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Arrêt
publié le 25 octobre 2017

Extrait de l'arrêt n° 109/2017 du 5 octobre 2017 Numéro du rôle : 6536 En cause : le recours en annulation de la loi du 21 avril 2016 portant modification des lois sur l'emploi des langues en matière administrative, coordonnées le 18 juillet La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et E. De Groot, et des juges J.-(...)

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Extrait de l'arrêt n° 109/2017 du 5 octobre 2017 Numéro du rôle : 6536 En cause : le recours en annulation de la loi du 21 avril 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/04/2016 pub. 09/05/2016 numac 2016002018 source service public federal personnel et organisation Loi portant modification des lois sur l'emploi des langues en matière administrative, coordonnées le 18 juillet 1966 type loi prom. 21/04/2016 pub. 02/06/2016 numac 2016000331 source service public federal interieur Loi portant modification des lois sur l'emploi des langues en matière administrative, coordonnées le 18 juillet 1966. - Traduction allemande fermer portant modification des lois sur l'emploi des langues en matière administrative, coordonnées le 18 juillet 1966, introduit par la commune de Woluwe-Saint-Lambert et autres.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et E. De Groot, et des juges J.-P. Snappe, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul et R. Leysen, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président J. Spreutels, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 8 novembre 2016 et parvenue au greffe le 9 novembre 2016, un recours en annulation de la loi du 21 avril 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/04/2016 pub. 09/05/2016 numac 2016002018 source service public federal personnel et organisation Loi portant modification des lois sur l'emploi des langues en matière administrative, coordonnées le 18 juillet 1966 type loi prom. 21/04/2016 pub. 02/06/2016 numac 2016000331 source service public federal interieur Loi portant modification des lois sur l'emploi des langues en matière administrative, coordonnées le 18 juillet 1966. - Traduction allemande fermer portant modification des lois sur l'emploi des langues en matière administrative, coordonnées le 18 juillet 1966 (publiée au Moniteur belge du 9 mai 2016) a été introduit par la commune de Woluwe-Saint-Lambert, l'ASBL « Association de Promotion des Droits Humains et des Minorités » et Sabine Hanot, assistées et représentées par Me J. Sohier, avocat au barreau de Bruxelles. (...) II. En droit (...) Quant aux dispositions attaquées et au contexte B.1.1. Les parties requérantes demandent l'annulation de l'article 2 de la loi du 21 avril 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/04/2016 pub. 09/05/2016 numac 2016002018 source service public federal personnel et organisation Loi portant modification des lois sur l'emploi des langues en matière administrative, coordonnées le 18 juillet 1966 type loi prom. 21/04/2016 pub. 02/06/2016 numac 2016000331 source service public federal interieur Loi portant modification des lois sur l'emploi des langues en matière administrative, coordonnées le 18 juillet 1966. - Traduction allemande fermer portant modification des lois sur l'emploi des langues en matière administrative, coordonnées le 18 juillet 1966, qui complète par un cinquième alinéa l'article 53 des lois sur l'emploi des langues en matière administrative, coordonnées par arrêté royal du 18 juillet 1966 (ci-après : les lois sur l'emploi des langues en matière administrative).

Désormais, l'article 53 des lois sur l'emploi des langues en matière administrative dispose : « Le Secrétaire permanent au recrutement est seul compétent pour délivrer des certificats en vue d'attester les connaissances linguistiques exigées par la loi du 2 août 1963.

Dans un délai de deux ans, à compter du 1er septembre 1963, le Roi fixe les conditions suivant lesquelles ces certificats peuvent être requis en lieu et place des épreuves prévues par la loi pour le recrutement du personnel qui doit posséder des connaissances linguistiques spéciales.

Le délai susvisé est porté à cinq ans, quand il s'agit de conférer par promotion des emplois pour lesquels des connaissances linguistiques spéciales sont exigées.

Toutefois, en ce qui concerne les communes, le personnel communal, à partir du grade de sous-chef de bureau et des grades y assimilés et en fonction au 1er juillet 1963, restera soumis au régime actuel d'examens linguistiques prévus pour les promotions. Les jurys organisant ces épreuves seront présidés avec voix délibérative par un représentant du Secrétaire permanent au recrutement.

Pour les services locaux de la région de langue allemande, le Roi détermine, par un arrêté délibéré en Conseil des ministres, les modalités de reconnaissance de l'équivalence entre les certificats délivrés par Selor et ceux délivrés dans les autres Etats membres de l'Espace économique européen et dans la Confédération suisse ».

B.1.2. L'article 15, § 1er, des lois sur l'emploi des langues en matière administrative dispose : « Dans les services locaux établis dans les régions de langue française, de langue néerlandaise ou de langue allemande, nul ne peut être nommé ou promu à une fonction ou à un emploi s'il ne connaît la langue de la région.

Les examens d'admission et de promotion ont lieu dans la même langue.

Le candidat n'est admis à l'examen que s'il résulte des diplômes ou certificats d'études requis qu'il a suivi l'enseignement dans la langue susmentionnée. A défaut d'un tel diplôme ou certificat, la connaissance de la langue doit au préalable être prouvée par un examen.

Si la fonction ou l'emploi est conféré sans examen d'admission, l'aptitude linguistique requise est établie au moyen des preuves que l'alinéa 3 prescrit à cet effet ».

B.2. En vertu du nouvel alinéa 5 de l'article 53 des lois sur l'emploi des langues en matière administrative, inséré par l'article 2 de la loi attaquée, pour les services locaux de la région de langue allemande, la preuve de la connaissance de la langue de la région peut être apportée tant par un certificat délivré par Selor que par des certificats délivrés dans les autres Etats membres de l'Espace économique européen et dans la Confédération suisse.

B.3. Par la loi attaquée, le législateur fédéral a voulu mettre sa législation en conformité avec l'arrêt du 5 février 2015 de la Cour de justice de l'Union européenne (Commission c. Belgique, C-317/14).

L'exposé des motifs indique : « Le Gouvernement est d'avis qu'il y a lieu de prendre au plus vite les mesures découlant de l'arrêt de la Cour de Justice de l'Union européenne du 5 février 2015 en modifiant, pour les services locaux de la région de langue allemande, l'article 53 des lois coordonnées sur l'emploi des langues en matière administrative, de manière à ce que le Selor ne dispose plus du monopole en ce qui concerne les examens de connaissance linguistique. Et ainsi éviter de lourdes sanctions financières » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1653/001, p. 5).

Devant la Commission compétente de la Chambre, le ministre a précisé : « [le projet] a pour but d'instaurer, pour les services locaux de la région de langue allemande, un mécanisme permettant de prendre en considération des certificats linguistiques délivrés dans les autres Etats membres de l'Espace économique européen et de la Confédération suisse » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1653/002, p. 3). « Le ministre souligne que compte tenu du dispositif de l'arrêt, le projet de loi à l'examen porte uniquement sur les services locaux de la région de langue allemande.

En ce qui concerne les exigences de qualité, le ministre souligne que l'article dispose qu'un arrêté royal délibéré en Conseil des ministres déterminera les modalités de reconnaissance de l'équivalence avec les certificats délivrés par Selor. A cet effet, une commission d'experts linguistiques devra rendre un avis conforme. Le fait qu'il soit également prévu qu'un représentant de la Communauté germanophone siégera au sein de cette commission pour ce qui est de la langue allemande a été jugé positif lors de l'examen du projet de loi au Parlement de la Communauté germanophone » (ibid., p. 5).

B.4. Par son arrêt du 5 février 2015, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé : « 22. Conformément à une jurisprudence bien établie de la Cour, l'ensemble des dispositions du traité FUE relatives à la libre circulation des personnes visent à faciliter, pour les ressortissants des Etats membres, l'exercice d'activités professionnelles de toute nature sur le territoire de l'Union et s'opposent aux mesures qui pourraient défavoriser ces ressortissants lorsqu'ils souhaitent exercer une activité économique sur le territoire d'un autre Etat membre (voir, notamment, arrêt Las, C-202/11, EU: C: 2013: 239, point 19 et jurisprudence citée). 23. Ces dispositions et, en particulier, l'article 45 TFUE s'opposent ainsi à toute mesure qui, même applicable sans discrimination tenant à la nationalité, est susceptible de gêner ou de rendre moins attrayant l'exercice, par les ressortissants de l'Union, des libertés fondamentales garanties par le traité (arrêt Las, EU: C: 2013: 239, point 20 et jurisprudence citée).24. Certes, l'article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement n° 492/2011 reconnaît aux Etats membres le droit de fixer les conditions relatives aux connaissances linguistiques requises en raison de la nature de l'emploi à pourvoir.25. Toutefois, le droit d'exiger un certain niveau de connaissance d'une langue en fonction de la nature de l'emploi ne saurait porter atteinte à la libre circulation des travailleurs.Les exigences découlant des mesures destinées à le mettre en oeuvre ne doivent en aucun cas être disproportionnées par rapport au but poursuivi et les modalités de leur application ne doivent pas comporter de discriminations au détriment des ressortissants d'autres Etats membres (voir, en ce sens, arrêt Groener, C-379/87, EU: C: 1989: 599, point 19). 26. En l'espèce, il convient de reconnaître qu'il peut être légitime d'exiger d'un candidat à un concours organisé aux fins de pourvoir un emploi dans un service local, c'est-à-dire dans une entité concessionnaire d'un service public ou chargée d'une mission d'intérêt général sur le territoire d'une commune, qu'il dispose, à un niveau en adéquation avec la nature de l'emploi à pourvoir, de connaissances de la langue de la région dans laquelle se trouve la commune concernée. Il peut être en effet considéré qu'un emploi dans un tel service requiert une aptitude à communiquer avec les autorités administratives locales ainsi que, le cas échéant, avec le public. 27. Dans un tel cas, la détention d'un diplôme sanctionnant la réussite à un examen de langue peut constituer un critère permettant d'évaluer les connaissances linguistiques requises (voir, en ce sens, arrêt Angonese, EU: C: 2000: 296, point 44).28. Cependant, le fait d'exiger, comme le prévoient les lois coordonnées, d'un candidat à un concours de recrutement qu'il rapporte la preuve de ses connaissances linguistiques en présentant un unique type de certificat, qui n'est délivré que par un seul organisme belge chargé, à cet effet, d'organiser des examens de langue sur le territoire belge, apparaît, au regard des impératifs de la libre circulation des travailleurs, disproportionné par rapport à l'objectif poursuivi.29. En effet, cette exigence exclut toute prise en considération du degré de connaissances qu'un diplôme obtenu dans un autre Etat membre, eu égard à la nature et à la durée des études dont il atteste l'accomplissement, permet de présumer dans le chef de son titulaire (voir, en ce sens, arrêt Angonese, EU: C: 2000: 296, point 44).30. En outre, cette exigence, bien qu'indistinctement applicable aux ressortissants nationaux et à ceux des autres Etats membres, défavorise en réalité les ressortissants des autres Etats membres qui souhaiteraient postuler à un emploi dans un service local en Belgique.31. Cette exigence contraint en effet les intéressés résidant dans d'autres Etats membres, c'est-à-dire, en majorité des ressortissants de ces Etats, à se rendre sur le territoire belge aux seules fins de faire évaluer leurs connaissances dans le cadre d'un examen indispensable pour la délivrance du certificat requis pour le dépôt de leur candidature.Les charges supplémentaires qu'implique une telle contrainte sont de nature à rendre plus difficile l'accès aux emplois en cause (voir, en ce sens, arrêt Angonese, EU: C: 2000: 296, points 38 et 39). 32. Le Royaume de Belgique n'a invoqué aucun objectif dont la réalisation serait susceptible de justifier ces effets.33. Pour autant que le Royaume de Belgique fait valoir que des travaux législatifs ont été engagés afin de mettre la réglementation nationale litigieuse en conformité avec les exigences du droit de l'Union mais que ceux-ci doivent suivre des procédures longues et complexes en raison de la structure de ce pays, il y a lieu de rappeler qu'il est de jurisprudence constante qu'un Etat membre ne saurait exciper de dispositions de son ordre juridique national, même constitutionnel, pour justifier le non-respect des obligations résultant du droit de l'Union (voir, notamment, arrêt Commission/Hongrie, C-288/12, EU: C: 2014: 237, point 35 et jurisprudence citée).34. Il convient d'ajouter que, en tout état de cause, l'existence d'un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l'Etat membre telle qu'elle se présentait au terme du délai fixé dans l'avis motivé et les changements intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour (voir, notamment, arrêt Commission/ Royaume-Uni, C-640/13, EU: C: 2014: 2457, point 42 et jurisprudence citée).35. Dans ces conditions, il y a lieu de constater que, en exigeant des candidats aux postes dans les services locaux établis dans les régions de langue française ou de langue allemande, dont il ne résulte pas des diplômes ou des certificats requis qu'ils ont suivi l'enseignement dans la langue concernée, à faire la preuve de leurs connaissances linguistiques au moyen d'un unique type de certificat, exclusivement délivré par un seul organisme officiel belge après un examen organisé par cet organisme sur le territoire belge, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 45 TFUE et du règlement n° 492/2011. [...] Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) déclare et arrête : 1) En exigeant des candidats aux postes dans les services locaux établis dans les régions de langue française ou de langue allemande, dont il ne résulte pas des diplômes ou des certificats requis qu'ils ont suivi l'enseignement dans la langue concernée, à faire la preuve de leurs connaissances linguistiques au moyen d'un unique type de certificat, exclusivement délivré par un seul organisme officiel belge après un examen organisé par cet organisme sur le territoire belge, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 45 TFUE et du règlement (UE) n° 492/2011, du Parlement européen et du Conseil, du 5 avril 2011, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de l'Union ». B.5. Les Communautés française et flamande avaient anticipé l'arrêt de la Cour de justice et donné suite à la mise en demeure de la Commission de l'Union européenne en modifiant, pour leur ressort territorial, l'article 53 précité.

Par l'article 4 du décret du 18 novembre 2011 relatif à la preuve de la connaissance de la langue, requise par les lois sur l'emploi des langues en matière administrative, coordonnées le 18 juillet 1966, la Communauté flamande a remplacé l'article 53 comme suit : «

Art. 53.Le Gouvernement flamand détermine : 1° les instances compétentes pour délivrer les preuves de la connaissance de la langue, requises pour ces lois coordonnées, et les conditions auxquelles doivent répondre ces preuves;2° les conditions d'agrément des preuves de la connaissance de la langue, délivrées par d'autres instances. Le niveau de la connaissance de la langue qui doit être prouvée dépend de la nature de la fonction exercée ».

Par l'article 1er du décret du 7 novembre 2013 relatif à la preuve des connaissances linguistiques requises par les lois sur l'emploi des langues en matière administrative, coordonnées le 18 juillet 1966, la Communauté française a remplacé l'article 53 comme suit : «

Art. 53.§ 1er. Les certificats attestant du niveau de connaissance linguistique requis par les présentes lois sont délivrés par SELOR - Bureau de sélection de l'administration fédérale.

Complémentairement à l'alinéa 1er, le Gouvernement de la Communauté française peut déterminer d'autres instances compétentes pour délivrer les certificats attestant du niveau de connaissance linguistique requis par les présentes lois, ainsi que les conditions auxquelles doivent répondre les preuves de cette connaissance de la langue. § 2. Le Gouvernement de la Communauté française détermine les conditions et les modalités de reconnaissance des certificats de connaissance linguistique délivrés par d'autres instances que celles visées au paragraphe premier. § 3. Les équivalences sont délivrées par le Gouvernement de la Communauté française sur avis d'une commission d'experts.

Le Gouvernement précise le statut de cette Commission d'experts et précise le mode de désignation de ses membres. Son mode de fonctionnement est réglé dans le règlement d'ordre intérieur que la Commission d'experts adoptera. § 4. Pour l'application des paragraphes précédents, le niveau de connaissance linguistique dépend de la nature de la fonction exercée ».

Quant à l'intérêt des parties requérantes B.6. Le Conseil des ministres conteste l'intérêt des parties requérantes.

B.7.1. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme attaquée; il s'ensuit que l'action populaire n'est pas admissible.

B.7.2. Lorsqu'une association sans but lucratif qui n'invoque pas son intérêt personnel agit devant la Cour, il est requis que son objet social soit d'une nature particulière et, dès lors, distinct de l'intérêt général; qu'elle défende un intérêt collectif; que la norme attaquée soit susceptible d'affecter son objet social; qu'il n'apparaisse pas, enfin, que cet objet social n'est pas ou n'est plus réellement poursuivi.

B.8.1. L'ASBL « Association de Promotion des Droits Humains et des Minorités » a pour objet social de promouvoir les droits humains tels qu'ils sont consacrés par la Constitution et par plusieurs conventions internationales.

Selon l'article 3, b), des statuts, l'ASBL a pour but « de dénoncer et contester toute atteinte arbitraire aux droits et libertés consacrés par les normes de droit interne ou de droit international ». L'article 3, d), de ces statuts lui permet d'ester en justice dans tous les litiges auxquels peut donner lieu l'application des normes de droit interne ou international relatives aux droits humains et aux minorités.

B.8.2. Cet objet social vise à la défense d'un intérêt collectif qui est de nature particulière et distinct de l'intérêt général. Par ailleurs, il n'est pas contesté que cet objet soit réellement poursuivi.

B.9. L'article 2 de la loi attaquée permet aux candidats à une fonction ou un emploi dans les services locaux de la région de langue allemande et aux agents de ces services de prouver leur connaissance de la langue de la région tant par un certificat délivré par Selor que par des certificats délivrés dans les autres Etats membres de l'Espace économique européen et dans la Confédération suisse. Il n'offre pas cette possibilité aux candidats à une fonction ou un emploi dans les services locaux de la région bilingue de Bruxelles-Capitale et aux agents de ces services.

La disposition attaquée crée ainsi une différence de traitement qui est susceptible d'affecter l'objet social de la partie requérante et l'intérêt collectif qu'elle défend. Cette partie dispose donc de l'intérêt requis.

B.10. Dès lors que la deuxième partie requérante justifie d'un intérêt au recours, il n'est pas nécessaire d'examiner si les autres parties requérantes justifient également d'un intérêt à poursuivre l'annulation des dispositions attaquées.

Quant au moyen unique B.11.1. Le moyen unique est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 45 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) et avec le règlement n° 492/2011 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de l'Union.

B.11.2. Les parties requérantes contestent la loi attaquée en ce qu'elle permet aux seuls services locaux de la région de langue allemande d'accepter des candidats et des agents, au titre de preuve de leurs connaissances linguistiques, d'autres certificats que ceux délivrés par Selor, jugés équivalents par le Roi, en vue de se conformer à l'arrêt de la Cour de justice du 5 février 2015.

Dans une première branche, les parties requérantes considèrent que le législateur fédéral a ainsi instauré une différence de traitement contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution.

Dans une seconde branche, elles se réfèrent à l'article 45 du TFUE et à l'article 3, § 1er, alinéa 2, du règlement n° 492/2011 précité et relèvent qu'en vertu de l'article 260, paragraphe 1, du TFUE, l'Etat belge est tenu de prendre toutes les mesures que comporte l'exécution de l'arrêt de la Cour de justice du 5 février 2015.

Les deux branches sont examinées ensemble.

B.12. Comme il est dit en B.9, l'article 2 de la loi attaquée crée une différence de traitement entre les candidats et les agents selon que l'emploi ou la fonction concerné relève des services locaux de la région de langue allemande ou des services locaux de la région bilingue de Bruxelles-Capitale.

B.13. Selon le Conseil des ministres, les services locaux de la région de langue allemande et ceux de la région bilingue de Bruxelles-Capitale ne sont pas suffisamment comparables en raison de leur régime linguistique essentiellement différent.

Il ne faut pas confondre différence et non-comparabilité. La région de langue allemande est une région unilingue, alors que la région de Bruxelles-Capitale est une région bilingue. Cette différence ne permet cependant pas de conclure que les services locaux de ces deux régions linguistiques ne peuvent pas être comparés au regard du monopole conféré à Selor par l'article 53 des lois sur l'emploi des langues en matière administrative, plus précisément lorsqu'il s'agit de déterminer quels certificats permettent d'attester des connaissances linguistiques pour obtenir une fonction ou un emploi dans ces services.

B.14.1. Il ressort des travaux préparatoires cités en B.3 que, par la loi attaquée, le législateur fédéral a voulu se mettre en conformité avec l'arrêt du 5 février 2015 par lequel la Cour de justice de l'Union européenne constate que la Belgique a manqué à ses obligations en matière de libre circulation des travailleurs.

Il ressort de cet arrêt, cité en B.4, que le droit d'exiger un certain niveau de connaissance d'une langue en fonction de la nature de l'emploi ne saurait porter atteinte à la libre circulation des travailleurs et comporter une discrimination au détriment de ressortissants d'autres Etats membres : « le fait d'exiger, comme le prévoient les lois coordonnées, d'un candidat à un concours de recrutement qu'il rapporte la preuve de ses connaissances linguistiques en présentant un unique type de certificat, qui n'est délivré que par un seul organisme belge chargé, à cet effet, d'organiser des examens de langue sur le territoire belge, apparaît, au regard des impératifs de la libre circulation des travailleurs, disproportionné par rapport à l'objectif poursuivi » (point 28).

B.14.2. L'arrêt de la Cour de justice du 5 février 2015 précité vise les services locaux des régions de langue française ou de langue allemande et non ceux de la région bilingue de Bruxelles-Capitale.

Toutefois, tout comme l'article 15 des lois sur l'emploi des langues en matière administrative applicable aux services locaux des régions de langue française ou de langue allemande, l'article 21 des mêmes lois applicable aux services locaux de la région bilingue de Bruxelles-Capitale prévoit des exigences, certes différentes, de connaissances linguistiques pour accéder à un emploi ou une fonction.

Les différences entre les exigences linguistiques prévues par ces deux dispositions ne font toutefois pas l'objet du grief soulevé par le moyen unique. La critique des parties requérantes porte uniquement sur les attestations de ces connaissances linguistiques et, plus précisément, sur l'absence de possibilité de déroger au monopole conféré, par l'article 53, alinéa 1er, de ces mêmes lois, à Selor « pour délivrer des certificats en vue d'attester les connaissances linguistiques exigées par la loi du 2 août 1963 » pour les services locaux de la région bilingue de Bruxelles-Capitale, alors qu'une telle possibilité existe pour les services locaux de la région de langue allemande.

Or, tout comme les candidats à un emploi et les agents des services locaux de la région de langue allemande, les candidats à un emploi et les agents des services locaux de la région bilingue de Bruxelles-Capitale sont soumis aux principes de la libre circulation des travailleurs combinés avec les règles d'égalité et de non-discrimination pour ce qui est de la délivrance des attestations de connaissances linguistiques.

B.14.3. Les parties requérantes demandent à la Cour de poser à la Cour de justice une question préjudicielle relative à la compatibilité de la loi attaquée avec les normes de droit de l'Union européenne invoquées au moyen.

Lorsqu'une question qui porte sur l'interprétation du droit de l'Union est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue, conformément à l'article 267, troisième alinéa, du TFUE, de poser cette question à la Cour de justice. Ce renvoi n'est cependant pas nécessaire lorsque cette autorité juridictionnelle a constaté que la question soulevée n'est pas pertinente ou que la disposition du droit de l'Union en cause a déjà fait l'objet d'une interprétation de la part de la Cour ou que l'application correcte du droit de l'Union s'impose avec une telle évidence qu'elle ne laisse place à aucun doute raisonnable (CJCE, 6 octobre 1982, C-283/81, CILFIT, point 21).

En l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande des parties requérantes d'interroger la Cour de justice à ce propos. En effet, l'interprétation des dispositions du droit de l'Union, que ces parties sollicitent, a déjà été fournie par la Cour de justice dans son arrêt du 5 février 2015.

B.14.4. En ne prévoyant à l'article 53 des lois sur l'emploi des langues en matière administrative une possibilité de dérogation en matière de délivrance des attestations de connaissances linguistiques que pour les services locaux de la région de langue allemande et non pour les services locaux de la région bilingue de Bruxelles-Capitale, alors qu'il est compétent pour régler l'emploi des langues dans les services locaux de ces deux régions linguistiques, le législateur fédéral a créé une différence de traitement entre les candidats à un emploi et les agents qui ne peut pas se justifier raisonnablement au regard des principes de la libre circulation des travailleurs combinés avec les règles d'égalité et de non-discrimination.

B.15. Le moyen, en ce qu'il est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l'article 45 du TFUE et avec le règlement n° 492/2011 du 5 avril 2011, est fondé.

L'article 2 de la loi du 21 avril 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/04/2016 pub. 09/05/2016 numac 2016002018 source service public federal personnel et organisation Loi portant modification des lois sur l'emploi des langues en matière administrative, coordonnées le 18 juillet 1966 type loi prom. 21/04/2016 pub. 02/06/2016 numac 2016000331 source service public federal interieur Loi portant modification des lois sur l'emploi des langues en matière administrative, coordonnées le 18 juillet 1966. - Traduction allemande fermer portant modification des lois sur l'emploi des langues en matière administrative, coordonnées le 18 juillet 1966, doit être annulé en ce qu'il ne s'applique pas aux services locaux de la région bilingue de Bruxelles-Capitale.

Par ces motifs, la Cour annule l'article 2 de la loi du 21 avril 2016Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/04/2016 pub. 09/05/2016 numac 2016002018 source service public federal personnel et organisation Loi portant modification des lois sur l'emploi des langues en matière administrative, coordonnées le 18 juillet 1966 type loi prom. 21/04/2016 pub. 02/06/2016 numac 2016000331 source service public federal interieur Loi portant modification des lois sur l'emploi des langues en matière administrative, coordonnées le 18 juillet 1966. - Traduction allemande fermer portant modification des lois sur l'emploi des langues en matière administrative, coordonnées le 18 juillet 1966, en ce qu'il ne s'applique pas aux services locaux de la région bilingue de Bruxelles-Capitale.

Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 5 octobre 2017.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, J. Spreutels

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