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Arrêt
publié le 01 août 2012

Extrait de l'arrêt n° 60/2012 du 3 mai 2012 Numéro du rôle : 5155 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 37, § 3, de la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs aya La Cour constitutionnelle, composée des présidents R. Henneuse et M. Bossuyt, et des juges E. De(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 60/2012 du 3 mai 2012 Numéro du rôle : 5155 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 37, § 3, de la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié infraction et à la réparation du dommage causé par ce fait, tel qu'il a été modifié par la loi du 13 juin 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/06/2006 pub. 19/07/2006 numac 2006009573 source service public federal justice Loi modifiant la législation relative à la protection de la jeunesse et à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié infraction fermer, posée par le Tribunal de la jeunesse de Mons.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents R. Henneuse et M. Bossuyt, et des juges E. De Groot, L. Lavrysen, J.-P. Moerman, E. Derycke et P. Nihoul, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président R. Henneuse, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par jugement du 31 mai 2011 en cause du ministère public et autres contre J.R. et autres, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 3 juin 2011, le Tribunal de la jeunesse de Mons a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 37, § 3, de la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer (modifiée par la loi du 13 juin 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/06/2006 pub. 19/07/2006 numac 2006009573 source service public federal justice Loi modifiant la législation relative à la protection de la jeunesse et à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié infraction fermer), en ce qu'il prive le jeune, âgé de plus de 16 ans mais de moins de 17 ans au moment des faits et ne faisant l'objet d'aucun jugement prononcé antérieurement aux trois mois de sa majorité, de pouvoir bénéficier de l'entièreté des mesures protectionnelles visées à l'article 37, § 2, viole-t-il les articles 10, 11 et/ou 22bis de la Constitution ? ». (...) III. En droit (...) B.1. L'article 37, § § 1er et 2, de la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer « relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié infraction et à la réparation du dommage causé par ce fait » précise les mesures de garde, de préservation et d'éducation, ci-après dénommées « mesures protectionnelles », qui peuvent être ordonnées par le tribunal de la jeunesse à l'égard des personnes qui lui sont déférées.

L'article 37, § 3, alinéas 1er et 2, de cette loi, tel qu'il a été modifié pour partie par l'article 7, 7°, de la loi du 13 juin 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/06/2006 pub. 19/07/2006 numac 2006009573 source service public federal justice Loi modifiant la législation relative à la protection de la jeunesse et à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié infraction fermer « modifiant la législation relative à la protection de la jeunesse et à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié infraction », dispose : « Les mesures prévues au § 2, 2° à 11°, sont suspendues lorsque l'intéressé se trouve sous les armes. Elles prennent fin lorsque l'intéressé atteint dix-huit ans.

Toutefois, à l'égard des personnes visées à l'article 36, 4°, et sans préjudice du § 2, alinéa 4, et de l'article 60 : 1° à la requête de l'intéressé ou, en cas de mauvaise conduite persistante ou de comportement dangereux de l'intéressé, sur réquisition du ministère public, une prolongation de ces mesures peut être ordonnée, par jugement, pour une durée déterminée ne dépassant pas le jour où l'intéressé atteindra l'âge de vingt ans.Le tribunal est saisi de la requête ou de la réquisition dans les trois mois précédant le jour de la majorité de l'intéressé; 2° ces mesures pourront être ordonnées par jugement pour une durée déterminée ne dépassant pas le jour où l'intéressé atteindra vingt ans, lorsqu'il s'agit de personnes qui ont commis un fait qualifié infraction après l'âge de dix-sept ans ». L'alinéa 2, 2°, de cet article 37, § 3, a encore été modifié par l'article 7, 7°, d) de la loi du 13 juin 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/06/2006 pub. 19/07/2006 numac 2006009573 source service public federal justice Loi modifiant la législation relative à la protection de la jeunesse et à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié infraction fermer précitée, mais cette modification n'entre en vigueur que le 1er janvier 2013, compte tenu de l'article 3 de la loi du 24 juillet 2008 portant des dispositions diverses (II) et de l'article 13 de la loi du 29 décembre 2010 portant des dispositions diverses (II). Cette modification consiste à remplacer les mots « vingt ans » par les mots « vingt-trois ans » et les mots « dix-sept ans » par les mots « seize ans ».

B.2.1. Le juge a quo interroge la Cour sur la compatibilité, avec les articles 10, 11 et 22bis de la Constitution, de l'article 37, § 3, précité, en ce qu'il prive le jeune âgé de plus de 16 ans mais de moins de 17 ans au moment des faits et ne faisant pas l'objet d'un jugement antérieur prononcé au moins trois mois avant sa majorité, de la possibilité de bénéficier de l'intégralité des mesures protectionnelles visées à l'article 37, § 2.

B.2.2. Il ressort des faits de la cause et des motifs de la décision de renvoi que le Tribunal de la jeunesse est saisi d'une affaire qui concerne un jeune devenu majeur, poursuivi pour avoir commis un crime à l'âge de seize ans et qui a uniquement fait l'objet de mesures provisoires; le procureur du Roi demande le dessaisissement de ce Tribunal de la jeunesse.

Or, l'article 57bis, § 1er, de la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer subordonne la décision de dessaisissement à l'appréciation par le tribunal de la jeunesse de l'inadéquation d'une mesure protectionnelle.

Il résulte de la combinaison des articles 37, § 3, alinéa 2, 2°, et 57bis, § 1er, de la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer que les personnes déférées au tribunal de la jeunesse en raison d'un fait qualifié infraction après l'âge de dix-huit ans sont traitées différemment selon qu'elles ont commis ce fait à l'âge de seize ans ou à l'âge de dix-sept ans. Dans le second cas, elles peuvent faire l'objet de mesures protectionnelles jusqu'à l'âge de vingt ans et peuvent éviter un dessaisissement du tribunal de la jeunesse si ce tribunal estime les mesures protectionnelles adéquates; dans le premier cas, elles ne peuvent faire l'objet de l'ensemble des mesures protectionnelles, ce qui prive en outre le tribunal de la jeunesse de son pouvoir d'apprécier l'adéquation ou non de ces mesures et, dès lors, d'ordonner ou non un dessaisissement.

B.2.3. Contrairement à ce que soutient le Conseil des ministres, le juge a quo indique clairement les deux catégories de personnes qui doivent être comparées. La question préjudicielle est par conséquent recevable.

B.3. La possibilité de prolonger les mesures protectionnelles au-delà de l'âge de dix-huit ans trouve son origine dans la loi du 19 janvier 1990 « abaissant à dix-huit ans l'âge de la majorité civile ».

Le législateur a voulu éviter que l'abaissement de l'âge de la majorité civile à 18 ans ait pour effet de mettre fin prématurément aux mesures prises par le tribunal de la jeunesse à l'égard des jeunes qui, étant mineurs, ont commis un fait qualifié infraction : « Il convient dès lors de privilégier l'action continue du tribunal de la jeunesse, sans quoi l'abaissement de l'âge de la majorité à 18 ans risque d'entraîner le renvoi systématique des jeunes de 16 à 17 ans devant le tribunal correctionnel.

Refuser d'adapter la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer reviendrait ainsi à instaurer une majorité pénale de fait de 16 ans » (Doc. parl., Chambre, 1988-1989, n° 42/3, p. 38).

Cette loi a dès lors introduit dans la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer un article 37bis, dont le paragraphe 2 disposait : « Si le mineur a commis un fait qualifié crime ou délit et qu'il est âgé de dix-sept ans, le tribunal de la jeunesse peut, lorsqu'il prend l'une des mesures prévues à l'article 37, alinéa 2, 2°, 3° ou 4°, décider que la cause lui sera de nouveau soumise dans les trois mois qui précèdent la majorité en vue du maintien ou de l'application de l'une de ces mesures pour un terme qui ne pourra dépasser le jour où l'intéressé atteint l'âge de vingt ans ».

Il ressort des travaux parlementaires que le législateur a voulu à l'époque prendre en considération l'âge du jeune à la date de la décision du tribunal de la jeunesse et non l'âge au moment des faits (Doc. parl., Sénat, 1989-1990, n° 634-2, p. 18).

B.4.1. A la suite de l'arrêt de la Cour n° 2/92 du 15 janvier 1992, cet article a été abrogé par l'article 3 de la loi du 24 décembre 1992 « modifiant les articles 36, 4°, et 37 et abrogeant l'article 37bis de la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à la protection de la jeunesse et y insérant un article 43bis ».

L'article 2 de cette loi du 24 décembre 1992 remplace l'article 37 de la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer. Dans son alinéa 5, 2°, cet article prévoit qu'« à l'égard des personnes qui ont commis un fait qualifié infraction après l'âge de 17 ans, ces mesures pourront être ordonnées par jugement pour une durée déterminée ne dépassant pas le jour où l'intéressé atteindra l'âge de 20 ans accomplis ».

B.4.2. L'article 37 de la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer est à nouveau remplacé par l'article 2 de la loi du 2 février 1994 modifiant la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer relative à la protection de la jeunesse. Le paragraphe 3, alinéa 2, 2°, de cet article dispose alors que « ces mesures pourront être ordonnées par jugement pour une durée déterminée ne dépassant pas le jour où l'intéressé atteindra vingt ans, lorsqu'il s'agit de personnes qui ont commis un fait qualifié infraction après l'âge de dix-sept ans ».

B.4.3. Il ressort du texte et des travaux préparatoires des lois du 24 décembre 1992 et du 2 février 1994 que le législateur a maintenu l'objectif qu'il poursuivait en 1990, à savoir éviter un renvoi systématique devant le tribunal correctionnel des jeunes qui ont commis à l'âge de seize ou dix-sept ans un fait qualifié infraction tout en empêchant une impunité totale de ces jeunes, lorsqu'ils atteignent l'âge de dix-huit ans : « Le Ministre souligne que la proposition tend à réaliser un équilibre. D'une part, étant donné que l'on ne peut laisser impuni un jeune délinquant qui a presque atteint l'âge de la majorité, il faut prévoir la possibilité d'imposer des mesures de protection de la jeunesse qui demeurent applicables après cet âge. D'autre part, le but ne peut pas être de se montrer plus répressif à l'égard de ces jeunes.

Le texte de loi proposé, qui doit toujours être considéré dans le cadre global de la loi relative à la protection de la jeunesse, contient des garanties suffisantes à cet égard. Par ailleurs, il ne se justifierait pas non plus d'obliger un jeune de 17 ans à comparaître deux fois devant le juge en un an. Enfin, il faut également éviter que les juges de la jeunesse se dessaisissent systématiquement de l'affaire lorsque les intéressés sont âgés de plus de 17 ans.

Les membres estiment que le dernier argument est décisif. La compétence du juge de la jeunesse doit être aussi étendue que possible » (Doc. parl., Chambre, 1992-1993, n° 699/4, p. 6).

Des amendements visant à déférer ces jeunes devant les juridictions pénales ordinaires ont, par ailleurs, été rejetés à une très large majorité (Doc. parl., Chambre, 1991-1992, n° 532/9, pp. 19, 20 et 49;

Doc. parl., Sénat, 1992-1993, n° 633-2, pp. 47 à 53; Doc. parl., Chambre, 1991-1992, n° 532/15, pp. 3 et 7).

B.5. La volonté du législateur d'éviter le dessaisissement automatique du tribunal de la jeunesse pour les jeunes âgés de 16 et 17 ans au moment où les faits ont été commis est encore confirmée par les travaux préparatoires de la loi du 13 juin 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/06/2006 pub. 19/07/2006 numac 2006009573 source service public federal justice Loi modifiant la législation relative à la protection de la jeunesse et à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié infraction fermer, dont l'article 7, 7°, a à nouveau modifié l'article 37, § 3, en cause : « Le dessaisissement constitue un aveu d'échec du système spécifique aux mineurs. En effet, le tribunal peut se dessaisir lorsqu'il constate que les mesures de protection de la jeunesse sont inadéquates face au jeune qui lui est déféré. Or, l'intéressé reste, malgré tout, une personne mineure. C'est la raison pour laquelle son renvoi vers le système pénal n'est pas une solution idéale en soi. Il convient, donc, de tenter de diminuer le nombre de dessaisissement. Une telle diminution interviendra, notamment, par la multiplication des mesures mises à la disposition des magistrats en vue de répondre à la délinquance juvénile, d'une part, et par la possibilité de prolonger les mesures, dans certains cas, jusqu'à l'âge de 23 ans de l'intéressé, d'autre part » (Doc. parl., Chambre des représentants, 2004-2005, DOC 51-1467/001, p. 21). « D'abord, les jeunes ayant commis un fait après l'âge de 16 ans.

Beaucoup de ces jeunes sont poursuivis vers l'âge de la majorité et sont confrontés à un juge qui estime ne pas disposer d'assez de moyens pour répondre à la situation qui se présente. Il se dessaisit pour des raisons de manque de moyens, et non pas pour des raisons liées à la personnalité du jeune. Cela doit être rendu impossible. D'abord, des critères spécifiques de décision pourraient être élaborés. Mais il faut également pallier le problème de fond. C'est pour cette raison que l'accord gouvernemental prévoit le passage de 20 à 23 ans comme âge limite de certaines mesures protectionnelles » (Doc. parl., Chambre, 2004-2005, DOC 51-1467/012, p. 59).

Concernant la prolongation des mesures jusqu'à l'âge de 23 ans, la ministre a précisé que les hypothèses visées qui concernent des jeunes ayant commis des faits graves entre 16 et 18 ans sont très particulières et exceptionnelles (Doc. parl., Chambre, 2004-2005, DOC 51-1467/012, p. 109). Elle rappelle, par ailleurs, « que l'on est en présence de jeunes ayant commis des faits graves. Dans une telle hypothèse, il faut que les mesures puissent s'étaler suffisamment dans le temps pour protéger le mineur et la société » (Doc. parl., Sénat, 2005-2006, n° 3-1312/7, p. 79).

B.6. La différence de traitement mentionnée en B.2 entre les deux catégories de jeunes poursuivis devant le tribunal de la jeunesse est fondée sur le critère de l'âge qu'ils avaient au moment de commettre un fait qualifié infraction.

Ce critère est dépourvu de pertinence et de cohérence au regard des pouvoirs dont dispose le tribunal de la jeunesse à l'égard des jeunes tant de 16 ans que de 17 ans. Il n'est pas non plus adéquat au regard du but de protection de la jeunesse poursuivi de manière constante depuis 1990 par le législateur, tel qu'il a été rappelé en B.3 et B.4.

La disposition en cause a, en outre, pour effet de traiter, sans justification raisonnable, de manière plus défavorable le mineur délinquant qui était le plus jeune au moment où les faits ont été commis, alors que cette catégorie de jeunes doit en principe faire davantage l'objet de mesures protectionnelles que d'une mesure de dessaisissement.

B.7. Confronté à une telle incohérence, le législateur, par l'article 7, 7°, d), de la loi du 13 juin 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/06/2006 pub. 19/07/2006 numac 2006009573 source service public federal justice Loi modifiant la législation relative à la protection de la jeunesse et à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié infraction fermer, a d'ailleurs mis fin à la différence de traitement soumise au contrôle de la Cour, l'entrée en vigueur de cette modification étant cependant reportée au 1er janvier 2013.

Selon le Conseil des ministres, ce report de l'entrée en vigueur se justifie par le fait que le législateur ne peut atteindre que progressivement l'objectif qu'il s'est fixé en adoptant l'article 7, 7°, d), de la loi du 13 juin 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 13/06/2006 pub. 19/07/2006 numac 2006009573 source service public federal justice Loi modifiant la législation relative à la protection de la jeunesse et à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié infraction fermer, dès lors qu'il doit tenir compte des implications en termes d'organisation et de financement de l'encadrement des jeunes par les différentes communautés compétentes.

Il ressort en effet des travaux préparatoires des lois du 13 juin 2006, du 24 juillet 2008 et du 29 décembre 2010 précitées que le législateur a reporté à deux reprises l'entrée en vigueur de la modification législative parce que la possibilité de prolonger les mesures protectionnelles jusqu'à l'âge de vingt-trois ans a des répercussions sur l'organisation et le fonctionnement de services qui relèvent des communautés : « L'objectif est non pas de faire en sorte que toutes les dispositions entrent en vigueur le 1er janvier 2009, mais d'avoir une entrée en vigueur progressive, en fonction des négociations avec les communautés, compte tenu des possibilités financières de celles-ci » (Doc. parl., Sénat, 2005-2006, n° 3-1312/7, p. 76).

S'il est pertinent au regard de cet objectif de reporter l'entrée en vigueur de la disposition qui permet de prolonger des mesures protectionnelles au-delà de l'âge de vingt ans, il n'est en revanche pas pertinent de reporter l'entrée en vigueur de la disposition qui remplace l'âge de 17 ans par l'âge de 16 ans, permettant de la sorte au tribunal de la jeunesse d'ordonner par jugement des mesures protectionnelles pour une durée déterminée ne dépassant pas le jour où l'intéressé atteindra vingt ans, lorsqu'il s'agit de personnes qui ont commis un fait qualifié infraction à l'âge de seize ans.

B.8. En ce qu'il prive le jeune âgé de plus de 16 ans mais de moins de 17 ans au moment des faits et ne faisant pas l'objet d'un jugement antérieur prononcé au moins trois mois avant sa majorité, de la possibilité de bénéficier de l'intégralité des mesures protectionnelles visées à l'article 37, § 2, de la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer, l'article 37, § 3, alinéa 2, 2°, de la même loi n'est pas compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

Dès lors que le constat de cette lacune, qui est située dans le texte soumis à la Cour, est exprimé en des termes suffisamment précis et complets pour permettre que la disposition en cause soit appliquée dans le respect des articles 10 et 11 de la Constitution, il appartient au juge a quo de mettre fin à cette inconstitutionnalité.

B.9. La question préjudicielle appelle une réponse positive.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : En ce qu'il prive le jeune âgé de plus de 16 ans mais de moins de 17 ans au moment des faits et ne faisant pas l'objet d'un jugement antérieur prononcé au moins trois mois avant sa majorité, de la possibilité de bénéficier de l'intégralité des mesures protectionnelles visées à l'article 37, § 2, de la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer « relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié infraction et à la réparation du dommage causé par ce fait », l'article 37, § 3, alinéa 2, 2°, de la loi du 8 avril 1965Documents pertinents retrouvés type loi prom. 08/04/1965 pub. 02/08/2010 numac 2010000404 source service public federal interieur Loi relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié et à la réparation du dommage causé par ce fait. - Coordination officieuse en langue allemande fermer viole les articles 10 et 11 de la Constitution.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, à l'audience publique du 3 mai 2012.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux Le président, R. Henneuse

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