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Arrêt
publié le 31 décembre 2009

Extrait de l'arrêt n° 193/2009 du 26 novembre 2009 Numéro du rôle : 4630 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 9ter de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement de La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Martens et M. Bossuyt, et des juges M. Mel(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 193/2009 du 26 novembre 2009 Numéro du rôle : 4630 En cause : la question préjudicielle relative à l'article 9ter de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, tel qu'il a été inséré par l'article 5 de la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000703 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers fermer, posée par le Conseil du Contentieux des étrangers.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents P. Martens et M. Bossuyt, et des juges M. Melchior, R. Henneuse, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, J. Spreutels et T. Merckx-Van Goey, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président P. Martens, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt n° 22009 du 26 janvier 2009 en cause de Fatima Momond contre l'Etat belge, dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 28 janvier 2009, le Conseil du Contentieux des étrangers a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 9ter de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer [sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers] ne viole-t-il pas les articles 10 et 11 de la Constitution lus seuls ou en combinaison avec l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui garantit une protection absolue contre les traitements inhumains et dégradants, en ce qu'il exige des demandeurs d'une protection subsidiaire qui invoquent leur état de santé qu'ils rapportent la preuve de leur identité alors que cette exigence n'est pas imposée aux autres demandeurs de protection subsidiaire sur la base de l'article 48/4 de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer aux fins d'obtention d'une protection internationale ? ». (...) III. En droit (...) B.1. La Cour est interrogée au sujet de l'article 9ter, § 1er, de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers, tel qu'il a été inséré par la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000703 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers fermer, qui dispose : « L'étranger qui séjourne en Belgique et qui dispose d'un document d'identité et souffre d'une maladie dans un état tel qu'elle entraîne un risque réel pour sa vie ou son intégrité physique ou un risque réel de traitement inhumain ou dégradant lorsqu'il n'existe aucun traitement adéquat dans son pays d'origine ou dans le pays où il séjourne, peut demander l'autorisation de séjourner dans le Royaume au ministre ou à son délégué.

L'étranger doit transmettre tous les renseignements utiles concernant sa maladie.

L'appréciation du risque précité et des possibilités de traitement dans le pays d'origine ou dans le pays où il séjourne est effectuée par un fonctionnaire médecin qui rend un avis à ce sujet. Il peut, si nécessaire, examiner l'étranger et demander l'avis complémentaire d'experts.

La condition que l'étranger dispose d'un document d'identité n'est pas d'application : - au demandeur d'asile dont la demande d'asile n'a pas fait l'objet d'une décision définitive ou qui a introduit un recours en cassation administrative déclaré admissible conformément à l'article 20 des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973, et ce jusqu'au moment où un arrêt de rejet du recours admis est prononcé; - à l'étranger qui démontre valablement son impossibilité de se procurer en Belgique le document d'identité requis ».

B.2. La question préjudicielle porte sur l'exigence de « dispose(r) d'un document d'identité » imposée aux étrangers demandeurs d'une autorisation de séjour sur la base de cet article. Le juge a quo compare celui-ci à l'article 48/4 de la même loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer, qui dispose : « § 1er. Le statut de protection subsidiaire est accordé à l'étranger qui ne peut être considéré comme un réfugié et qui ne peut pas bénéficier de l'article 9ter, et à l'égard duquel il y a de sérieux motifs de croire que, s'il était renvoyé dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, il encourrait un risque réel de subir les atteintes graves visées au paragraphe 2, et qui ne peut pas ou, compte tenu de ce risque, n'est pas disposé à se prévaloir de la protection de ce pays et ce, pour autant qu'il ne soit pas concerné par les clauses d'exclusion visées à l'article 55/4. § 2. Sont considérées comme atteintes graves : a) la peine de mort ou l'exécution;ou b) la torture ou les traitements ou sanctions inhumains ou dégradants du demandeur dans son pays d'origine;ou c) les menaces graves contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ». B.3.1. Les articles 9ter et 48/4 de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer constituent, ensemble, la transposition en droit belge de l'article 15 de la directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 « concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou les personnes qui, pour d'autres raisons, ont besoin d'une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts ». Cet article 15 définit la notion d'« atteintes graves » que risquent de subir les personnes qui doivent, pour cette raison, se voir accorder par les Etats membres le bénéfice de la protection subsidiaire. Aux termes de l'article 15 de la directive, les « atteintes graves » sont notamment « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine ».

B.3.2. Le statut de protection subsidiaire concerne les personnes qui ne peuvent prétendre au statut de réfugié mais qui, pour d'autres raisons que celles qui sont énumérées par la Convention internationale relative au statut des réfugiés, ont besoin d'une protection internationale contre le risque d'être victimes de traitements inhumains ou dégradants dans leur pays d'origine, en violation de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme.

La Cour européenne des droits de l'homme a estimé que l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme ne garantit pas le droit de demeurer sur le territoire d'un Etat pour le simple motif que cet Etat peut fournir de meilleurs soins médicaux que le pays d'origine : la circonstance que l'expulsion influence l'état de santé ou l'espérance de vie de l'intéressé ne suffit pas pour emporter violation de cette disposition. Ce n'est que « dans des cas très exceptionnels, lorsque les considérations humanitaires militant contre l'expulsion sont impérieuses », qu'une violation de l'article 3 de la Convention européenne peut être en cause (CEDH, grande chambre, 27 mai 2008, N. c. Royaume-Uni, § 42).

Il ressort des travaux préparatoires de la disposition en cause que le législateur a estimé devoir prémunir les personnes souffrant d'une maladie grave qui ne peuvent être soignées dans leur pays d'origine ou dans le pays où elles séjournent contre tout risque de violation de l'article 3 de la Convention, en prévoyant à leur intention une procédure spécifique, distincte de la procédure de protection subsidiaire, prévue à l'article 48/4 de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer, parce que les autorités chargées de l'octroi de celle-ci n'ont pas les moyens d'évaluer elles-mêmes les conditions relatives à l'état de santé des demandeurs, de façon à ne pas porter « atteinte à la possibilité des étrangers visés de se prévaloir et de bénéficier du statut de protection subsidiaire » (Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51 2478/001, p. 10-11).

B.4.1. Par son arrêt n° 95/2008 du 26 juin 2008, la Cour a jugé que le choix du législateur de mettre en place deux procédures d'octroi de la protection subsidiaire distinctes, selon que la demande de protection contre les traitements inhumains et dégradants est motivée par l'état de santé du demandeur ou par une autre raison, n'est pas contraire, en soi, aux articles 10 et 11 de la Constitution. En particulier, elle a décidé que le fait que les demandes d'autorisation de séjour pour raisons médicales qui relèvent de l'application de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme sont traitées par le ministre ou son délégué et non par le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides, comme toutes les autres demandes qui - également en raison d'une menace de violation de l'article 3 précité - relèvent du statut de protection subsidiaire, n'était pas contraire au principe d'égalité et de non-discrimination.

B.4.2. A cette occasion, la Cour n'a pas examiné la condition de recevabilité portant sur la possession d'un document d'identité qui n'est imposée qu'aux demandeurs de protection subsidiaire qui font état de motifs liés à leur état de santé.

B.5.1. Un des principaux objectifs de la loi du 15 septembre 2006Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/09/2006 pub. 06/10/2006 numac 2006000703 source service public federal interieur Loi modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers fermer, qui a profondément modifié la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer, était de combattre la fraude et les abus de la procédure d'asile (Doc. parl., Chambre, 2005-2006, DOC 51-2478/001, pp. 7 et 9). Cet objectif figure également à l'article 19, paragraphe 3, sous b), de la directive 2004/83/CE précitée, qui oblige les Etats membres à révoquer le statut conféré par la protection subsidiaire, à y mettre fin ou à refuser de le renouveler si « des altérations ou omissions de faits dont [l'intéressé] a usé, y compris l'utilisation de faux documents, ont joué un rôle déterminant dans la décision d'octroyer le statut conféré par la protection subsidiaire ».

B.5.2. A la lumière de cet objectif, il n'est pas déraisonnable d'exiger que l'intéressé puisse prouver son identité. En outre, le ministre ou son délégué doivent, en vertu de la disposition en cause et de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH, grande chambre, 27 mai 2008, N. c. Royaume-Uni, §§ 32-42), examiner quels soins médicaux l'intéressé reçoit dans son pays d'origine. Un tel examen exige que son identité et sa nationalité puissent être déterminées.

B.5.3. Eu égard à ces objectifs, tout document dont la véracité ne saurait être mise en cause suffit comme preuve de l'identité de l'intéressé. Un document d'identité ne doit pas être produit si l'identité peut être démontrée d'une autre manière. En exigeant la possession d'un document d'identité, la disposition en cause va dès lors au-delà de ce qui est nécessaire aux fins de déterminer l'identité et la nationalité des demandeurs, puisque, ainsi que le démontrent la situation des demandeurs d'asile et celle des demandeurs de la protection subsidiaire fondée sur l'article 48/4, il est possible d'établir l'identité de ces personnes sans exiger qu'elles soient en possession d'un document d'identité.

B.5.4. La seule possibilité, pour un demandeur de protection fondée sur un motif médical, qui ne dispose pas d'un document d'identité, de voir sa demande déclarée recevable et son état de santé examiné est de démontrer valablement son impossibilité de se procurer en Belgique le document d'identité requis.

B.6. En imposant aux demandeurs de protection subsidiaire qui invoquent une maladie grave une condition de recevabilité qui n'est pas imposée aux autres demandeurs de protection subsidiaire, alors même que ces derniers ne peuvent se prévaloir d'éléments objectifs aussi aisément vérifiables que les motivations d'ordre médical, l'article 9ter crée une différence de traitement entre ces deux catégories de demandeurs. Si le critère objectif du fondement de la demande de protection permet de justifier que des autorités différentes soient chargées de son examen, ce critère ne présente pas un lien pertinent avec l'obligation d'être en possession d'un document d'identité ou de pouvoir démontrer l'impossibilité de s'en procurer un en Belgique. La différence de traitement en ce qui concerne les conditions de recevabilité de la demande de protection subsidiaire, selon le motif de la demande, n'est dès lors pas raisonnablement justifiée.

B.7. La question préjudicielle appelle une réponse positive.

Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 9ter de la loi du 15 décembre 1980Documents pertinents retrouvés type loi prom. 15/12/1980 pub. 12/04/2012 numac 2012000231 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives type loi prom. 15/12/1980 pub. 20/12/2007 numac 2007000992 source service public federal interieur Loi sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. - Traduction allemande de dispositions modificatives fermer sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il n'admet pas que les demandeurs d'une protection subsidiaire qui invoquent leur état de santé puissent démontrer leur identité et leur nationalité autrement qu'en produisant un document d'identité.

Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, à l'audience publique du 26 novembre 2009.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, P. Martens.

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