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Arrêt
publié le 13 octobre 2014

Extrait de l'arrêt n° 101/2014 du 10 juillet 2014 Numéro du rôle : 5639 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 101 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, posée par la Cour du travail d'Anvers. La C composée des présidents A. Alen et J. Spreutels, et des juges E. De Groot, J.-P. Snappe, T. Merckx-(...)

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Extrait de l'arrêt n° 101/2014 du 10 juillet 2014 Numéro du rôle : 5639 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 101 de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer relative aux contrats de travail, posée par la Cour du travail d'Anvers.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents A. Alen et J. Spreutels, et des juges E. De Groot, J.-P. Snappe, T. Merckx-Van Goey, F. Daoût et R. Leysen, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président A. Alen, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 22 mai 2013 en cause de Leo Tercken contre la société de droit néerlandais « AD Chemicals BV », dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 27 mai 2013, la Cour du travail d'Anvers a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 101 de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer relative aux contrats de travail, combiné avec les articles 4 et 88 de cette loi, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que, - le travailleur qui a été occupé de façon constante en tant que représentant de commerce, dans le cadre d'un contrat de travail auquel il est mis fin après une année d'ancienneté, soit par le fait de l'employeur sans motif grave, soit par le travailleur lui-même pour motif grave, et qui a apporté à son employeur une clientèle que, contre son gré, il ne peut plus valoriser au terme de sa fonction, subissant de ce fait un préjudice, se voit reconnaître le droit à une indemnité d'éviction, et son employeur se voit imposer l'obligation de payer une telle indemnité; - alors que le travailleur exerçant de façon non constante la fonction de représentant de commerce et le travailleur exerçant, de façon constante ou non, une fonction commerciale sédentaire dans le cadre de laquelle il prospecte la clientèle potentielle, qui étaient liés par un contrat de travail auquel il est mis fin après une année d'ancienneté, soit par le fait de l'employeur sans motif grave, soit par les travailleurs eux-mêmes pour motif grave, et qui ont apporté à leur employeur une clientèle que, contre leur gré, ils ne peuvent plus valoriser au terme de leur fonction, subissant de ce fait un préjudice, ne se voient reconnaître aucun droit à une indemnité d'éviction, et leurs employeurs ne se voient pas imposer l'obligation de payer une telle indemnité ? ». (...) III. En droit (...) B.1. La Cour est interrogée au sujet de l'article 101 de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer relative aux contrats de travail, combiné avec les articles 4 et 88 de cette même loi. Ces dispositions sont libellées comme suit : «

Art. 4.Le contrat de travail de représentant de commerce est le contrat par lequel un travailleur, le représentant de commerce, s'engage contre rémunération à prospecter et visiter une clientèle en vue de la négociation ou la conclusion d'affaires, hormis les assurances, sous l'autorité, pour le compte et au nom d'un ou de plusieurs commettants.

Nonobstant toute stipulation expresse du contrat ou en son silence, le contrat conclu entre commettant et intermédiaire, quelle qu'en soit la dénomination, est réputé jusqu'à preuve du contraire un contrat de travail de représentant de commerce.

Ne sont pas des représentants de commerce aux termes de la présente loi : le commissionnaire, le courtier, le concessionnaire de vente exclusive, l'intermédiaire libre de remettre ses commandes à qui bon lui semble et, en général, l'agent commercial lié à son commettant par un contrat d'entreprise au sens de la loi relative au contrat d'agence commerciale, de mandat salarié ou de tout autre contrat en vertu duquel l'agent commercial n'agit pas sous l'autorité de son commettant ». «

Art. 88.Peut seul invoquer le bénéfice des dispositions du présent titre le représentant de commerce engagé en vue d'exercer sa profession de façon constante, même lorsqu'il est chargé accessoirement par son employeur de tâches d'une autre nature que la représentation commerciale. Ce bénéfice n'est pas accordé à l'employé chargé occasionnellement, avec son travail à l'intérieur de l'entreprise, de démarches auprès de la clientèle, à l'exception du droit inscrit à l'article 90 ». «

Art. 101.Lorsqu'il est mis fin au contrat, soit par le fait de l'employeur sans motif grave, soit par le représentant de commerce pour motif grave, une indemnité d'éviction est due au représentant de commerce qui a apporté une clientèle, à moins que l'employeur n'établisse qu'il ne résulte de la rupture du contrat aucun préjudice pour le représentant de commerce.

Cette indemnité n'est due qu'après une occupation d'un an.

Elle est égale à la rémunération de trois mois pour le représentant de commerce occupé chez le même employeur pendant une période de un à cinq ans. Elle est augmentée de la rémunération de un mois dès le début de chaque période supplémentaire de cinq ans de service chez le même employeur.

Lorsque la rémunération du représentant de commerce consiste en tout ou en partie en commissions, celles-ci sont calculées sur base de la moyenne mensuelle des commissions proméritées pendant les douze mois qui précèdent la date de la cessation du contrat.

L'indemnité d'éviction comprend non seulement la rémunération en cours, mais aussi les avantages acquis en vertu du contrat ».

B.2. La juridiction a quo demande si l'article 101 de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer, combiné avec les articles 4 et 88 de cette même loi, est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que l'indemnité d'éviction est uniquement due au représentant de commerce exerçant sa profession de façon constante et non au « travailleur exerçant la fonction de représentant de commerce de façon non constante [ni] au travailleur exerçant, de façon constante ou non, une fonction commerciale sédentaire dans le cadre de laquelle il prospecte la clientèle ».

B.3.1. L'article 4 précité de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer requiert que celui qui exerce des activités de représentation commerciale prospecte ou visite des personnes ou des établissements qui sont des clients du commettant ou qui peuvent le devenir et qu'il conclue ou négocie avec eux des affaires (Cass., 8 janvier 1970, Pas., 1970, I, p. 387; Cass., 9 juin 1986, Pas., 1986, n° 627; Cass., 9 mai 2011, Pas., 2011, n° 310). Ceci suppose que le représentant de commerce se rende activement auprès des clients (potentiels).

B.3.2. Il découle de l'article 88 de la loi précitée que le bénéfice des dispositions de ce titre IV de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer n'est pas accordé aux travailleurs qui, en vertu de leur contrat de travail, n'exercent pas la représentation commerciale à titre d'activité principale (Cass., 18 avril 1988, Pas., 1988, n° 496; Cass., 28 juin 1999, Pas., 1999, n° 403).

B.4. Les articles 4, 88 et 101 de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer reprennent les articles 2 et 15 de la loi du 30 juillet 1963 fixant le statut des représentants de commerce (Doc. parl., Sénat, S.E. 1974, n° 381/1, pp. 2, 54, 56 et 57).

B.5.1. La loi du 30 juillet 1963 tend à résoudre le problème de « la tendance très marquée de faire échapper les agents de la représentation commerciale aux lois protectrices du travail et au régime de la sécurité sociale » (Doc. parl., Sénat, 1962-1963, n° 185, p. 1). B.5.2. Les travaux préparatoires de la loi du 30 juillet 1963 développent largement la définition de la notion de « représentant de commerce » et la distinction entre cette profession et d'autres. On peut y lire les considérations suivantes : « Il en résulte que le problème consiste à choisir, non limitativement, des critères d'actes accomplis en grand nombre et régulièrement de telle sorte que leur fréquence et leur normalité constituent une activité d'ensemble, de caractère continu et permanent, en principe; en d'autres termes qu'ils constituent ce qu'on est convenu d'appeler une profession.

On peut en conclure qu'il est utile de chercher les critères les plus fréquents qui caractérisent les contrats avenus avec leurs employeurs par ceux qui exercent la profession de représentant de commerce » (Doc. parl., Sénat, 1962-1963, n° 185, pp. 30-31).

B.5.3.1. Le projet de loi qui était à l'origine de la loi précitée du 30 juillet 1963 disposait que le représentant de commerce « s'occupe de façon continue pour compte d'un ou de plusieurs commettants et habituellement en dehors des locaux de l'entreprise, de la négociation ou de la conclusion d'affaires et est rémunéré par des commissions ou des appointements fixes » (Doc. parl., Sénat, 1958-1959, n° 313, p. 11). Il faut déduire de ces termes que « les représentants qui seraient occupés temporairement dans les locaux de l'entreprise, par exemple au cours d'une foire commerciale ou d'une exposition, ne peuvent pour autant être soustraits au bénéfice des dispositions proposées » (ibid., p. 4).

B.5.3.2. Le texte proposé par la Commission de l'Emploi, du Travail et de la Prévoyance sociale du Sénat, qui est devenu l'article 2 de la loi du 30 juillet 1963, prévoyait qu'il fallait entendre par « représentation commerciale » « l'activité qui a pour objet la prospection d'une clientèle en vue de la négociation ou la conclusion d'affaires » (Doc. parl., Sénat, 1962-1963, n° 185, p. 91). La disposition en vertu de laquelle le représentant de commerce est habituellement occupé en dehors des locaux de l'entreprise a donc été remplacée par la disposition en vertu de laquelle le représentant de commerce visite sa clientèle.

B.5.3.3. A cet égard, devant cette commission sénatoriale il avait été précisé : « Il ne s'agit évidemment pas du vendeur d'une firme qui a un bureau de vente dans les propres locaux de la firme, car alors le vendeur se trouve évidemment dans les liens d'un contrat d'emploi, sans que cela puisse être contesté. Mais il ne faudrait pas que l'occupation exceptionnelle du représentant dans l'un des locaux de l'entreprise puisse avoir pour effet de faire échapper le représentant aux mesures spéciales de protection de sa profession.

C'est pourquoi, dans un souci de précision très utile, il est retenu que, nonobstant ces prestations exceptionnelles, le représentant de commerce reste un représentant lorsqu'il est habituellement occupé en dehors des locaux.

Mais aussi a-t-il été jugé opportun d'ajouter à l'article 2 que le bénéfice des droits résultant de la présente loi ' n'est pas accordé à l'employé chargé occasionnellement, avec son travail à l'intérieur de l'entreprise de démarches auprès de la clientèle ' » (ibid., p. 44).

B.5.3.4. A la Chambre, le ministre de l'Emploi et du Travail avait également ajouté : « Lors de la discussion au Sénat, cette définition a été complétée en spécifiant que la représentation commerciale est l'activité qui a pour objet la prospection et la visite d'une clientèle.

Le mot ' prospecter ' dans le sens donné par Larousse et Littré signifie ' explorer '. En d'autres termes rechercher une clientèle nouvelle, tandis que le mot ' visite ' qui a été ajouté lors des débats, met l'accent sur la nécessité d'entretenir la clientèle existante » (Doc. parl., Chambre, 1962-1963, n° 583/2, p. 4).

B.5.4.1. Le projet de loi qui était à l'origine de la loi du 30 juillet 1963 tendait « à exclure du statut des personnes dont les activités dans la représentation commerciale n'ont qu'un caractère occasionnel » (Doc. parl., Sénat, 1958-1959, n° 313, p. 4). Le texte proposé par la Commission de l'Emploi, du Travail et de la Prévoyance sociale du Sénat, et qui est devenu l'article 2 de la loi du 30 juillet 1963, prévoyait : « Le bénéfice des droits découlant de la présente loi est réservé au représentant de commerce, engagé en vue d'exercer sa profession de façon constante, même lorsqu'il est chargé accessoirement par son employeur de tâches d'une autre nature que la représentation commerciale. Ce bénéfice n'est pas accordé à l'employé, chargé occasionnellement, avec son travail à l'intérieur de l'entreprise, de démarches auprès de la clientèle » (Doc. parl., Sénat, 1962-1963, n° 185, p. 91).

B.5.4.2. Devant cette Commission sénatoriale, une attention toute particulière avait été accordée à cette question : « De l'examen approfondi du problème du champ d'application, il semble que l'on puisse conclure en deux points : a) pour être représentant de commerce protégé quant aux droits personnels, nous voulons dire le droit au préavis (par opposition au droit à la commission qui est attaché à l'opération et non à la personne), il faut exercer la profession de façon continue ou habituelle;b) des opérations qui sont de même nature mais qui ne sont conclues qu'occasionnellement ou dans l'exercice d'une profession non habituelle pourront cependant se dérouler dans le cadre de la protection juridique accordée à ce genre d'opérations, comme par exemple le droit à la commission quand l'ordre est accepté en vue d'éviter le bradage par des intermédiaires qui accepteraient des conditions moins favorables.On se heurte ici à une réelle difficulté car il va sans dire que celui qui réalise une seule opération ou quelques opérations pourrait être un courtier ou un commissionnaire dont les opérations sont alors commerciales et relèvent du droit commercial. Cette difficulté ne peut être résolue que par cas d'espèce en prenant à la fois en considération les éléments relatifs à l'opération ou aux opérations en cause, les relations ordinaires entre le vendeur et l'intermédiaire, le genre d'activité normale de celui-ci.

Le projet de formule proposée internationalement semble aboutir pratiquement à une solution assez comparable parce que leurs rédacteurs se sont trouvés dans les mêmes problèmes, notamment le danger du bradage : il ne faut pas inclure les amateurs ou les occasionnels mais il convient d'englober ceux qui exercent la profession de façon accessoire mais constante.

Ainsi trois termes se présentent à l'esprit; continuité, habitude et constance. Comme les langues ne connaissent pas de réels synonymes, le choix est affaire de nuances, mais de toute façon il ne peut être question d'exclure du champ d'application pour le seul motif que la profession est influencée par les saisons.

Les conclusions sur le caractère plus ou moins permanent de la profession, ne peuvent avoir pour effet de rendre licite ce qui ne le serait pas, par exemple, l'exercice constant mais accessoire de la profession par quelqu'un à qui son statut défend de l'exercer, ce qui sera le cas notamment de certains fonctionnaires. [...] [...] C'est dans ce sens que la Commission interprète le texte qu'elle soumet et c'est à ce sens que se ralliera le Parlement s'il adopte le rapport et le projet » (Doc. parl., Sénat, 1962-1963, n° 185, pp. 37-38).

B.5.5.1. La disposition qui est à l'origine de l'article 15 de la loi du 30 juillet 1963 a été justifiée comme suit : « Cette disposition traite de l'indemnité d'éviction de clientèle. [...] L'équité et les réalités de la pratique imposent de plus en plus impérieusement de garantir les représentants contre la perte du fruit de la clientèle que leur travail a fait entrer dans le patrimoine de leur employeur.

Le représentant licencié par son employeur est présumé subir un préjudice particulier lequel résulte du fait qu'est soustraite désormais à son champ de travail la clientèle sur laquelle il avait personnellement acquis une influence et sur laquelle dès lors il pouvait légitimement compter pour ses activités à venir » (Doc. parl. ; Sénat, 1958-1959, n° 313, p. 7).

B.5.5.2. Devant la commission sénatoriale il a encore été ajouté : « Le succès d'un article ou d'un produit auprès de la clientèle résulte de la qualité de celui-ci, de la publicité faite mais aussi, très largement, de l'activité du représentant de commerce.

Le rôle de l'intermédiaire qui présente la marchandise est incontestablement très important parce que c'est lui qui établit les contacts humains avec le client, le convainc, règle toutes sortes de petits problèmes en vue d'aboutir à la réalisation d'une affaire. En fin de compte, le client lui est souvent beaucoup plus attaché qu'au produit, en raison des relations de confiance qui se sont nouées et qui sont à la base d'une fidélité personnelle. L'employeur en bénéficie comme il a bénéficié de l'effort de prospection de son représentant. On pourra souvent dire que la clientèle ' appartient au représentant '. Mais si celui-ci ne travaille plus dans le même secteur économique ou commercial, la perte sera complète pour le représentant tandis que l'employeur continuera à bénéficier en fait du travail de son ancien collaborateur. [...] [...] Le droit à l'indemnité d'éviction ne peut être envisagé que si le représentant a eu l'occasion de créer réellement ou de provoquer un développement sensible de la clientèle » (Doc. parl., Sénat, 1962-1963, n° 185, pp. 75-76).

B.6. Il ressort de la lecture conjointe des articles 4 et 88 précités que le travailleur qui invoque l'existence d'un contrat de travail de représentant de commerce dans le but de réclamer une indemnité d'éviction doit prouver que la représentation commerciale, à savoir la prospection et la visite de clientèle en vue de la négociation ou de la conclusion d'affaires, constitue l'objet principal de son contrat.

Par conséquent, un travailleur qui ne visite pas des personnes ou des établissements qui sont des clients ou qui peuvent le devenir, ou qui n'exerce par la profession de manière constante, n'est pas un représentant de commerce au sens de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer. Il ne peut dès lors prétendre à une indemnité d'éviction, même s'il a apporté une clientèle qu'il ne pourra plus valoriser après son licenciement.

La juridiction a quo demande si la différence de traitement qui en découle est compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.7. La différence de traitement en cause repose sur un critère objectif, à savoir le fait que le travailleur qui exerce la profession de représentant de commerce visite ou non ses clients et le fait qu'il exerce cette profession de façon constante ou non.

B.8. Dans la mesure où le législateur souhaite protéger les représentants de commerce d'une tendance visant à les soustraire à la législation du travail, il poursuit un but légitime. La différence de traitement en cause est pertinente par rapport à cet objectif, étant donné que cette tendance ne s'est avérée qu'à l'égard des représentants de commerce et non à l'égard d'autres professions et que ces autres professions bénéficient déjà de la protection d'autres lois.

B.9. La Cour doit cependant encore vérifier si la différence de traitement en cause ne produit pas d'effets disproportionnés par rapport au but poursuivi.

B.10.1. Il ressort des travaux préparatoires cités en B.5.3.3 que les dispositions en cause exigent uniquement que le représentant de commerce visite habituellement ses clients. Le fait qu'un travailleur qui exerce la profession de représentant de commerce occupe occasionnellement un des locaux de l'entreprise ou exerce sa fonction sur une foire commerciale n'implique pas qu'il ne puisse plus être considéré comme un représentant de commerce. Dans les travaux préparatoires, il a été indiqué : « Plusieurs propositions et le projet introduisent la notion que l'occupation occasionnelle dans les locaux de l'entreprise ne peut avoir pour effet de soustraire un représentant au bénéfice des dispositions protectrices envisagées. L'une des propositions explique que ' les auteurs veulent signifier que ne peuvent être soustraits du bénéfice du statut les représentants qui, temporairement, travaillent dans les locaux de l'entreprise, comme tel est notamment le cas du représentant qui négocie des affaires au cours d'une foire commerciale ou d'une exposition '. [...] [...] Mais il ne faudrait pas que l'occupation exceptionnelle du représentant dans l'un des locaux de l'entreprise puisse avoir pour effet de faire échapper le représentant aux mesures spéciales de protection de sa profession.

C'est pourquoi, dans un souci de précision très utile, il est retenu que, nonobstant ces prestations exceptionnelles, le représentant de commerce reste un représentant lorsqu'il est habituellement occupé en dehors des locaux » (Doc. parl., Sénat, 1962-1963, n° 185, p. 44).

B.10.2. Le travailleur d'une entreprise qui a un bureau de vente dans les locaux de cette dernière et qui y exerce son activité est exclu de la représentation commerciale, même lorsqu'il « est chargé occasionnellement, avec son travail à l'intérieur de l'entreprise, de démarches auprès de la clientèle » (Doc. parl., Sénat, 1962-1963, n° 185, p. 44). En effet, il ne doit pas prospecter activement ses clients, étant donné que ceux-ci viennent en personne à son bureau. Un représentant de commerce, en revanche, de par la nature de sa profession, « [recherche] la clientèle directement chez elle » (ibid., 19).

B.11.1. Les dispositions en cause n'empêchent pas le représentant de commerce d'exercer sa profession à temps partiel ou à titre d'activité complémentaire. Elles exigent uniquement qu'il exerce sa profession de façon constante. Lors de la discussion de ce qui est devenu la loi du 30 juillet 1963, une proposition visant à limiter le contrat de représentant de commerce au travailleur qui exerce cette profession à titre principal a été rejetée. A cet égard, devant la commission sénatoriale, il a été considéré : « Sur le plan de la réalité sociale, la limitation à la profession principale ne s'adapterait pas au fait que de nombreux représentants de commerce n'exercent pas cette profession de façon exclusive. La notion de ' principale ' implique d'ailleurs que l'on a deux professions au moins. La principale sera-t-elle la profession à laquelle on accorde le plus d'heures ou de jours ?, et quelle preuve pourrait-on en faire ?, et en quoi cela regarde-t-il l'employeur qui obtient une commande par cet intermédiaire ? En quoi cela peut-il modifier les rapports entre le patron et le voyageur ? Ou bien le caractère principal résultera-t-il de la comparaison des gains provenant des deux professions ?, et alors, les mêmes objections sont valables sans compter les difficultés pratiques considérables que cette distinction pourrait soulever. [...] C'est pour toutes ces raisons qu'après un long examen de la question, la Commission a estimé [...] ne pas pouvoir retenir le concept de profession principale » (Doc. parl., Sénat, 1962-1963, n° 185, p. 36).

B.11.2. Il découle en outre de l'article 88 de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer que le travailleur qui n'exerce pas la profession de représentant de commerce de façon constante mais est chargé occasionnellement, avec son travail à l'intérieur de l'entreprise, de démarches auprès de la clientèle de l'entreprise, peut prétendre le cas échéant au droit inscrit à la commission visée à l'article 90 de cette loi.

B.12. Bien que le travailleur qui ne visite pas des personnes ou des établissements qui sont des clients ou qui peuvent le devenir, ou qui n'intervient pas en tant que représentant de commerce de façon constante, ne puisse prétendre à l'indemnité d'éviction prévue à l'article 101 de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer, lorsqu'il est mis fin à son contrat de travail après une durée d'activité d'au moins un an, soit par le fait de l'employeur sans motif grave soit par lui-même pour motif grave, il peut prétendre au délai ou à l'indemnité de préavis prévus au chapitre IV de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer. Il n'est donc pas exclu de toute indemnité.

B.13. Eu égard à ce qui précède, la différence de traitement en cause n'est pas sans justification raisonnable.

B.14. La question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 101 de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer relative aux contrats de travail, combiné avec les articles 4 et 88 de la même loi, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 10 juillet 2014.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, A. Alen

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