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Arrêt
publié le 21 août 2019

Extrait de l'arrêt n° 98/2019 du 19 juin 2019 Numéro du rôle : 6783 En cause : le recours en annulation des articles 3, § 1 er , 4, § 4, et 19, §§ 1 er , 2 et 4, de l'ordonnance de la Région de Bruxelles- La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges J.-P. Snapp(...)

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Extrait de l'arrêt n° 98/2019 du 19 juin 2019 Numéro du rôle : 6783 En cause : le recours en annulation des articles 3, § 1er, 4, § 4, et 19, §§ 1er, 2 et 4, de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 18 mai 2017 « portant création de l'Agence bruxelloise pour l'Accompagnement de l'Entreprise », introduit par l'ASBL « Groupe d'Etude et de Réforme de la Fonction administrative, GERFA » et autres.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, R. Leysen et M. Pâques, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président F. Daoût, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 28 novembre 2017 et parvenue au greffe le 29 novembre 2017, un recours en annulation des articles 3, § 1er, 4, § 4, et 19, §§ 1er, 2 et 4, de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 18 mai 2017 « portant création de l'Agence bruxelloise pour l'Accompagnement de l'Entreprise » (publiée au Moniteur belge du 31 mai 2017) a été introduit par l'ASBL « Groupe d'Etude et de Réforme de la Fonction administrative, GERFA », Marc Daugherty, Stéphane Decoster, Laurent Thiebaut et Véronique Franceus. (...) II. En droit (...) B.1. L'ASBL « Groupe d'Etude et de Réforme de la Fonction administrative, GERFA » (ci-après : le GERFA) et quatre agents statutaires des services du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale demandent l'annulation des articles 3, § 1er, 4, § 4, et 19, §§ 1er, 2 et 4, de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 18 mai 2017 « portant création de l'Agence bruxelloise pour l'Accompagnement de l'Entreprise », qui disposent : «

Art. 3.§ 1er. Afin de réaliser les objectifs définis par l'ordonnance, le Gouvernement est autorisé à constituer une société anonyme de droit public à finalité sociale, dotée de la personnalité juridique, dénommée Agence bruxelloise pour l'Accompagnement de l'Entreprise, en abrégé ' ABAE ', dont l'objet social est défini à l'article 7. [...]

Art. 4.[...] [...] § 4. L'Agence n'est pas soumise aux dispositions de la loi du 31 janvier 2009Documents pertinents retrouvés type loi prom. 31/01/2009 pub. 09/02/2009 numac 2009009047 source service public federal justice Loi relative à la continuité des entreprises fermer sur la continuité des entreprises. [...]

Art. 19.§ 1er. Le conseil d'administration de l'Agence fixe le plan de personnel et le statut administratif et pécuniaire du personnel.

Dans le respect des dispositions impératives de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail fermer relative aux contrats de travail, le conseil d'administration de l'Agence est habilité à régler la situation administrative et pécuniaire des membres du personnel contractuel. § 2. Les membres du personnel statutaire et contractuel de l'Administration affectés au service Bruxelles Invest & Export (BI&E) sont transférés à l'Agence. [...] § 4. Les modalités de transfert du personnel dont question aux §§ 2 et 3, sont déterminées dans le respect du principe du maintien des droits acquis et du maintien des conditions de travail, résultant des relations de travail individuelles et collectives ».

B.2.1. L'ordonnance attaquée s'inscrit dans le cadre d'une large réforme des structures et outils économiques bruxellois visant à la mise en oeuvre efficace d'une politique économique ambitieuse reposant sur le Small Business Act adopté par le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale le 30 juin 2016. Dans cette perspective, ce dernier a décidé de mettre en oeuvre de grands principes, tels que « structurer le soutien au développement économique et aux entreprises à travers la constitution de trois pôles centrés autour des trois métiers suivants et dans lesquels l'ensemble des acteurs (publics, privés et académiques) inscrivent leurs actions : a) conseil et accompagnement, b) financement, c) localisation et développement d'infrastructures » (Doc. parl., Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, 2016-2017, A-493/1, p. 2).

B.2.2. Le législateur ordonnanciel a estimé qu'il était fondamental de regrouper les organismes offrant des services d'utilité publique aux candidats entrepreneurs et aux entreprises, afin de constituer le pôle de conseil et d'accompagnement. L'exposé des motifs mentionne : « Plusieurs organismes se sont en effet développés au fil du temps, adaptant leurs missions de soutien aux entreprises au fur et à mesure des nouveaux enjeux rencontrés par l'économie bruxelloise. En conséquence, des doublons se sont créés, des redondances ont vu le jour et une dispersion des efforts et des moyens publics a caractérisé la politique économique de la Région.

La multiplicité des acteurs de ce secteur complique la coordination de leurs missions, et partant, constitue un obstacle à la mise en oeuvre d'une politique régionale économique cohérente et performante.

Par ailleurs, les modalités de gouvernance de ces différents instruments ayant évolué au fil des législatures, elles ne permettaient plus au Gouvernement bruxellois d'assurer un contrôle et un pilotage adéquat des missions exercées par les différents organismes.

Afin de constituer le pôle ' conseil et accompagnement ', le Gouvernement a chargé le Ministre de l'Economie et la secrétaire d'Etat au Commerce extérieur de procéder à l'intégration de l'Agence régionale du commerce (' Atrium '), de l'Agence bruxelloise pour l'entreprise (' Impulse '), qui sont des associations sans but lucratif de droit privé et de Brussels Invest & Export (' BI&E '), qui est un département du Service public régional de Bruxelles, au sein d'une nouvelle structure unique, dotée de la personnalité morale, dont la dénomination retenue est ' Agence bruxelloise pour l'accompagnement de l'entreprise ', ci-après ' l'Agence ' (article 3, § 1er, du projet).

L'intention est ainsi de regrouper les organismes précités, tant en vue d'une plus grande efficacité administrative que dans l'intérêt des usagers, au sein d'une nouvelle structure intégrée à laquelle les activités, les moyens et le personnel des organismes précités pourront être transférés » (ibid., p. 3).

Quant au désistement B.3.1. Par lettre recommandée à la poste le 10 décembre 2018, les quatre agents statutaires des services du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale ont fait savoir à la Cour qu'ils souhaitaient se désister de leur recours.

B.3.2. Rien ne s'oppose, en l'espèce, à ce que la Cour décrète ce désistement.

Quant à l'intérêt du GERFA B.4.1. Le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale conteste l'intérêt à agir du GERFA. B.4.2. Lorsqu'une association sans but lucratif qui n'invoque pas son intérêt personnel agit devant la Cour, il est requis que son but statutaire soit d'une nature particulière et, dès lors, distinct de l'intérêt général; qu'elle défende un intérêt collectif; que la norme attaquée soit susceptible d'affecter son but; qu'il n'apparaisse pas, enfin, que ce but n'est pas ou n'est plus réellement poursuivi.

B.4.3. D'après l'article 2 de ses statuts, l'association « a pour objet d'étudier et de promouvoir la réforme des services publics dans le sens le plus large du terme, ainsi que de défendre et de promouvoir les intérêts moraux et matériels de tous les fonctionnaires et agents des services publics d'expression française, qu'ils soient ou non régis par un statut syndical et quelle que soit la nature juridique du lien avec la personne publique (statut, contrat, subvention-traitement), et l'application correcte des normes constitutionnelles, légales et réglementaires qui les régissent ».

L'ordonnance attaquée vise la constitution d'une société anonyme de droit public à finalité sociale, dotée de la personnalité juridique, qui, sauf les dérogations prévues, est soumise au Code des sociétés et vers laquelle sont transférés les membres du personnel statutaire et contractuel du service public régional de Bruxelles (ci-après : le SPRB) affectés au service Bruxelles Invest & Export (ci-après : le BI&E).

B.4.4. L'ordonnance attaquée est dès lors susceptible d'affecter le but statutaire de la partie requérante et l'intérêt collectif qu'elle défend. Cette partie dispose donc de l'intérêt requis.

Quant au fond B.5. L'examen de la conformité d'une disposition législative aux règles répartitrices de compétences doit en règle précéder celui de sa compatibilité avec les dispositions du titre II de la Constitution et des articles 170, 172 et 191 de celle-ci.

B.6. Le deuxième moyen est pris de la violation, par l'article 19, § 1er, de l'ordonnance attaquée, de l'article 87, §§ 2 et 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles (ci-après : la loi spéciale du 8 août 1980), ainsi que de l'article 40 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises (ci-après : la loi spéciale du 12 janvier 1989).

L'article 19, § 1er, précité, attribue au conseil d'administration de l'Agence bruxelloise pour l'Accompagnement de l'Entreprise (ci-après : l'ABAE) la compétence de fixer le statut, les cadres et les nominations de son personnel, alors que cette prérogative appartiendrait au Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, en vertu des règles répartitrices de compétences visées au moyen.

B.7.1. L'article 87, §§ 2 et 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 dispose : « § 2. Chaque Gouvernement fixe le cadre du personnel de son administration et procède aux nominations. Ce personnel est recruté par l'intermédiaire du Secrétariat permanent de recrutement du personnel de l'Etat.

Il prête serment, conformément aux dispositions légales, entre les mains de l'autorité que le Gouvernement désigne à cet effet. § 3. Les Communautés et les Régions fixent les règles relatives au statut administratif et pécuniaire de leur personnel définitif, temporaire et auxiliaire, à l'exception des règles relatives aux pensions. En matière de pensions, leur personnel est soumis aux règles légales et statutaires applicables au personnel définitif, temporaire et auxiliaire de l'Etat ».

L'article 40 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 dispose : « § 1. L'article 87 de la loi spéciale est applicable, moyennant les adaptations nécessaires, à la Région de Bruxelles-Capitale à partir du moment où le Gouvernement a repris les services et le personnel visés au § 2 du présent article. [...] ».

B.7.2. La Région de Bruxelles-Capitale est compétente pour l'économie, en vertu de l'article 6, § 1er, VI, de la loi spéciale du 8 août 1980, qui a été rendu applicable à la Région de Bruxelles-Capitale par l'article 4 de la loi spéciale du 12 janvier 1989. Sur la base de l'article 9 de la loi spéciale du 8 août 1980, combiné avec l'article 4 de la loi spéciale du 12 janvier 1989, elle peut, en cette matière, créer des services décentralisés, des établissements et des entreprises et leur accorder la personnalité juridique.

L'article 9 de la loi spéciale du 8 août 1980 dispose en effet : « Dans les matières qui relèvent de leurs compétences, les Communautés et les Régions peuvent créer des services décentralisés, des établissements et des entreprises, ou prendre des participations en capital.

Le décret peut accorder aux organismes précités la personnalité juridique et leur permettre de prendre des participations en capital.

Le décret en règle la création, la composition, la compétence, le fonctionnement et le contrôle ».

B.7.3. Les paragraphes 2 et 3 de l'article 87 de la loi spéciale du 8 août 1980 concernent le personnel de l'administration des communautés et des régions, et non celui des organismes qu'elles sont autorisées à créer en application de l'article 9 de la même loi spéciale.

B.8. En créant l'ABAE, le législateur ordonnanciel a exercé les compétences qui lui sont reconnues par l'article 9 de la loi spéciale du 8 août 1980.

Comme il ressort de l'article 3 de l'ordonnance attaquée, l'ABAE est une société anonyme de droit public à finalité sociale qui dispose d'une personnalité juridique propre. Les membres du personnel qui y sont transférés ne sont plus membres du personnel des services du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, de sorte que l'article 87, §§ 2 et 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 ne leur est pas applicable.

B.9. Le deuxième moyen n'est pas fondé.

B.10. Le troisième moyen est dirigé contre le paragraphe 1er, deuxième phrase, et contre le paragraphe 2 de l'article 19 de l'ordonnance attaquée. Il est pris de la violation de l'article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 12°, de la loi spéciale du 8 août 1980, au motif que l'article 19 porterait atteinte à la nécessité du consentement des travailleurs et à la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail fermer relative aux contrats de travail, alors que cette matière relèverait du droit du travail et donc de la compétence de l'autorité fédérale.

B.11. L'article 19 attaqué est commenté comme suit, dans l'exposé des motifs : « En ce qui concerne le personnel contractuel de BI&E, le transfert implique un changement d'employeur qui requiert leur accord exprès et la conclusion d'un nouveau contrat ou d'un avenant à leur contrat initial (avis de la SLCE n° 54.701/2 du 11 décembre 2013).

Les modalités seront déterminées dans le respect du principe de la concertation sociale, du principe du maintien des droits acquis et des conditions de travail, résultant des relations de travail individuelles et collectives » (Doc. parl., Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, 2016-2017, A-493/1, p. 18).

Le secrétaire d'Etat a ajouté, lors des discussions au sein de la commission compétente : « [...] la passation d'un nouveau contrat de travail en vue du transfert d'agents de BI&E à l'agence n'emportera aucun coût. Un tel transfert, dans le respect des droits acquis, ne se ferait qu'avec l'accord de l'agent concerné. En cas de refus, ce dernier continuera à travailler au SPRB » (Doc. parl., Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, 2016/2017, A-493/2, p. 25).

Il ressort de ce qui précède que, contrairement à ce qu'affirme la partie requérante, l'article 19 de l'ordonnance attaquée ne porte pas atteinte à la nécessité du consentement des membres du personnel contractuel qui sont transférés à l'ABAE. Ainsi donc, l'article 3 de l'arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 14 décembre 2017 portant transfert de personnel du SPRB vers l'Agence bruxelloise pour l'Accompagnement de l'Entreprise, pris en application de l'ordonnance attaquée, prévoit que le transfert des membres du personnel bénéficiant d'un contrat de travail est subordonné à leur accord exprès et à la conclusion d'un nouveau contrat de travail reprenant l'ensemble des anciennetés acquises sur la base de leur contrat de travail initial. La circonstance que les faits démentiraient cette affirmation ne relève pas de la compétence de la Cour, qui ne peut examiner que la compatibilité des dispositions de nature législative avec la Constitution, et non la manière dont celles-ci sont appliquées.

B.12. Comme il ressort du texte même de l'article 19, § 1er, le législateur ordonnanciel n'a nullement entendu déroger aux règles qui régissent le droit du travail, puisqu'il a prévu que le conseil d'administration de l'ABAE est habilité à régler la situation administrative et pécuniaire des membres du personnel contractuel, dans le respect des règles impératives de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail fermer relative aux contrats de travail.

B.13. Le troisième moyen n'est pas fondé.

B.14. Le quatrième moyen est pris de la violation de l'article 87, § 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 par l'article 19, § 4, de l'ordonnance attaquée. En prévoyant que les modalités de transfert du personnel vers l'ABAE « sont déterminées dans le respect du principe du maintien des droits acquis », le législateur ordonnanciel règlerait la matière des pensions. Or, selon la partie requérante, cette matière relèverait de la compétence de l'autorité fédérale.

B.15. Comme il est dit en B.7.3, sur la base de l'article 9 de la loi spéciale du 8 août 1980, les communautés et les régions sont compétentes pour régler le statut du personnel des services décentralisés, des établissements et des entreprises qui dépendent d'elles, y compris les pensions.

B.16. Le quatrième moyen n'est pas fondé.

B.17. Le cinquième moyen fait grief à l'article 3, § 1er, de l'ordonnance attaquée d'habiliter le Gouvernement à constituer l'ABAE, alors que l'article 9 de la loi spéciale du 8 août 1980 et l'article 4 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 réserveraient au Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale la compétence de régler la création, la composition, le fonctionnement et le contrôle des organismes et entreprises créés par la Région.

B.18. Il ressort tant de l'intitulé de l'ordonnance que de son article 3 que c'est bien le législateur ordonnanciel qui est à l'origine de la création de l'ABAE et qui lui a conféré la personnalité juridique.

B.19. Le cinquième moyen n'est pas fondé.

B.20. Le sixième moyen est pris de la violation de l'article 6, § 1er, VI, alinéa 3 (lire : alinéa 5), 5°, de la loi spéciale du 8 août 1980 par l'article 4, § 4, de l'ordonnance attaquée, en ce qu'il prévoit l'inapplicabilité de la loi du 31 janvier 2009Documents pertinents retrouvés type loi prom. 31/01/2009 pub. 09/02/2009 numac 2009009047 source service public federal justice Loi relative à la continuité des entreprises fermer relative à la continuité des entreprises.

B.21. La loi du 31 janvier 2009Documents pertinents retrouvés type loi prom. 31/01/2009 pub. 09/02/2009 numac 2009009047 source service public federal justice Loi relative à la continuité des entreprises fermer précitée a été abrogée par l'article 71 de la loi du 11 août 2017 « portant insertion du Livre XX ' Insolvabilité des entreprises ', dans le Code de droit économique, et portant insertion des définitions propres au livre XX, et des dispositions d'application au Livre XX, dans le livre I du Code de droit économique », à dater du 1er mai 2018, date d'entrée en vigueur de la loi (article 76).

B.22. L'abrogation de la loi du 31 janvier 2009Documents pertinents retrouvés type loi prom. 31/01/2009 pub. 09/02/2009 numac 2009009047 source service public federal justice Loi relative à la continuité des entreprises fermer relative à la continuité des entreprises est postérieure à l'adoption de l'ordonnance attaquée, de sorte que le législateur ordonnanciel n'aurait pu en tenir compte. La disposition attaquée doit dès lors être contrôlée au regard des règles répartitrices de compétences qui étaient applicables au moment où elle a été adoptée.

B.23. Le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale soutient qu'à supposer que l'article 4, § 4, attaqué, porte sur des dispositions de droit relatives à une matière pour laquelle les régions ne sont pas compétentes, il y aurait lieu d'appliquer la théorie des pouvoirs implicites.

B.24. L'article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 5°, de la loi spéciale du 8 août 1980 dispose que l'autorité fédérale est seule compétente pour le droit commercial et pour le droit des sociétés.

B.25.1. Le législateur ordonnanciel a justifié le choix de la forme juridique d'une société anonyme par la sécurité juridique qu'impliquait le fait d'inscrire l'ABAE dans le cadre juridique éprouvé et familier du Code des sociétés, ainsi que par l'autonomie qui était nécessaire à celle-ci pour l'exercice de ses missions.

Quant à la finalité sociale de la société anonyme, les travaux préparatoires mentionnent : « Pour en revenir à la question de la forme sociale, dans la mesure où l'Agence n'est pas vouée à l'enrichissement de son actionnaire unique, elle peut, comme société anonyme, revêtir la forme de société à finalité sociale, qui est un statut spécifique régi par les articles 661 et suivants du Code des sociétés auquel peuvent se soumettre les sociétés dotées de la personnalité juridique définies à l'article 2, § 2, du Code des sociétés, à l'exception des sociétés européennes et des sociétés coopératives européennes.

Parmi les spécificités qui caractérisent les sociétés à finalité sociale, celles-ci doivent notamment définir, en plus de leur objet social, un but social qui, en l'espèce, consistera à ' mettre en oeuvre la politique régionale en matière de conseil et d'accompagnement individuel et collectif aux entreprises dans le cadre de ses missions de service public telles que définies à l'article 7 de l'ordonnance, et, le cas échéant, précisées dans son contrat de gestion conclu avec le Gouvernement ' (article 5, § 1er, du projet) » (Doc. parl., Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, 2016-2017, A-493/1, p. 5).

B.25.2. Lors des discussions au sein de la commission compétente, le ministre chargé de l'Economie a expliqué le choix de la forme juridique d'une société anonyme à finalité sociale en ces termes : « Il a dû tenir compte de la disparité des formes juridiques des organismes qui seront à la source de l'agence : deux ASBL et un département du Ministère, le SPRB. Il fallait trouver l'instrument idoine pour réunir ces trois entités, avec des personnes sous contrat de travail et d'autres sous statut de fonctionnaire. La forme juridique choisie n'est pas inédite, car la Société du Logement (SLRB), la Société bruxelloise de Gestion de l'Eau (SBGE), Citeo, l'Agence de stationnement, la Coopération technique belge ou encore Bozar sont autant de sociétés anonymes à finalité sociale. La société est de droit public, pour assurer sa responsabilité vis-à-vis du gouvernement et du Parlement. Cette forme offre en outre la flexibilité voulue par le monde économique.

Le ministre ajoute que le transfert des actifs des entités existantes à un OIP de type B aurait exigé la dissolution des entités d'origine avant la constitution de l'OIP. Vu l'ampleur des actifs d'Atrium et d'Impulse, le gouvernement ne peut se permettre un tel hiatus juridique. Au contraire, la société créée par le projet d'ordonnance jouira d'une cession d'universalité à titre gratuit, avant la dissolution des trois entités précédentes. Exposer le personnel d'Atrium, d'Impulse et de BI&E, qui est une partie des actifs considérés, à l'incertitude d'un hiatus, fût-ce de quelques jours, aurait vraisemblablement mené à un blocage » (Doc. parl., Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, 2016-2017, A-493/2, pp. 24-25).

B.25.3. Le législateur ordonnanciel a justifié plusieurs dérogations au Code des sociétés prévues par l'ordonnance attaquée par le recours aux pouvoirs implicites, tels qu'ils sont consacrés par l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980, rendu applicable à la Région de Bruxelles-Capitale par l'article 4 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 : « Le choix de la société anonyme à finalité sociale étant justifié, force est de constater que le caractère public de l'Agence et, plus particulièrement, la circonstance qu'elle ne peut comporter qu'un seul actionnaire, c'est-à-dire la Région de Bruxelles-Capitale, rend nécessaire quelques dérogations au Code des sociétés et ce, afin d'éviter des contradictions ou des incohérences avec le droit applicable aux sociétés anonymes en général et aux sociétés à finalité sociale en particulier. Ces dérogations, prévues à l'article 4, § 2, du projet d'ordonnance, sont précisées en détail dans le commentaire des articles de l'ordonnance.

En l'espèce, ces dérogations prévues par le projet d'ordonnance sont nécessaires en raison de l'actionnariat unique de l'Agence (dérogations aux articles 454, 4°, 646 et 661, § 1er, 4°, 7° et 8°, du Code des sociétés) ou pour éviter que sa dissolution ne soit poursuivie par un tiers intéressé (dérogations aux articles 634, 666 et 667 du Code des sociétés), ce qui mettrait en péril la continuité des missions de service public de l'Agence et la sécurité juridique que l'ordonnance souhaite lui attacher.

Les dérogations prévues par le projet se prêtent par ailleurs à un régime différencié en raison de la situation particulière de l'Agence, qui ne comportera qu'un seul actionnaire, en l'espèce la Région, celle-ci étant également la principale source de financement de l'Agence et celle qui exercera sur elle la tutelle administrative à l'intervention de deux commissaires du Gouvernement. Un régime différencié se justifie d'autant plus que les dérogations prévues par l'ordonnance en projet n'ont vocation à s'appliquer strictement qu'à l'Agence et n'ont donc qu'une portée extrêmement limitée.

Enfin, l'incidence des dérogations revêt un caractère marginal dans la mesure où les dérogations ne portent que sur un nombre très limité de dispositions applicables, en général aux sociétés anonymes et, en particulier, aux sociétés à finalité sociale et ce pour tenir compte de l'actionnariat unique de l'Agence ou afin de garantir la continuité des missions de service public qui lui sont dévouées » (Doc. parl., Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, 2016-2017, A-493/1, pp. 7-8).

B.25.4. En réponse à une remarque formulée par la section de législation du Conseil d'Etat, il est encore précisé, dans l'exposé des motifs, à propos de l'article 4 de l'avant-projet d'ordonnance : « Les autres dispositions de cet article visent à refléter le caractère de droit public de l'Agence. Pour autant que de besoin, il faut avoir à l'esprit que l'Agence sera exclue du champ d'application de la législation sur les faillites puisque son application s'opposerait au principe de continuité du service public.

Le statut juridique de l'Agence est pour le surplus complété afin de lui permettre de disposer d'un cadre juridique adapté à la réalisation de ses missions de service public » (ibid., p. 12).

B.26. Comme il ressort des travaux préparatoires cités en B.25, le législateur ordonnanciel a opté pour une société anonyme à finalité sociale, compte tenu de ce que l'ABAE ne comporte qu'un seul actionnaire et est chargée d'une mission de service public dans le cadre de la mise en oeuvre de la politique régionale en matière de conseil et d'accompagnement aux entreprises, un secteur qui requiert aussi qu'une certaine autonomie lui soit reconnue. C'est ainsi qu'il a considéré devoir déroger à certaines dispositions applicables en droit des sociétés qu'il estimait incompatibles avec la situation particulière de l'ABAE, comme la loi du 31 janvier 2009Documents pertinents retrouvés type loi prom. 31/01/2009 pub. 09/02/2009 numac 2009009047 source service public federal justice Loi relative à la continuité des entreprises fermer sur la continuité des entreprises.

B.27. Ce faisant, le législateur ordonnanciel a touché à la compétence relative au droit commercial et au droit des sociétés qui a été réservée à l'autorité fédérale. Sur ce point, le législateur ordonnanciel doit dès lors justifier son intervention en recourant aux compétences implicites. L'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980, qui s'applique à la Région de Bruxelles-Capitale en vertu de l'article 4 de la loi spéciale du 12 janvier 1989, autorise la Région de Bruxelles-Capitale à adopter des dispositions juridiques réglant une matière fédérale, pour autant que ces dispositions soient nécessaires à l'exercice de ses compétences, que cette matière se prête à un règlement différencié et que son incidence sur la matière fédérale ne soit que marginale.

B.28.1. Le législateur ordonnanciel a pu considérer qu'en ce qui concerne l'application de la loi du 31 janvier 2009Documents pertinents retrouvés type loi prom. 31/01/2009 pub. 09/02/2009 numac 2009009047 source service public federal justice Loi relative à la continuité des entreprises fermer relative à la continuité des entreprises, la dérogation contestée au droit des sociétés se justifie par la nécessité de garantir la continuité du service public assuré par l'ABAE. Cette disposition peut donc être jugée nécessaire pour l'exercice des compétences qu'il a, en matière économique, sur la base de l'article 6, § 1er, VI, et de l'article 9 de la loi spéciale du 8 août 1980.

B.28.2. Il ressort des travaux préparatoires que la matière se prête à un régime différencié. En effet, la dérogation ainsi réglée concerne uniquement l'ABAE. Enfin, l'incidence sur la compétence de l'autorité fédérale en ce qui concerne le droit commercial et le droit des sociétés est marginale, étant donné que l'article 4, § 4, attaqué, ne touche pas au droit commun des sociétés, ni ne modifie de manière générale le règlement d'application en ce qui concerne la continuité des entreprises, mais vise seulement une unique personne morale de droit public.

B.29. Il est donc satisfait aux conditions d'application de l'article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, de sorte que le législateur ordonnanciel n'a pas excédé sa compétence.

B.30. Le sixième moyen n'est pas fondé.

B.31. Le premier moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution par l'article 19, § 2, de l'ordonnance attaquée, en ce que cet article vise uniquement le personnel statutaire et le personnel contractuel affectés au BI&E, à l'exclusion des autres agents du SPRB. Le transfert des membres du personnel concerné d'un ministère vers une société anonyme de droit public à finalité sociale ne permettrait pas de garantir leurs droits acquis, constituerait une régression compte tenu du faible capital de la société, et priverait les agents concernés de la possibilité de choisir d'être maintenus dans une structure publique centrale.

B.32.1. Comme il ressort de l'article 19, § 4, de l'ordonnance attaquée, les modalités du transfert du personnel, tant contractuel que statutaire, vers l'ABAE ont été déterminées par elle dans le respect du principe du maintien des droits acquis et du maintien des conditions de travail résultant des relations de travail individuelles et collectives.

L'exposé des motifs précise : « S'agissant du personnel statutaire de BI&E, ce transfert interviendra d'office et sera réalisé de manière classique (à l'intervention d'un arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale). En ce qui concerne le personnel contractuel de BI&E, le transfert implique un changement d'employeur qui requiert leur accord exprès et la conclusion d'un nouveau contrat ou d'un avenant à leur contrat initial (avis de la SLCE n° 54.701/2 du 11 décembre 2013).

Les modalités seront déterminées dans le respect du principe de la concertation sociale, du principe du maintien des droits acquis et des conditions de travail, résultant des relations de travail individuelles et collectives.

Le Gouvernement peut également adopter des mesures exceptionnelles et transitoires au profit du personnel statutaire et contractuel de BI&E transféré à l'Agence. Le personnel statutaire de BI&E bénéficiera ainsi pour une durée indéterminée du droit à la mobilité intrarégionale suivant l'arrêté du 27 mars 2014 fixant le régime de mobilité au sein de certaines institutions de la Région de Bruxelles-Capitale » (Doc. parl., Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, 2016-2017, A-493/1, p. 18).

L'arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 14 décembre 2017 portant transfert de personnel du SPRB vers l'Agence bruxelloise pour l'Accompagnement de l'Entreprise, pris en application de l'ordonnance attaquée, prévoit que les membres du personnel concernés sont transférés d'office en leur qualité et dans leur grade ou dans un grade équivalent au sein des services de l'ABAE. Ils conservent leur rémunération ou traitement, leur ancienneté administrative, les indemnités, primes et autres avantages dont ils bénéficiaient avant leur transfert (article 2). Le transfert des membres du personnel bénéficiant d'un contrat de travail est subordonné à leur accord exprès et à la conclusion d'un nouveau contrat de travail reprenant l'ensemble des anciennetés acquises sur la base de leur contrat de travail initial (article 3). Les membres du personnel stagiaires et statutaires transférés continuent également à bénéficier du régime de mobilité, conformément aux dispositions de l'arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 27 mars 2014 fixant le régime de mobilité au sein de certaines institutions de la Région de Bruxelles-Capitale ou de toutes autres dispositions qui viendraient à les remplacer (article 7).

B.32.2. Comme il ressort des travaux préparatoires cités en B.2.2, le législateur ordonnanciel a entendu rationnaliser les efforts et les moyens publics déployés pour le soutien aux entreprises, en constituant un pôle « conseil et accompagnement », notamment par la création d'une structure intégrée qui rassemble deux associations et le BI&E, qui est un département du SPRB. Il n'est pas sans justification raisonnable de prévoir, à cet effet, un transfert des membres du personnel affectés à ce département vers la nouvelle structure créée.

B.33. Le premier moyen n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour - décrète le désistement visé en B.3; - rejette le recours.

Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 19 juin 2019.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, F. Daoût

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