publié le 10 mai 2019
Extrait de l'arrêt n° 7/2019 du 23 janvier 2019 Numéro du rôle : 6747 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 444 et 445 du Code des impôts sur les revenus 1992, posées par le Tribunal de première instance du Luxembourg La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges L. Lavrysen(...)
COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 7/2019 du 23 janvier 2019 Numéro du rôle : 6747 En cause : les questions préjudicielles relatives aux articles 444 et 445 du Code des impôts sur les revenus 1992, posées par le Tribunal de première instance du Luxembourg, division Marche-en-Famenne.
La Cour constitutionnelle, composée des présidents F. Daoût et A. Alen, et des juges L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, T. Giet, R. Leysen, J. Moerman et M. Pâques, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président F. Daoût, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par jugement du 4 octobre 2017 en cause de la SPRL « Pierret Industries » contre l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 19 octobre 2017, le Tribunal de première instance du Luxembourg, division Marche-en-Famenne, a posé les questions préjudicielles suivantes : « 1. L'article 444 C.I.R. 1992 viole-t-il les articles 10, 11 et 172 de la Constitution lus en combinaison avec l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne des droits de l'homme, dans la mesure où il permet de réclamer des accroissements plus ou moins importants à deux contribuables qui ont commis la même infraction et ce en fonction du montant des revenus déclarés par ceux-ci, cela débouchant sur une somme plus importante à payer et donc sur une sanction plus lourde pour le contribuable déclarant plus de revenus alors que l'infraction commise est identique ? 2. L'article 444 C.I.R. 1992 viole-t-il les articles 10, 11 et 172 de la Constitution lus en combinaison avec l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne des droits de l'homme dans la mesure où il permet d'appliquer une même sanction à un contribuable ayant rempli ses obligations fiscales sous forme de versements anticipés et à un contribuable n'ayant pas payé l'impôt; en effet, paradoxalement, le contribuable qui a payé tout son impôt (important) par le biais de versements anticipés sera sanctionné plus lourdement que le contribuable qui n'a pas fait de versements anticipés (par rapport à un impôt moins important) ? 3. Les articles 444 et 445 du C.I.R. 1992 violent-ils les articles 10, 11 et 172 de la Constitution lus en combinaison avec l'article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne des droits de l'homme dans la mesure où ils permettent à l'administration fiscale de sanctionner le dépôt tardif d'une déclaration sans intention d'éluder l'impôt soit par une amende dont le montant fixe varie entre 50,00 EUR et 1.250,00 EUR soit par un accroissement de 10 % à 50 % des revenus non déclarés, déterminés avant toute imputation de précomptes, de crédits d'impôt, de quotité forfaitaire d'impôt étranger et de versements anticipés sans aucun plafond ? ». (...) III. En droit (...) Quant aux dispositions en cause et au contexte des questions préjudicielles B.1.1. L'article 444 du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après : CIR 1992), tel qu'il était applicable au moment des faits soumis au juge a quo, disposait : « En cas d'absence de déclaration ou en cas de déclaration incomplète ou inexacte, les impôts dus sur la portion des revenus non déclarés, déterminés avant toute imputation de précomptes, de crédits d'impôt, de quotité forfaitaire d'impôt étranger et de versements anticipés, sont majorés d'un accroissement d'impôt fixé d'après la nature et la gravité de l'infraction, selon une échelle dont les graduations sont déterminées par le Roi et allant de 10 p.c. à 200 p.c. des impôts dus sur la portion des revenus non déclarés.
En l'absence de mauvaise foi, il peut être renoncé au minimum de 10 p.c. d'accroissement.
Le total des impôts dus sur la portion des revenus non déclarés et de l'accroissement d'impôt ne peut dépasser le montant des revenus non déclarés.
L'accroissement ne s'applique que si les revenus non déclarés atteignent 2 500 EUR. [...] ».
B.1.2. Depuis sa modification par l'article 6 de la loi du 30 juin 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/2017 pub. 07/07/2017 numac 2017030467 source service public federal finances Loi portant des mesures de lutte contre la fraude fiscale type loi prom. 30/06/2017 pub. 07/07/2017 numac 2017012959 source service public federal finances Loi modifiant l'article 134 du Code des impôts sur les revenus 1992 en matière de calcul du crédit d'impôts pour enfant à charge fermer portant des mesures de lutte contre la fraude fiscale (ci-après : la loi du 30 juin 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/2017 pub. 07/07/2017 numac 2017030467 source service public federal finances Loi portant des mesures de lutte contre la fraude fiscale type loi prom. 30/06/2017 pub. 07/07/2017 numac 2017012959 source service public federal finances Loi modifiant l'article 134 du Code des impôts sur les revenus 1992 en matière de calcul du crédit d'impôts pour enfant à charge fermer), l'article 444 du CIR 1992 dispose : « En cas d'absence de déclaration, de remise tardive de celle-ci ou en cas de déclaration incomplète ou inexacte, les impôts dus sur la portion des revenus non déclarés, déterminés avant toute imputation de précomptes, de crédits d'impôt, de quotité forfaitaire d'impôt étranger et de versements anticipés, sont majorés d'un accroissement d'impôt fixé d'après la nature et la gravité de l'infraction, selon une échelle dont les graduations sont déterminées par le Roi et allant de 10 p.c. à 200 p.c. des impôts dus sur la portion des revenus non déclarés.
En l'absence de mauvaise foi, il peut être renoncé au minimum de 10 p.c. d'accroissement.
Le total des impôts dus sur la portion des revenus non déclarés et de l'accroissement d'impôt ne peut dépasser le montant des revenus non déclarés.
L'accroissement ne s'applique que si les revenus non déclarés atteignent 2 500 EUR. [...] ».
B.1.3. L'échelle des accroissements prévue par l'article 444 du CIR 1992 a été établie par l'article 225 de l'arrêté royal du 27 août 1993 d'exécution du Code des impôts sur les revenus 1992, comme suit :
Nature des infractions
Accroissements
A. Absence de déclaration due à des circonstances indépendantes de la volonté du contribuable :
Néant
B. Absence de déclaration sans intention d'éluder l'impôt : - 1ère infraction (compte non tenu des absences de déclaration visées sub A) : - 2e infraction : - 3e infraction : A partir de la 4e infraction, les infractions de cette nature sont classées sub C et sanctionnées comme telles.
10 p.c. 20 p.c. 30 p.c.
C. Absence de déclaration avec intention d'éluder l'impôt : - 1ère infraction : - 2e infraction : - 3e infraction et infractions suivantes :
50 p.c. 100 p.c. 200 p.c.
D. Absence de déclaration accompagnée soit d'une inexactitude ou omission par faux ou d'un usage de faux au cours de la vérification de la situation fiscale, soit d'une corruption ou d'une tentative de corruption de fonctionnaire : dans tous les cas :
200 p.c.
B.1.4. L'article 445 du CIR 1992 dispose : « § 1er. Le fonctionnaire délégué par le conseiller général peut appliquer pour toute infraction aux dispositions du présent Code, ainsi que des arrêtés pris pour leur exécution, une amende de 50 EUR à 1 250 EUR. Le Roi fixe l'échelle des amendes administratives et règle les modalités d'application de celles-ci.
Cette amende est établie et recouvrée suivant les règles applicables en matière d'impôt des personnes physiques.
Par dérogation à l'alinéa 2, l'amende, enrôlée simultanément avec le précompte auquel elle se rapporte, est établie et recouvrée suivant les règles applicables en matière de précompte mobilier et de précompte professionnel.
Aucune amende n'est appliquée lorsque : - le contribuable démontre que le montant des dépenses, visées à l'article 57 ou des avantages de toute nature visés aux articles 31, alinéa 2, 2°, et 32, alinéa 2, 2°, est compris dans une déclaration introduite par le bénéficiaire conformément à l'article 305 ou dans une déclaration analogue introduite à l'étranger par le bénéficiaire; - la réintégration dans la comptabilité de bénéfices dissimulés, visée aux articles 219 et 233, alinéa 2, est faite dans un exercice comptable postérieur à l'exercice comptable au cours duquel le bénéfice dissimulé a été réalisé dans les conditions visées au même article 219, alinéa 4. § 2. Par dérogation au § 1er, alinéa 1er, le fonctionnaire délégué par le conseiller général applique une amende de 6 250 EUR en cas de non-respect de l'obligation prévue à l'article 307, § 1er/1, alinéa 1er, c, § 1er/3 et § 1er/4.
L'amende précitée est appliquée par année et par construction juridique non mentionnée. § 3. Par dérogation au § 1er, alinéa 1er, le fonctionnaire délégué par le conseiller général compétent peut, pour une infraction des dispositions des articles 321/1 à 321/6, ainsi que des arrêtés pris pour leur exécution, appliquer une amende de 1 250 EUR à 25 000 EUR à partir de la deuxième infraction. Pour les infractions dues à la mauvaise foi ou avec intention d'éluder l'impôt, une amende de 12 500 EUR pourra être infligée pour la première infraction. A partir de la seconde infraction, une amende de 25 000 EUR pourra être infligée.
Le Roi fixe l'échelle des amendes administratives et règle les modalités d'application de celles-ci ».
B.2. Il résulte des faits soumis au juge a quo et de la motivation de la décision de renvoi que la Cour est interrogée sur la compatibilité de l'article 444, avant sa modification par l'article 6 de la loi, précitée, du 30 juin 2017, et de l'article 445 du CIR 1992 avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 1 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, dans l'interprétation selon laquelle ils sont appliqués à un contribuable qui a remis tardivement sa déclaration fiscale mais qui avait fait des versements anticipés, sachant que l'infraction constatée par l'administration fiscale à l'égard du contribuable concerné s'était déjà produite au cours de plusieurs exercices fiscaux antérieurs.
B.3.1. L'article 444 du CIR 1992, dans sa version applicable à l'affaire ayant donné lieu à la question préjudicielle, prévoyait un accroissement d'impôt « en cas d'absence de déclaration » des revenus « ou en cas de déclaration incomplète ou inexacte ».
Se référant à la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass., 5 septembre 1979, Pas., 1980, I, p. 7), qu'il pouvait considérer comme jurisprudence constante (voy., par exemple, Cass., 1er juillet 1947, Pas., 1947, I, p. 315; 21 juin 1955, Pas., 1955, I, p. 1145; 4 février 1969, Pas., 1969, I, p. 505; 17 octobre 1977, Pas., 1978, I, pp. 199-202; 5 septembre 1979, Pas., 1980, I, pp. 7-8), le juge a quo estime que l'accroissement d'impôt peut également être appliqué en cas de déclaration tardive des revenus, dès lors qu'en ce qui concerne les effets, une déclaration tardive est assimilée à une non-déclaration.
B.3.2. Bien que la Cour de cassation ait adopté une autre position dans un arrêt du 15 mars 2018 (Cass., 15 mars 2018, F.17.0004.N), la Cour répond aux questions préjudicielles posées dans l'interprétation du juge a quo, laquelle, dès lors qu'elle est conforme à la jurisprudence constante de la Cour de cassation au moment où le jugement de renvoi a été rendu, ne peut évidemment être considérée comme manifestement erronée. La circonstance que le législateur a expressément confirmé cette jurisprudence constante de la Cour de cassation par la loi du 30 juin 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/2017 pub. 07/07/2017 numac 2017030467 source service public federal finances Loi portant des mesures de lutte contre la fraude fiscale type loi prom. 30/06/2017 pub. 07/07/2017 numac 2017012959 source service public federal finances Loi modifiant l'article 134 du Code des impôts sur les revenus 1992 en matière de calcul du crédit d'impôts pour enfant à charge fermer, ainsi qu'il a été mentionné en B.1.2, n'aboutit pas à une autre conclusion, d'autant que le législateur entendait uniquement mettre le texte de la loi en adéquation avec sa finalité (Doc. parl., Chambre, 2016-2017, DOC 54-2400/003, p. 5).
Quant à la première question préjudicielle B.4. Par la première question préjudicielle, il est demandé à la Cour de comparer la situation de deux contribuables qui ont tous les deux remis tardivement leur déclaration fiscale mais qui seraient traités différemment, en application de l'article 444 du CIR 1992, en ce que l'accroissement d'impôt qui leur est imposé est calculé en fonction du montant des revenus qu'ils déclarent, de sorte qu'alors qu'ils ont commis la même infraction, la sanction serait plus lourde pour le contribuable qui déclare plus de revenus que pour l'autre. Le juge a quo demande si l'article 444 du CIR 1992 est donc compatible avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 1 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme.
B.5.1. L'impôt constitue un prélèvement pratiqué par voie d'autorité par l'Etat. Il est inscrit au budget de ce dernier et ne constitue pas la contrepartie d'un service accompli par l'autorité au bénéfice du redevable considéré isolément.
Quant à l'accroissement d'impôt, il ressort tant du texte même de l'article 444 du CIR 1992 que des travaux préparatoires relatifs aux dispositions législatives qui en sont à l'origine que le législateur visait à établir une sanction administrative afin de prévenir et de réprimer la fraude qui découlerait de l'absence de déclaration fiscale ou du caractère incomplet ou inexact de la déclaration. Il est recouvré selon les mêmes règles que l'impôt.
B.5.2. Il résulte des dispositions citées en B.1.1 à B.1.3 que l'accroissement d'impôt est calculé en fonction de la nature et de la gravité de l'infraction, lesquelles définissent le pourcentage de l'accroissement, d'une part, et, d'autre part, en fonction de son assiette, laquelle dépend de l'impôt dû sur la portion des revenus non déclarés.
En ce qui concerne la coïncidence de l'accroissement avec l'impôt dû sur la portion de revenus non déclarée, elle est expressément justifiée, depuis la modification de l'article 444 du CIR 1992 par l'article 102 de la loi-programme du 27 décembre 2012Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 27/12/2012 pub. 31/12/2012 numac 2012021152 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer, par le fait que les accroissements d'impôts « sont déterminés avant toute imputation de précomptes, de crédits d'impôt, de quotité forfaitaire d'impôt étranger et de versements anticipés ».
En ce qui concerne le mode de calcul des accroissements, les travaux préparatoires de cette disposition mentionnent ce qui suit : « Dans le régime actuel, un contribuable peut y échapper s'il a effectué suffisamment de versements anticipés ou s'il a un excédent de précomptes. Un terme est mis maintenant à cette situation » (Doc. parl., Chambre, 2012-2013, DOC 53-2561/006, p. 5).
B.6. Compte tenu de la finalité de l'accroissement d'impôt, il est raisonnablement justifié que l'accroissement soit calculé sur l'impôt dû sur la partie de revenus non déclarés ou déclarés tardivement. La disposition en cause n'est pas incompatible avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 1 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, dès lors que le deuxième alinéa de cet article prévoit que les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes.
B.7. La première question préjudicielle appelle une réponse négative.
Quant à la deuxième question préjudicielle B.8. Par la deuxième question préjudicielle, il est demandé à la Cour de comparer la situation de deux contribuables qui ont déclaré leurs revenus tardivement au regard de l'accroissement d'impôt prévu par l'article 444 du CIR 1992, sachant que l'un a effectué des versements anticipés et l'autre pas. Il est notamment demandé à la Cour si l'article 444 du CIR 1992 crée une différence de traitement contraire au principe d'égalité et de non-discrimination dans la mesure où le premier contribuable serait sanctionné plus sévèrement que le second, alors que le premier aurait, selon les termes de la question préjudicielle, « payé tout son impôt (important) par le biais de versements anticipés ».
B.9.1. Aux termes de l'article 305 du CIR 1992, les contribuables assujettis à l'impôt des personnes physiques, à l'impôt des personnes morales, à l'impôt des sociétés ou à l'impôt des non-résidents « sont tenus de remettre, chaque année, à l'administration en charge de l'établissement des impôts sur les revenus une déclaration dans les formes et délais précisés aux articles 307 à 311 ».
Ces contribuables demeurent soumis à cette obligation même s'ils ont effectué des versements anticipés, lesquels permettent notamment d'échapper à une majoration d'impôt sans toutefois les dispenser de procéder à une déclaration correcte de leurs revenus dans les formes et les délais prévus par la loi.
B.9.2. Comme il est dit en B.5.2, il est justifié que l'accroissement d'impôts soit calculé sur l'impôt dû sur la partie des revenus non déclarés ou déclarés tardivement.
Le même article 444 du CIR 1992, tel qu'il a été modifié par la loi-programme du 27 décembre 2012Documents pertinents retrouvés type loi-programme prom. 27/12/2012 pub. 31/12/2012 numac 2012021152 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi-programme fermer avec effet à partir de l'exercice 2013, prévoit expressément que, pour déterminer l'accroissement d'impôt, les impôts dus sur la partie des revenus non déclarés sont calculés « avant toute imputation de [...] versements anticipés », ce qui, dans le litige soumis au juge a quo, a été appliqué par l'administration fiscale.
Ainsi, l'administration fiscale pouvait appliquer, sur la base de l'article 444 du CIR 1992, l'accroissement prévu en cas de remise tardive de la déclaration à tous les redevables de l'impôt, que ceux-ci aient effectué ou non des versements anticipés.
B.9.3. Tant pour les contribuables qui ont effectué des versements anticipés que pour ceux qui n'ont pas effectué de tels versements, il est essentiel, pour établir une imposition correcte, dans le respect des articles 10, 11 et 172 de la Constitution, que l'ensemble de ces contribuables déposent une déclaration de revenus et que, le cas échéant, le défaut de déclaration soit sanctionné. A l'inverse de ce qu'indique la question préjudicielle, s'il ne remet pas de déclaration dans les délais, le contribuable qui a payé la totalité de l'impôt ou, le cas échéant, une part considérable de celui-ci, au moyen de versements anticipés, n'est pas sanctionné plus lourdement pour cette omission que le contribuable qui n'a pas procédé à des versements anticipés, le cas échéant proportionnellement à un impôt moins considérable.
A cet égard, l'article 444 du CIR 1992 prévoit expressément que l'accroissement d'impôt appliqué selon une échelle dont les graduations sont déterminées par le Roi, allant de 10 % à 200 % des impôts dus sur la portion des revenus non déclarés est fixé d'après la nature et la gravité de l'infraction. La marge importante entre le taux minimum et le taux maximum, le seuil des revenus non déclarés à concurrence de 2 500 euros et la circonstance qu'en l'absence de mauvaise foi, il peut être renoncé au minimum de 10 % permettent au Roi, d'abord, et à l'administration fiscale, ensuite, de tenir compte du principe de proportionnalité.
B.9.4. L'égalité de traitement entre les catégories de contribuables mentionnées dans la deuxième question préjudicielle n'est pas dénuée de justification raisonnable. La disposition en cause n'est, à cet égard, pas incompatible avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, combinés avec l'article 1 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme.
B.10. La deuxième question préjudicielle appelle une réponse négative.
Quant à la troisième question préjudicielle B.11. La troisième question préjudicielle porte sur la différence de traitement qui résulterait des articles 444 et 445 du CIR 1992 « dans la mesure où ils permettent à l'administration fiscale de sanctionner le dépôt tardif d'une déclaration sans intention d'éluder l'impôt soit par une amende dont le montant fixe varie entre 50,00 euros et 1 250,00 euros soit par un accroissement de 10 % à 50 % de revenus non déclarés, déterminés avant toute imputation de précomptes, de crédits d'impôt, de quotité forfaitaire d'impôt étranger et de versements anticipés sans aucun plafond ».
B.12.1. Comme il est dit en B.9.2, l'administration fiscale pouvait, par application de l'article 444 du CIR 1992, même avant la modification de cette disposition par la loi du 30 juin 2017Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/06/2017 pub. 07/07/2017 numac 2017030467 source service public federal finances Loi portant des mesures de lutte contre la fraude fiscale type loi prom. 30/06/2017 pub. 07/07/2017 numac 2017012959 source service public federal finances Loi modifiant l'article 134 du Code des impôts sur les revenus 1992 en matière de calcul du crédit d'impôts pour enfant à charge fermer, sanctionner la remise tardive de la déclaration des revenus d'un contribuable qui a effectué des versements anticipés par un accroissement d'impôt calculé sur l'assiette de l'impôt dû sur la partie des revenus déclarés tardivement, sans déduire de cette assiette les versements anticipés éventuellement effectués par le contribuable.
Il est exact que la remise tardive de la déclaration entraîne, pour le fisc, un risque supplémentaire de ne pas recouvrer le juste impôt et la nécessité de consacrer des moyens financiers et des ressources humaines en vue d'opérer les vérifications nécessaires à cette juste perception.
B.12.2. L'article 445 du CIR 1992 a aussi été introduit pour inciter le contribuable à déposer sa déclaration dans les conditions et les délais légaux impartis.
Les travaux préparatoires à l'origine de cet article mentionnent : « En fait de sanctions administratives, la législation relative aux impôts sur les revenus ne connaît que l'accroissement; à l'encontre de la plupart des autres lois d'impôts, elle ignore les amendes administratives.
Cependant l'administration doit pouvoir faire respecter les nombreuses obligations que les lois fiscales mettent à charge tant des tiers que des contribuables. Elle doit pouvoir réagir devant l'inertie, la négligence, la mauvaise volonté de ses débiteurs. L'infraction matérielle doit pouvoir être punie.
Dès lors et compte tenu de l'expérience plus que centenaire acquise par l'administration de l'enregistrement et des domaines où le système des amendes administratives a donné d'excellents résultats, le Gouvernement propose d'étendre ce système aux impôts directs » (Doc. parl., Chambre, 1961-1962, n° 264/1, p. 114).
Cette amende fixe peut donc sanctionner, entre autres, le seul fait de ne pas avoir introduit une déclaration dans le délai légal, sans pour autant tenir compte de l'importance des revenus non déclarés.
B.12.3. Comme la Cour l'a jugé par son arrêt n° 61/2014 du 3 avril 2014, l'amende fiscale prévue à l'article 445 du CIR 1992 et l'accroissement d'impôt prévu à l'article 444 du CIR 1992 ont un caractère répressif prédominant et constituent dès lors des sanctions de nature pénale au sens de l'article 4 du Septième Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Dès lors, il y a lieu d'appliquer l'une ou l'autre sanction en fonction de la gravité des faits imputés au contribuable, dans le respect du principe de proportionnalité applicable en matière pénale.
B.12.4. Pour le surplus, il relève de la compétence de l'administration de choisir celle des deux sanctions qu'il convient d'appliquer à l'infraction qu'elle a constatée, sous réserve du contrôle pouvant être effectué par les juridictions compétentes en la matière, eu égard notamment au principe de proportionnalité.
B.13. Sous réserve de ce qui est dit en B.12.3 et B.12.4, la troisième question préjudicielle appelle une réponse négative.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : Sous réserve de ce qui est dit en B.12.3 et en B.12.4, les articles 444 et 445 du Code des impôts sur les revenus 1992, tels qu'ils sont applicables au litige soumis au juge a quo, ne violent pas les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, lus ou non en combinaison avec l'article 1 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme.
Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 23 janvier 2019.
Le greffier, Le président, P.-Y. Dutilleux F. Daoût