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Arrêt
publié le 17 avril 2020

Extrait de l'arrêt n° 204/2019 du 19 décembre 2019 Numéro du rôle : 7051 En cause : le recours en annulation des articles 31, 3°, et 35, 1°, du décret de la Région wallonne du 29 mars 2018 « modifiant certaines dispositions de la loi organiqu La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges L. Lavrysen(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 204/2019 du 19 décembre 2019 Numéro du rôle : 7051 En cause : le recours en annulation des articles 31, 3°, et 35, 1°, du décret de la Région wallonne du 29 mars 2018 « modifiant certaines dispositions de la loi organique des centres publics d'action sociale du 8 juillet 1976 en vue de renforcer la gouvernance et la transparence dans l'exécution des mandats publics », introduit par l'ASBL « Santhea ».

La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Moerman, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul et J. Moerman, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président F. Daoût, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 13 novembre 2018 et parvenue au greffe le 21 novembre 2018, l'ASBL « Santhea », assistée et représentée par Me P. Levert, avocat au barreau de Bruxelles, et par Me E. Lemmens et Me E. Kiehl, avocats au barreau de Liège, a introduit un recours en annulation des articles 31, 3°, et 35, 1°, du décret de la Région wallonne du 29 mars 2018 « modifiant certaines dispositions de la loi organique des centres publics d'action sociale du 8 juillet 1976 en vue de renforcer la gouvernance et la transparence dans l'exécution des mandats publics » (publié au Moniteur belge du 14 mai 2018). (...) II. En droit (...) Quant aux dispositions attaquées et à leur contexte B.1. L'article 31, 3°, du décret de la Région wallonne du 29 mars 2018 « modifiant certaines dispositions de la loi organique des centres publics d'action sociale du 8 juillet 1976 en vue de renforcer la gouvernance et la transparence dans l'exécution des mandats publics » (ci-après : le décret du 29 mars 2018) modifie l'article 124 de la loi du 8 juillet 1976Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/07/1976 pub. 18/04/2016 numac 2016000231 source service public federal interieur Loi organique des centres publics d'action sociale. - Coordination officieuse en langue allemande de la version applicable aux habitants de la région de langue allemande fermer organique des centres publics d'aide sociale (ci-après : la loi du 8 juillet 1976Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/07/1976 pub. 18/04/2016 numac 2016000231 source service public federal interieur Loi organique des centres publics d'action sociale. - Coordination officieuse en langue allemande de la version applicable aux habitants de la région de langue allemande fermer), précitée, en ces termes : « il est inséré un alinéa 8 rédigé comme suit : ' Le conseil d'administration peut comprendre un ou plusieurs délégués du personnel qui siègent avec voix consultative ' ».

L'article 35, 1°, du même décret, qui modifie l'article 128 de la loi précitée du 8 juillet 1976, dispose : « le paragraphe 5 est remplacé par ce qui suit : ' § 5. Le personnel de l'association est soumis à un régime statutaire ou contractuel. [...] ' ».

Les deux dispositions précitées font l'objet du recours en annulation introduit par l'ASBL « Santhea ».

B.2.1. Les dispositions précitées, ainsi que les dispositions de la loi du 8 juillet 1976Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/07/1976 pub. 18/04/2016 numac 2016000231 source service public federal interieur Loi organique des centres publics d'action sociale. - Coordination officieuse en langue allemande de la version applicable aux habitants de la région de langue allemande fermer dans lesquelles elles sont insérées, ont été adoptées par la Région wallonne à la suite du rapport rendu par la Commission d'enquête dite « Publifin ». Parmi les modifications apportées, entre autres, à la loi du 8 juillet 1976Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/07/1976 pub. 18/04/2016 numac 2016000231 source service public federal interieur Loi organique des centres publics d'action sociale. - Coordination officieuse en langue allemande de la version applicable aux habitants de la région de langue allemande fermer, il est prévu une réduction du nombre des administrateurs et des membres des organes dirigeant des associations constituées sur la base du chapitre XII de la loi du 8 juillet 1976Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/07/1976 pub. 18/04/2016 numac 2016000231 source service public federal interieur Loi organique des centres publics d'action sociale. - Coordination officieuse en langue allemande de la version applicable aux habitants de la région de langue allemande fermer (ci-après : « associations chapitre XII ») et, dans ce cadre, le remplacement des administrateurs dits « surnuméraires », qui disposent d'une voix délibérative, par des « observateurs », qui disposent d'une voix consultative. Le décret du 29 mars 2018 interdit aussi que les titulaires d'une fonction dirigeante au sein des sociétés à participation publique locale significative - parmi lesquelles les « associations chapitre XII » - exercent leur fonction sous le statut d'indépendant ou au travers d'une société de management.

B.2.2 C'est dans ce contexte qu'il faut comprendre la portée de l'article 31, 3°, attaqué, du décret, qui insère un alinéa 8 dans l'article 124 du chapitre XII de la loi du 8 juillet 1976Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/07/1976 pub. 18/04/2016 numac 2016000231 source service public federal interieur Loi organique des centres publics d'action sociale. - Coordination officieuse en langue allemande de la version applicable aux habitants de la région de langue allemande fermer, aux termes duquel le conseil d'administration d'une « association chapitre XII » peut comprendre un ou plusieurs délégués du personnel qui siègent avec voix consultative.

C'est dans ce même contexte qu'il faut comprendre la portée de l'article 35, 1°, qui remplace le § 5 de l'article 128 du même chapitre XII, en vertu duquel le personnel de l'association est soumis à un régime statutaire ou contractuel.

B.3. Aux termes de l'article 118 de la loi du 8 juillet 1976Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/07/1976 pub. 18/04/2016 numac 2016000231 source service public federal interieur Loi organique des centres publics d'action sociale. - Coordination officieuse en langue allemande de la version applicable aux habitants de la région de langue allemande fermer, un centre public d'action sociale peut décider de former une association avec d'autres centres publics d'action sociale ou avec d'autres pouvoirs publics ou personnes morales de droit public, en vue de réaliser une des tâches conférées à ces centres par la loi.

Les associations ainsi créées jouissent de la personnalité juridique et peuvent adopter la forme d'une ASBL (article 121). Elles sont organisées statutairement et disposent d'un patrimoine propre (article 120). Elles peuvent notamment gérer des hôpitaux, auquel cas elles sont soumises à des règles particulières qui sont prévues aux articles 125/1, 125/2 et 126.

Quant à l'intérêt B.4. Le Gouvernement wallon conteste l'intérêt à agir de l'ASBL « Santhea », partie requérante. Il considère en substance que celle-ci se méprend sur la portée des dispositions qu'elle attaque, qui n'interdiraient pas la représentation du corps médical au sein des organes des hôpitaux, d'une part, pas plus qu'elles n'interdiraient à des médecins de travailler dans des hôpitaux en qualité d'indépendant, d'autre part.

B.5. L'ASBL « Santhea » est une association professionnelle et patronale qui a pour mission de défendre et de promouvoir les intérêts des établissements et des services de soins non lucratifs du secteur privé non confessionnel et du secteur public situés en Wallonie et à Bruxelles. Parmi ses buts statutaires figure notamment « la représentation et la défense de ses membres, en tant que représentant et porte-parole commun, auprès des autorités internationales, fédérales, communautaires, régionales et locales compétentes en matière de santé publique, ainsi que dans le cadre des instances de l'Assurance maladie invalidité et des relations collectives de travail ».

La partie requérante justifie, à ce titre, de l'intérêt requis pour introduire un recours contre des dispositions décrétales qui modifient les règles applicables aux « associations chapitre XII » qui peuvent gérer des hôpitaux publics. Dès lors que l'examen de la portée de ces règles se confond avec celui du fond, il suffit de constater que ces dispositions sont susceptibles d'affecter défavorablement les intérêts des membres que la partie requérante défend.

Le recours est recevable.

Quant au fond En ce qui concerne le premier moyen B.6. Le premier moyen, dirigé exclusivement contre l'article 31, 3°, du décret du 29 mars 2018, est pris de la violation des articles 10, 11 et 27 de la Constitution. La partie requérante reproche à la disposition attaquée d'interdire aux représentants du corps médical des « associations chapitre XII » d'assister aux réunions des organes de gestion des hôpitaux de ces associations. Ce faisant, la disposition traiterait différemment, sans justification, les représentants du corps médical d'un hôpital géré par une « association chapitre XII » et les représentants du personnel de cet hôpital qui seraient les seuls à pouvoir siéger au sein de ces organes avec voix consultative, alors que la participation du corps médical est prévue par la législation sur les hôpitaux. La même disposition porterait aussi atteinte à la liberté d'association du corps médical, qui est garantie par l'article 27 de la Constitution.

B.7.1. L'article 8 de la loi coordonnée du 10 juillet 2008 sur les hôpitaux et autres établissements de soins (ci-après : la loi du 10 juillet 2008Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/07/2008 pub. 31/03/2011 numac 2011000186 source service public federal interieur Loi coordonnée relative aux hôpitaux et à d'autres établissements de soins. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 10/07/2008 pub. 04/06/2010 numac 2010000299 source service public federal interieur Loi relative aux hôpitaux et à d'autres établissements de soins. - Traduction allemande type loi prom. 10/07/2008 pub. 21/08/2009 numac 2008015123 source service public federal affaires etrangeres, commerce exterieur et cooperation au developpement Loi portant assentiment à la Convention sur la reconnaissance des qualifications relatives à l'enseignement supérieur dans la Région européenne, faite à Lisbonne le 11 avril 1997 (2) fermer) définit le « gestionnaire » de l'hôpital comme étant « l'organe qui, selon le statut juridique de l'hôpital, est chargé de la gestion de l'exploitation de l'hôpital ». L'article 15 de la même loi prévoit que chaque hôpital a une gestion distincte.

L'article 3 de l'arrêté royal du 2 août 1985 « fixant certaines règles en matière de gestion distincte et de comptabilité pour les hôpitaux qui dépendent d'un centre public d'aide sociale, d'une association intercommunale ou d'une association créée conformément au chapitre XII de la loi organique du 8 juillet 1976 des centres publics d'aide sociale » prévoit que chaque hôpital est géré séparément et dispose de ses propres moyens financiers distincts de ceux du centre public d'aide sociale ou de l'association qui l'organise.

L'article 4, § 1er, du même arrêté royal détermine la composition du comité de gestion de l'hôpital comme suit : « Le comité de gestion chargé de la gestion distincte de l'hôpital est composé du président et de six, huit ou dix membres.

Ces membres sont : 1° avec voix consultative, le directeur de l'hôpital, le médecin responsable des activités médicales, la personne responsable des services infirmiers ainsi qu'éventuellement le responsable des services administratifs et financiers et le responsable des services techniques de l'hôpital.Ces personnes sont désignées à cet effet par le Conseil ou par l'organe compétent de l'association; 2° avec voix délibérative, en nombre égal à celui des membres désignés et visés sub 1° et sans tenir compte du président, soit des membres du Conseil du centre public d'aide sociale, soit de membres désignés à cet effet par l'organe compétent de l'association, selon le cas;3° avec voix consultative, un délégué de la commune dont le centre public d'aide sociale gère l'hôpital ». Cette composition ne correspond pas à celle des organes de gestion d'une « association chapitre XII ».

L'article 18 de la loi du 10 juillet 2008Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/07/2008 pub. 31/03/2011 numac 2011000186 source service public federal interieur Loi coordonnée relative aux hôpitaux et à d'autres établissements de soins. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 10/07/2008 pub. 04/06/2010 numac 2010000299 source service public federal interieur Loi relative aux hôpitaux et à d'autres établissements de soins. - Traduction allemande type loi prom. 10/07/2008 pub. 21/08/2009 numac 2008015123 source service public federal affaires etrangeres, commerce exterieur et cooperation au developpement Loi portant assentiment à la Convention sur la reconnaissance des qualifications relatives à l'enseignement supérieur dans la Région européenne, faite à Lisbonne le 11 avril 1997 (2) fermer prévoit par ailleurs que le médecin en chef est invité et peut assister aux réunions de l'organe de gestion de l'hôpital. L'article 133 prévoit que « le conseil médical est l'organe représentant les médecins hospitaliers par lequel ceux-ci sont associés à la prise de décisions à l'hôpital » et l'article 137 de la loi précitée énonce les cas dans lesquels le conseil médical doit être consulté par l'organe de gestion de l'hôpital.

Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les « organes de gestion » des « associations chapitre XII », dont la composition est en partie régie par la disposition attaquée, ne sauraient être confondus avec les « comités de gestion » requis par la législation hospitalière, dont la composition implique la participation de représentants du corps médical.

B.7.2. Il en résulte que, contrairement à ce que soutient la partie requérante, la disposition attaquée n'empêche pas les « associations chapitre XII » de mettre en place le comité de gestion tel qu'il est requis par la législation hospitalière précitée ni, partant, que siègent au sein de ce comité des représentants du corps médical travaillant dans l'hôpital concerné.

B.7.3. La différence de traitement dénoncée repose sur une lecture erronée de la norme attaquée.

B.7.4. Le premier moyen n'est pas fondé.

En ce qui concerne le second moyen B.8. Le second moyen tend à l'annulation de l'article 35 du décret du 29 mars 2018, en ce qu'il prévoit que le personnel des « associations chapitre XII » est soumis à un régime statutaire ou contractuel. Le moyen est pris de la violation des articles 10, 11 et 23, 1° et 2°, de la Constitution, lus isolément ou en combinaison avec la liberté de commerce et d'industrie, garantie par les articles II.3 et II.4 du Code de droit économique, avec les articles 35 et 143 de la Constitution, avec les articles 15 et 16 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, avec les articles 34 à 36, 56 et 57 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, avec l'article 5, § 1er, alinéa 1er, a), et l'article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, ainsi que de la violation des principes de la proportionnalité et de la loyauté fédérale.

La partie requérante reproche en substance à la disposition attaquée d'interdire à des médecins hospitaliers attachés à une « association chapitre XII » d'exercer sous le statut d'indépendant et, ce faisant, de violer les dispositions invoquées au moyen.

B.9.1. L'article 35, 1°, du décret attaqué, qui prévoit que « le personnel de l'association est soumis à un régime statutaire ou contractuel » vise uniquement les membres du personnel d'une « association chapitre XII » et non les médecins hospitaliers appelés à effectuer des prestations médicales au sein d'un hôpital créé sous cette forme.

En ce qui concerne ces prestations, les médecins hospitaliers ne sont pas visés par la disposition attaquée. Cette disposition permet donc à un hôpital constitué en « association chapitre XII » d'engager, pour exercer les prestations médicales qu'il entend offrir aux patients, des médecins qui pourront exercer leur art en étant lié par un statut, par un contrat ou sous le statut d'indépendant.

La différence de traitement dénoncée découle d'une interprétation erronée de la disposition attaquée.

B.9.2. Le second moyen n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 19 décembre 2019.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, F. Daoût

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