il avait opéré en adoptant la loi du 12 mars 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/03/1998 pub. 02/04/1998 numac 1998009267 source ministere de la justice Loi relative à l'amélioration de la procédure pénale au stade de l'information et de l'instruction type loi prom. 12/03/1998 pub. 02/04/1998 numac 1998009266 source ministere de la justice Loi modifiant le Code judiciaire et le Code d'instruction criminelle en ce qui concerne la procédure en dessaisissement fermer, de purger définitivement les irrégularités du dossier d'instruction avant que l'affaire soit renvoyée devant le juge du fond. Un tel changement de politique relève du pouvoir d'appréciation du législateur.

Ainsi qu'il ressort des travaux préparatoires cités en B.49.5, ce choix est justifié par la constatation que la possibilité de former un pourvoi en cassation immédiat contre les décisions de la chambre des mises en accusation en application des articles 135, 235bis et 235ter a entraîné un afflux de recours et un arriéré juridictionnel considérable. Ce choix est en outre conforme aux évolutions de la jurisprudence et de la législation, qui ont pour conséquence que les irrégularités, omissions ou causes de nullité examinées par la chambre des mises en accusation peuvent encore, dans certaines circonstances, être portées devant la juridiction de jugement, de sorte que l'objectif poursuivi par la loi du 12 mars 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/03/1998 pub. 02/04/1998 numac 1998009267 source ministere de la justice Loi relative à l'amélioration de la procédure pénale au stade de l'information et de l'instruction type loi prom. 12/03/1998 pub. 02/04/1998 numac 1998009266 source ministere de la justice Loi modifiant le Code judiciaire et le Code d'instruction criminelle en ce qui concerne la procédure en dessaisissement fermer n'est en tout cas pas complètement atteint ».

B.5. La question préjudicielle dans l'affaire n° 7042 concerne une différence de traitement. Elle compare l'impossibilité d'introduire un pourvoi en cassation immédiat contre une décision de dessaisissement et la possibilité d'introduire un pourvoi en cassation immédiat contre une décision rendue sur la compétence (article 420, alinéa 2, 1°, du Code d'instruction criminelle).

La question préjudicielle dans l'affaire n° 7089 concerne une identité de traitement. Elle compare l'impossibilité d'introduire un pourvoi en cassation immédiat contre une décision de dessaisissement et l'impossibilité d'introduire un pourvoi en cassation immédiat contre une décision de renvoi rendue par la juridiction d'instruction.

Les deux questions préjudicielles ont toutefois la même portée. La juridiction a quo demande en substance à la Cour si la disposition en cause viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'elle exclut la possibilité d'introduire un pourvoi en cassation immédiat contre une décision de dessaisissement.

B.6. Le pourvoi en cassation est une voie de recours extraordinaire qui permet à une partie de demander l'annulation, pour contravention à la loi ou pour violation des formes, soit substantielles, soit prescrites à peine de nullité, d'une décision rendue en dernier ressort.

Le droit à un pourvoi en cassation n'est pas applicable de manière générale. Toutefois, lorsque le législateur prévoit la voie de recours du pourvoi en cassation, il doit à cette occasion garantir un déroulement équitable de la procédure et ne peut refuser cette voie de recours à certaines catégories de justiciables sans qu'existe pour ce faire une justification raisonnable.

B.7. Le droit d'accès à un juge, qui constitue un aspect du droit à un procès équitable, peut être soumis à des conditions de recevabilité, notamment en ce qui concerne l'introduction d'une voie de recours. Ces conditions ne peuvent cependant aboutir à restreindre ce droit de manière telle que celui-ci s'en trouve atteint dans sa substance même.

Tel serait le cas si les restrictions imposées ne tendaient pas vers un but légitime et s'il n'existait pas un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. La compatibilité de ces limitations avec le droit d'accès à un tribunal dépend des particularités de la procédure en cause et s'apprécie au regard de l'ensemble du procès (arrêt n° 148/2017 du 21 décembre 2017, B.54).

B.8. Il est certes exact que, comme la Cour l'a constaté dans son arrêt n° 148/2017, l'impossibilité d'introduire un pourvoi en cassation immédiat contre des décisions préparatoires constitue une mesure adéquate pour lutter contre l'arriéré juridictionnel auquel la Cour de cassation est confrontée et que - de manière générale - cette mesure ne restreint pas les droits des intéressés de manière disproportionnée dès lors que ceux-ci peuvent toujours former un pourvoi en cassation, fût-ce seulement après l'arrêt ou le jugement définitif.

Par le même arrêt, toutefois, la Cour a jugé que l'impossibilité d'introduire un pourvoi en cassation immédiat contre certaines décisions en matière de détention préventive, à savoir contre les décisions de maintien de la détention préventive autres que celles de la chambre des mises en accusation rendues en degré d'appel contre la première décision de maintien de la détention préventive (arrêt n° 148/2017 du 21 décembre 2017, B.77.5), était inconstitutionnelle. Dans ce cas, la possibilité de former un pourvoi en cassation après la décision définitive au fond ne pouvait suffire, parce que « l'efficacité d'un pourvoi en cassation en matière de détention préventive suppose que l'arrêt de la Cour de cassation soit rendu rapidement » (B.77.4).

B.9. Dans un sens analogue, l'impossibilité d'introduire un pourvoi en cassation immédiat contre la décision de dessaisissement restreint les droits du mineur concerné de manière disproportionnée. En effet, une telle décision a pour conséquence que les mesures particulières prévues à l'égard des mineurs ne sont plus applicables et que le mineur concerné devient justiciable de la juridiction ordinaire.

La possibilité d'introduire un pourvoi en cassation après la décision définitive au fond ne saurait suffire dans ce cas parce que, la plupart du temps, le mineur aura alors atteint la majorité.

L'efficacité d'un pourvoi en cassation en matière de dessaisissement suppose que l'arrêt de la Cour de cassation soit rendu rapidement.

B.10. Dans son arrêt de renvoi dans l'affaire n° 7089, la Cour de cassation a du reste elle-même souligné que les conséquences de l'absence d'un pourvoi en cassation immédiat sont différentes selon qu'il s'agit d'une décision de renvoi prise par le tribunal de la jeunesse qui s'est dessaisi d'une affaire qui concerne un mineur ou d'une décision de renvoi prise par une juridiction d'instruction en ce qui concerne un inculpé majeur : « - la qualité de mineur peut changer au cours de la procédure pénale.

Si celui-ci est majeur après la décision finale rendue sur l'action publique, le tribunal de la jeunesse ne peut plus lui imposer, en cas de cassation de la décision de dessaisissement et de renvoi, qu'un nombre limité de mesures de protection pour les faits déclarés établis, quelle que soit leur gravité; - le moment auquel la décision de dessaisissement et de renvoi devient définitive influence la qualification des nouveaux faits que le mineur commet. Dès que cette décision est définitive, le mineur est jugé comme un adulte pour tous les faits commis après la citation en dessaisissement, sans qu'une nouvelle procédure de dessaisissement doive être menée à cette fin » (Cass. 18 décembre 2018, P.18.0972.N) (traduction libre).

Dans l'affaire n° 7042, l'avocat général près la Cour de cassation a rappelé les difficultés que suscite la suppression de la possibilité d'un pourvoi en cassation immédiat contre l'arrêt de dessaisissement : « D'abord, un pourvoi différé contre la décision de dessaisissement n'a que peu de sens dès lors que, dans la majorité des situations, l'intéressé sera, entre-temps, devenu majeur et qu'une mesure ordonnée par le juge de la jeunesse ne saurait plus se justifier; dans l'hypothèse où la décision de condamnation après dessaisissement est rendue alors que le mineur a atteint l'âge de vingt ans ou plus et que l'arrêt de dessaisissement est cassé à ce moment, la seule mesure que le tribunal de la jeunesse peut prendre à l'égard du mineur est celle de la réprimande. Une remise en cause de la décision de dessaisissement n'a de sens que si elle intervient à court délai à un moment où l'intéressé peut encore bénéficier de manière effective de mesures protectionnelles.

Ensuite, il convient de relever que, en cas de cassation de la décision de dessaisissement, la juridiction de la jeunesse ne pourra pas prendre à l'égard de l'intéressé âgé de vingt ans ou plus une mesure de placement en institution communautaire publique de protection de la jeunesse en régime éducatif fermé, de sorte que, si les faits sont graves, la personne sera en liberté » (conclusions avant Cass. 31 octobre 2018, P.18.0897.F).

B.11. En ce qu'il ne prévoit pas la possibilité d'introduire un pourvoi en cassation contre la décision de dessaisissement, l'article 420 du Code d'instruction criminelle, tel qu'il a été remplacé par la disposition en cause, n'est pas compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

Les questions préjudicielles appellent une réponse affirmative.

B.12. Dès lors que le constat de la lacune qui a été fait en B.11 est exprimé en des termes suffisamment précis et complets qui permettent l'application de la disposition en cause dans le respect du principe d'égalité et de non-discrimination, il appartient au juge a quo, dans l'attente d'une intervention du législateur, de déclarer recevable le pourvoi en cassation immédiat formé contre une décision de dessaisissement.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 420 du Code d'instruction criminelle, tel qu'il a été remplacé par l'article 20 de la loi du 14 février 2014Documents pertinents retrouvés type loi prom. 14/02/2014 pub. 27/02/2014 numac 2014009077 source service public federal justice Loi relative à la procédure devant la Cour de Cassation en matière pénale fermer « relative à la procédure devant la Cour de Cassation en matière pénale », viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il ne prévoit pas la possibilité d'introduire un pourvoi en cassation immédiat contre une décision de dessaisissement.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 24 octobre 2019.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, F. Daoût

^