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Arrêt
publié le 23 décembre 2016

Extrait de l'arrêt n° 136/2016 du 20 octobre 2016 Numéro du rôle : 6288 En cause : les questions préjudicielles concernant les articles 1382 et 1383 du Code civil et l'article 29bis de la loi du 21 novembre 1989 relative à l'assurance obligat La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et E. De Groot, et des juges L. (...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 136/2016 du 20 octobre 2016 Numéro du rôle : 6288 En cause : les questions préjudicielles concernant les articles 1382 et 1383 du Code civil et l'article 29bis de la loi du 21 novembre 1989Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/11/1989 pub. 23/12/2009 numac 2009000839 source service public federal interieur Loi relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs, posées par le Tribunal de première instance francophone de Bruxelles.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et E. De Groot, et des juges L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût, T. Giet et R. Leysen, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président J. Spreutels, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par jugement du 12 octobre 2015 en cause de l'Union européenne contre la Société des transports intercommunaux de Bruxelles (STIB), dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 10 novembre 2015, le Tribunal de première instance francophone de Bruxelles a posé les questions préjudicielles suivantes : 1. « Les articles 1382 et 1383 du Code civil, interprétés en ce sens que le dommage subi par l'employeur public lorsqu'un de ses agents est victime d'un accident qui est indemnisable au sens de ces dispositions se limite aux montants payés sans bénéficier des prestations de travail en contrepartie violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que, dans cette interprétation, les employeurs publics sont traités différemment selon qu'ils ont subi un tel dommage ou qu'ils ont dû opérer d'autres décaissements qui n'auraient pas dû l'être sans l'accident alors que, dans les deux cas, il y a eu perte d'un avantage mesuré par la comparaison de la situation de la victime avant et après la faute ? »;2. « L'article 29bis de loi du 21 novembre 1989Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/11/1989 pub. 23/12/2009 numac 2009000839 source service public federal interieur Loi relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs, interprété en ce sens que le dommage subi par l'employeur public lorsqu'un de ses agents est, en tant qu'usager faible, victime d'un accident qui est indemnisable au sens de cette disposition se limite aux montants payés sans bénéficier des prestations de travail en contrepartie viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que, dans cette interprétation, les employeurs publics sont traités différemment selon qu'ils ont subi un tel dommage ou qu'ils ont dû opérer d'autres décaissements qui n'auraient pas dû l'être sans l'accident alors que, dans les deux cas, il y a eu perte d'un avantage mesuré par la comparaison de la situation de la victime avant et après le fait dommageable ? ». (...) III. En droit (...) B.1. Les questions préjudicielles portent sur les articles 1382 et 1383 du Code civil et sur l'article 29bis de la loi du 21 novembre 1989Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/11/1989 pub. 23/12/2009 numac 2009000839 source service public federal interieur Loi relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs (ci-après : la loi du 21 novembre 1989Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/11/1989 pub. 23/12/2009 numac 2009000839 source service public federal interieur Loi relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs. - Coordination officieuse en langue allemande fermer).

L'article 1382 du Code civil dispose : « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ».

L'article 1383 du Code civil dispose : « Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence ».

L'article 29bis de la loi du 21 novembre 1989Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/11/1989 pub. 23/12/2009 numac 2009000839 source service public federal interieur Loi relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, tel qu'il a été modifié par la loi du 19 janvier 2001Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/01/2001 pub. 21/02/2001 numac 2001011006 source ministere des affaires economiques Loi modifiant diverses dispositions relatives au régime de l'indemnisation automatique des usagers de la route les plus vulnérables et des passagers de véhicules fermer, dispose : « § 1er. En cas d'accident de la circulation impliquant un ou plusieurs véhicules automoteurs, aux endroits visés à l'article 2, § 1er, et à l'exception des dégâts matériels et des dommages subis par le conducteur de chaque véhicule automoteur impliqué, tous les dommages subis par les victimes et leurs ayants droit et résultant de lésions corporelles ou du décès, y compris les dégâts aux vêtements, sont réparés solidairement par les assureurs qui, conformément à la présente loi, couvrent la responsabilité du propriétaire, du conducteur ou du détenteur des véhicules automoteurs. La présente disposition s'applique également si les dommages ont été causés volontairement par le conducteur.

En cas d'accident de la circulation impliquant un véhicule automoteur lié à une voie ferrée, l'obligation de réparer les dommages prévue à l'alinéa précédent incombe au propriétaire de ce véhicule.

Les dommages occasionnés aux prothèses fonctionnelles sont considérés comme des lésions corporelles. Il y a lieu d'entendre par prothèses fonctionnelles : les moyens utilisés par la victime pour compenser des déficiences corporelles.

L'article 80 de la loi du 9 juillet 1975Documents pertinents retrouvés type loi prom. 09/07/1975 pub. 24/12/2014 numac 2014000890 source service public federal interieur Loi relative au contrôle des entreprises d'assurances. - Coordination officieuse en langue allemande type loi prom. 09/07/1975 pub. 23/10/2015 numac 2015000557 source service public federal interieur Loi relative au contrôle des entreprises d'assurances. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer relative au contrôle des entreprises d'assurance s'applique à cette indemnisation. Toutefois, si l'accident résulte d'un cas fortuit, l'assureur reste tenu.

Les dispositions du présent article s'appliquent également aux accidents de la circulation, au sens de l'alinéa 1er, impliquant des véhicules automoteurs qui sont exemptés de l'obligation d'assurance en vertu de l'article 10 de la présente loi et dont les propriétaires ont fait usage de cette exemption.

Les victimes âgées de plus de 14 ans qui ont voulu l'accident et ses conséquences ne peuvent se prévaloir des dispositions visées à l'alinéa 1.

Cette obligation d'indemnisation est exécutée conformément aux dispositions légales relatives à l'assurance de la responsabilité en général et à l'assurance de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs en particulier, pour autant que le présent article n'y déroge pas. § 2. Le conducteur d'un véhicule automoteur et ses ayants droit ne peuvent se prévaloir du présent article, sauf si le conducteur agit en qualité d'ayant droit d'une victime qui n'était pas conducteur et à condition qu'il n'ait pas causé intentionnellement les dommages. § 3. Il faut entendre par véhicule automoteur tout véhicule visé à l'article 1er de la présente loi, à l'exclusion des fauteuils roulants automoteurs susceptibles d'être mis en circulation par une personne handicapée. § 4. L'assureur ou le fonds commun de garantie automobile sont subrogés dans les droits de la victime contre les tiers responsables en droit commun.

Les indemnités versées en exécution du présent article ne peuvent faire l'objet de compensation ou de saisie en vue du paiement des autres indemnités dues à raison de l'accident de la circulation. § 5. Les règles de la responsabilité civile restent d'application pour tout ce qui n'est pas régi expressément par le présent article ».

B.2. La Cour est interrogée sur la compatibilité avec les articles 10 et 11 de la Constitution de ces dispositions, interprétées en ce sens que le dommage subi par l'employeur public lorsqu'un de ses agents est victime d'un accident indemnisable au sens de ces dispositions, est limité aux « montants payés sans bénéficier de prestations de travail en contrepartie », ce qui traiterait ainsi distinctement les employeurs publics « selon qu'ils ont subi un tel dommage ou qu'ils ont dû opérer d'autres décaissements qui n'auraient pas dû l'être sans l'accident alors que, dans les deux cas, il y a eu perte d'un avantage mesuré par la comparaison de la situation de la victime avant et après le fait dommageable ».

La première question préjudicielle porte sur les articles 1382 et 1383 du Code civil; la seconde question préjudicielle porte sur l'article 29bis de la loi du 21 novembre 1989Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/11/1989 pub. 23/12/2009 numac 2009000839 source service public federal interieur Loi relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs. - Coordination officieuse en langue allemande fermer.

B.3.1. Le litige devant le juge a quo oppose l'Union européenne à la Société des transports intercommunaux de Bruxelles (STIB), concernant l'accident mortel d'un piéton, fonctionnaire européen, renversé par un tram.

L'Union européenne réclame le remboursement des décaissements opérés en faveur des héritiers du fonctionnaire décédé, couvrant des frais médicaux et funéraires, la rémunération garantie, le capital décès et des pensions d'orphelins. Ces dépenses sont fondées, respectivement, sur les articles 72, 70, alinéa 1er, 73 et 80 du Statut des fonctionnaires de l'Union européenne (ci-après : le Statut), tel qu'il a été fixé par le règlement (CEE, Euratom, CECA) n° 259/68 du Conseil du 29 février 1968, modifié à plusieurs reprises.

Ces montants payés aux ayants droit de la victime sont réclamés par l'Union européenne, employeur de la victime, à la STIB, en tant que propriétaire du véhicule lié à une voie ferrée visé à l'article 29bis, § 1er, alinéa 2, de la loi du 21 novembre 1989Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/11/1989 pub. 23/12/2009 numac 2009000839 source service public federal interieur Loi relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs. - Coordination officieuse en langue allemande fermer.

B.3.2.1. L'Union européenne exerce, à titre principal, un recours direct en sa qualité d'employeur de la victime, qu'autorise l'article 85bis, § 4, du Statut, et, à titre subsidiaire, un recours subrogatoire fondé sur l'article 85bis, § 1er, du Statut.

B.3.2.2. L'article 85bis, unique disposition du chapitre 5 intitulé « Subrogation de l'Union », du Statut dispose : « 1. Lorsque la cause du décès, d'un accident ou d'une maladie dont est victime une personne visée au présent statut est imputable à un tiers, l'Union est, dans la limite des obligations statutaires lui incombant consécutivement à l'événement dommageable, subrogée de plein droit à la victime ou à ses ayants droit dans leurs droits et actions contre le tiers responsable. 2. Entrent notamment dans le domaine couvert par la subrogation visée au paragraphe 1 : - les rémunérations maintenues, conformément à l'article 59, au fonctionnaire durant la période de son incapacité temporaire de travail, - les versements effectués conformément à l'article 70 à la suite du décès d'un fonctionnaire ou ancien fonctionnaire titulaire d'une pension, - les prestations servies au titre des articles 72 et 73 et des réglementations prises pour leur application, concernant la couverture des risques de maladie et d'accident, - le paiement des frais de transport du corps, visé à l'article 75, - les versements de suppléments d'allocations familiales intervenant, conformément à l'article 67 paragraphe 3 et à l'article 2 paragraphes 3 et 5 de l'annexe VII, en raison de la maladie grave, de l'infirmité ou du handicap atteignant un enfant à charge, - les versements d'allocations d'invalidité intervenant à la suite d'un accident ou d'une maladie entraînant pour le fonctionnaire une incapacité définitive d'exercer ses fonctions, - les versements de pensions de survie intervenant à la suite du décès du fonctionnaire ou de l'ancien fonctionnaire ou du décès du conjoint ni fonctionnaire ni agent temporaire d'un fonctionnaire ou d'un ancien fonctionnaire titulaire d'une pension, - les versements de pensions d'orphelins intervenant sans limitation d'âge au profit d'un enfant de fonctionnaire ou ancien fonctionnaire lorsque cet enfant est atteint d'une maladie grave, d'une infirmité ou d'un handicap l'empêchant de subvenir à ses besoins après le décès de son auteur.3. Toutefois, la subrogation de l'Union ne s'étend pas aux droits à indemnisation portant sur des chefs de préjudice de caractère purement personnel, tels que, notamment, le préjudice moral, le pretium doloris, ainsi que la part des préjudices esthétiques et d'agrément dépassant le montant de l'indemnité qui aurait été allouée de ces chefs par application de l'article 73.4. Les dispositions des paragraphes 1, 2 et 3 ne peuvent faire obstacle à l'exercice d'une action directe de la part de l'Union ». B.3.2.3. Il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que « la subrogation prévue à l'article 85bis du statut des fonctionnaires est une subrogation de plein droit » (CJUE, 9 septembre 2004, arrêt Clinique La Ramée, C-397/02, point 15), et que l'article 85bis du Statut « n'a pas pour objet de modifier les règles nationales applicables pour déterminer si et dans quelle mesure la responsabilité du tiers auteur du dommage doit être engagée. La responsabilité de ce dernier demeure soumise aux règles de fond que doit normalement appliquer la juridiction nationale saisie par la victime, c'est-à-dire, en principe, à la législation de l'Etat membre sur le territoire duquel le dommage est survenu » (CJUE, 9 septembre 2004, arrêt Clinique La Ramée, C-397/02, point 17; voy. aussi CJUE, 15 octobre 2015, arrêt Union européenne c. Axa Belgium SA, C-494/14, point 18).

Tant le recours subrogatoire que le recours direct de l'Union européenne restent dès lors soumis aux dispositions nationales en matière de responsabilité civile.

B.3.2.4. En ce qui concerne le recours direct exercé par l'Union européenne, le juge a quo a, dans son jugement de renvoi, estimé que l'Union européenne était un « ayant droit » au sens de l'article 29bis de la loi du 21 novembre 1989Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/11/1989 pub. 23/12/2009 numac 2009000839 source service public federal interieur Loi relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, et a décidé de poser à la Cour les présentes questions préjudicielles.

B.3.2.5. C'est au juge a quo qu'il appartient en règle de décider de l'application au litige dont il est saisi des dispositions qu'il soumet au contrôle de la Cour. Celle-ci ne pourrait contester la pertinence de la question préjudicielle que si l'appréciation du juge a quo n'était manifestement pas justifiée, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

B.3.2.6. En ce qui concerne le recours subrogatoire exercé par l'Union européenne, le juge a quo a décidé de surseoir à statuer compte tenu d'une question préjudicielle qu'il avait, dans le cadre d'un litige antérieur, posée à la Cour de justice concernant la notion de « tiers responsable ».

La Cour de justice a répondu à cette question par l'arrêt du 15 octobre 2015 précité, et a notamment décidé que la notion de « tiers responsable » visée dans l'article 85bis, § 1er, du Statut doit « recevoir une interprétation autonome et uniforme au sein de l'ordre juridique de l'Union » (CJUE, arrêt Union européenne c. Axa Belgium SA, C-494/14, point 28) et « vise toute personne, y compris les assureurs, tenue, en vertu du droit national, de réparer le dommage subi par la victime ou par ses ayants droit » (ibid., point 36).

B.3.3. Les présentes questions préjudicielles concernent par conséquent le recours direct de l'Union européenne par lequel celle-ci réclame, en sa qualité d'employeur d'une victime d'un accident de la circulation causé par un tram, le remboursement des frais médicaux et funéraires, de la rémunération garantie, du capital décès et de pensions d'orphelins.

B.4.1. La partie intimée devant le juge a quo et le Conseil des ministres estiment, à titre principal, que les questions préjudicielles posées n'appellent pas de réponse, étant donné que la différence de traitement critiquée ne résulterait pas des dispositions en cause, mais de leur interprétation et de leur application, la détermination concrète du dommage relevant de l'appréciation du juge du fond.

B.4.2. Lorsque, comme en l'espèce, les questions posées portent sur la constitutionnalité des dispositions en cause, dans l'interprétation précisée par le juge a quo, ces questions relèvent de la compétence de la Cour, en vertu de l'article 142, alinéa 2, 2°, de la Constitution.

B.4.3. Contrairement à ce qu'allègue la partie intimée devant le juge a quo, les questions préjudicielles ne prêtent pas à confusion, et concernent clairement le dommage de l'employeur d'une victime d'un accident de la circulation.

B.4.4. Enfin, c'est en règle à la juridiction qui interroge la Cour qu'il appartient d'apprécier si la réponse à une question préjudicielle est utile à la solution du litige qu'elle doit trancher.

Le fait que les articles 1382 et 1383 du Code civil aient ou non été expressément invoqués par la partie appelante devant le juge a quo n'est dès lors pas déterminant pour apprécier l'utilité d'une réponse aux questions posées.

B.4.5. L'exception est rejetée.

B.5.1. Les questions préjudicielles portant, respectivement, sur les articles 1382 et 1383 du Code civil et sur l'article 29bis de la loi du 21 novembre 1989Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/11/1989 pub. 23/12/2009 numac 2009000839 source service public federal interieur Loi relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, invitent à comparer l'étendue du dommage subi par l'employeur public lorsqu'un de ses agents est victime d'un accident indemnisable au sens de ces dispositions. Dès lors que ce dommage serait, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, limité aux « montants payés sans bénéficier de prestations de travail en contrepartie », le juge a quo interroge la Cour sur une éventuelle différence de traitement injustifiée entre les employeurs publics qui ont subi un dommage limité aux montants payés sans bénéficier de prestations de travail et ceux qui ont dû opérer d'autres décaissements qui n'auraient pas dû l'être sans l'accident.

B.5.2. Il ressort des faits de la cause et de la motivation de la décision de renvoi que les questions préjudicielles portent sur la compatibilité avec les articles 10 et 11 de la Constitution des dispositions en cause, interprétées en ce sens que le dommage, qui conditionne le droit à une indemnisation intégrale, est limité aux « montants payés sans bénéficier de prestations de travail en contrepartie », c'est-à-dire, selon le juge a quo, les seules rémunérations, à l'exclusion d'autres décaissements.

Quant à la première question préjudicielle B.6. La première question préjudicielle invite à comparer la situation d'employeurs publics, en ce qui concerne la notion de dommage indemnisable au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil, au regard de décaissements opérés lorsqu'un de leurs agents est victime d'un accident de la circulation.

B.7.1. Lorsque l'accident constitue également un accident du travail ou survenu sur le chemin du travail, l'employeur public est subrogé dans les droits de la victime de l'accident du travail, conformément à l'article 14bis, § 3, de la loi du 3 juillet 1967Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1967 pub. 24/10/2001 numac 2001000905 source ministere de l'interieur Loi sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public. - Traduction allemande type loi prom. 03/07/1967 pub. 23/03/2018 numac 2018030614 source service public federal interieur Loi sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer « sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public ».

Lorsque l'accident n'est pas un accident du travail ou survenu sur le chemin du travail, les employeurs publics disposent également d'un droit de subrogation légale (voy., pour les services publics fédéraux, l'article 160 de la loi du 21 décembre 1994Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/12/1994 pub. 07/03/2012 numac 2012000130 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales et diverses . - Traduction allemande d'extraits fermer « portant des dispositions sociales et diverses ») ou conventionnelle.

Cette action subrogatoire permet à l'employeur public d'agir en lieu et place de la victime, dans les limites du dommage subi directement par cette dernière, calculé, en règle, sur la base du salaire net.

B.7.2. En vertu de l'article 85bis, §§ 1er à 3, du Statut, cité en B.3.2.2, l'Union européenne est subrogée de plein droit à la victime ou à ses ayants droit dans leurs droits et actions contre le tiers responsable, notamment, d'un accident ayant entraîné le décès d'un fonctionnaire européen. Conformément à l'article 85bis, § 2, du Statut, ce droit d'action subrogatoire vise notamment les versements effectués conformément à l'article 70 du même Statut à la suite du décès d'un fonctionnaire ou ancien fonctionnaire titulaire d'une pension et les prestations servies au titre des articles 72 et 73 du Statut.

Conformément à l'article 85bis, § 4, du Statut, ce droit de subrogation ne fait pas obstacle à l'exercice de l'action directe de la part de l'Union. L'action directe de l'Union européenne, en sa qualité d'employeur, peut dès lors se cumuler avec l'action subrogatoire et doit s'exercer conformément aux dispositions nationales en la matière.

B.8.1. En droit belge, la réponse à la question de savoir si l'employeur public dispose aussi, pour obtenir le remboursement des charges supportées, d'une action fondée sur l'article 1382 du Code civil et si les paiements effectués par l'employeur public (sur la base de son obligation législative, réglementaire ou contractuelle et sans obtenir de prestations de travail en contrepartie) constituent un préjudice indemnisable, en relation causale avec la faute du tiers, a connu une évolution dans la jurisprudence de la Cour de cassation.

Elle y a dans le passé répondu négativement. Depuis 2001, elle reconnaît le bénéfice de l'article 1382 du Code civil à l'employeur, lequel ne se heurte donc plus aux restrictions découlant de l'action subrogatoire. Elle décide en effet : « Attendu qu'en vertu des articles 1382 et 1383 du Code civil, celui qui cause à autrui un dommage par sa faute est tenu d'indemniser intégralement ce dommage, ce qui implique le rétablissement du préjudicié dans l'état où il serait demeuré si l'acte dont il se plaint n'avait pas été commis;

Que l'autorité qui, à la suite de la faute d'un tiers, est tenue, en vertu d'une obligation légale ou réglementaire qui lui incombe, de continuer à payer le traitement et les cotisations dues sur ce traitement sans recevoir des prestations de travail en contrepartie, a droit à une indemnité dans la mesure où elle subit ainsi un dommage;

Qu'en effet, l'existence d'une obligation contractuelle, légale ou réglementaire n'exclut pas qu'il y ait un dommage au sens de l'article 1382 du Code civil, sauf s'il résulte de la teneur ou de la portée de la convention, de la loi ou du règlement, que la dépense ou la prestation à intervenir doit définitivement rester à charge de celui qui s'y est obligé ou qui doit l'exécuter en vertu de la loi ou du règlement » (Cass., 19 février 2001, Pas., 2001, n° 99; voy. aussi : Cass., 30 janvier 2002, Pas., 2002, n° 63; 4 mars 2002, Pas., 2002, n° 154; 9 avril 2003, Pas., 2003, n° 235; 10 avril 2003, Pas., 2003, n° 245; 3 décembre 2003, Pas., 2003, n° 614; 23 février 2004, Pas., 2004, n° 94;16 janvier 2006, Pas., 2006, n° 35; 1er octobre 2007, Pas., 2007, n° 443; 18 novembre 2011, Pas., 2011, n° 625; 14 mai 2012, Pas., 2012, n° 298; 3 mai 2013, Pas., 2013, n° 279; 23 octobre 2013, Pas., 2013, n° 543).

B.8.2. En vertu de cette jurisprudence, l'existence d'un dommage indemnisable au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil, subi personnellement par l'employeur public de la victime d'un accident causé par la faute d'un tiers et qui peut se cumuler avec son action subrogatoire, s'apprécie à l'aune des « montants payés sans recevoir de prestations de travail en contrepartie », « sauf s'il résulte de la teneur ou de la portée de la convention, de la loi ou du règlement, que la dépense ou la prestation à intervenir doit définitivement rester à charge de celui qui s'y est obligé ou qui doit l'exécuter en vertu de la loi ou du règlement ».

La question de savoir si la dépense ou la prestation doit ou non rester définitivement à charge de l'employeur public qui y est obligé sur la base de la convention, de la loi ou du règlement, relève de l'appréciation du juge du fond en fonction de la teneur ou de la portée du contrat, de la loi ou du règlement (Cass., 7 mai 2015, Pas., 2015, n° 296).

B.8.3. Lorsque l'employeur public doit, en raison de l'incapacité de travail frappant son agent victime d'un accident causé par un tiers, continuer à payer à cet agent, en vertu des obligations contractuelles, légales ou réglementaires qui lui incombent, la rémunération et les charges afférentes à cette rémunération, sans recevoir de prestations de travail en contrepartie, il a dès lors droit à une indemnisation pour ce dommage personnel sur la base du droit commun de la responsabilité découlant des articles 1382 et 1383 du Code civil.

L'action directe fondée sur ces dispositions permet ainsi à l'employeur d'obtenir le remboursement des rémunérations brutes, et non des rémunérations nettes qu'il peut réclamer en exerçant les droits de la victime sur la base de son action subrogatoire (voy., par exemple, Cass., 23 octobre 2013, Pas., 2013, n° 543; 4 février 2014, Pas., 2014, n° 92).

B.8.4.1. Lorsque la demande d'indemnisation portait sur d'autres dépenses que des rémunérations, la jurisprudence de la Cour de cassation a également évolué.

Tout d'abord, ont été considérés comme constituant un dommage indemnisable des frais médicaux exposés par l'Etat en faveur d'un militaire temporairement incapable (Cass., 4 mars 2002, Pas., 2002, n° 154; 1er octobre 2007, Pas., 2007, n° 443), ou des débours découlant du décès d'un fonctionnaire européen (voy. Cass., 16 janvier 2006, Pas., 2006, n° 35).

B.8.4.2. A partir de 2006, la Cour de cassation a considéré que « le but de la loi ou du règlement qui oblige un employeur intervenant à titre d'assureur à débourser des sommes dont le montant est supérieur à celui qu'il aurait dû payer en tant qu'employeur pour des prestations de services, est de laisser ces sommes définitivement à charge de l'employeur » et a conclu que le versement par l'employeur public d'une rente pour incapacité de travail permanente partielle ne constitue « pas un dommage récupérable auprès du tiers responsable » (Cass., 9 janvier 2006, Pas., 2006, n° 22).

Ne constituant pas la contrepartie de prestations de travail dont l'employeur aurait bénéficié en l'absence de l'accident, n'ont pas été considérés comme un dommage indemnisable : une rente pour incapacité permanente partielle (Cass., 12 novembre 2008, Pas., 2008, n° 627;

Cass., 2 mars 2012, Pas., 2012, n° 144; Cass., 24 mai 2013, Pas., 2013, n° 317), une pension d'invalidité d'un employé mis prématurément à la pension en raison d'une incapacité permanente due à la faute d'un tiers (Cass., 26 mai 2009, Pas., 2009, n° 343; 19 juin 2015, Pas., 2015, n° 317), une indemnité pour incapacité versée au-delà de l'expiration du contrat de travail (Cass., 14 mai 2012, Pas., 2012, n° 298), une rente versée au conjoint survivant (Cass., 24 janvier 2013, Pas., 2013, n° 59; 24 janvier 2013, Pas., 2013, n° 61), des pensions d'orphelins (Cass., 24 janvier 2013, Pas., 2013, n° 61), ou des frais funéraires (Cass., 24 janvier 2013, Pas., 2013, n° 59).

B.8.4.3. En ce qui concerne plus particulièrement le versement par l'Union européenne de pensions ou d'une rente versée au conjoint survivant ou aux orphelins d'un fonctionnaire européen, la Cour de cassation a jugé qu'un tel versement ne pouvait être considéré comme un dommage indemnisable au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil : « Lorsque, à la suite de l'accident mortel de l'un de ses agents, l'Union européenne est tenue, en vertu du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, de verser des pensions d'orphelins en faveur des enfants ou de survie en faveur de la veuve ou de la précédente épouse de cet agent, le [paiement] de ces pensions, qui ne constitue pas la contrepartie des prestations de travail dont elle aurait bénéficié en l'absence de l'accident, n'est pas un dommage réparable au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil » (Cass., 24 janvier 2013, Pas., 2013, n° 61).

De même, en ce qui concerne le versement par l'Union européenne d'une pension à un travailleur admis prématurément à la pension en raison d'une incapacité permanente de travail causée par la faute d'un tiers, la Cour de cassation a jugé : « La pension d'invalidité, en effet, ne constitue pas une rémunération payée sans contrepartie normale mais une allocation de sécurité sociale qui couvre le risque d'incapacité permanente de travail et qui, dans le secteur public, est prise en charge par l'employeur.

Lorsqu'en vertu du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, l'Union européenne doit verser une pension d'invalidité à un membre du personnel admis à la pension d'office ensuite d'une incapacité permanente de travail en raison des lésions encourues par la faute d'un tiers, le paiement de cette pension, qui ne constitue pas une contrepartie pour les prestations de service que l'Union européenne aurait perçues si l'accident n'était pas survenu, ne constitue pas un dommage indemnisable au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil » (Cass., 19 juin 2015, Pas., 2015, n° 317).

B.8.5. Il ressort de cette jurisprudence, en particulier de l'arrêt précité du 19 juin 2015, que, dans le cadre de l'action directe de l'employeur public fondée sur les articles 1382 et 1383 du Code civil, pouvant se cumuler à son action subrogatoire, seuls peuvent constituer un dommage indemnisable les paiements opérés sans bénéficier de la contrepartie normale de prestations de travail.

Les employeurs publics sont dès lors, en ce qui concerne leurs possibilités de recours direct, traités différemment selon la nature des dépenses qu'ils exposent à l'égard de la victime d'un accident causé par un tiers et de ses ayants droit.

La Cour doit examiner si cette différence de traitement est raisonnablement justifiée.

B.9. Conformément au droit belge en la matière, l'Union européenne dispose, outre de son action subrogatoire, d'une action directe fondée sur les articles 1382 et 1383 du Code civil, afin de réclamer le remboursement de principe des décaissements opérés à la suite du décès accidentel d'un fonctionnaire européen (voy. Cass., 16 janvier 2006, Pas., 2006, n° 35).

Compte tenu de la jurisprudence citée en B.8, seuls peuvent toutefois être pris en considération comme étant des dommages indemnisables pour l'employeur sur la base des articles 1382 et 1383 du Code civil les paiements qui constituent une contrepartie pour les prestations de travail dont l'Union européenne aurait bénéficié si l'accident n'était pas survenu.

B.10.1. La Cour de justice a jugé que le Statut « ne peut pas être interprété en ce sens que, dans le cadre d'une action directe en vertu de l'article 85bis, paragraphe 4, de ce statut, les prestations que l'Union est tenue d'honorer au titre, d'une part, de l'article 73 dudit statut, visant à couvrir les risques de maladie et d'accident et, d'autre part, de l'article 78 de ce même statut pour le versement d'une pension d'invalidité doivent définitivement rester à sa charge » (CJUE, 15 octobre 2015, arrêt Union européenne c. Axa Belgium SA, C-494/14, point 44).

B.10.2. La circonstance que la Cour de justice indique que ces montants ne doivent pas définitivement rester à charge de l'Union, en vertu de la portée du Statut, ne signifie toutefois pas que leur paiement, lorsque le décès du fonctionnaire européen est dû à un accident causé par un tiers, s'identifie nécessairement à la notion de dommage au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil belge.

Comme il est dit en B.3.2.3, l'action directe de l'Union reste, à cet égard, soumise aux règles nationales applicables en la matière, dont les conditions d'application des articles 1382 et 1383 du Code civil, notamment l'existence d'un dommage, déterminé et apprécié par le juge national.

B.11.1. Comme il est dit en B.8, l'employeur public s'est vu, à la suite de l'évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation, reconnaître un droit de recours direct fondé sur les articles 1382 et 1383 du Code civil, se cumulant à l'action subrogatoire lui permettant d'exercer les droits de la victime ou de ses ayants droit.

Cette action directe, qui s'écarte de la logique de l'action subrogatoire légalement ou conventionnellement prévue, permet ainsi à l'employeur public de la victime d'un accident d'obtenir le remboursement des rémunérations brutes et non seulement des rémunérations nettes payées au travailleur pendant la durée de son incapacité.

B.11.2. Dans l'interprétation selon laquelle le dommage indemnisable, au sens de ces dispositions, est limité aux paiements opérés sans la contrepartie normale de prestations de travail, cette limitation est fondée sur un critère de distinction objectif et pertinent.

En effet, le dommage purement économique supporté par l'employeur public d'une victime d'un accident de la circulation est, dans ce contexte, défini en lien direct avec le fonctionnement normal de la relation de travail, qui est elle-même à l'origine du dommage supporté par l'employeur de la victime.

B.11.3. Lorsque l'employeur public assume, en outre, des prestations relevant d'un régime de sécurité sociale, les dépenses liées à de telles prestations dépassent ce que l'employeur est en droit d'attendre de son agent en raison de l'exécution normale de la relation de travail. Le dommage que subirait l'employeur public en raison de dépenses liées à de telles prestations ne pourrait d'ailleurs être considéré comme étant personnel.

B.11.4. Cette interprétation n'entraîne, par ailleurs, pas d'effets disproportionnés. L'employeur public dispose en effet, à l'égard des autres dépenses que celles visées en B.11.2, d'une action subrogatoire qui lui permet d'obtenir une indemnisation, même si celle-ci est limitée à ce que la victime elle-même pourrait obtenir. Il peut, par ailleurs, s'assurer pour couvrir le risque lié à ces décaissements.

En l'espèce, comme il est dit en B.7.2, l'article 85bis, §§ 1er à 3, du Statut, accorde à l'Union, de plein droit, une action subrogatoire lui permettant, notamment, de postuler le remboursement des versements effectués conformément à l'article 70 du Statut à la suite du décès d'un fonctionnaire et des prestations servies au titre des articles 72 et 73 du Statut. L'Union européenne est en outre le bénéficiaire d'une assurance couvrant les conséquences pécuniaires des obligations statutaires découlant de l'article 73 du Statut (voy. CJUE, 24 octobre 1996, Commission c. Royale belge SA, C-76/95).

B.11.5. Enfin, l'appréciation du dommage à l'aune de l'absence de contrepartie normale de prestations de travail permet de ménager un juste équilibre entre les intérêts des différentes parties concernées, l'employeur public bénéficiant d'une action directe se cumulant à une action subrogatoire, tandis que la personne tenue de l'indemniser ne devra pas prendre en charge le versement de prestations qui procèdent d'options propres à la relation de travail en cause, et qui peuvent se révéler sans commune mesure avec le dommage subi directement par la victime auquel est, en principe, limitée l'action subrogatoire.

B.12. La première question préjudicielle appelle une réponse négative.

Quant à la seconde question préjudicielle B.13. Dans la décision de renvoi, le juge a quo a jugé que l'Union européenne était un « ayant droit » au sens de l'article 29bis de la loi du 21 novembre 1989Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/11/1989 pub. 23/12/2009 numac 2009000839 source service public federal interieur Loi relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs. - Coordination officieuse en langue allemande fermer.

La Cour examine la seconde question préjudicielle dans cette interprétation.

B.14.1. L'article 29bis de la loi du 21 novembre 1989Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/11/1989 pub. 23/12/2009 numac 2009000839 source service public federal interieur Loi relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs. - Coordination officieuse en langue allemande fermer organise un système de responsabilité objective des conducteurs de véhicules automoteurs dérogatoire au droit commun de la responsabilité civile, le conducteur d'un véhicule automoteur impliqué dans un accident ne pouvant pas s'exonérer de son obligation de réparation des dommages subis par les victimes en invoquant l'absence de faute dans son chef.

L'obligation d'indemniser le dommage subi par les victimes d'un accident de la route et leurs ayants droit est mise à charge des assureurs qui couvrent la responsabilité du propriétaire, du conducteur ou du détenteur des véhicules automoteurs.

B.14.2. Par la disposition en cause, le législateur vise à l'indemnisation automatique des victimes réputées faibles d'accidents de la circulation et de leurs ayants droit (Doc. parl., Sénat, 1993-1994, n° 980-1, p. 9), ce qui permet d'accélérer l'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation : « La mise en circulation de véhicules automoteurs crée donc véritablement un risque important pour l'intégrité physique des personnes qui se trouvent dans une position de faiblesse évidente vis-à-vis des véhicules automoteurs, qu'elles soient elles-mêmes transportées à bord de l'un de ces véhicules ou qu'elles soient simplement des piétons ou des cyclistes. [...] Il existe, par conséquent, de nombreux cas dans lesquels, à la souffrance subie par la victime en raison des lésions corporelles qu'elle a subies s'ajoutent de graves conséquences financières pour elle-même et pour sa famille.

De même, lorsque la victime d'un accident est décédée, sa famille peut se retrouver dans une situation pécuniaire difficile qui aggrave encore la douleur qu'elle éprouve ».

B.14.3. A la suite de l'arrêt n° 92/98 du 15 juillet 1998, le législateur a, par la loi du 19 janvier 2001Documents pertinents retrouvés type loi prom. 19/01/2001 pub. 21/02/2001 numac 2001011006 source ministere des affaires economiques Loi modifiant diverses dispositions relatives au régime de l'indemnisation automatique des usagers de la route les plus vulnérables et des passagers de véhicules fermer, étendu le régime d'indemnisation automatique des victimes d'un accident de la route aux véhicules automoteurs liés à une voie ferrée, en mettant l'obligation d'indemnisation à charge des propriétaires de ces véhicules.

B.14.4. Selon le paragraphe 5 de l'article 29bis de la loi du 21 novembre 1989Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/11/1989 pub. 23/12/2009 numac 2009000839 source service public federal interieur Loi relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, « les règles de la responsabilité civile restent d'application pour tout ce qui n'est pas régi expressément par [cette disposition législative] ».

Le régime d'indemnisation établi par l'article 29bis de la loi du 21 novembre 1989Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/11/1989 pub. 23/12/2009 numac 2009000839 source service public federal interieur Loi relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs. - Coordination officieuse en langue allemande fermer couvre « tous les dommages subis par les victimes et leurs ayants droit et résultant de lésions corporelles ou du décès, y compris les dégâts aux vêtements », à l'exception des dégâts matériels subis par les victimes et leurs ayants droit à la suite de l'accident de la circulation impliquant un véhicule automoteur (Cass., 7 février 2011, Pas., 2011, n° 109).

Il en résulte qu'en se référant à « tous les dommages subis par les victimes et leurs ayants droit », dont ceux résultant du décès, l'article 29bis de la loi du 21 novembre 1989Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/11/1989 pub. 23/12/2009 numac 2009000839 source service public federal interieur Loi relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs. - Coordination officieuse en langue allemande fermer ne déroge pas au droit commun de la responsabilité civile en ce qui concerne la notion de dommage indemnisable.

B.15. La différence de traitement critiquée dans la seconde question préjudicielle ne trouve dès lors pas sa source dans cette disposition, mais dans les seuls articles 1382 et 1383 du Code civil.

Dans sa réponse à la première question préjudicielle, la Cour a conclu à la compatibilité, avec les articles 10 et 11 de la Constitution, des articles 1382 et 1383 du Code civil, interprétés en ce sens que le dommage subi par l'employeur public, lorsqu'un de ses agents est victime d'un accident qui est indemnisable au sens de ces dispositions, est limité aux paiements qu'il a opérés sans bénéficier de la contrepartie normale de prestations de travail.

B.16. Il n'y a dès lors pas lieu de répondre à la seconde question préjudicielle.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : - Les articles 1382 et 1383 du Code civil, interprétés en ce sens que le dommage subi par l'employeur public lorsqu'un de ses agents est victime d'un accident qui est indemnisable au sens de ces dispositions est limité aux paiements qu'il a opérés sans bénéficier de la contrepartie normale de prestations de travail, ne violent pas les articles 10 et 11 de la Constitution. - La seconde question préjudicielle n'appelle pas de réponse.

Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 20 octobre 2016.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, J. Spreutels

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