Etaamb.openjustice.be
Arrêt
publié le 24 février 2010

Extrait de l'arrêt n° 195/2009 du 3 décembre 2009 Numéro du rôle : 4615 En cause : les questions préjudicielles concernant l'article 15ter de la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagée La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et P. Martens, et des juges M. Mel(...)

source
cour constitutionnelle
numac
2010200004
pub.
24/02/2010
prom.
--
moniteur
https://www.ejustice.just.fgov.be/cgi/article_body(...)
Document Qrcode

COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 195/2009 du 3 décembre 2009 Numéro du rôle : 4615 En cause : les questions préjudicielles concernant l'article 15ter de la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques, tel qu'il a été modifié par l'article 9 de la loi du 17 février 2005Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/02/2005 pub. 13/10/2005 numac 2005000599 source service public federal interieur Loi modifiant les lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973, et la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques type loi prom. 17/02/2005 pub. 21/04/2005 numac 2005000210 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des Chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques fermer (publiée le 13 décembre 2005), posées par le Conseil d'Etat.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et P. Martens, et des juges M. Melchior, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, J. Spreutels et T. Merckx-Van Goey, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Bossuyt, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des questions préjudicielles et procédure Par arrêt n° 189.463 du 14 janvier 2009 en cause de Philippe De Coene et autres et, après reprise d'instance, de Renaat Landuyt et autres contre l'ASBL « Vrijheidsfonds » et l'ASBL « Vlaamse Concentratie », parties intervenantes : Frank Vanhecke et autres, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 23 janvier 2009, le Conseil d'Etat a posé les questions préjudicielles suivantes : « 1. L'article 15ter de la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales, modifié en dernier lieu par la loi du 17 février 2005Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/02/2005 pub. 13/10/2005 numac 2005000599 source service public federal interieur Loi modifiant les lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973, et la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques type loi prom. 17/02/2005 pub. 21/04/2005 numac 2005000210 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des Chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques fermer, emporte-t-il une violation de l'article 13 de la Constitution lu en combinaison avec les articles 146 et 160 de celle-ci, l'article 6.1, de la CEDH (Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, approuvée par la loi du 13 mai 1955), l'article 14 du PIDCP (Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966, approuvé par la loi du 15 mai 1981) et le principe général d'indépendance et d'impartialité du juge, en ce qu'il confie à l'assemblée générale de la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat la décision relative à la suppression de la dotation, alors que le Conseil d'Etat a été impliqué en tant qu'organe consultatif lors de l'élaboration de la loi du 4 juillet 1989, et en particulier de l'article 15ter de cette loi, et qu'il n'y aurait pas de stricte séparation entre ses fonctions consultative et juridictionnelle ? 2. L'article 15ter de la loi du 4 juillet 1989, modifié en dernier lieu par la loi du 17 février 2005Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/02/2005 pub. 13/10/2005 numac 2005000599 source service public federal interieur Loi modifiant les lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973, et la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques type loi prom. 17/02/2005 pub. 21/04/2005 numac 2005000210 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des Chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques fermer, qui impose de soumettre la demande de suppression des dotations à l'assemblée générale de la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat, est-il conciliable avec l'article 13 de la Constitution, lu en combinaison avec les articles 10, 11 et 146 de celle-ci, avec les articles 6.1 et 14 de la CEDH et avec les articles 14 et 26 du PIDCP et avec le principe général du droit à un juge indépendant et impartial, en ce que la demande est automatiquement examinée par une juridiction composée de conseillers d'Etat qui n'appartiennent pas tous au rôle linguistique néerlandais et qui ne sont pas non plus tous légalement bilingues, alors que dans d'autres cas, les articles 51 à 61 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat et l'article 87 des mêmes lois coordonnées disposent que l'affaire est normalement examinée par une chambre néerlandophone ou une chambre francophone et, seulement exceptionnellement et dans des cas non pertinents en l'espèce, par la chambre bilingue et alors que ce n'est que dans les cas visés aux articles 91 et 92 de ces lois coordonnées qu'une affaire est renvoyée à l'assemblée générale de la section du contentieux administratif et alors que si l'article 15ter de cette loi du 4 juillet 1989 ne renvoyait pas à l'assemblée générale, cette demande pourrait, le cas échéant, être examinée par une chambre exclusivement néerlandophone du Conseil d'Etat et donc, selon les parties défenderesses, sans juges ne connaissant pas le néerlandais et suscitant une apparence de partialité eu égard à l'hostilité déclarée de la communauté française du pays à l'égard d'un parti indépendantiste flamand ? 3. L'article 15ter de la loi du 4 juillet 1989, modifié en dernier lieu par la loi du 17 février 2005Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/02/2005 pub. 13/10/2005 numac 2005000599 source service public federal interieur Loi modifiant les lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973, et la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques type loi prom. 17/02/2005 pub. 21/04/2005 numac 2005000210 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des Chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques fermer, est-il conciliable avec l'article 19 de la Constitution en tant que l'article 15ter impose une mesure de suppression de la dotation légale lorsqu'un parti politique ou ses composantes montre au travers d'indices son hostilité envers les droits et libertés garantis par la CEDH sans qu'il soit nécessaire que des délits aient été commis à l'occasion de l'expression de ces indices, alors que les indices dénoncés par l'article 15ter sont couverts par la liberté d'expression et ne sont soumis qu'à la seule limite constitutionnelle de la répression des délits commis à l'occasion de l'usage de ces libertés, de sorte que seul un comportement susceptible d'être pénalement sanctionné est visé par la limite à la liberté d'expression et que seules des mesures pénales peuvent être instaurées en vue de sanctionner un tel comportement ? 4.Compte tenu de la limitation drastique de toute autre forme de revenus que le législateur impose aux partis politiques, l'article 15ter de la loi du 4 juillet 1989, modifié en dernier lieu par la loi du 17 février 2005Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/02/2005 pub. 13/10/2005 numac 2005000599 source service public federal interieur Loi modifiant les lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973, et la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques type loi prom. 17/02/2005 pub. 21/04/2005 numac 2005000210 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des Chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques fermer, viole-t-il l'article 27 de la Constitution, lu en combinaison avec l'article 11, paragraphe 1er, de la CEDH, et avec l'article 22 du PIDCP, en ce qu'il instaure une procédure conduisant à limiter ou à priver un parti politique de moyens financiers ? 5. L'article 15ter de la loi du 4 juillet 1989, modifié en dernier lieu par la loi du 17 février 2005Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/02/2005 pub. 13/10/2005 numac 2005000599 source service public federal interieur Loi modifiant les lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973, et la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques type loi prom. 17/02/2005 pub. 21/04/2005 numac 2005000210 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des Chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques fermer, est-il conciliable avec les articles 10 et 11 de la Constitution, dans la mesure où la loi ne prévoit la mesure de suppression de la dotation que pour des indices montrant qu'un parti politique, par son propre fait ou par celui de ses composantes, de ses listes, de ses candidats ou de ses mandataires élus, est hostile aux droits et libertés garantis par la CEDH, qu'il commette ou non des infractions pénales, alors que la mesure ne s'applique pas à d'autres agissements dont la qualification d'infraction pénale ne peut être mise en doute, tels la corruption, l'abus de biens publics, le détournement, le faux et l'usage de faux en écriture, la prise d'intérêts et l'abus de biens sociaux ? 6.L'article 15ter, § 2, de la loi du 4 juillet 1989, modifié en dernier lieu par la loi du 17 février 2005Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/02/2005 pub. 13/10/2005 numac 2005000599 source service public federal interieur Loi modifiant les lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973, et la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques type loi prom. 17/02/2005 pub. 21/04/2005 numac 2005000210 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des Chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques fermer, interprété en ce sens que le terme ' écrits ' ne vise que les ' écrits de procédure ' émanant des parties, à l'exclusion des pièces justificatives, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution lus en combinaison avec le principe général du droit selon lequel toute personne a droit à un procès équitable, les articles 6.1 et 14 de la CEDH et les articles 14 et 26 du PIDCP, en ce que le justiciable, à savoir la personne morale agissant pour un parti politique, cité devant le Conseil d'Etat sur le fondement de l'article 15ter, § 2, précité, ainsi que les parties intervenantes à la cause, peuvent être jugées sur la base de pièces justificatives rédigées dans une autre langue que celle d'un ou de plusieurs conseillers d'Etat qui composent l'assemblée générale de la section du contentieux administratif, sans qu'il y ait obligation de traduire ces pièces à l'usage du Conseil d'Etat, alors que sur la base de l'article 63, § 4, de la loi spéciale du 6 janvier 1989, le justiciable engagé dans une procédure devant la Cour constitutionnelle peut demander une traduction, à l'usage de la Cour, des pièces justificatives, en français ou en néerlandais selon le cas ? ». (...) III. En droit (...) Concernant la disposition en cause B.1. La loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques (ci-après : la loi sur le financement des partis politiques), telle qu'elle a été modifiée par la loi du 18 juin 1993, a, entre autres, pour objet de prévoir un financement public des partis politiques et d'interdire et de limiter certaines sources de financement.

B.2.1. A cet égard, la loi, d'une part, prévoit une dotation publique pour chaque parti politique qui compte au moins un élu à la Chambre des représentants ou au Sénat, et, d'autre part, exclut les dons privés émanant de personnes morales et limite strictement les dons privés émanant de personnes physiques.

L'article 15 de la loi sur le financement des partis politiques dispose : « La Chambre des représentants et le Sénat, chacun en ce qui le concerne, accordent, pour chaque parti politique qui est représenté dans l'une des Assemblées par au moins un parlementaire élu directement, une dotation à l'institution définie à l'article 22.

Cette dotation est fixée et allouée conformément aux articles suivants ».

L'article 22 de la même loi dispose : « Chaque parti politique qui satisfait aux conditions fixées aux articles 15 et 15bis désigne l'institution constituée sous la forme d'une association sans but lucratif qui reçoit la dotation allouée en vertu du chapitre III. L'institution visée à l'alinéa 1 a pour mission : - d'encaisser les dotations publiques; - d'établir une liste centrale annuelle des dons de 125 euros et plus faits aux composantes du parti par des personnes physiques pour lesquels un reçu a été délivré; - d'établir la liste des composantes du parti qui font partie du périmètre de consolidation; - d'encadrer sur le plan administratif les composantes visées au tiret précédent et de vérifier que celles-ci respectent les règles légales relatives à la comptabilité des partis politiques.

Par arrêté délibéré en Conseil des ministres, le Roi agrée une institution par parti politique et fixe les modalités d'enregistrement et de clôture des comptes et recettes de cette institution ».

B.2.2. Le montant de la dotation visée à l'article 15 est calculé en vertu de l'article 16, alinéa 1er, de la même loi, qui dispose : « La dotation annuelle totale allouée à chaque parti politique qui satisfait aux conditions des articles 15 et 15bis est composée des montants suivants : 1° un montant forfaitaire de 125 000 euros;2° un montant supplémentaire de 1,25 euros par vote valable, qu'il s'agisse d'un vote de liste ou d'un vote nominatif, émis sur les listes de candidats reconnues par le parti politique lors des dernières élections législatives en vue du renouvellement intégral de la Chambre des représentants et du Sénat ». B.2.3. L'article 16bis détermine dans quelle mesure les dons aux partis politiques sont possibles et prévoit des sanctions pénales à l'encontre de ceux qui enfreignent cette règlementation. Cette disposition est libellée comme suit : « Seules des personnes physiques peuvent faire des dons à des partis politiques et à leurs composantes, à des listes, à des candidats et à des mandataires politiques. Les candidats et les mandataires politiques peuvent néanmoins recevoir des dons du parti politique ou de la liste au nom desquels ils sont candidats ou exercent un mandat.

De même, des composantes peuvent recevoir des dons de leur parti politique et inversement. Sans préjudice des dispositions précédentes, sont interdits les dons de personnes physiques agissant en réalité comme intermédiaires de personnes morales ou d'associations de fait.

Sans préjudice de l'obligation d'enregistrement visée à l'article 6, alinéa 2, et à l'article 116, § 6, alinéa 2, du Code électoral, l'identité des personnes physiques qui font, sous quelque forme que ce soit, des dons de 125 euros et plus à des partis politiques et à leurs composantes, à des listes, à des candidats et à des mandataires politiques est enregistrée annuellement par les bénéficiaires. Des partis politiques et leurs composantes, des listes, des candidats et des mandataires politiques peuvent chacun recevoir annuellement, à titre de dons d'une même personne physique, une somme ne dépassant pas 500 euros, ou sa contre-valeur. Le donateur peut consacrer chaque année un montant total ne dépassant pas 2 000 euros, ou la contre-valeur de ce montant, à des dons au profit de partis politiques et de leurs composantes, de listes, de candidats et de mandataires politiques. Les versements que les mandataires politiques font à leur parti politique ou à ses composantes ne sont pas considérés comme des dons.

Les prestations gratuites ou effectuées pour un montant inférieur au coût réel par des personnes morales, des personnes physiques ou des associations de fait sont assimilées à des dons, de même que l'ouverture de lignes de crédit sans obligation de remboursement. Sont également considérés comme dons effectués par des personnes morales, des personnes physiques ou des associations de fait, les prestations facturées par un parti politique ou par un candidat pour un montant manifestement supérieur au coût du marché.

Le parti politique qui accepte un don en violation de la présente disposition, perd, à concurrence du double du montant du don, son droit à la dotation qui, en vertu du chapitre III de la présente loi, serait allouée à l'institution visée à l'article 22 pendant les mois suivant la [constatation] de cette infraction par la Commission de contrôle.

Celui qui, en violation de la présente disposition, aura fait un don à un parti politique, à l'une de ses composantes - quelle que soit sa forme juridique -, à une liste, à un candidat ou à un mandataire politique ou celui qui, en qualité de candidat ou de mandataire politique, aura accepté un don, sera puni d'une amende de 26 euros à 100 000 euros. Celui qui, sans être candidat ou mandataire politique, aura accepté un tel don au nom et pour compte d'un parti politique, d'une liste, d'un candidat ou d'un mandataire politique, sera puni de la même peine.

Le Livre Premier du Code pénal, sans exception du chapitre VII et de l'article 85, est applicable à ces infractions.

Si le tribunal l'ordonne, le jugement peut être publié intégralement ou par extrait dans les journaux et hebdomadaires qu'il désigne ».

B.3. La loi du 10 avril 1995Documents pertinents retrouvés type loi prom. 10/04/1995 pub. 17/04/2013 numac 2013000222 source service public federal interieur Loi relative à la redistribution du travail dans le secteur public. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer « modifiant la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques » a inséré un article 15bis dans la loi sur le financement des partis politiques. En adoptant cette disposition, le législateur souhaitait que la dotation publique fût « réservée aux partis politiques qui satisfont aux conditions de crédibilité et d'honorabilité » (Doc. parl., Chambre, 1992-1993, n° 1113/5, p. 2). Cet article 15bis dispose : « Pour pouvoir bénéficier de la dotation prévue à l'article 15, chaque parti doit inclure dans ses statuts ou dans son programme une disposition par laquelle il s'engage à respecter dans l'action politique qu'il entend mener, et à faire respecter par ses différentes composantes et par ses mandataires élus, au moins les droits et les libertés garantis par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, [...] approuvée par la loi du 13 mai 1955, et par les protocoles additionnels à cette convention en vigueur en Belgique ».

B.4.1. La loi du 12 février 1999Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/02/1999 pub. 18/03/1999 numac 1999000140 source ministere de l'interieur Loi insérant un article 15ter dans la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des Chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques et un article 16bis dans les lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973 fermer « insérant un article 15ter dans la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques et un article 16bis dans les lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973 » a inséré un article 15ter dans la loi sur le financement des partis politiques. Par cet article, le législateur souhaitait « enfin garantir une application concrète d'une [des] dispositions fondamentales [de cette loi], afin que la collectivité nationale ne finance encore à l'avenir un ou des partis dont la vocation est de saper les fondements démocratiques de notre Etat et son existence même » (Doc. parl., Chambre, 1996-1997, n° 1084/1, p. 2).

B.4.2. Par son arrêt n° 10/2001 du 7 février 2001, la Cour a rejeté le recours en annulation introduit contre cette disposition, sous trois réserves : (i) cette disposition doit s'interpréter strictement, (ii) elle ne peut porter atteinte à l'irresponsabilité parlementaire et (iii) elle ne peut faire perdre la dotation destinée à un parti qui aurait clairement et publiquement désavoué l'élément qui a manifesté l'hostilité visée à l'article 15ter.

B.4.3. La loi du 17 février 2005Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/02/2005 pub. 13/10/2005 numac 2005000599 source service public federal interieur Loi modifiant les lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973, et la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques type loi prom. 17/02/2005 pub. 21/04/2005 numac 2005000210 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des Chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques fermer « modifiant les lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973, et la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques » a modifié l'article 15ter. Avant l'entrée en vigueur de cette loi, une affaire visée par cet article devait être portée devant une chambre bilingue du Conseil d'Etat. Depuis la modification apportée par l'article 9 de la loi précitée, une telle affaire doit être portée devant l'assemblée générale de la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat.

Cette même disposition a également supprimé la possibilité de se pourvoir devant la Cour de cassation contre l'arrêt du Conseil d'Etat.

Depuis ces modifications, l'article 15ter, qui est la disposition en cause, se lit comme suit : « § 1. Lorsqu'un parti politique par son propre fait ou par celui de ses composantes, de ses listes, de ses candidats, ou de ses mandataires élus, montre de manière manifeste et à travers plusieurs indices concordants son hostilité envers les droits et libertés garantis par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, approuvée par la loi du 13 mai 1955, et par les protocoles additionnels à cette Convention en vigueur en Belgique, la dotation, qui en vertu du présent chapitre est allouée à l'institution visée à l'article 22 doit, si l'assemblée générale de la section d'administration du Conseil d'Etat le décide, être supprimée dans les quinze jours par la Commission de contrôle à concurrence du montant décidé par le Conseil d'Etat.

La demande introduite par au moins un tiers des membres de la Commission de contrôle doit être adressée directement au Conseil d'Etat. A peine d'irrecevabilité, la demande ainsi transmise indique le nom des parties demanderesses, l'institution visée à l'article 22 contre laquelle la demande est dirigée, une description des faits et indices concordants ainsi que le ou les droits consacrés par la Convention visée à l'alinéa précédent et envers lesquels il est prétendu que le parti incriminé a montré son hostilité. La demande désigne en outre les personnes physiques et morales impliquées dans les faits précités. Le Roi peut fixer des modalités complémentaires concernant le contenu de la demande. Le Conseil d'Etat prononce, dans les six mois de sa saisine, un arrêt dûment motivé et peut décider de supprimer la dotation qui, en vertu du présent chapitre, est allouée à l'institution visée à l'article 22, soit à concurrence du double du montant des dépenses financées ou réalisées pour l'accomplissement de cet acte, soit pendant une période qui ne peut être inférieure à trois mois ni supérieure à un an.

Le Conseil d'Etat peut ordonner la publication ou la diffusion de son arrêt ou d'un résumé de celui-ci par la voie de journaux ou de toute autre manière, aux frais de l'institution visée à l'article 22 qui est sanctionnée. § 2. Les parties peuvent établir leur demande et tout autre écrit de procédure, ainsi que leurs déclarations, dans la langue de leur choix.

Ces demandes, écrits et déclarations sont traduits par les services du Conseil d'Etat lorsqu'une partie justifiant d'un intérêt le demande.

Les actes de procédure émanant des organes du Conseil d'Etat ainsi que les arrêts sont établis dans la langue du groupe linguistique auquel appartiennent les députés ou sénateurs du parti politique visé au § 1er, alinéa 2. Ils sont traduits par les services du Conseil d'Etat lorsqu'une partie justifiant d'un intérêt le demande.

Lorsque le parti politique concerné compte des députés ou sénateurs qui n'appartiennent pas exclusivement à l'un des groupes linguistiques français ou à l'un des groupes linguistiques néerlandais de la Chambre et du Sénat, les actes de procédure émanant du Conseil d'Etat ainsi que les arrêts sont notifiés en français et en néerlandais, ainsi qu'en allemand lorsqu'une partie justifiant d'un intérêt le demande.

Les demandes et autres écrits de procédure cosignés par des députés ou sénateurs qui n'appartiennent pas exclusivement à l'un des groupes linguistiques français ou à l'un des groupes linguistiques néerlandais de la Chambre et du Sénat, peuvent être établis dans les deux ou les trois langues nationales, selon le cas. Les actes de procédure émanant des organes du Conseil d'Etat, ainsi que ses arrêts sont en ce cas notifiés dans les deux ou trois langues nationales, selon le cas. Les services du Conseil d'Etat assurent la traduction des actes et déclarations des autres parties lorsqu'une partie justifiant d'un intérêt le demande ».

B.4.4. L'arrêté royal du 31 août 2005 « déterminant les règles particulières de délai et de procédure pour le traitement des demandes introduites en application de l'article 15ter de la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques » fixe les modalités d'introduction de la procédure visée par la disposition en cause.

Cette procédure doit être engagée dans les soixante jours après que les requérants ont eu connaissance du dernier fait ou indice visé par la disposition en cause (article 3). La procédure est suspendue à compter de la date de l'acte de dissolution des Chambres législatives ou à compter de la fin du mandat des membres des Chambres législatives en cas de réunion ordinaire des collèges électoraux (article 5, 2°).

Elle est poursuivie, après l'installation de la nouvelle Commission de contrôle, à la condition qu'un tiers au moins de ses membres reprenne l'instance dans l'état où elle se trouve, dans le délai d'un mois à compter de cette installation (article 20, § 2).

L'institution citée peut introduire un mémoire en réponse dans les soixante jours de la réception de la notification faite par le greffier en chef du Conseil d'Etat (article 8). Ensuite, la partie requérante dispose d'un délai de réponse de quinze jours (article 10).

Après le dépôt du dossier au greffe, la partie requérante dispose d'un délai de quinze jours pour introduire un dernier mémoire et l'institution citée dispose d'un délai de quinze jours pour y répondre (article 13). L'arrêt est susceptible d'opposition (article 21), de tierce opposition (article 22) et de recours en révision (article 23).

L'arrêt est exécutoire de plein droit (article 24).

Quant à la première question préjudicielle B.5. En posant la première question préjudicielle, la juridiction a quo demande à la Cour si la disposition en cause viole l'article 13, lu en combinaison avec les articles 146 et 160, de la Constitution, avec l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et avec le principe général d'indépendance et d'impartialité du juge, « en ce qu'il confie à l'assemblée générale de la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat la décision relative à la suspension de la dotation, alors que le Conseil d'Etat a été impliqué en tant qu'organe consultatif lors de l'élaboration de la loi du 4 juillet 1989, et en particulier de l'article 15ter de cette loi, et qu'il n'y aurait pas de stricte séparation entre ses fonctions consultative et juridictionnelle ».

B.6. En vertu de l'article 26, § 1er, 3°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989, modifié par la loi spéciale du 9 mars 2003, la Cour est compétente pour contrôler les normes législatives, par voie de décision préjudicielle, au regard des articles du titre II « Des Belges et de leurs droits » et des articles 170, 172 et 191 de la Constitution.

Lorsqu'une disposition conventionnelle liant la Belgique a une portée analogue à celle d'une des dispositions constitutionnelles dont le contrôle relève de la compétence de la Cour et dont la violation est alléguée, les garanties consacrées par cette disposition conventionnelle constituent un ensemble indissociable avec les garanties inscrites dans les dispositions constitutionnelles en cause.

Il s'ensuit que, lors du contrôle au regard des dispositions constitutionnelles précitées, la Cour tient compte des dispositions de droit international qui garantissent des droits ou libertés analogues.

B.7. L'article 13 de la Constitution implique un droit d'accès au juge compétent. Ce droit est également garanti par l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, par l'article 14.1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et par un principe général de droit.

B.8. Le droit d'accès au juge serait vidé de tout contenu si ce juge ne satisfaisait pas aux exigences du procès équitable, garanti par l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, par l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et par un principe général de droit. Par conséquent, lors d'un contrôle au regard de l'article 13 de la Constitution, il convient de tenir compte de ces garanties.

B.9. Le droit d'accès au juge est garanti notamment par les articles 146 et 160 de la Constitution, qui disposent que la compétence du juge est établie par la loi ou en vertu de celle-ci.

Ces dispositions constitutionnelles, contrairement à ce que soutient le Conseil des ministres, peuvent donc être combinées avec l'article 13 de la Constitution.

B.10. La question porte sur la circonstance que « le Conseil d'Etat a été impliqué en tant qu'organe consultatif lors de l'élaboration de la loi du 4 juillet 1989, et en particulier de l'article 15ter de cette loi, et qu'il n'y aurait pas de stricte séparation entre ses fonctions consultative et juridictionnelle ».

La Cour limite son examen à cette circonstance et n'examine pas celle des prétendus « liens particuliers des conseillers d'Etat avec les pouvoirs exécutif et législatif ». Partant, il n'est pas non plus nécessaire de procéder, en vertu de l'article 91 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, à une instruction concernant « la collaboration apportée par les membres du Conseil d'Etat à l'élaboration de l'arrêté d'exécution du 30 août 2005 ».

B.11. Le droit à un procès équitable garantit au justiciable que sa cause soit entendue par un juge indépendant et impartial, ce qui implique que cette indépendance et cette impartialité ne peuvent raisonnablement être mises en doute lorsque des garanties suffisantes existent qui font disparaître tout soupçon légitime. Pour apprécier l'indépendance et l'impartialité d'une juridiction, sa composition et son organisation seront notamment prises en considération, ainsi que le cumul de la fonction judiciaire avec d'autres fonctions ou activités.

B.12.1. La Cour européenne des droits de l'homme s'est déjà prononcée à plusieurs reprises sur la question de savoir si une institution ayant à la fois une fonction consultative et une fonction juridictionnelle satisfaisait à l'exigence d'impartialité objective (CEDH, 28 septembre 1995, Procola c. Luxembourg; CEDH, grande chambre, 6 mai 2003, Kleyn et autres c. Pays-Bas; CEDH, 9 novembre 2006, Sacilor Lormines c. France).

B.12.2. Le simple fait qu'une institution exerce à la fois une fonction consultative et une fonction juridictionnelle ne suffit pas à établir une violation des exigences d'indépendance et d'impartialité (arrêt Sacilor Lormines, § 66). Il convient, dans ce cas, d'examiner comment l'indépendance des membres est garantie (ibid ).

B.13. La Cour européenne des droits de l'homme mentionne, comme mesures pouvant garantir l'indépendance des conseillers d'Etat, la force non contraignante des avis pour la section qui exerce ultérieurement la fonction juridictionnelle (arrêt Sacilor Lormines, § 71), l'inamovibilité des juges (arrêt Sacilor Lormines, § 67) et l'existence d'une possibilité de récusation de tous les membres de la section juridictionnelle qui, en tant que membres de la section consultative, ont déjà rendu un avis relativement à « la même affaire » ou à « la même décision ». Cette récusation doit, le cas échéant, avoir lieu d'office, de sorte que l'on ne peut attendre que les parties en fassent la demande (arrêt Kleyn, §§ 197-198).

B.14.1. En Belgique, les conseillers d'Etat sont nommés à vie (article 70, § 4), leurs traitements, majorations, indemnités et pensions sont fixés par la loi (article 103) et ils ne peuvent être requis pour le service public, sauf les cas prévus par la loi (article 108). Leur fonction est incompatible avec les fonctions judiciaires, avec l'exercice d'un mandat public conféré par élection, avec toute fonction de notaire ou de huissier de justice, avec la profession d'avocat, avec l'état militaire et avec l'état ecclésiastique (article 107). Il leur est également interdit d'assumer la défense des intéressés ou de leur donner des consultations (article 109).

Par ailleurs, les conseillers d'Etat dont l'impartialité est mise en cause peuvent être récusés en vertu de l'article 62, alinéa 1er, de l'arrêté du Régent du 23 août 1948 déterminant la procédure devant la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat. Le cas échéant, cette récusation a lieu d'office. En effet, le conseiller d'Etat qui sait cause de récusation en sa personne est tenu de la déclarer à la chambre concernée. Cette chambre décide alors si le membre doit s'abstenir.

B.14.2. Il découle de ce qui précède que l'indépendance et l'impartialité objective du Conseil d'Etat ne sont pas compromises par le seul fait qu'existent, en son sein, une section de législation et une section du contentieux administratif.

B.14.3. Ces principes ne sont pas davantage violés par la circonstance que l'assemblée générale de la section du contentieux administratif est chargée d'appliquer l'article 15ter de la loi en cause alors que la section de législation du Conseil d'Etat s'est antérieurement prononcée sur cette disposition en projet. Outre le fait que la section de législation rend des avis non contraignants, l'opinion développée par ladite section se limite à évaluer la compatibilité des dispositions en projet avec les règles hiérarchiquement supérieures et à en améliorer la légistique. L'avis ne porte donc pas sur l'application concrète de la disposition en cause dans les affaires individuelles dont peut être saisie l'assemblée générale de la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat. Il ne saurait avoir créé un préjugé dans le chef des conseillers d'Etat appelés à se saisir de ces affaires individuelles (voy. en ce sens, arrêts Kleyn, § 201, et Sacilor Lormines, §§ 71 et 74).

B.15.1. Les principes d'indépendance et d'impartialité exigent toutefois qu'il soit vérifié, in concreto, pour chaque cause, si la section de cette institution qui exerce la fonction juridictionnelle a présenté une apparence de partialité (arrêt Procola, § 44; arrêt Kleyn, § 193; arrêt Sacilor Lormines, § 62).

L'exercice successif, par les mêmes conseillers, de la fonction consultative et de la fonction juridictionnelle dans « la même affaire » ou concernant « la même décision » peut, dans certains cas, compromettre l'impartialité structurelle de cette institution (arrêt Procola, § 45; arrêt Kleyn, § 196).

B.15.2. Il revient à la juridiction a quo et non à la Cour de vérifier si, en l'espèce, une crainte justifiée de manque d'indépendance ou d'impartialité peut naître du fait que siègent au sein de l'assemblée générale, qui se prononce dans l'affaire au fond, des conseillers d'Etat qui, en tant que membres de la section de législation, ont rendu un avis sur le projet de disposition en cause ou sur l'arrêté royal mentionné en B.4.4.

B.15.3. La Cour constate, à cet égard, que, l'assemblée générale de la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat était invitée à vérifier si l'indépendance et l'impartialité du Conseil d'Etat étaient affectées en ce que, in casu, certains de ses membres, qui avaient « donné un avis sur la loi du 4 juillet 1989 et l'arrêté royal du 31 août 2005 » devaient « statuer sur l'éventuelle illégalité d'une règle de droit à propos de laquelle ils ont précédemment émis un avis ». Les parties défenderesses demandaient qu'une question préjudicielle soit posée à la Cour « à propos de la violation, par l'article 29, alinéa 2, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat des articles 10, 11 et 13 de la Constitution » parce qu'il « résulterait de l'arrêt n° 169.314 du Conseil d'Etat que l'article 29 précité empêche la récusation de ' trois conseillers d'Etat individuels qui ont exercé des tâches consultatives ' » (point 33 de l'arrêt n° 189.463).

A cette demande, l'assemblée générale a répondu : « De même, dans la mesure où les parties défenderesses dénoncent que les présidents de chambre Willot-Thomas et Messinne et le conseiller Daurmont ont rendu un avis dans la section de législation sur le futur article 15ter de la loi du 4 juillet 1989 et le futur arrêté royal du 31 août 2005, et soutiennent qu'il faut récuser les intéressés pour ce motif, il y a lieu de constater que le Conseil d'Etat s'est déjà prononcé définitivement à cet égard dans l'arrêt n° 169.314. La réponse à la question préjudicielle suggérée par les parties défenderesses dans les derniers mémoires est sans utilité. La question n'est pas pertinente et ne sera dès lors pas posée ».

B.15.4. La Cour ne peut répondre à une question que le juge a quo a refusé de lui poser. C'est à l'assemblée générale de la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat qu'il appartient de faire application des articles 29, alinéa 2, des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat et 62 du règlement général de procédure, dans le respect des dispositions et des principes mentionnés en B.5, tels qu'ils sont interprétés par la Cour européenne des droits de l'homme.

B.16. La première question préjudicielle appelle une réponse négative.

Quant à la deuxième question préjudicielle B.17. En posant la deuxième question préjudicielle, le Conseil d'Etat souhaite savoir si la disposition en cause viole l'article 13, combiné avec les articles 10, 11 et 146, de la Constitution, avec les articles 6.1 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec les articles 14 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et avec le principe général de droit de l'indépendance et de l'impartialité du juge, « en ce que la demande est automatiquement examinée par une juridiction composée de conseillers d'Etat qui n'appartiennent pas tous au rôle linguistique néerlandais et qui ne sont pas non plus tous légalement bilingues, alors que dans d'autres cas, les articles 51 à 61 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat et l'article 87 des mêmes lois coordonnées disposent que l'affaire est normalement examinée par une chambre néerlandophone ou une chambre francophone et, seulement exceptionnellement et dans des cas non pertinents en l'espèce, par la chambre bilingue et alors que ce n'est que dans les cas visés aux articles 91 et 92 de ces lois coordonnées qu'une affaire est renvoyée à l'assemblée générale de la section du contentieux administratif et alors que si l'article 15ter de cette loi du 4 juillet 1989 ne renvoyait pas à l'assemblée générale, cette demande pourrait, le cas échéant, être examinée par une chambre exclusivement néerlandophone du Conseil d'Etat et donc, selon les parties défenderesses, sans juges ne connaissant pas le néerlandais et suscitant une apparence de partialité eu égard à l'hostilité déclarée de la communauté française du pays à l'égard d'un parti indépendantiste flamand ».

B.18.1. Les parties défenderesses dans l'affaire au fond allèguent que la disposition en cause porte atteinte, de manière discriminatoire, au droit du justiciable d'être jugé par une juridiction composée exclusivement de magistrats appartenant à sa « communauté linguistique ».

B.18.2. Contrairement à ce qu'allèguent ces parties, un tel droit ne découle pas de la Constitution.

Devant la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat, toutes les affaires ne sont pas tranchées exclusivement par des magistrats qui appartiennent au rôle linguistique correspondant à celui de la langue de la procédure. En vertu de l'article 87, in fine, des lois coordonnées du 12 janvier 1973, la chambre bilingue du Conseil d'Etat, composée du premier président et de conseillers d'Etat justifiant de la connaissance de la langue française et de la langue néerlandaise, connaît des affaires visées aux articles 52 et 61 de ces lois. L'assemblée générale de la section du contentieux administratif se prononce notamment, hormis dans les affaires visées par la disposition en cause, lorsque « une chambre reconnaît y avoir lieu à révision ou à annulation du chef de détournement de pouvoir » (article 91) et lorsque, « après avoir pris l'avis du conseiller d'Etat chargé du rapport à l'audience, le premier président ou le président estime que, pour assurer l'unité de la jurisprudence, une affaire doit être traitée en assemblée générale de la section du contentieux administratif » (article 92).Dans tous ces cas, un certain nombre de conseillers d'Etat n'appartiennent pas « à la communauté linguistique des parties ».

B.19.1. La Cour doit examiner si la disposition en cause porte atteinte au droit à un juge indépendant et impartial, tel qu'il est garanti par l'article 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, par l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et par un principe général de droit.

B.19.2. Dans son arrêt n° 10/2001 du 7 février 2001, la Cour a jugé : « B.5.3. Les affaires déférées à la section d'administration du Conseil d'Etat sont, selon le cas, portées devant une chambre unilingue ou une chambre bilingue, suivant les règles déterminées dans les lois coordonnées sur le Conseil d'Etat (articles 51 et suivants).

La spécificité des affaires déférées sur la base de l'article 15ter attaqué fournit un critère objectif pour la différence de traitement contestée. Selon les travaux préparatoires ' il ne faut pas s'étonner du renvoi obligatoire devant une chambre bilingue du Conseil d'Etat, étant donné qu'il s'agit ici d'une matière qui concerne par excellence le fonctionnement de l'Etat fédéral ' (Doc. parl., Sénat, 1998-1999, n° 1-1197/3, p.4).

L'examen par une chambre bilingue au lieu d'une chambre unilingue du Conseil d'Etat ne porte pas atteinte aux droits de la défense. La mesure est proportionnée au but poursuivi par le législateur, qui entendait entourer du maximum de garanties possible la décision de suppression de la dotation d'un parti politique et favoriser une interprétation uniforme de la loi ».

B.19.3. Depuis la modification apportée par l'article 9 de la loi du 17 février 2005Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/02/2005 pub. 13/10/2005 numac 2005000599 source service public federal interieur Loi modifiant les lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973, et la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques type loi prom. 17/02/2005 pub. 21/04/2005 numac 2005000210 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des Chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques fermer « modifiant les lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973, et la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des chambres fédérales, ainsi qu'au fonctionnement et à la comptabilité ouverte des partis politiques », les affaires visées par la disposition en cause ne sont plus portées devant la chambre bilingue mais devant l'assemblée générale de la section du contentieux administratif. Le législateur a justifié cette modification comme suit : « Le choix de l'assemblée générale de la section d'administration, composée paritairement, apparaît mieux en accord avec l'intention initiale des auteurs de la proposition. De plus, sa composition correspond mieux à l'objet de la procédure » (Doc. Parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-0217/002, p. 8).

B.19.4. Cette modification entoure en effet la procédure en cause de plus de garanties. Ainsi, en vertu de l'article 94 des lois coordonnées, l'assemblée générale de la section du contentieux administratif, qui se compose de tous les présidents de chambre et des conseillers d'Etat qui ne sont pas désignés pour faire partie de la section de législation, siège en nombre pair et comporte au moins 8 membres, alors que la chambre bilingue, en vertu de l'article 86, n'est composée que de trois membres.

L'assemblée générale de la section du contentieux administratif répond aussi mieux à la circonstance qu'il s'agit d'une matière concernant le fonctionnement de l'Etat fédéral par excellence. L'assemblée générale composée paritairement traite en effet les dossiers les plus importants et les plus sensibles, telles les affaires dans lesquelles il y a lieu à révision ou à annulation du chef de détournement de pouvoir (article 91) et les affaires dans lesquelles l'unité de la jurisprudence doit être assurée (article 92).

B.20. Le fait que les membres de l'assemblée générale de la section du contentieux administratif ne connaîtraient pas tous la langue du parti politique concerné ne viole pas le droit de ce dernier à un juge indépendant et impartial, puisque les membres qui maîtriseraient insuffisamment la langue de la procédure peuvent demander une traduction.

B.21. La deuxième question préjudicielle appelle une réponse négative.

Quant aux troisième et quatrième questions préjudicielles B.22.1. En posant sa troisième question préjudicielle, le Conseil d'Etat souhaite savoir si la disposition en cause est compatible avec l'article 19 de la Constitution « en ce que l'article 15ter impose une mesure de suppression de la dotation légale lorsqu'un parti politique ou ses composantes montre au travers d'indices son hostilité envers les droits et libertés garantis par la [Convention européenne des droits de l'homme] sans qu'il soit nécessaire que des délits aient été commis à l'occasion de l'expression de ces indices, alors que les indices dénoncés par l'article 15ter sont couverts par la liberté d'expression et ne sont soumis qu'à la seule limite constitutionnelle de la répression des délits commis à l'occasion de l'usage de ces libertés, de sorte que seul un comportement susceptible d'être pénalement sanctionné est visé par la limite à la liberté d'expression et que seules des mesures pénales peuvent être instaurées en vue de sanctionner un tel comportement ».

Il ressort par ailleurs de l'arrêt de renvoi que le juge a quo estime que cette question n'a pas été vidée par l'arrêt de la Cour n° 10/2001 du 7 février 2001. En effet, depuis le prononcé de cet arrêt, le législateur a supprimé la possibilité d'introduire un pourvoi en cassation contre l'arrêt du Conseil d'Etat alors que, dans l'arrêt précité, la Cour avait estimé que ce contrôle juridictionnel supplémentaire manifestait la volonté du législateur d'entourer la mesure du maximum de garanties possible.

Enfin, le juge de renvoi considère que cette question préjudicielle permet à la Cour de préciser davantage la condition, fixée dans le même arrêt, selon laquelle le terme « hostilité » ne peut être compris que comme une « incitation » à violer une norme juridique en vigueur.

B.22.2. En posant la quatrième question préjudicielle, le Conseil d'Etat demande à la Cour si la disposition en cause viole l'article 27 de la Constitution, combiné avec l'article 11 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec l'article 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, « en ce qu' [elle] instaure une procédure conduisant à limiter ou à priver un parti politique de moyens financiers ». La question préjudicielle souligne à cet égard la « limitation drastique de toute autre forme de revenus que le législateur impose aux partis politiques ».

B.22.3. La liberté d'opinion, garantie par l'article 19 de la Constitution, par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme et par l'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, constitue l'un des objectifs de la liberté de réunion et d'association, visée aux articles 27 de la Constitution, 11 de la Convention européenne des droits de l'homme et 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Ceci vaut spécialement pour les partis politiques, eu égard à leur rôle essentiel pour le maintien du pluralisme et le bon fonctionnement de la démocratie (CEDH, grande chambre, 30 janvier 1998, Parti communiste unifié de Turquie et autres c. Turquie, §§ 42-43; CEDH, grande chambre, 13 février 2004, Refah Partisi et autres c. Turquie, §§ 87-88; CEDH, 3 février 2005, Partidul Comunistilor (Nepeceristi) et Ungureanu c. Roumanie, § 44,).

Il convient dès lors d'examiner conjointement les troisième et quatrième questions préjudicielles.

B.23. La liberté d'expression constituant l'un des fondements essentiels d'une société démocratique, les exceptions à la liberté d'expression doivent s'interpréter strictement. Il doit être démontré que les restrictions sont nécessaires dans une société démocratique, qu'elles répondent à un besoin social impérieux et qu'elles demeurent proportionnées aux buts légitimes poursuivis.

B.24. La disposition en cause permet qu'un parti politique soit privé temporairement de tout ou partie de la dotation publique à laquelle il aurait normalement droit, en raison de son hostilité manifeste envers les droits et libertés garantis par la Convention européenne des droits de l'homme et ses protocoles additionnels en vigueur en Belgique. Elle constitue dès lors une ingérence dans la liberté d'expression. Compte tenu de l'importance de la dotation publique dans le système de financement des partis politiques découlant de la loi en cause, cette mesure est également une ingérence dans la liberté d'association.

B.25.1. Un parti politique doit pouvoir mener pacifiquement campagne en faveur d'un changement de la législation ou d'une modification des structures de l'Etat (arrêt Partidul Comunistilor (Nepeceristi) et Ungureanu, § 46). Un parti peut aussi préconiser une modification ou une autre interprétation d'une disposition de la Convention européenne ou de l'un de ses protocoles additionnels et émettre des critiques sur les présupposés philosophiques ou idéologiques de ces instruments internationaux.

Les moyens qu'il utilise à cet effet doivent toutefois être légaux et démocratiques et le changement proposé doit être compatible avec les principes de la société démocratique (arrêt Partidul Comunistilor (Nepeceristi) et Ungureanu, § 46). Un parti politique qui incite à la violence, qui propose un projet politique incompatible avec divers principes fondamentaux de la démocratie ou qui vise à renverser la démocratie ne peut se prévaloir des dispositions de la Convention européenne des droits de l'homme contre les sanctions infligées pour ces motifs (arrêt Refah Partisi, § 103; CEDH, 30 juin 2009, Herri Batasuna et Batasuna c. Espagne, § 79).

B.25.2. Dans une société démocratique, il est nécessaire de protéger les valeurs et les principes qui fondent la Convention européenne des droits de l'homme contre les personnes ou les organisations qui tentent de saper ces valeurs et principes. Une démocratie doit pouvoir se défendre avec énergie, et en particulier ne pas permettre que des libertés politiques, qui lui sont propres et qui la rendent vulnérable, soient utilisées afin de la détruire.

B.26.1. La communauté internationale partage ce souci. Pour la Cour européenne des droits de l'homme, la démocratie est l'unique modèle politique compatible avec la Convention européenne des droits de l'homme (arrêt, Parti communiste unifié de Turquie, § 45; arrêt, Refah Partisi, § 86; CEDH, grande chambre, 17 février 2004, Gorzelik c.

Pologne, § 89; CEDH, 14 février 2006, Parti populaire démocratique c.

Moldova, § 62; CEDH, 7 avril 2009, Hyde Park c. Moldova, § 50).

Les droits et libertés garantis par les articles 10 et 11 de cette Convention ne sauraient empêcher un Etat de protéger ses institutions contre des associations dont les activités mettent en danger ces institutions (arrêt Refah Partisi, § 96). Un Etat démocratique ne doit pas observer passivement la manière dont des partis politiques se prévalant de ces dispositions utilisent ces libertés pour se livrer à des activités visant à détruire ces mêmes droits et libertés et, ainsi finalement, la démocratie elle-même (ibid., § 99).

Une telle action de l'Etat est du reste conforme aux obligations positives qui découlent de l'article 1 de la Convention européenne des droits de l'homme. En effet, ces obligations ne se limitent pas aux atteintes aux droits et libertés garantis par cette Convention qui sont imputables à l'Etat, mais elles visent aussi les atteintes imputables à des personnes privées (arrêt Refah Partisi, § 103). En d'autres termes, un Etat peut imposer aux partis politiques, dont la vocation est d'accéder au pouvoir, le devoir de respecter les droits et libertés garantis par la Convention européenne des droits de l'homme et leur interdire de proposer un programme politique en contradiction avec les principes fondamentaux de la démocratie (ibid. ).

B.26.2. La disposition en cause répond à cette obligation positive qui, dans une société démocratique, incombe à l'Etat. En effet, selon les travaux préparatoires, la procédure de suppression de la dotation publique vise à « enfin garantir une application concrète d'une [des] dispositions fondamentales [contenues dans cette loi], afin que la collectivité nationale ne finance encore à l'avenir un ou des partis dont la vocation est de saper les fondements démocratiques de notre Etat et son existence même » (Doc. Parl., Chambre, 1996-1997, n° 1084/1, p. 2).

B.27.1. Il n'est pas de démocratie sans pluralisme. Une des principales caractéristiques de la démocratie réside dans la possibilité qu'elle offre de gérer les problèmes de société par le dialogue et sans recours à la violence. La démocratie ne peut donc être effective que par la liberté d'expression. Pour cette raison, l'article 19 de la Constitution et l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme valent non seulement pour les « informations » ou « idées » accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui choquent, inquiètent ou heurtent l'Etat ou une fraction quelconque de la population (CEDH, 7 décembre 1976, Handyside c. Royaume-Uni, § 49;

CEDH, 23 septembre 1998, Lehideux et Isorni c. France, § 55; arrêt, Herri Batasuna et Batasuna c. Espagne, § 76).

En conséquence, seules des raisons convaincantes et impératives peuvent justifier une ingérence dans la liberté d'expression et la liberté d'association et l'Etat ne dispose que d'une marge d'appréciation réduite pour prendre des mesures qui restreignent ces libertés (CEDH, 10 juillet 1998, Sidiropoulos et autres c. Grèce, § 40).

B.27.2. Il s'ensuit que le législateur doit trouver un juste équilibre entre la nécessité de protéger la démocratie et de garantir les libertés d'expression et d'association.

Dans son arrêt Parti nationaliste basque - Organisation régionale d'Iparralde c. France, du 7 juin 2007, où était en cause une législation limitant les ressources financières d'un parti politique, la Cour européenne des droits de l'homme a jugé : « Dans le cadre de l'évaluation de la ' nécessité ' d'une ingérence dans le droit à la liberté d'association, l'ampleur de l'ingérence est déterminante. [La Cour] a en effet précisé que ' des mesures sévères, telles que la dissolution de tout un parti politique et l'interdiction frappant ses responsables d'exercer pour une durée déterminée toute autre activité similaire, ne peuvent s'appliquer qu'aux cas les plus graves ' (Refah Partisi et autres précité, § 100); à l'inverse, des ' mesures légères ' devraient pouvoir être plus largement admises » ( § 49).

B.28. La disposition en cause s'inscrit dans un ensemble de mesures soumettant l'octroi d'une dotation publique aux partis politiques à certaines conditions. Le législateur a voulu en particulier que l'engagement de respecter la Convention européenne des droits de l'homme et ses protocoles additionnels, qui doit figurer dans une disposition des statuts ou du programme du parti (article 15bis de la loi du 4 juillet 1989), soit effectif (Doc. parl., Chambre, 1996-1997, nos 1084/1, p. 2, 1084/13, p. 2, et 1084/22, p. 47).

Il a choisi à cette fin un mécanisme de contrôle permettant à l'assemblée générale de la plus haute juridiction administrative de décider, sur la plainte d'un certain nombre de parlementaires, de retirer la dotation à un parti politique auquel peut être imputée une hostilité manifeste envers les libertés et droits fondamentaux garantis par la Convention européenne des droits de l'homme et par les protocoles additionnels à cette Convention.

B.29. L' « hostilité » ne peut se comprendre dans ce contexte que comme une incitation à violer une norme juridique en vigueur. Il n'est pas nécessaire que cette incitation soit sanctionnée pénalement.

L'objet de cette hostilité doit être un principe essentiel au caractère démocratique du régime, ce qu'il appartient à l'assemblée générale de la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat de vérifier. A cet égard, si les termes de la loi litigieuse devaient être interprétés plus largement, il faudrait conclure que le législateur aurait porté aux libertés et à la démocratie une atteinte disproportionnée au projet de les défendre, qui seul peut justifier la mesure prise.

A cet égard, une opinion ou un vote émis dans l'exercice d'un mandat parlementaire ne peuvent par ailleurs donner lieu à l'application de l'article 15ter, sous peine de violer l'article 58 de la Constitution.

Enfin, cette disposition ne peut pas davantage être appliquée pour le seul motif qu'une composante, une liste, un candidat ou un mandataire élu du parti ait manifesté une hostilité manifeste envers la Convention européenne des droits de l'homme ou ses protocoles, alors même que ce parti l'a clairement, publiquement et réellement désavoué.

B.30. En outre, la sanction qui peut résulter de la disposition en cause n'est pas une peine au sens de l'article 14 de la Constitution mais une mesure financière qui consiste dans la suppression de la dotation publique, « soit à concurrence du double du montant des dépenses financées ou réalisées pour l'accomplissement de cet acte [hostile], soit pendant une période qui ne peut être inférieure à trois mois ni supérieure à un an ».

Cette sanction concerne uniquement les recettes futures. Elle n'implique pas une confiscation. Par conséquent, elle n'affecte pas le patrimoine déjà constitué du parti politique auquel elle est infligée.

La disposition en cause ne porte pas atteinte aux droits de se porter candidat, d'être élu et de siéger dans une assemblée législative. Elle ne concerne ni les autres sources de financement énumérées à l'article 1er, 2°, de la loi du 4 juillet 1989, ni les rémunérations des mandataires élus du parti politique concerné, ni le patrimoine déjà constitué de ce dernier. Elle n'empêche pas non plus ce parti de participer au débat public.

La disposition en cause doit par ailleurs être interprétée en ce sens qu'un même fait ne peut donner lieu qu'une seule fois à une condamnation par le Conseil d'Etat.

Il appartient au Conseil d'Etat d'apprécier s'il est satisfait aux conditions prévues par la loi et, le cas échéant, de déterminer une sanction proportionnée à la gravité des faits invoqués, compte tenu des circonstances dans lesquelles ils se sont produits.

B.31. En outre, le Conseil d'Etat ne peut être saisi que par une plainte émanant d'un tiers au moins des membres de la Commission de contrôle qui, en vertu de l'article 1er, 4°, de la loi du 4 juillet 1989, est composée, paritairement, de membres de la Chambre des représentants et du Sénat, sous la présidence des présidents de la Chambre des représentants et du Sénat.

Il ressort des travaux préparatoires de la disposition en cause que le nombre minimum de membres requis pour introduire une plainte a été fixé de façon à ce que des élus d'au moins deux groupes politiques doivent agir conjointement (Doc. parl., Chambre, 1996-1997, n° 1084/22, p. 47). Cette condition empêche tout à la fois que la procédure soit utilisée à la légère et qu'une majorité parlementaire puisse y faire obstacle. La disposition en cause prévoit que la plainte ainsi transmise indique « le nom des parties demanderesses, l'institution visée à l'article 22 contre laquelle la demande est dirigée, une description des faits et indices concordants ainsi que le ou les droits consacrés par la Convention visée à l'alinéa précédent et envers lesquels il est prétendu que le parti incriminé a montré son hostilité », mais le Conseil d'Etat, qui statue par « un arrêt dûment motivé », conserve une entière liberté pour apprécier tous les éléments de la cause.

B.32.1. Il est vrai que, depuis sa modification par la loi du 17 février 2005Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/02/2005 pub. 13/10/2005 numac 2005000599 source service public federal interieur Loi modifiant les lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973, et la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques type loi prom. 17/02/2005 pub. 21/04/2005 numac 2005000210 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des Chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques fermer, l'arrêt prononcé par le Conseil d'Etat n'est plus susceptible de pourvoi devant la Cour de cassation. Cette modification a été justifiée dans les travaux préparatoires de la manière suivante : « 4. L'article 15ter prévoit qu'un pourvoi en cassation peut être introduit contre l'arrêt du Conseil d'Etat.

S'agissant du Conseil d'Etat, ce pourvoi est atypique. Le seul recours en cassation existant jusqu'à présent contre ses arrêts est circonscrit à la question des attributions respectives de l'ordre judiciaire et de l'ordre juridictionnel administratif, dans les conditions prévues par l'article 158 de la Constitution d'une part et par les articles 134 CJ et 33 et 34 LCCE d'autre part.

Or, le pourvoi en question ne fait l'objet, lui, d'aucune limitation.

Toute question de droit peut donc être soumise à la Cour de cassation.

En substance, un pourvoi classique comme celui qui est institué recouvre l'incompétence, le non-respect des procédures et des formes substantielles ou prescrites à peine de nullité, l'erreur de droit quelle qu'elle soit et le détournement de pouvoir. On aurait de surcroît tort de considérer que toute question en rapport avec les faits ne pourrait être examinée : le contrôle de cassation n'exclut pas la censure de l'erreur dans la qualification des faits, de l'erreur objective dans leur relation matérielle et de ce qu'ils n'auraient pas tous été pris en considération.

On le constate, un tel contrôle excède de beaucoup le recours en cassation qui est communément ouvert contre les arrêts du Conseil d'Etat. On ne le retrouve pas davantage dans d'autres litiges à fortes implications politiques. Ainsi, l'article 6, § 1er, VIIII, 5°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles n'organise-t-il qu'un renvoi à l'assemblée générale de la section d'administration.

Il faut donc éviter que le pourvoi figurant à l'article 15ter suscite des difficultés au regard des articles 10 et 11 de la Constitution, ainsi qu'au regard de l'article 160 de la Constitution qui, sous la seule réserve de l'article 158 précité de la Constitution, consacre précisément le Conseil d'Etat dans une position analogue à celle de la Cour de Cassation, au sommet de la hiérarchie des juridictions administratives. Les auteurs proposent dès lors de supprimer ce pourvoi.

Le choix de donner d'emblée à l'assemblée générale le soin de statuer sur les plaintes est une contrepartie à la suppression de ce pourvoi » (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-0217/002, pp. 8 et 9).

B.32.2. La mesure est justifiée puisque le législateur vise à harmoniser, sur ce point, la procédure applicable en vertu de la disposition en cause et les autres procédures devant le Conseil d'Etat dans lesquelles celui-ci exerce également un contrôle de pleine juridiction. En outre, il est désormais requis que l'affaire soit traitée par l'assemblée générale de la section du contentieux administratif du Conseil d'Etat, et non plus par une chambre bilingue, ce qui manifeste la volonté du législateur de veiller à entourer la procédure de sérieuses garanties.

B.33. Le juge a quo demande à la Cour si, en ce qu'elle s'applique à des faits qui ne sont pas nécessairement constitutifs d'une infraction pénale, la disposition en cause est compatible avec l'article 19 de la Constitution.

B.34. L'article 19 de la Constitution a pour objet de réserver au législateur la compétence de régir l'usage de la liberté d'opinion et d'interdire, en principe, toute mesure préventive d'une autorité publique. La mention de la notion de « délits », dans l'article 19 de la Constitution, manifeste la volonté du Constituant de n'autoriser en règle le législateur à prévoir des mesures sanctionnant l'usage abusif de la liberté d'expression qu'après que celle-ci a été exercée. En revanche, il ne saurait en être déduit que tout usage abusif de la liberté d'expression doive être sanctionné pénalement.

Du reste, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, spécialement lorsqu'il s'agit de prendre des mesures qui peuvent limiter la liberté d'expression, l'autorité publique doit éviter de recourir à des mesures pénales lorsque d'autres mesures, comme des sanctions civiles, permettent d'atteindre l'objectif poursuivi (voir, dans ce sens, entre autres, CEDH, 9 juin 1998, Incal c. Turquie, § 54;CEDH, 8 juillet 1999, Sürek n° 2 c. Turquie, § 34).

B.35. La sanction qui peut résulter de la disposition en cause n'est pas une peine au sens de l'article 14 de la Constitution. Il ne s'agit pas davantage d'une mesure préventive. Elle ne soustrait pas les droits fondamentaux au débat politique. En outre, elle est prévue par la loi.

Il s'ensuit que la disposition en cause est compatible avec l'article 19 de la Constitution.

B.36. Les troisième et quatrième questions préjudicielles appellent une réponse négative.

Quant à la cinquième question préjudicielle B.37. En posant la cinquième question préjudicielle, le Conseil d'Etat demande à la Cour si la disposition en cause est conciliable avec les articles 10 et 11 de la Constitution « dans la mesure où la loi ne prévoit la mesure de suppression de la dotation que pour des indices montrant qu'un parti politique, par son propre fait ou par celui de ses composantes, de ses listes, de ses candidats ou de ses mandataires élus, est hostile aux droits et libertés garantis par la [Convention européenne des droits de l'homme], qu'il commette ou non des infractions pénales, alors que la mesure ne s'applique pas à d'autres agissements dont la qualification d'infraction pénale ne peut être mise en doute, tels la corruption, l'abus de biens publics, le détournement, le faux et l'usage de faux en écriture, la prise d'intérêts et l'abus de biens sociaux ».

B.38. Le législateur a pu raisonnablement considérer qu'il fallait réserver la sanction prévue par la disposition en cause, qui ne vise que les partis politiques eux-mêmes, à ceux d'entre eux qui incitent à violer des principes essentiels au caractère démocratique du régime.

Il ne s'ensuit pas qu'il laisserait impunis les comportements mentionnés dans la question préjudicielle : ces comportements, qui constituent des infractions, peuvent donner lieu à des condamnations prévues par le Code pénal, notamment l'interdiction de droits civils et politiques, en particulier du droit d'éligibilité.

B.39. En prévoyant, d'une part, une mesure spécifique à l'égard des partis qui incitent à violer des principes essentiels de la démocratie et, d'autre part, des sanctions pénales, dont des interdictions de droits, à l'égard des personnes qui commettent les infractions mentionnées dans la question préjudicielle, le législateur a pris des mesures différentes qui correspondent à la nature des comportements contre lesquels il entend réagir.

La différence de traitement mentionnée dans la question préjudicielle n'est pas incompatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.

B.40. La cinquième question préjudicielle appelle une réponse négative.

Quant à la sixième question préjudicielle B.41. En posant la sixième question préjudicielle, le Conseil d'Etat demande à la Cour si le paragraphe 2 de la disposition en cause, interprété en ce sens que le terme « écrits » ne vise que les « écrits de procédure » émanant des parties et non les pièces justificatives, viole les articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec les articles 6.1 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec les articles 14 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en ce qu'il ne prévoit aucune obligation de traduire ces pièces à l'usage du Conseil d'Etat, alors que sur la base de l'article 63, § 4, de la loi spéciale du 6 janvier 1989, le justiciable engagé dans une procédure devant la Cour pourrait demander une traduction, à l'usage de celle-ci, des pièces justificatives, en français ou en néerlandais, selon le cas.

B.42. Les droits de la défense ne requièrent pas, dans une procédure, la traduction de tous les documents et de toutes les pièces justificatives (CEDH, 19 décembre 1989, Kamasinski c. Autriche, § 74;

CEDH, 24 février 2009, Protopapa c. Turquie, § 80).

B.43. Le législateur a voulu élaborer une procédure pouvant garantir une décision finale rapide (Doc. parl., Chambre, 2003-2004, DOC 51-0217/002, pp. 6-7). A cet égard, il pouvait considérer qu'il fallait éviter les abus de procédure dilatoires, tels que le dépôt de pièces justificatives volumineuses dont la traduction intégrale serait ensuite demandée.

B.44.1. La circonstance que, dans une juridiction composée paritairement, les pièces justificatives ne sont pas toutes traduites à l'intention des magistrats qui ne maîtriseraient pas suffisamment la langue de la procédure ne prive pas les parties à cette procédure de la possibilité de prendre connaissance de ces pièces et de se défendre contre celles-ci.

B.44.2. Enfin, comme il est exposé en B.20, les membres de l'assemblée générale de la section du contentieux administratif qui ne maîtriseraient pas suffisamment la langue dans laquelle certaines pièces justificatives sont rédigées peuvent en demander une traduction.

B.45. La sixième question préjudicielle appelle une réponse négative.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 15ter de la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques, tel qu'il a été modifié par l'article 9 de la loi du 17 février 2005Documents pertinents retrouvés type loi prom. 17/02/2005 pub. 13/10/2005 numac 2005000599 source service public federal interieur Loi modifiant les lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973, et la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques type loi prom. 17/02/2005 pub. 21/04/2005 numac 2005000210 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 4 juillet 1989 relative à la limitation et au contrôle des dépenses électorales engagées pour les élections des Chambres fédérales, ainsi qu'au financement et à la comptabilité ouverte des partis politiques fermer, ne viole pas les articles 10, 11, 13, 19 et 27 de la Constitution, lus en combinaison avec ses articles 146 et 160, avec les articles 6.1, 10 et 11 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec les articles 14, 22 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, à l'audience publique du 3 décembre 2009.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Bossuyt.

^