publié le 05 novembre 2014
Extrait de l'arrêt n° 128/2014 du 19 septembre 2014 Numéro du rôle : 5717 En cause : la question préjudicielle relative aux articles 23, § 1 er , 5°, et 34, § 1 er , 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992, pos La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, et des juges E. De G(...)
COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 128/2014 du 19 septembre 2014 Numéro du rôle : 5717 En cause : la question préjudicielle relative aux articles 23, § 1er, 5°, et 34, § 1er, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992, posée par le Tribunal de première instance de Liège.
La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, et des juges E. De Groot, L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût, T. Giet et R. Leysen, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président J. Spreutels, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 9 septembre 2013 en cause de Sylvain Vanhees et Maria Wauters contre l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 19 septembre 2013, le Tribunal de première instance de Liège a posé la question préjudicielle suivante : « Les articles 23 et 34 du C.I.R./92, en ce qu'ils permettent à l'Etat belge d'imposer la pension versée par l'OSSOM à un contribuable, affilié volontaire, qui n'a pas pu déduire les cotisations versées individuellement et volontairement, violent-ils les articles 10, 11 et 172 de la Constitution en créant une discrimination, prohibée par ces dispositions, par rapport aux contribuables qui, ayant souscrit une assurance-vie, bénéficient de l'exonération prévue à l'article 39, § 2, 2°, du C.I.R./92 en ce qui concerne les prestations, lorsqu'ils n'ont pas déduit les cotisations versées ? ». (...) III. En droit (...) B.1.1. La Cour est interrogée sur la compatibilité, avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, des articles 23 et 34 du Code des impôts sur les revenus 1992 (ci-après : CIR 1992), en ce qu'ils permettraient à l'Etat belge d'imposer la pension versée par l'Office de sécurité sociale d'outre-mer (ci-après : l'OSSOM) à un contribuable, affilié volontaire, qui n'a pas pu déduire les cotisations versées individuellement et volontairement.
B.1.2. Le juge a quo compare cette catégorie de contribuables à celle qui, ayant souscrit une assurance-vie, bénéficie de l'exonération prévue à l'article 39, § 2, 2°, du CIR 1992 en ce qui concerne les prestations qui y sont visées, lorsqu'ils n'ont pas déduit les cotisations versées.
B.2. L'article 23 du CIR 1992 dispose : « § 1er. Les revenus professionnels sont les revenus qui proviennent, directement ou indirectement, d'activités de toute nature, à savoir : 1° les bénéfices;2° les profits;3° les bénéfices ou profits d'une activité professionnelle antérieure;4° les rémunérations;5° les pensions, rentes et allocations en tenant lieu. [...] ».
L'article 34 du CIR 1992 dispose : « § 1er. Les pensions, rentes et allocations en tenant lieu comprennent, quels qu'en soient le débiteur, le bénéficiaire, la qualification et les modalités de détermination et d'octroi : 1° les pensions et les rentes viagères ou temporaires, ainsi que les allocations en tenant lieu, qui se rattachent directement ou indirectement à une activité professionnelle; [...] ».
L'article 39, § 2, 2°, du CIR 1992 dispose : « § 2. les pensions, pensions complémentaires, rentes, capitaux, épargnes et valeurs de rachat sont exonérés : [...] 2° dans l'éventualité où ils résultent d'un contrat individuel d'assurance-vie conclu en faveur du contribuable ou de la personne dont il est l'ayant droit et : a) pour lesquels aucune exonération n'a été opérée en vertu de dispositions applicables antérieurement à l'exercice d'imposition 1993, pour lesquels la déduction pour habitation unique visée à l'article 104, 9°, n'a pas été appliquée et pour lesquels la réduction prévue à l'article 145/1, 2°, n'a pas été accordée;b) pour lesquels l'exonération a été refusée en vertu de l'article 15, alinéa 1er, de la loi du 13 juillet 1959;c) pour lesquels il a été renoncé à cette exonération conformément à l'article 15, alinéa 2, de la loi précitée ou à l'article 508;d) qu'ils ne sont pas constitués en tout ou en partie au moyen de cotisations patronales ou de cotisations de l'entreprise, ni de cotisations ou primes visées à l'article 38, § 1er, alinéa 1er, 16°, ni de cotisations qui ont pu entrer en ligne de compte à titre de frais professionnels conformément à l'article 52, 7°bis, ni de cotisations qui ont pu entrer en ligne de compte pour l'application de l'article 145/1, 1°;».
L'article 52,7°bis du CIR 1992 dispose : « Sous réserve des dispositions des articles 53 à 66bis, constituent notamment des frais professionnels : [...] 7°bis les cotisations visées au point 7° incluent notamment les cotisations visées à l'article 45 de la loi programme du 24 décembre 2002, à l'exception des primes ou cotisations payées directement à un organisme de pension par l'Institut national d'assurance maladie invalidité pour des contrats en exécution du régime d'avantages sociaux prévu à l'article 54 de la loi du 14 juillet 1994Documents pertinents retrouvés type loi prom. 14/07/1994 pub. 20/11/2008 numac 2008000938 source service public federal interieur Loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994. - Traduction allemande de dispositions modificatives de l'année 2007 type loi prom. 14/07/1994 pub. 19/12/2008 numac 2008001027 source service public federal interieur Loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 14/07/1994 pub. 08/10/2010 numac 2010000581 source service public federal interieur Loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994. - Traduction allemande de dispositions modificatives du premier semestre de l'année 2010 type loi prom. 14/07/1994 pub. 10/07/2014 numac 2014000464 source service public federal interieur Loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 14/07/1994 pub. 02/02/2018 numac 2018010356 source service public federal interieur Loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 14/07/1994 pub. 07/04/2009 numac 2009000211 source service public federal interieur Loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 14/07/1994 pub. 04/03/2011 numac 2011000117 source service public federal interieur Loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités et qui sont exonérées dans le chef du bénéficiaire en application de l'article 38, alinéa 1er, 16° ».
Enfin l'article 145/1, 1°, du CIR 1992 dispose : « Dans les limites et aux conditions prévues aux articles 145/2 à 145/16, il est accordé une réduction d'impôt calculée sur les dépenses suivantes qui ont été effectivement payées pendant la période imposable : 1° à titre de cotisations et primes personnelles visées à l'article 34, § 1er, 2°, alinéa 1er, a à c, payées à l'intervention de l'employeur par voie de retenue sur les rémunérations du travailleur, ou à l'intervention de l'entreprise par voie de retenue sur les rémunérations du dirigeant d'entreprise qui n'est pas dans les liens d'un contrat de travail ». B.3.1. Le Conseil des ministres soutient que la question n'est pas pertinente pour la solution du litige au motif que ce n'est pas le demandeur devant le juge a quo mais ses employeurs successifs qui ont versé les cotisations volontaires à l'OSSOM. Le Conseil des ministres soutient également que la différence de traitement dénoncée ne trouve pas sa source dans les articles 23 et 34 du CIR 1992 en cause mais dans l'article 39 du même Code.
B.3.2. Il revient en règle à la juridiction a quo de déterminer les normes applicables au litige qui lui est soumis. Lorsque, toutefois, des dispositions qui manifestement ne peuvent être appliquées au litige au fond sont soumises à la Cour, celle-ci n'en examine pas la constitutionnalité.
Comme le relève le juge a quo, il ressort des articles 23 et 34 du CIR 1992 que les pensions qui se rattachent directement ou indirectement à une activité professionnelle sont imposables. Or, d'après le juge a quo, les montants versés par l'OSSOM sont imposables en application de l'article 34, § 1er, 1°, précité, qui ne subordonne pas l'imposition de ces montants à la déduction des cotisations qui ont permis de constituer la pension.
Selon le juge a quo, la lecture de l'article 39, § 2, 2°, du CIR 1992 ferait apparaître qu'il ne s'applique pas à la situation de la première partie requérante et que les exonérations qui y sont prévues doivent être interprétées de manière restrictive dans la mesure où elles constituent une exception au principe de l'imposition des revenus professionnels.
B.3.3. La question préjudicielle n'est pas manifestement dénuée de pertinence.
B.4.1. Le Conseil des ministres fait valoir, à titre subsidiaire, que la question appelle une réponse négative dès lors qu'elle n'identifierait pas des catégories de contribuables suffisamment comparables au regard de la mesure concernée.
B.4.2. En ce que les deux catégories de contribuables ont en commun de percevoir une prestation de nature financière qui, dans un cas, est soumise à l'impôt des personnes physiques et dans l'autre peut en être exonérée, elles se trouvent dans des situations qui sont suffisamment comparables.
B.5.1. Aux termes de l'article 1er de la loi du 17 juillet 1963 relative à la sécurité sociale d'outre-mer, l'OSSOM est un établissement public qui a pour mission de réaliser les assurances organisées par la loi.
L'article 5 de la loi prévoit que l'Office est doté de trois fonds dont l'avoir est individualisé, fait l'objet de placements distincts et constitue la garantie des assurés pour les prestations qui sont à la charge de chacun de ces fonds.
Le paragraphe 2 de la même disposition précise que le Fonds des pensions reprend l'avoir de la Caisse des pensions et allocations familiales des employés du Congo belge et du Ruanda-Urundi, ainsi que ses charges, à l'exception des allocations familiales.
L'article 12 dispose notamment que « peuvent participer au régime facultatif d'assurance vieillesse et survie » les personnes qui exercent leur activité professionnelle dans les pays d'outre-mer désignés par le Roi.
L'article 14 dispose que les assurés ou leurs employeurs peuvent, dans les conditions déterminées par la loi, verser à l'Office des cotisations destinées notamment à l'assurance vieillesse et survie, et dont les montants minimum et maximum sont, en vertu de l'article 15, fixés par le Roi.
Aux termes de l'article 17, a), la cotisation est affectée « à raison de 70 % au financement des rentes de retraite et de survie qui sont à la charge du Fonds des pensions ».
L'article 20 détermine la rente viagère de retraite dont bénéficient les assurés.
B.5.2. Le régime instauré par la loi du 17 juillet 1963 est un système facultatif de sécurité sociale, auquel peuvent s'affilier les personnes qui travaillent dans les pays d'outre-mer désignés par le Roi.
Ce régime concerne « aussi bien les agents qui prestent leurs services dans un secteur public que les employés occupés en exécution d'un contrat de louage de services par des entreprises privées ou même des personnes qui exercent une activité professionnelle indépendante » (Doc. parl., Chambre, 1961-1962, n° 431/1, p. 1).
Ce régime a été élaboré pour « répondre aux préoccupations de ceux qui désirent entreprendre ou poursuivre une carrière outre-mer, et souhaitent être couverts dans leur pays d'origine par des dispositions légales prévoyant un régime d'assurances sociales » (ibid.).
B.5.3. Le régime de l'assurance vieillesse et survie instauré par la loi précitée du 17 juillet 1963 est « basé sur la capitalisation individuelle » (ibid., p. 5) pour ce qui concerne le calcul des rentes de retraite et de survie, avec la garantie de l'Etat belge prévue à l'article 58 de la loi précitée du 17 juillet 1963.
Quant aux prestations auxquelles les assurés peuvent prétendre en raison des versements portés à leur compte, elles sont conçues comme étant « complémentaires [par rapport] à celles que les intéressés peuvent acquérir dans le pays où s'accomplit leur activité professionnelle » (ibid., p. 1).
La participation à la sécurité sociale d'outre-mer exclut en outre, en principe, l'application de la législation belge relative à la sécurité sociale des travailleurs salariés.
B.6.1. Le Conseil des ministres soutient que le régime instauré par la loi du 17 juillet 1963 n'est pas un système de capitalisation sensu stricto, à l'instar des assurances-vie individuelles, mais un système mixte qui est financé partiellement par les cotisations des affiliés ou de leur employeur et partiellement par le Trésor belge, ce qui ne permettrait pas de comparer les deux régimes.
B.6.2. L'article 8 de la loi du 17 juillet 1963 prévoit que l'Office détermine annuellement pour chacun des Fonds la quote-part des prestations garanties tant par cette loi que par celle du 16 juin 1960 qui peut être attribuée aux bénéficiaires au moyen des ressources propres à chacun d'eux.
L'alinéa 2 du même article prévoit toutefois qu'à chacun des Fonds, l'Etat verse chaque année, à titre d'intervention, les sommes qu'il est éventuellement nécessaire d'ajouter à cette quote-part pour assurer le paiement de l'intégralité des prestations garanties.
L'article 154, § 2, de la loi du 22 février 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 22/02/1998 pub. 03/03/1998 numac 1998021087 source services du premier ministre Loi portant des dispositions sociales type loi prom. 22/02/1998 pub. 03/03/1998 numac 1998021086 source services du premier ministre Loi portant certaines dispositions sociales fermer « portant des dispositions sociales » (Moniteur belge, 3 mars 1998) a prévu qu'à partir de l'exercice 1997, l'Etat verserait chaque année à l'Office une subvention égale à la différence entre le montant total des dépenses mises à charge des Fonds et le montant de leurs recettes, la volonté du législateur étant de conserver un système de capitalisation (Doc. parl., Chambre, 1996-1997, n° 1184/3, pp. 5-6).
Le maintien d'un système de capitalisation a encore été rappelé à l'occasion de l'adoption de la loi du 20 juillet 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 20/07/2006 pub. 28/07/2006 numac 2006202314 source service public federal chancellerie du premier ministre Loi portant des dispositions diverses fermer « portant des dispositions diverses » (Moniteur belge, 28 juillet 2006) modifiant plusieurs dispositions de la loi du 17 juillet 1963 en vue de réaliser l'égalité de traitement entre hommes et femmes (Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-2518/001, p. 141).
B.6.3. Par l'adoption de la loi du 17 juillet 1963, le législateur a entendu offrir, moyennant le paiement volontaire de cotisations, une assurance complémentaire qui repose sur un système de capitalisation, à côté de l'éventuel régime de sécurité sociale du pays où l'activité professionnelle est exercée, et qui concurrence dans une certaine mesure les assurances privées.
B.6.4. Contrairement à ce que soutient le Conseil des ministres, les deux systèmes sont, dès lors, comparables.
B.7.1. Le régime d'immunisation fiscale dont bénéficient les prestations qui résultent d'un contrat individuel d'assurance-vie trouve son origine dans l'article 11 de la loi du 8 mars 1951 « modifiant, à partir de l'exercice 1951, les lois et arrêtés relatifs aux impôts sur les revenus et à la contribution nationale de crise, coordonnées par les arrêtés des 15 et 16 janvier 1948 » (Moniteur belge, 19-20 mars 1951).
B.7.2. Les travaux préparatoires de cette loi mentionnent : « La mesure proposée à cet article s'inscrit dans le cadre de l'égalité fiscale. Elle immunise, dans le chef de tous les contribuables, la partie du revenu professionnel affecté au paiement de diverses cotisations, alors que, d'après la législation actuelle, les salariés et appointés sont seuls autorisés à déduire de leurs rémunérations les cotisations retenues au profit des caisses de pensions ou d'assurances.
Cette immunisation s'appliquera : 1° aux cotisations versées en vertu de la législation sur les allocations familiales pour non-salariés;2° aux cotisations librement versées à des sociétés mutualistes au titre d'assurance maladie-invalidité, tant pour le contribuable lui-même que pour les membres de sa famille qui sont à sa charge;3° aux retenues et versements réellement effectués à titre définitif en vue de la constitution d'une pension de retraite ou d'une rente de survie. En ce qui concerne: les cotisations visées sous le 1°, des doutes ont surgi au sujet de la question de savoir si elles ont ou non un caractère professionnel, surtout du fait que dans le chef des contribuables ayant des enfants à charge, il se crée une certaine compensation entre la cotisation versée et l'indemnité familiale reçue. Le texte du projet règle ce point dans un sens favorable.
L'immunité prévue au 2° de l'article 14 pour les cotisations librement versées à des sociétés mutualistes au titre d'assurance maladie-invalidité mettra les assurés libres sur le même pied que les assurés obligatoires.
Le 3° immunise la partie des revenus consacrés à des retenues et versements réellement effectués à titre définitif au profit de caisses de pensions ou d'assurances.
La loi actuelle ne prévoit cette déduction qu'à l'égard des salariés et appointés. Le Gouvernement propose d'étendre cette mesure à tous les contribuables indistinctement.
En matière de sécurité de la vieillesse, l'Etat et les pouvoirs publics assurent depuis toujours, sous forme de pensions de retraite, des moyens d'existence à ceux qui les ont servis.
D'autre part, une ample législation sociale, dont le pays tire une légitime fierté, met à l'abri du besoin les employés et les ouvriers des entreprises privées qui ont atteint l'âge du repos.
Les retenues opérées à charge de ces ouvriers et employés en vue de la constitution d'une pension de retraite, sont admises par la loi fiscale en déduction de leurs revenus imposables.
La sécurité de la vieillesse étant actuellement au premier plan des préoccupations de tous ceux qui vivent de leur travail, il est juste d'admettre en déduction dans le chef de tous les contribuables visés à l'article 25 des lois coordonnées, les sommes qu'ils versent réellement et à titre définitif en vue de la constitution d'un droit viager.
Cependant, pour éviter des abus, le projet de loi fixe une limite à la somme qui sera admise à ce titre.
Ne seront pas immunisées, les sommes, versées aux fins pré-indiquées, que l'intéressé pourrait récupérer sous une forme autre que celle d'un droit viager destiné à assurer sa vieillesse ou la sécurité de sa veuve ou de ses orphelins.
Il va de soi que les pensions servies aux susdites personnes, qui seraient constituées, en tout ou en partie, au moyen de versements dont la déduction est admise dans les limites prévues, seront assimilées aux rentes et pensions taxables [...] » (Doc. parl., Chambre, 1950, n° 215, pp. 12-13).
Le ministre des Finances a également déclaré au Sénat : « [...] si je prends la parole maintenant, c'est pour demander au Sénat de ne pas se rallier à l'amendement présenté par la commission, non pas que cet amendement comporte en soi des conséquences si graves, mais parce que son adoption nécessiterait le renvoi du projet à la Chambre des représentants. Je tiens à attirer votre attention sur les fâcheuses répercussions qu'aurait ce renvoi, alors qu'il ne s'agit pas d'un amendement réellement important ou d'un point sur lequel le Sénat ne peut manifestement partager les vues de la Chambre.
Au fond, il s'agit d'une certaine amélioration, d'un certain perfectionnement apporté encore à un système nouveau introduit dans le cadre de cette égalité fiscale dont je vous ai entretenus hier au cours de la discussion générale. Je vous ai dit que le projet dont nous discutons s'efforçait de réaliser l'égalité fiscale entre salariés et non-salariés, en égalisant notamment la base imposable pour ces deux catégories. Les salariés ont toujours joui de l'immunisation des versements effectués en vue de la constitution d'une pension et, d'une manière générale, des versements opérés dans le cadre de la sécurité sociale. [...] [...] Nous avons essayé d'appliquer ce système aux non-salariés en prévoyant l'exonération des versements faits aux mutualités auxquelles ils s'affilieraient volontairement et également des versements effectués pour la constitution de la pension de vieillesse.
Telle était la première étape du projet examiné par la Chambres des représentants. Au cours de la discussion, il est apparu qu'en général, les non-salariés préféraient payer des primes d'assurance vie en vue de la constitution d'un capital plutôt que d'opérer des versements en vue de la pension de vieillesse. Dès lors, en commission des finances de la Chambre, le gouvernement s'est rallié à un système qui permet d'immuniser également, dans les rémunérations des non-salariés, les primes payées au titre d'assurance vie en vue de la constitution d'un capital. Mais le principe étant posé, il fallait logiquement admettre que ce capital, constitué au moyen de versements immunisés de l'impôt, devait être, en principe, imposable au moment où il serait perçu. En effet, la règle de toutes nos lois d'impôts sur les revenus est qu'une rémunération différée est, en principe, tout aussi bien taxable qu'une rémunération effective. Ainsi, le fonctionnaire en activité paye l'impôt sur son traitement et le fonctionnaire pensionné paye l'impôt sur sa pension, qui est un traitement différé. Pendant l'exercice effectif de leur profession libérale, l'avocat, le médecin auront pu jouir de l'immunisation pour les versements annuels opérés en vue de la constitution soit d'une pension, soit d'un capital à recevoir le jour où ils auront atteint un certain âge. Normalement, ce capital doit être considéré comme une rémunération différée, donc en principe taxable » (Ann. parl., Sénat, 28 février 1951, pp. 903-904).
B.8. Comme la Cour l'a relevé en B.6.3, le régime instauré par la loi du 17 juillet 1963 offre une assurance facultative qui concurrence dans une certaine mesure les assurances privées. Les intéressés qui choisissent de s'affilier en vue d'obtenir une couverture complémentaire dans le cadre d'une assurance vieillesse et survie, comme c'est le cas dans l'espèce soumise au juge a quo, doivent payer des cotisations leur permettant de constituer une pension qui leur sera versée par l'OSSOM. B.9. La différence de traitement repose sur un critère objectif en ce que les dispositions en cause qualifient les pensions qui « se rattachent à une activité professionnelle » de revenus professionnels imposables, y compris celles qui sont allouées par l'OSSOM, alors que les pensions provenant d'un contrat individuel d'assurance vie sont en principe exonérées en vertu de l'article 39, § 2, 2°, du CIR 1992.
B.10. Le système d'affiliation à l'OSSOM n'est pas obligatoire. Il n'y a pas de cotisations pour l'employeur mais seulement de la part du travailleur, lequel peut lui-même fixer - dans certaines limites - le montant qu'il souhaite verser. Comme il a déjà été exposé plus haut, le système d'affiliation à l'OSSOM repose en principe sur une capitalisation des cotisations et non sur un système de répartition comme dans le système de sécurité sociale des travailleurs salariés.
Néanmoins, il y a lieu de tenir compte de la particularité du système d'affiliation à l'OSSOM, qui a été conçu par le législateur pour combler un « vide législatif » en organisant « un régime de sécurité sociale au profit des Belges travaillant outre-mer » (Doc. parl., Chambre, 1962-1963, n° 431/7, p. 2) et qui se fonde, en outre, sur le système antérieur de sécurité sociale obligatoire pour les travailleurs du Congo belge et du Ruanda-Urundi (ibid.). Du reste, les mêmes travaux préparatoires font apparaître que le système proposé est « facultatif et complémentaire » afin de ne pas porter atteinte à la souveraineté des Etats étrangers (ibid., pp. 2, 4 et 5 et Doc. parl, Sénat, 1962-1963, n° 271, p. 3) et à leur système de sécurité sociale.
Par ailleurs, il ressort déjà de l'intitulé de la loi du 17 juillet 1963 relative à la sécurité sociale d'outre-mer que le législateur avait en l'espèce envisagé un système de sécurité sociale, même si ce système entre, dans une certaine mesure, en concurrence avec les assurances privées.
B.11. Il est exact qu'une possibilité de déduction fiscale des cotisations payées à l'OSSOM n'est pas prévue, alors qu'une corrélation existe, pour les contrats individuels d'assurance vie, entre l'exonération des prestations et la déduction des primes, en ce sens qu'aucune exonération n'est plus accordée si les primes ont été déduites. Mais, la circonstance que les cotisations payées à l'OSSOM ne sont pas déductibles fiscalement n'emporte pas encore que le législateur soit tenu d'exonérer des impôts sur les revenus les pensions allouées par l'OSSOM. Le fait que le législateur a entendu encourager fiscalement la conclusion d'assurances vie individuelles n'a pas davantage pour effet de le contraindre à exonérer de l'impôt sur les revenus professionnels les pensions qui proviennent du système d'affiliation à l'OSSOM. B.12. En outre, il n'est pas disproportionné d'imposer les pensions attribuées par l'OSSOM, dès lors que les pouvoirs publics doivent intervenir dans une importante mesure pour combler la différence entre les dépenses et les recettes de l'OSSOM. Du fait d'être elles aussi imposées, les pensions attribuées par l'OSSOM sont, du reste, traitées de la même manière que les autres pensions qui se rattachent à une activité professionnelle antérieure.
Partant, la différence de traitement n'est pas dénuée de justification raisonnable.
B.13. La question préjudicielle appelle une réponse négative.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : Les articles 23 et 34 du Code des impôts sur les revenus 1992 ne violent pas les articles 10, 11 et 172 de la Constitution.
Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 19 septembre 2014.
Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, J. Spreutels