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Arrêt
publié le 29 juillet 2013

Extrait de l'arrêt n° 87/2013 du 13 juin 2013 Numéro du rôle : 5435 En cause : le recours en annulation de l'article 2 du décret de la Région flamande du 16 mars 2012 portant reprise du Service des taxes de circulation, introduit par la SA « La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et R. Henneuse, et des juges A. Al(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 87/2013 du 13 juin 2013 Numéro du rôle : 5435 En cause : le recours en annulation de l'article 2 du décret de la Région flamande du 16 mars 2012 portant reprise du Service des taxes de circulation, introduit par la SA « Bouw- en Coördinatiebureau D&V » et autres.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et R. Henneuse, et des juges A. Alen, J.-P. Snappe, J. Spreutels, T. MerckxVan Goey et F. Daoût, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président M. Bossuyt, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 22 juin 2012 et parvenue au greffe le 25 juin 2012, un recours en annulation de l'article 2 du décret de la Région flamande du 16 mars 2012 portant reprise du Service des taxes de circulation (publié au Moniteur belge du 5 avril 2012) a été introduit par la SA « Bouw- en Coördinatiebureau D & V », dont le siège est établi à 8670 Koksijde, Berglaan 15, Dirk Cornelissis, demeurant à 8310 Bruges, Daverlostraat 52, Kris Gantois, demeurant à 8630 Furnes, Acacialaan 20, la SPRL « Kantoor Perquy », dont le siège est établi à 8020 Oostkamp, Brugsestraat 113, Nadia Vandierendonck, demeurant à 8310 Bruges, Ferry De Grosstraat 4, la SPRL « Adviesburo Becquart », dont le siège est établi à 8670 Koksijde, Zeelaan 63, Els Laurez, demeurant à 8700 Tielt, Wingensesteenweg 89, la SPRL « Vermeesch Erwin », dont le siège est établi à 8670 Koksijde, Berglaan 15, Alexander Bakker, demeurant à 1780 Wemmel, avenue des Alouettes 67, Patrick Verbeek, demeurant à 3150 Haacht, Woeringstraat 75, et Jan Laforce, demeurant à 8700 Tielt, Kalverstraat 5. (...) II. En droit (...) La disposition attaquée B.1.1. L'article 2 du décret de la Région flamande du 16 mars 2012 « portant reprise du Service des taxes de circulation » dispose : « A partir du 1er janvier 2011, la Région flamande assure le service de la taxe de circulation sur les véhicules automobiles, [de] la taxe de mise en circulation et [de] l'eurovignette, [visées] à l'article 3, alinéa premier, 10° à 12°, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des Communautés et des Régions ».

B.1.2. L'exposé des motifs du projet de décret qui a donné lieu à la disposition attaquée la justifie comme suit : « L'article 5, § 3, deuxième phrase, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions dispose : ' A partir de la deuxième année budgétaire suivant la date de notification du gouvernement de région au gouvernement fédéral de la décision d'assurer elle-même le service des impôts concernés, la région concernée assure le service de ces impôts. '.

Bien que le législateur spécial ait habilité directement le Gouvernement de région à procéder à la notification par laquelle la compétence relative au service des impôts est transférée à la région, la question s'est posée ultérieurement de savoir si le Gouvernement de région ne devait pas être habilité à cet effet par le législateur décrétal. [...] Le Conseil d'Etat paraît être de cet avis. Afin de garantir juridiquement la perception des taxes de circulation, ainsi que les recettes qui en découlent pour le budget des voies et moyens, il est donc indiqué de confirmer de manière décrétale la reprise du service des taxes de circulation par la Région flamande » (Doc. parl., Parlement flamand, 2011-2012, n° 1430/1, p. 3).

Quant à la recevabilité En ce qui concerne les personnes morales B.2.1. Le Gouvernement flamand conteste la recevabilité du recours introduit par la SA « Bouw- en Coördinatiebureau D & V », la SPRL « Kantoor Perquy », la SPRL « Adviesburo Becquart » et la SPRL « Vermeesch Erwin », parce que ces personnes morales auraient omis de produire la preuve de la décision d'intenter le recours.

B.2.2. En vertu de l'article 7, alinéa 3, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, les personnes morales qui introduisent un recours en annulation doivent produire, à la première demande, la preuve de la décision d'intenter ce recours. Cette décision doit, sous peine d'irrecevabilité, avoir été prise dans le délai d'introduction du recours, même si cette preuve peut être apportée jusqu'au moment de la clôture des débats.

B.2.3. Les pièces produites en annexe à la requête ne font pas apparaître qu'il est satisfait aux conditions de l'article 7, alinéa 3, de la loi spéciale du 6 janvier 1989. En outre, la SA « Bouw- en Coördinatiebureau D & V », la SPRL « Kantoor Perquy », la SPRL « Adviesburo Becquart » et la SPRL « Vermeesch Erwin » ont omis de produire la preuve réclamée par le greffier le 14 mars 2013.

B.2.4. Le recours introduit par la SA « Bouw- en Coördinatiebureau D & V », par la SPRL « Kantoor Perquy », par la SPRL « Adviesburo Becquart » et par la SPRL « Vermeesch Erwin » n'est pas recevable.

En ce qui concerne l'intérêt B.3.1. Le Gouvernement flamand conteste l'intérêt des parties requérantes parce que les procédures judiciaires auxquelles elles sont parties ne concernent que la taxe de circulation sur les véhicules automobiles - et non l'eurovignette - et qu'il ne serait pas compatible avec l'article 5, § 3, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions que la reprise du service de la taxe de circulation sur les véhicules automobiles et de la taxe de mise en circulation soit déclarée inconstitutionnelle avec pour conséquence que ce service serait à nouveau assuré par l'autorité fédérale, tandis que le service de l'eurovignette continuerait à être assuré par la Région flamande.

B.3.2. Les parties requérantes ont introduit une réclamation contre la taxe de circulation établie à leur nom. Elles contestent la reprise d'instance faite par voie de conclusions par la Région flamande dans les procédures judiciaires qu'elles ont intentées à l'encontre de l'Etat belge, parce que la reprise du service de la taxe de circulation sur les véhicules automobiles par la Région flamande ne leur serait pas opposable.

B.3.3. Les parties requérantes contestent le caractère opposable de la reprise, par la Région flamande, du service de la taxe de circulation sur les véhicules automobiles à partir du 1er janvier 2011. Elles justifient de l'intérêt requis pour demander l'annulation de la disposition en vertu de laquelle la Région flamande a repris ledit service. Le fait que l'annulation de la disposition attaquée entraînerait également la mise à néant de la reprise du service de l'eurovignette n'y fait pas obstacle.

B.3.4. L'exception est rejetée.

Quant au fond B.4. Les parties requérantes soutiennent que l'article 2 attaqué du décret du 16 mars 2012 n'est pas compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison, d'une part, avec le principe de la séparation des pouvoirs qui serait contenu dans les articles 33, 36, 37, 40 et 41, alinéa 1er, de la Constitution (premier moyen) et, d'autre part, avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec le principe général du droit de la bonne administration de la justice (second moyen). Dans les deux moyens, les parties requérantes font grief à la disposition attaquée d'intervenir avec effet rétroactif dans des procédures judiciaires en cours. Il convient par conséquent d'examiner les deux moyens conjointement.

B.5.1. Aux termes de l'article 3, alinéa 1er, 10°, 11° et 12°, de la loi spéciale du 16 janvier 1989 relative au financement des communautés et des régions, la taxe de circulation sur les véhicules automobiles, la taxe de mise en circulation et l'eurovignette sont des impôts régionaux.

B.5.2. L'article 5, § 3, alinéa 1er, de cette même loi spéciale dispose à ce sujet : « A moins que la région n'en décide autrement, l'Etat assure gratuitement dans le respect des règles de procédure qu'il fixe, le service des impôts visés à l'article 3, alinéa 1er, 1° à 8° et 10° à 12°, pour le compte de la région et en concertation avec celle-ci. A partir de la deuxième année budgétaire suivant la date de notification du gouvernement de région au gouvernement fédéral de la décision d'assurer elle-même le service des impôts concernés, la région concernée assure le service de ces impôts. Le transfert du service des impôts à une région peut se faire uniquement par groupe d'impôts : - les impôts visés à l'article 3, alinéa 1er, 1° à 3°; - l'impôt visé à l'article 3, alinéa 1er, 5°; - les impôts visés à l'article 3, alinéa 1er, 4° et 6° à 8°; - les impôts visés à l'article 3, alinéa 1er, 10° à 12° ».

B.5.3. Le Gouvernement flamand a décidé le 10 juillet 2008 d'assurer lui-même le service de la taxe de circulation sur les véhicules automobiles, de la taxe de mise en circulation et de l'eurovignette à partir du 1er janvier 2010. Par décision du 16 octobre 2009, le Gouvernement flamand a reporté ce transfert au 1er janvier 2011.

B.5.4. Le chapitre V (« Reprise du Service des taxes de circulation ») du décret du 9 juillet 2010 « contenant diverses mesures d'accompagnement de l'ajustement du budget 2010 » contient des modifications, d'une part, aux dispositions du Code des taxes assimilées aux impôts sur les revenus qui règlent, entre autres, la taxe de circulation sur les véhicules automobiles et la taxe de mise en circulation et, d'autre part, à la loi du 27 décembre 1994Documents pertinents retrouvés type loi prom. 27/12/1994 pub. 02/02/2016 numac 2016015011 source service public federal affaires etrangeres, commerce exterieur et cooperation au developpement Loi portant assentiment de l'Accord relatif à la perception d'un droit d'usage pour l'utilisation de certaines routes par des véhicules utilitaires lourds, signé à Bruxelles le 9 février 1994, entre les gouvernements de la République fédérale d'Allemagne, du Royaume de Belgique, du Royaume du Danemark, du grand-duché de Luxembourg et du Royaume des Pays-Bas et instaurant une Eurovignette, conformément à la Directive 93/89/CEE du Conseil des Communautés européennes du 25 octobre 1993 type loi prom. 27/12/1994 pub. 03/09/2019 numac 2019041954 source service public federal affaires etrangeres, commerce exterieur et cooperation au developpement Loi portant assentiment de l'Accord relatif à la perception d'un droit d'usage pour l'utilisation de certaines routes par des véhicules utilitaires lourds, signé à Bruxelles le 9 février 1994, entre les Gouvernements de la République fédérale d'Allemagne, du Royaume de Belgique, du Royaume du Danemark, du grand-duché de Luxembourg et du Royaume des Pays-Bas et instaurant une Eurovignette, conformément à la Directive 93/89/CEE du Conseil des Communautés européennes du 25 octobre 1993. -- Addendum fermer « portant assentiment de l'Accord relatif à la perception d'un droit d'usage pour l'utilisation de certaines routes par des véhicules utilitaires lourds, signé à Bruxelles le 9 février 1994, entre les Gouvernements de la République fédérale d'Allemagne, du Royaume de Belgique, du Royaume du Danemark, du Grand-Duché de Luxembourg et du Royaume des Pays-Bas et instaurant une Eurovignette, conformément à la directive 93/89/CEE du Conseil des Communautés européennes du 25 octobre 1993 ».

Il ressort des travaux préparatoires de ces dispositions que le législateur décrétal entendait organiser la perception et le recouvrement des taxes de circulation reprises par la Région flamande, autant que faire se peut, sur le modèle des autres impôts régionaux (Doc. parl., Parlement flamand, 2009-2010, n° 508/1, p. 8).

B.5.5. En exécution de ces dispositions, le Gouvernement flamand a pris le 10 décembre 2010 un arrêté « portant la création d'une instance de contrôle flamande du respect des lois sur les taxes de circulation et portant modification de diverses dispositions » (Moniteur belge du 3 février 2011). Dans son avis du 10 novembre 2010Documents pertinents retrouvés type avis prom. 10/11/2010 pub. 24/11/2010 numac 2010002070 source service public federal personnel et organisation Avis relatif à la représentativité d'organisations syndicales dans les services publics fédéraux. - Organisations syndicales qui sont représentatives pour siéger dans le comité de secteur II- Finances, ainsi que dans les comités de concertation correspondants . - Publication en exécution de l'article 65 de l'arrêté royal du 28 septembre 1984 fermer sur le projet de cet arrêté, la section de législation du Conseil d'Etat a observé qu'« il peut être admis que [la décision du 10 juillet 2008] a été confirmée tacitement par le chapitre V du décret du 9 juillet 2010 » (Doc. parl., Parlement flamand, 2011-2012, n° 1430/1, p. 13).

B.6. Il ressort des travaux préparatoires cités en B.1.2 que la disposition attaquée entendait confirmer avec effet rétroactif la reprise du service des taxes de circulation par la Région flamande.

En conséquence de ce transfert, comme la Cour l'a relevé en B.3.2, la Région flamande a repris l'instance par voie de conclusions en tant que successeur de l'Etat belge dans plusieurs procédures judiciaires engagées par les parties requérantes et qui sont encore en cours.

B.7. La rétroactivité d'une norme législative ne se justifie que si elle est indispensable à la réalisation d'un objectif d'intérêt général. S'il s'avère en outre que la rétroactivité a pour but ou pour conséquence que l'issue de l'une ou l'autre procédure juridictionnelle soit influencée dans un sens déterminé ou que les juridictions soient empêchées de se prononcer sur une question de droit bien précise, la nature du principe en cause exige que des circonstances exceptionnelles ou des motifs impérieux d'intérêt général justifient l'intervention du législateur, laquelle porte atteinte, au préjudice d'une catégorie de citoyens, aux garanties juridictionnelles offertes à tous.

B.8.1. La disposition attaquée vise à mettre fin à l'insécurité juridique née après que le Conseil d'Etat eut observé, dans son avis sur un avant-projet de décret de la Région wallonne « ratifiant la décision du transfert à la Région wallonne du service de la taxe sur les jeux et paris, de la taxe sur les appareils automatiques de divertissement et de la taxe d'ouverture de débits de boissons fermentées », que le transfert du service d'un impôt régional requérait une décision préalable du législateur décrétal (Doc. parl., Parlement wallon, 2007-2008, n° 833/1, p. 7). Le législateur décrétal flamand a voulu « garantir juridiquement » la perception des taxes de circulation et les recettes qui en découlent pour le budget des voies et moyens (Doc. parl., Parlement flamand, 2011-2012, n° 1430/1, p. 3).

B.8.2. Comme la Cour l'a indiqué en B.5.3, deux décisions avaient été prises par le Gouvernement flamand afin d'assurer lui-même le service de la taxe de circulation sur les véhicules automobiles. S'il est exact que ces décisions n'ont pas été publiées au Moniteur belge, le décret du 9 juillet 2010 et l'arrêté du 10 décembre 2010 ont effectivement fait l'objet d'une telle publication, de sorte que les parties requérantes pouvaient en prendre connaissance.

En outre, comme la Cour l'a relevé en B.5.5, la section de législation du Conseil d'Etat, dans son avis sur cet arrêté, n'a pas manqué de souligner que le décret du 9 juillet 2010 pouvait constituer la confirmation tacite de la décision du Gouvernement flamand.

B.8.3. Compte tenu de ce que la taxe de circulation sur les véhicules automobiles, la taxe de mise en circulation et l'eurovignette sont des impôts régionaux et de ce que, comme le relèvent les travaux préparatoires du décret attaqué, le Conseil d'Etat a déjà observé à plusieurs reprises que le transfert du service d'un impôt régional requiert une décision préalable du législateur décrétal, les parties requérantes pouvaient raisonnablement s'attendre à ce qu'un décret, tel celui dont elles demandent l'annulation, soit adopté et à ce que, pour des motifs de sécurité juridique, une portée rétroactive lui soit conférée.

B.8.4. Il suit de ce qui précède que la disposition attaquée répond aux exigences décrites en B.7.

B.9. Les moyens ne sont pas fondés.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 13 juin 2013.

Le greffier, F. Meersschaut Le président, M. Bossuyt

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