publié le 20 mars 2009
Extrait de l'arrêt n° 14/2009 du 5 février 2009 Numéro du rôle : 4430 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 82, § 5, de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, posée par la Cour du travail de Gand La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et M. Melchior, et des juges A. Al(...)
COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 14/2009 du 5 février 2009 Numéro du rôle : 4430 En cause : la question préjudicielle concernant l'article 82, § 5, de la
loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés
type
loi
prom.
03/07/1978
pub.
12/03/2009
numac
2009000158
source
service public federal interieur
Loi relative aux contrats de travail
type
loi
prom.
03/07/1978
pub.
03/07/2008
numac
2008000527
source
service public federal interieur
Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande
fermer relative aux contrats de travail, posée par la Cour du travail de Gand.
La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Bossuyt et M. Melchior, et des juges A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, J. Spreutels et T. Merckx-Van Goey, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Bossuyt, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 8 février 2008 en cause de Walfried Stöcker contre la SA « Dicalite Europe », dont l'expédition est parvenue au greffe de la Cour le 14 février 2008, la Cour du travail de Gand a posé la question préjudicielle suivante : « L'article 82, § 5, de la loi relative aux contrats de travail viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution en ce que, pour les employés dont la rémunération annuelle dépasse 32 200 euros (indexés annuellement) au moment de l'entrée en service, les délais de préavis à observer par l'employeur peuvent être fixés par convention conclue au plus tard à ce moment, à défaut de quoi les dispositions de l'article 82, § 3, de cette loi sont applicables, alors que, pour les employés dont la rémunération annuelle est supérieure à 16 100 euros (indexés annuellement) au moment de la notification du congé sans excéder 32 200 euros (indexés annuellement) au moment de l'entrée en service, le délai de préavis à observer par l'employeur, selon l'article 82, § 3, précité, peut seulement être fixé soit par convention conclue au plus tôt au moment où le congé est donné, soit par le juge ? ». (...) III. En droit (...) B.1. La question préjudicielle porte sur l'article 82, § 5, de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer relative aux contrats de travail (ci-après : LCT), tel qu'il a été inséré par l'article 136 de la loi du 30 mars 1994Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/03/1994 pub. 07/02/2012 numac 2012000056 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales fermer portant des dispositions sociales (Moniteur belge , 31 mars 1994).
L'article 82 de la LCT, tel qu'il a été modifié par l'article 136 de la loi précitée du 30 mars 1994 et par l'article 1er de l'arrêté royal du 20 juillet 2000 portant exécution de la loi du 26 juin 2000Documents pertinents retrouvés type loi prom. 26/06/2000 pub. 29/07/2000 numac 2000003440 source ministere des finances Loi relative à l'introduction de l'euro dans la législation concernant les matières visées à l'article 78 de la Constitution fermer relative à l'introduction de l'euro dans la législation concernant les matières visées à l'article 78 de la Constitution pour les matières relevant du Ministère de l'Emploi et du Travail, confirmé par la loi du 20 juin 2002, dispose : « § 1er. Le délai de préavis fixé à l'article 37 prend cours le premier jour du mois qui suit celui au cours duquel le préavis a été notifié. § 2. Lorsque la rémunération annuelle ne dépasse pas 16 100 EUR, le délai de préavis à observer par l'employeur est d'au moins trois mois pour les employés engagés depuis moins de cinq ans.
Ce délai est augmenté de trois mois dès le commencement de chaque nouvelle période de cinq ans de service chez le même employeur.
Si le congé est donné par l'employé, les délais de préavis prévus aux alinéas 1er et 2 sont réduits de moitié sans qu'ils puissent excéder trois mois. § 3. Lorsque la rémunération annuelle excède 16 100 EUR, les délais de préavis à observer par l'employeur et par l'employé sont fixés soit par convention conclue au plus tôt au moment ou le congé est donné, soit par le juge.
Si le congé est donné par l'employeur, le délai de préavis ne peut être inférieur aux délais fixés au § 2, alinéas 1er et 2.
Si le congé est donné par l'employé, le délai de préavis ne peut être supérieur à quatre mois et demi si la rémunération annuelle est supérieure à 16 100 EUR sans excéder 32 200 EUR, ni supérieur à six mois si la rémunération annuelle excède 32 200 EUR. § 4. Les délais de préavis doivent être calculés en fonction de l'ancienneté acquise au moment où le préavis prend cours. § 5. Par dérogation au § 3, lorsque la rémunération annuelle dépasse 32 200 EUR au moment de l'entrée en service, les délais de préavis à observer par l'employeur peuvent être fixés par convention conclue au plus tard à ce moment.
Les délais de préavis ne peuvent en tout cas être inférieurs aux délais fixés au § 2, alinéas 1er et 2.
A défaut de convention, les dispositions du § 3 restent applicables.
Les dispositions du présent paragraphe ne sont applicables que pour autant que l'entrée en service se situe après le premier jour du mois qui suit celui au cours duquel la loi du 30 mars 1994Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/03/1994 pub. 07/02/2012 numac 2012000056 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales fermer portant des dispositions sociales aura été publiée au Moniteur belge ».
B.2. L'article 82, § 5, de la LCT instaure une réglementation différente en matière de modalités de préavis pour la catégorie des employés dont la rémunération annuelle dépasse le montant indexé de 32 200 euros. Contrairement au cas des employés dont la rémunération annuelle excède le montant indexé de 16 100 euros mais pas le montant indexé de 32 200 euros, pour lesquels l'article 82, § 3, de la LCT dispose que les délais de préavis à observer par l'employeur sont fixés soit par convention conclue au plus tôt au moment où le congé est donné, soit par le juge, l'article 82, § 5, de la LCT offre aux employés dont la rémunération annuelle dépasse le montant indexé de 32 200 euros la possibilité de conclure une convention concernant les délais de préavis à observer par l'employeur au plus tard au moment de leur entrée en service.
La juridiction a quo demande à la Cour si la différence de traitement instaurée par l'article 82, § 5, de la LCT est compatible avec le principe d'égalité et de non-discrimination.
B.3.1. Pour apprécier la compatibilité d'une norme avec les articles 10 et 11 de la Constitution, la Cour examine en premier lieu si les catégories de personnes entre lesquelles une inégalité est alléguée sont suffisamment comparables.
B.3.2. Bien que, comme l'affirme l'intimée devant la juridiction a quo, les employés dont la rémunération annuelle dépasse le montant indexé de 32 200 euros puissent se trouver dans un autre rapport de force vis-à -vis de leur employeur que les employés dont la rémunération annuelle n'excède pas ce montant, il n'en résulte pas que les deux catégories ne seraient pas comparables. Dans les deux cas, il s'agit effectivement d'employés pour lesquels le délai de préavis doit être fixé au moment de la cessation du contrat de travail.
B.4. La loi du 30 mars 1994Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/03/1994 pub. 07/02/2012 numac 2012000056 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales fermer portant des dispositions sociales a inséré l'article 82, § 5, de la LCT en tant que « mesure d'assouplissement des règles relatives aux préavis des employés, comme prévu dans le plan global » (Doc. parl., Sénat, 1993-1994, n° 980-2, p. 150). Selon les travaux préparatoires, ce plan global prévoit « [des] mesures de flexibilité [qui] devraient favoriser l'emploi » (Ann., Sénat, 1er mars 1994, p. 1329). En donnant la possibilité de conclure une convention concernant le délai de préavis avant l'entrée en service, l'employeur se voit offrir une plus grande sécurité quant aux coûts des employés dont la rémunération annuelle dépasse le montant indexé de 32 200 euros (Ann., Sénat, 1er mars 1994, p. 1332).
B.5. La différence de traitement en cause se fonde sur un critère objectif, à savoir la rémunération annuelle, laquelle est censée traduire dans une certaine mesure les différents niveaux de responsabilité.
B.6. Bien qu'il soit généralement admis qu'une catégorie déterminée de travailleurs, portant au sein de l'entreprise des responsabilités plus lourdes et qui retrouvera plus difficilement un emploi équivalent du point de vue des conditions de travail et de la rémunération, peut prétendre à une meilleure protection de la stabilité de l'emploi, le législateur peut estimer, dans le cadre de sa politique de flexibilité, qu'un autre objectif politique, à savoir la promotion de l'emploi, doit l'emporter sur la protection de la stabilité de l'emploi des employés dont la rémunération annuelle dépasse le montant indexé de 32 200 euros.
B.7.1. En ce qui concerne la proportionnalité de la disposition en cause, il faut d'abord constater que l'article 82, § 5, de la LCT offre seulement la faculté de conclure une convention concernant les délais de préavis à observer par l'employeur à un autre moment que celui fixé à l'article 82, § 3, de la LCT. En outre, la disposition en cause prévoit des limites minimales : en effet, l'article 82, § 5, alinéa 2, de la LCT dispose que les délais de préavis ne peuvent en tout cas pas être inférieurs aux délais fixés au § 2, alinéas 1er et 2, du même article.
B.7.2. La disposition en cause n'a pas non plus pour effet de priver les employés dont la rémunération annuelle dépasse le montant indexé de 32 200 euros de l'accès à leur juge naturel. En effet, l'article 82, § 5, de la LCT n'oblige pas ces employés à conclure une convention mais leur offre simplement la possibilité de le faire avant leur entrée en service. S'ils ne le font pas, « les dispositions du § 3 restent applicables », en vertu de l'article 82, § 5, alinéa 3, de la LCT. En l'absence de convention concernant les délais de préavis à observer par l'employeur, ceux-ci sont donc fixés par le juge.
B.7.3. De même que l'article 82, § 3, de la LCT offre une protection impérative aussi bien à l'employé qu'à l'employeur (Cass., 14 janvier 1991, Pas., I, n° 247), l'article 82, § 5, de la LCT offre également une protection tant à l'employé - qui peut convenir, avant son entrée en service, d'un délai de préavis plus long que le délai que fixerait un juge - qu'à l'employeur, qui se voit offrir une plus grande certitude quant aux frais de licenciement de l'employé en question.
B.7.4. Il faut constater enfin que, par le biais d'une novation, l'employé et son employeur conservent la possibilité d'adapter les délais de préavis par consentement mutuel.
B.8. Il ressort de ce qui précède que la différence de traitement en cause n'est pas dépourvue de justification raisonnable.
B.9. La question préjudicielle appelle une réponse négative.
Par ces motifs, la Cour dit pour droit : L'article 82, § 5, de la loi du 3 juillet 1978Documents pertinents retrouvés type loi prom. 03/07/1978 pub. 12/03/2009 numac 2009000158 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail type loi prom. 03/07/1978 pub. 03/07/2008 numac 2008000527 source service public federal interieur Loi relative aux contrats de travail Coordination officieuse en langue allemande fermer relative aux contrats de travail, tel qu'il a été inséré par l'article 136 de la loi du 30 mars 1994Documents pertinents retrouvés type loi prom. 30/03/1994 pub. 07/02/2012 numac 2012000056 source service public federal interieur Loi portant des dispositions sociales fermer portant des dispositions sociales, ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.
Ainsi prononcé en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, à l'audience publique du 5 février 2009.
Le greffier, P.-Y. Dutilleux.
Le président, M. Bossuyt.