publié le 13 décembre 2019
Extrait de l'arrêt n° 70/2019 du 23 mai 2019 Numéro du rôle : 6773 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 11bis des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973, posée par le Conseil d'Etat. La Cour constit composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman,(...)
COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 70/2019 du 23 mai 2019 Numéro du rôle : 6773 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 11bis des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973, posée par le Conseil d'Etat.
La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman et M. Pâques, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président F. Daoût, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt n° 239.646 du 26 octobre 2017 en cause de Guillaume Blomme contre l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 14 novembre 2017, le Conseil d'Etat a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 11bis des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu'il laisse au seul requérant le choix de saisir le Conseil d'Etat d'une demande d'indemnité réparatrice ou de mettre en cause devant les tribunaux de l'ordre judiciaire la responsabilité civile de l'autorité administrative auteur de l'acte dont l'illégalité est constatée par le Conseil d'Etat, privant cette autorité administrative de la possibilité de choisir de bénéficier, dans le cadre de la procédure devant les tribunaux de l'ordre judiciaire : - d'un double degré de juridiction; - de la possibilité de contester que toute illégalité constitue une faute entraînant l'obligation de réparer le dommage qui en découle; - et de la possibilité de se pourvoir en cassation ? ». (...) III. En droit (...) Quant à la disposition en cause B.1. La question porte sur l'article 11bis des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973 (ci-après : les lois coordonnées sur le Conseil d'Etat), qui dispose : « Toute partie requérante ou intervenante qui poursuit l'annulation d'un acte, d'un règlement ou d'une décision implicite de rejet en application de l'article 14, § 1er ou § 3, peut demander à la section du contentieux administratif de lui allouer par voie d'arrêt une indemnité réparatrice à charge de l'auteur de l'acte si elle a subi un préjudice du fait de l'illégalité de l'acte, du règlement ou de la décision implicite de rejet, en tenant compte des intérêts publics et privés en présence.
La demande d'indemnité est introduite au plus tard dans les soixante jours qui suivent la notification de l'arrêt ayant constaté l'illégalité. Il est statué sur la demande d'indemnité dans les douze mois qui suivent la notification de l'arrêt ayant constaté l'illégalité.
En cas d'application de l'article 38, la demande d'indemnité doit être introduite au plus tard soixante jours après la notification de l'arrêt qui clôt la procédure de recours. Il est statué sur la demande d'indemnité dans les douze mois qui suivent la notification de l'arrêt qui clôt la procédure de recours.
La partie qui a introduit la demande d'indemnité ne peut plus intenter une action en responsabilité civile pour obtenir une réparation du même préjudice.
Toute partie qui intente ou a intenté une action en responsabilité civile ne peut plus demander à la section du contentieux administratif une indemnité pour le même préjudice ».
B.2. La question préjudicielle porte sur l'existence de quatre différences de traitement entre la partie requérante et la partie adverse dans la procédure visant à obtenir une indemnité réparatrice.
Premièrement, c'est à la partie requérante qu'il appartient d'opter pour une demande d'indemnité réparatrice fondée sur la disposition en cause ou pour une action en réparation devant le juge civil fondée sur les articles 1382 et 1383 du Code civil. La partie adverse doit subir les conséquences de ce choix, dont les trois différences de traitement exposées ci-après.
Deuxièmement, la partie adverse ne bénéficie pas, en cas d'application de la disposition en cause, du droit à un double degré de juridiction, alors qu'elle peut interjeter appel si la partie requérante ou intervenante intente une action en réparation de droit commun devant le juge civil.
Troisièmement, la partie adverse ne peut faire valoir utilement, devant le Conseil d'Etat, section du contentieux administratif, que l'illégalité constatée ne constitue pas une faute, alors qu'elle peut le faire dans la procédure de droit commun.
Quatrièmement, la partie adverse ne peut se pourvoir en cassation contre un arrêt du Conseil d'Etat, section du contentieux administratif, alors qu'elle le peut dans la procédure de droit commun.
Quant à la recevabilité B.3.1. Selon le Conseil des ministres et selon les parties intervenantes, la question préjudicielle ne relève pas de la compétence de la Cour, en ce que les différences de traitement en cause résulteraient d'un choix du Constituant.
B.3.2. L'article 144, alinéa 2, de la Constitution, inséré le 6 janvier 2014, dispose : « Toutefois, la loi peut, selon les modalités qu'elle détermine, habiliter le Conseil d'Etat ou les juridictions administratives fédérales à statuer sur les effets civils de leurs décisions ».
B.3.3. Dans la mesure où il limite la compétence de la Cour, le choix du Constituant doit être interprété de manière restrictive. La Cour doit dès lors vérifier, à l'égard de chacune des différences de traitement qui lui sont soumises, si celles-ci visent des dispositions dont le Constituant s'est approprié les choix.
Le Constituant a habilité le législateur à permettre au Conseil d'Etat ou aux juridictions administratives fédérales de statuer eux-mêmes sur les effets civils de leurs décisions, par dérogation à l'article 144, alinéa 1er, de la Constitution.
Le législateur qui fait usage de cette habilitation n'est pas dispensé de l'obligation de respecter aussi les autres dispositions constitutionnelles, y compris le principe d'égalité et de non-discrimination.
B.3.4. L'article 144, alinéa 2, de la Constitution ne fait pas de distinction entre la partie requérante et la partie adverse dans des procédures devant le Conseil d'Etat, section du contentieux administratif. Cette disposition ne limite pas non plus le droit d'interjeter appel ou de se pourvoir en cassation. Enfin, elle ne détermine pas les notions qui doivent être utilisées pour apprécier la responsabilité de la partie adverse.
Les différences de traitement soumises à la Cour trouvent leur fondement dans la disposition en cause, qui offre à la partie requérante le choix entre une demande d'indemnité réparatrice devant le Conseil d'Etat, section du contentieux administratif, et une demande en réparation de droit commun devant le juge civil.
Il s'ensuit que la Cour n'est pas interrogée sur une disposition constitutionnelle, ni sur des choix du Constituant que la disposition en cause traduirait, de sorte que la Cour est compétente pour répondre à la question préjudicielle.
B.4.1. Selon les parties intervenantes, la question préjudicielle doit être déclarée irrecevable, en ce qu'une autorité publique ne pourrait attaquer en droit ses propres normes. A supposer qu'elle découvre que ses normes ne sont pas compatibles avec des normes de droit supérieures, elle devrait en effet les modifier sans délai.
B.4.2. Dans une procédure préjudicielle, la disposition en cause n'est pas soumise à la Cour par un organe législatif ou exécutif, mais par le juge a quo. C'est en règle à la juridiction a quo qu'il appartient d'apprécier si la réponse à la question préjudicielle est utile à la solution du litige. Ce n'est que lorsque tel n'est manifestement pas le cas que la Cour peut décider que la question n'appelle pas de réponse.
B.4.3. Le juge a quo doit se prononcer sur une demande d'indemnité réparatrice après qu'il a annulé une décision disciplinaire. A la demande de la partie défenderesse, il pose une question préjudicielle sur la compatibilité de certains aspects de la procédure applicable avec le principe d'égalité et de non-discrimination. Cette question n'est pas manifestement inutile à la solution du litige soumis au juge a quo.
B.5.1. En outre, les parties intervenantes font valoir que la question préjudicielle doit être déclarée irrecevable, au motif que l'Etat belge, en tant qu'auteur d'un acte illicite, ne peut introduire contre lui-même une demande en dédommagement à sa charge.
B.5.2. La disposition en cause vise toutefois à ce qu'une indemnité réparatrice soit allouée non pas à l'auteur de l'acte illicite, mais bien à la partie requérante ou à la partie intervenante qui a demandé l'annulation. Dans le litige qui est soumis au juge a quo, ce n'est pas non plus l'Etat belge ou l'un de ses organes qui demande l'indemnité réparatrice, mais la personne qui a fait l'objet d'une décision disciplinaire annulée.
Les exceptions sont rejetées.
Quant au fond B.6. La partie qui demande une indemnité réparatrice et la partie adverse dans le cadre de cette demande sont parties à la même procédure et sont en conséquence suffisamment comparables, à la lumière de la disposition législative qui règle la procédure applicable.
B.7.1. La différence de traitement entre certaines catégories de personnes qui découle de l'application de règles procédurales différentes dans des circonstances différentes n'est pas discriminatoire en soi. Il ne pourrait être question de discrimination que si la différence de traitement qui découle de l'application de ces règles de procédure entraînait une limitation disproportionnée des droits des personnes concernées.
B.7.2. La demande d'indemnité réparatrice diffère à plusieurs égards de l'action en responsabilité de droit commun.
Une première différence concerne le champ d'application : alors qu'une indemnité réparatrice ne peut être demandée que dans le cadre d'un recours en annulation dirigé contre un acte, un règlement ou une décision implicite de rejet en application de l'article 14, § 1er ou § 3, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, une action en réparation de droit commun à charge de l'autorité publique peut être intentée quel que soit le fondement de la procédure devant le Conseil d'Etat, voire indépendamment de toute procédure devant le Conseil d'Etat.
Une deuxième différence concerne la cause du dommage : alors que, dans une action en responsabilité de droit commun, la partie demanderesse doit démontrer que le dommage est la conséquence d'une faute civile ou d'une négligence de la partie adverse, le demandeur qui vise à obtenir une indemnité réparatrice doit uniquement démontrer que le dommage est la conséquence d'un acte illicite de la partie adverse. Cette différence est liée à la troisième différence de traitement soumise par le juge a quo.
Une troisième différence concerne la qualité de la partie demanderesse : alors que l'indemnité réparatrice ne peut être demandée que par la partie requérante ou par la partie intervenante qui a demandé l'annulation devant le Conseil d'Etat, section du contentieux administratif, l'action en réparation de droit commun à charge de l'autorité publique peut être intentée par toute personne lésée, y compris la partie qui est intervenue en défense devant le Conseil d'Etat.
Une quatrième différence concerne la qualité de la partie adverse : alors qu'une indemnité réparatrice peut uniquement être demandée à charge de l'auteur de l'acte, l'action en réparation de droit commun peut être intentée à l'encontre de quiconque a contribué, par sa faute, à l'élaboration de l'acte annulé. Toutefois, l'auteur de l'acte qui est condamné à une indemnité réparatrice peut introduire, en vertu du droit commun, une action récursoire auprès du juge civil contre toute autre autorité ou tout particulier qui a contribué, par sa faute ou par sa négligence, à l'élaboration de l'acte annulé.
Une cinquième différence concerne la nature de l'indemnisation : alors qu'une indemnité réparatrice peut uniquement consister en une somme d'argent, l'indemnisation de droit commun peut également consister en une réparation en nature.
Une sixième différence concerne l'étendue de l'indemnisation : alors qu'une indemnisation de droit commun répare intégralement le dommage causé, l'indemnité réparatrice peut être inférieure, étant donné que le Conseil d'Etat, section du contentieux administratif, fixe celle-ci en tenant compte des intérêts publics et privés en présence.
Une septième différence concerne le délai : alors qu'une action en réparation de droit commun doit être introduite dans le délai de prescription visé à l'article 2262bis, § 1er, alinéas 2 et 3, du Code civil, une demande d'indemnité réparatrice doit être introduite au plus tard soixante jours après la notification de l'arrêt constatant l'illégalité.
Une huitième différence concerne les voies de recours : alors qu'un appel et, ensuite, un pourvoi en cassation sont en principe ouverts contre le jugement rendu dans une procédure de droit commun, la partie succombante devant le Conseil d'Etat, section du contentieux administratif, ne dispose pas d'une telle possibilité. Le juge a quo soumet cette différence de traitement à la Cour.
B.7.3. Il ressort de ces différences que l'indemnité réparatrice est conçue autrement que l'indemnisation de droit commun. L'indemnité réparatrice n'est pas une action autonome, mais bien un accessoire du recours en annulation. En outre, elle ne relève pas d'une responsabilité pour faute, fondée sur des concepts de droit privé, mais bien d'une responsabilité objective des pouvoirs publics, fondée sur des concepts autonomes (Doc. Parl., Sénat, 2012-2013, n° 5-2233/1, pp. 5-8).
B.7.4. Dès lors qu'un tel système se justifie dans son principe, il est admissible que sa comparaison trait pour trait avec le système de droit commun fasse apparaître des différences de traitement tantôt dans un sens, tantôt dans l'autre, sous la réserve que chacune des règles en cause doit être conforme à la logique du système auquel elle appartient.
B.8. En prévoyant l'indemnité réparatrice, le législateur poursuivait notamment des objectifs tenant à l'économie de la procédure. A ce sujet, les travaux préparatoires exposent : « Cette compétence nouvelle du Conseil d'Etat permettra d'éviter à la partie qui a fait constater une inégalité par le Conseil d'Etat de devoir saisir ensuite une juridiction civile pour obtenir un dédommagement du préjudice qu'elle aurait subi du fait de cet acte » (Doc. parl., Sénat, 2012-2013, n° 5-2233/1, p. 6).
B.9. Les différences de traitement tiennent au type de procédure que la partie requérante choisit, à savoir l'indemnité réparatrice, qu'elle demande devant le Conseil d'Etat, section du contentieux administratif, ou l'indemnisation de droit commun, qu'elle demande devant le juge civil. Ce critère de distinction est objectif.
B.10.1. L'octroi de l'élection de for à la partie requérante s'inscrit dans le droit fil de l'objectif poursuivi par le législateur. Si celle-ci opte pour l'indemnité réparatrice, l'action en responsabilité est traitée par le juge qui a prononcé l'annulation et qui connaît donc le dossier. Ce juge « dépensera assurément moins d'énergie qu'un autre juge pour qui le dossier serait entièrement neuf, et à qui les parties devront tout expliquer ab initio » (Doc. parl., Sénat, 2012-2013, n° 5-2233/2, p. 5).
La responsabilité objective de l'auteur de l'acte illicite suppose qu'il n'y a pas lieu d'examiner s'il a commis une faute au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil. Ceci facilite considérablement la tâche du Conseil d'Etat, section du contentieux administratif.
De même, l'absence d'un appel et - sauf dans l'hypothèse des conflits d'attribution - d'un pourvoi en cassation contribue à accélérer la solution définitive des litiges.
B.10.2. En conséquence, les différences de traitement soulevées par le juge a quo sont pertinentes, eu égard à l'objectif d'économie procédurale poursuivi par le législateur.
La Cour doit toutefois encore examiner si les règles procédurales applicables n'entraînent pas une restriction disproportionnée des droits de la partie adverse.
B.11.1. Le fait que le choix du juge compétent et de la procédure applicable appartienne à la partie requérante est le propre d'une élection de for. L'octroi d'un tel choix ne porte pas en soi atteinte aux droits de la partie adverse, pour autant que les deux procédures possibles respectent le principe de l'égalité des armes.
Eu égard au principe « electa una via », énoncé aux quatrième et cinquième alinéas de la disposition en cause, le choix de la partie requérante est irrévocable, même s'il s'avère, au cours de la procédure, qu'il serait avantageux pour elle de changer de procédure.
Permettre à la partie adverse de dessaisir le juge saisi de l'action en indemnité réparatrice et de soumettre cette action à l'examen d'un autre juge ne répondrait pas à la logique du système.
B.11.2. Il convient en outre de tenir compte des différences objectives qui existent entre les particuliers et les autorités publiques qui sont parties à la même procédure.
Même s'il est exact que toutes les autorités publiques appelées à être parties adverses dans des procédures devant le Conseil d'Etat ne disposent pas des mêmes moyens, notamment en termes de personnel spécialisé dans le contentieux administratif, il peut être admis qu'en règle générale, l'autorité qui a adopté l'acte dont la légalité a été mise en cause dispose, pour organiser de manière satisfaisante la défense de la légalité de l'acte attaqué et la défense contre la demande d'une indemnité réparatrice, de ressources humaines et financières suffisantes dont ne dispose pas nécessairement la partie requérante.
B.12.1. L'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ne garantit pas le droit à un double degré de juridiction ou à un pourvoi en cassation. Sauf en matière pénale, il n'existe en outre aucun principe général énonçant une telle garantie. De même, il n'existe aucun principe général garantissant un droit de se pourvoir en cassation.
Toutefois, lorsque le législateur prévoit une faculté d'appel ou de pourvoi en cassation vis-à -vis de certaines décisions judiciaires, il ne peut, sans justification raisonnable, priver de cette possibilité des justiciables qui se trouvent dans une situation comparable.
B.12.2. En ce qui concerne le droit d'interjeter appel et le droit à un pourvoi en cassation, il n'existe, dans les deux procédures possibles, aucune différence de traitement entre la partie requérante et la partie adverse.
Dans la procédure devant le Conseil d'Etat, section du contentieux administratif, aucune des deux parties ne peut interjeter appel, alors qu'elles disposent toutes deux de cette possibilité dans la procédure de droit commun - sous réserve des seuils financiers mentionnés à l'article 617 du Code judiciaire.
Dans la procédure devant le Conseil d'Etat, section du contentieux administratif, aucune des deux parties ne peut se pourvoir en cassation - sauf dans l'hypothèse spécifique des conflits d'attribution -, alors que, dans la procédure de droit commun, un pourvoi en cassation est ouvert pour les deux parties contre la décision rendue en dernier ressort.
B.12.3. L'absence d'un appel et d'un pourvoi en cassation, autre que celui qui concerne les conflits d'attribution, contre des arrêts du Conseil d'Etat, section du contentieux administratif, s'explique par le fait que le Conseil d'Etat est la plus haute juridiction administrative.
Bien que les parties devant le Conseil d'Etat ne disposent pas d'un appel devant une juridiction supérieure, ni du pourvoi en cassation, elles bénéficient du double examen effectué par l'auditorat et par la chambre.
B.13. La circonstance que la partie adverse, dans le cadre de l'indemnité réparatrice, ne peut faire valoir utilement que l'illégalité constatée ne constitue pas une faute est une conséquence du choix du législateur de prendre en considération non pas la faute, mais bien l'illégalité en tant que cause du dommage indemnisable. Ce choix correspond à la logique du système fondé sur une responsabilité objective.
Le préjudice qui en découle pour la partie adverse est compensé par le fait que le Conseil d'Etat, contrairement au juge civil, fixe l'indemnité réparatrice « en tenant compte des intérêts publics et privés en présence ». De telles circonstances peuvent donner lieu à l'octroi d'un montant inférieur à l'indemnisation intégrale (CE, 8 décembre 2016, n° 236.697). Le Conseil d'Etat peut tenir compte, entre autres, de la circonstance que la partie adverse « ne dispose pas de la possibilité de choisir la voie procédurale qu'elle estime la plus avantageuse, puisqu'elle est liée par le choix opéré par la partie qui demande l'indemnité » (Doc. Parl., Sénat, 2012-2013, n° 5-2233/1, p. 7).
B.14. Etant donné que les différences de traitement soumises par le juge a quo n'entraînent pas une restriction disproportionnée des droits de la partie adverse, la disposition en cause est compatible avec le principe d'égalité et de non-discrimination.
La question préjudicielle appelle une réponse négative.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 11bis des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.
Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 23 mai 2019.
Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, F. Daoût