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Arrêt
publié le 09 février 2009

Extrait de l'arrêt n° 2/2009 du 15 janvier 2009 Numéros du rôle : 4277 et 4278 En cause : les recours en annulation de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 1 er mars 2007 relative à la protection de l'environnement c La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Melchior et M. Bossuyt, et des juges P. Ma(...)

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COUR CONSTITUTIONNELLE


Extrait de l'arrêt n° 2/2009 du 15 janvier 2009 Numéros du rôle : 4277 et 4278 En cause : les recours en annulation de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 1er mars 2007 relative à la protection de l'environnement contre les éventuels effets nocifs et nuisances provoqués par les radiations non ionisantes, introduits par la SA « Belgacom Mobile » et autres, et par le Conseil des ministres.

La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Melchior et M. Bossuyt, et des juges P. Martens, R. Henneuse, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, J. Spreutels et T. Merckx-Van Goey, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet des recours et procédure 1. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 23 août 2007 et parvenue au greffe le 24 août 2007, un recours en annulation de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 1er mars 2007 relative à la protection de l'environnement contre les éventuels effets nocifs et nuisances provoqués par les radiations non ionisantes (publiée au Moniteur belge du 14 mars 2007) a été introduit par la SA « Belgacom Mobile », dont le siège social est établi à 1210 Bruxelles, rue du Progrès 55, la SA « Mobistar », dont le siège social est établi à 1140 Bruxelles, rue Colonel Bourg 149, et la SA « Base », dont le siège social est établi à 1200 Bruxelles, rue Neerveld 105.2. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 24 août 2007 et parvenue au greffe le 27 août 2007, un recours en annulation de la même ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale, en particulier de ses articles 1er, 2, 3, 6, 7, 9 et 10, a été introduit par le Conseil des ministres. Ces affaires, inscrites sous les numéros 4277 et 4278 du rôle de la Cour, ont été jointes. (...) II. En droit (...) B.1. Les parties requérantes demandent l'annulation de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 1er mars 2007 relative à la protection de l'environnement contre les éventuels effets nocifs et nuisances provoqués par les radiations non ionisantes; le Conseil des ministres précise que son recours porte, en particulier, sur les articles 1er, 2 et 3, 6 et 7, 9 et 10 de l'ordonnance.

L'article 1er précise que l'ordonnance règle une matière régionale.

L'article 2 dispose : « Pour l'application de la présente ordonnance et de ses arrêtés d'exécution, on entend par ' radiations non ionisantes ', les rayonnements électromagnétiques dont la fréquence est comprise entre 0,1 MHz et 300 GHz.

La présente ordonnance n'est pas applicable aux radiations non ionisantes d'origine naturelle, ni à celles émises par les appareillages utilisés par des particuliers tels que, notamment, les GSM, les réseaux WiFi locaux des particuliers, les systèmes de téléphonie de type DECT. Sont également exclues du champ d'application de l'ordonnance les radiations non pulsées qui sont émises en vue de transmettre des programmes - de radiodiffusion aux fréquences comprises entre 87,5 et 108,0 kHz, entre 153 et 261 kHz et entre 531 et 1602 kHz; - ou de télévision aux fréquences comprises entre 174 et 223 MHz et entre 470 et 830 MHz ».

L'article 3 dispose : « Le gouvernement fixe les normes générales de qualité auxquelles tout milieu doit répondre afin d'assurer la protection de l'environnement contre les éventuels effets nocifs et nuisances provoqués par les radiations non ionisantes.

Dans toutes les zones accessibles au public, la densité de puissance du rayonnement des radiations non ionisantes ne peut dépasser, à aucun moment, la norme de 0,024 W/m2 (soit, à titre indicatif, 3 V/m) pour une fréquence de 900 MHz, ceci pour les radiations non ionisantes dont les fréquences sont comprises entre 400 MHz et 2 GHz.

La densité de puissance des radiations non ionisantes ne peut donc dépasser, à aucun moment, la valeur maximale de - 0,01 W/m2 pour les fréquences comprises entre 0,1 MHz et 400 MHz; - f/40.000, exprimée en W/m2 entre 400 MHz et 2 GHz (où f est la fréquence exprimée en MHz); - 0,05 W/m2 pour les fréquences comprises entre 2 GHz et 300 GHz.

Pour les champs composés, la densité de puissance doit être limitée de sorte que 300 GHz sigma Si/Sii <= 1 0,1 MHz Où S, est la densité de puissance du champ électrique à une fréquence i comprise entre 0,1 MHz et 300 GHz et où Sii est valeur de la densité de puissance maximale exprimée en W/m2 et telle que définie dans le 3e alinéa du présent article ».

L'article 4 impose une double obligation d'information aux exploitants d'installations susceptibles de produire ou de transmettre des radiations non ionisantes, et en précise l'étendue.

L'article 5 dispose : « Le gouvernement fixe, dans le cadre de ses compétences, les conditions d'exploitation des installations susceptibles de produire, de transmettre ou de recevoir des radiations non ionisantes.

Les conditions visées par le présent article fixent, notamment, pour chaque périmètre, le nombre et l'intensité des sources de radiations non ionisantes en tenant compte des caractéristiques du périmètre ».

L'article 6 confie au ministre régional compétent en matière d'environnement la mission d'harmoniser la réglementation régionale en la matière.

Le Gouvernement régional est habilité à définir les normes ou conditions générales minimales auxquelles doivent satisfaire les personnes, laboratoires et organismes susceptibles d'intervenir à titre scientifique dans la matière que règle l'ordonnance (article 7) et à mettre à jour et rendre public un cadastre des émetteurs (article 8).

L'article 9 érige en infraction pénale le non-respect de l'ordonnance et de ses arrêtés d'exécution et détermine les peines applicables; l'article 10 traite pour sa part des sanctions administratives.

Enfin, les articles 11, 12 et 13 portent diverses dispositions en matière d'abrogation, de codification et d'entrée en vigueur.

B.2. Considérés globalement, les recours soulèvent tout d'abord plusieurs moyens pris de la violation des règles répartitrices de compétence; ensuite, en trois de leurs moyens, les requérantes dans l'affaire n° 4277 invoquent la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus seuls ou en combinaison avec des dispositions de droit interne ou de droit européen, ou avec des principes juridiques; enfin, les requérantes dans l'affaire n° 4277 critiquent l'ordonnance au regard de la liberté de commerce et d'industrie.

Quant au premier moyen dans l'affaire n° 4277 et au moyen unique dans l'affaire n° 4278 B.3. Le premier moyen dans l'affaire n° 4277 est pris de la violation des articles 35, 39, 128, 134 et 143 de la Constitution, des articles 5, § 1er, I, et 6, § 1er, II, alinéa 1er, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles et du principe de proportionnalité. Le moyen unique dans l'affaire n° 4278 est pris de la violation des compétences fédérales en matière de santé publique et des compétences régionales en matière de protection de l'environnement, établies par la Constitution et la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, notamment son article 6, § 1er, II, alinéa 1er, 1°, précité. La violation du principe de proportionnalité est également soulevée.

Selon les parties requérantes, l'ordonnance attaquée n'aurait pas pour objet de protéger l'environnement mais aurait, en réalité, pour objectif de lutter contre l'exposition humaine aux radiations non ionisantes et viserait la protection de la population contre celles-ci. La protection de la santé de l'homme - la santé publique - ne serait pas comprise dans les compétences des régions en matière de protection de l'environnement, mais relèverait, à l'exception des compétences attribuées aux communautés, de la compétence fédérale; l'ordonnance attaquée empiéterait dès lors sur la compétence de l'Etat fédéral et interférerait dans le champ d'application de l'arrêté royal du 10 août 2005 fixant la norme pour les antennes émettant des ondes électromagnétiques entre 10 MHz et 10 GHz (Moniteur belge , 22 septembre 2005).

A titre subsidiaire, les parties requérantes estiment qu'en fixant une norme d'immission aussi stricte que celle visée en son article 3 - qui est cinquante fois plus stricte que la norme fédérale figurant dans l'arrêté royal précité -, l'ordonnance porterait atteinte au principe de loyauté fédérale et rendrait impossible ou exagérément difficile l'exercice, par l'Etat fédéral, de sa compétence en matière de santé publique sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale. Les parties requérantes soutiennent encore que, compte tenu des effets importants de l'ordonnance sur la protection de la santé publique et vu les liens étroits entre les compétences en cette matière et en matière d'environnement, relevant de législateurs différents, un accord de coopération aurait dû être conclu.

B.4.1. L'article 6, § 1er, II, de la loi spéciale du 8 août 1980 dispose : « En ce qui concerne l'environnement et la politique de l'eau : 1° La protection de l'environnement, notamment celle du sol, du sous-sol, de l'eau et de l'air contre la pollution et les agressions ainsi que la lutte contre le bruit;2° La politique des déchets;3° La police des établissements dangereux, insalubres et incommodes sous réserve des mesures de police interne qui concernent la protection du travail;4° La protection et la distribution d'eau, en ce compris la réglementation technique relative à la qualité de l'eau potable, l'épuration des eaux usées et l'égouttage. L'autorité fédérale est toutefois compétente pour : 1° L'établissement des normes de produits;2° La protection contre les radiations ionisantes, en ce compris les déchets radioactifs;3° Le transit des déchets ». B.4.2. Le Constituant et le législateur spécial, dans la mesure où ils n'en disposent pas autrement, ont attribué aux communautés et aux régions toute la compétence d'édicter les règles propres aux matières qui leur ont été transférées.

En vertu de l'article 6, § 1er, II, précité, les régions sont compétentes pour prévenir et combattre les différentes formes de pollution de l'environnement; le législateur régional trouve dans le 1° de cette disposition la compétence générale lui permettant de régler ce qui concerne la protection de l'environnement, notamment celle du sol, du sous-sol, de l'eau et de l'air contre la pollution et les agressions portées à l'environnement. Cette compétence implique celle de prendre des mesures en vue de prévenir et de limiter les risques liés aux radiations non ionisantes, en ce compris la limitation de l'exposition de l'homme au risque de ces radiations qui se répandent dans l'environnement. La circonstance que ces mesures contribuent à la protection de la santé publique ne fait pas obstacle à la compétence régionale. En effet, la politique environnementale vise à protéger les divers éléments de l'environnement de l'homme, en premier lieu afin de préserver ainsi sa santé.

B.5.1. Sous réserve des exceptions qu'il détermine, l'article 5, § 1er, I, de la loi spéciale précitée attribue aux communautés la compétence en matière de politique de santé.

B.5.2. Sous réserve des compétences ainsi attribuées aux communautés, dont certaines ressortissent directement ou indirectement au domaine de la santé publique, la protection de la santé publique n'a pour le surplus pas été soustraite à la compétence du législateur fédéral, et celui-ci peut, sur la base de sa compétence résiduelle en la matière, adopter des mesures dans les matières pour lesquelles les régions et les communautés ne sont pas compétentes.

B.5.3. La loi du 12 juillet 1985Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/07/1985 pub. 12/07/2011 numac 2011000420 source service public federal interieur Loi relative à la protection de l'homme et de l'environnement contre les effets nocifs et les nuisances provoqués par les radiations non ionisantes, les infrasons et les ultrasons. - Coordination officieuse en langue allemande de la version fédérale fermer relative à la protection de l'homme et de l'environnement contre les effets nocifs et les nuisances provoqués par les radiations non ionisantes, les infrasons et les ultrasons énonce en son article 2, tel qu'il a été modifié par l'article 9 de la loi du 27 mars 2006, que « sans préjudice des compétences définies par la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, le Roi peut, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, sur proposition du Ministre ayant l'environnement dans ses compétences, après consultation des Gouvernements de région, déterminer les normes générales qui définissent les objectifs de qualité auxquels tout milieu doit répondre afin d'assurer la protection de la population et de l'environnement contre les effets nocifs et les nuisances provoqués par les radiations non ionisantes, les infrasons et les ultrasons ».

L'article 3 de cette même loi, modifié par l'article 21, § 4, de la loi du 21 décembre 1998Documents pertinents retrouvés type loi prom. 21/12/1998 pub. 11/02/1999 numac 1998022861 source ministere des affaires sociales, de la sante publique et de l'environnement Loi relative aux normes produits ayant pour but la promotion de modes et de consommation durables et la protection de l'environnement et de la santé type loi prom. 21/12/1998 pub. 30/12/1998 numac 1998015196 source ministere des affaires etrangeres, du commerce exterieur et de la cooperation au developpement Loi portant création de la « Coopération Technique Belge » sous la forme d'une société de droit public type loi prom. 21/12/1998 pub. 03/02/1999 numac 1999000028 source ministere de l'interieur Loi relative à la sécurité lors des matches de football fermer, dispose qu'aux fins de protéger l'homme et l'environnement, le Roi peut également imposer des conditions « à la production, la fabrication, la détention, le transport, l'entretien et l'emploi à des fins commerciales, industrielles, scientifiques, médicales ou autres d'appareils ou d'installations susceptibles de produire, de transmettre ou de recevoir des radiations non ionisantes, des infrasons ou des ultrasons ». Le Roi peut désormais prendre toutes les mesures appropriées et, plus précisément, imposer des conditions en matière de production et de transmission de radiations non ionisantes, d'infrasons ou d'ultrasons.

L'article 4 de la loi énonce que selon la nature et la source des radiations non ionisantes, des infrasons ou des ultrasons ainsi que le milieu où ceux-ci sont produits, transmis ou reçus, les arrêtés royaux pris en exécution des articles 2 et 3 de la loi sont proposés conjointement « par les Ministres nationaux compétents en la matière ». Lesdits arrêtés royaux sont, préalablement, soumis à l'avis du Conseil supérieur de l'hygiène publique.

B.5.4. Lors de l'adoption de la loi du 12 juillet 1985Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/07/1985 pub. 12/07/2011 numac 2011000420 source service public federal interieur Loi relative à la protection de l'homme et de l'environnement contre les effets nocifs et les nuisances provoqués par les radiations non ionisantes, les infrasons et les ultrasons. - Coordination officieuse en langue allemande de la version fédérale fermer, le législateur national était incontestablement compétent pour conférer cette habilitation au Roi, dès lors que sur la base de l'article 6, § 1er, II, 1°, originaire, de la loi spéciale du 8 août 1980, les régions étaient certes compétentes pour la protection de l'environnement, mais « dans le respect des normes légales générales et sectorielles ». La loi du 12 juillet 1985Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/07/1985 pub. 12/07/2011 numac 2011000420 source service public federal interieur Loi relative à la protection de l'homme et de l'environnement contre les effets nocifs et les nuisances provoqués par les radiations non ionisantes, les infrasons et les ultrasons. - Coordination officieuse en langue allemande de la version fédérale fermer visait précisément à habiliter le Roi à adopter de telles normes et à fixer la procédure qu'Il devait respecter à cet égard.

La loi spéciale du 8 août 1988 a limité, à partir du 1er janvier 1989, la compétence du législateur national pour fixer « des normes générales et sectorielles [...] lorsqu'il n'existe pas de normes européennes ». Etant donné que des normes européennes faisaient encore défaut dans le domaine des radiations non ionisantes, le Roi pouvait continuer à utiliser l'habilitation conférée dans les dispositions précitées.

La loi spéciale du 16 juillet 1993 a donné à l'article 6, § 1er, II, alinéa 1er, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980 la rédaction actuelle, mentionnée en B.4.1, à partir du 30 juillet 1993. La compétence du législateur fédéral pour encore fixer ces normes a de ce fait disparu.

En vertu de l'article 6, § 1er, II, dernier alinéa, 1°, de cette loi spéciale, l'autorité fédérale demeure toutefois compétente pour fixer à cet égard des normes de produits, à condition d'y associer les gouvernements régionaux (article 6, § 4, 1°, de cette même loi spéciale). Des normes de produits sont des règles qui déterminent de manière contraignante les conditions auxquelles un produit doit satisfaire, lors de la mise sur le marché, entre autres en vue de la protection de l'environnement. Elles fixent notamment des limites en ce qui concerne les niveaux de polluants ou de nuisance à ne pas dépasser dans la composition ou dans les émissions d'un produit et peuvent contenir des spécifications quant aux propriétés, aux méthodes d'essai, à l'emballage, au marquage et à l'étiquetage des produits.

B.5.5. Depuis le 30 juillet 1993, les articles 3, 4 et 5 de la loi du 12 juillet 1985Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/07/1985 pub. 12/07/2011 numac 2011000420 source service public federal interieur Loi relative à la protection de l'homme et de l'environnement contre les effets nocifs et les nuisances provoqués par les radiations non ionisantes, les infrasons et les ultrasons. - Coordination officieuse en langue allemande de la version fédérale fermer doivent donc, par application de l'article 83 de la loi spéciale du 8 août 1980, lequel est déclaré applicable à la Région de Bruxelles-Capitale par l'article 38 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises, être compris en ce sens qu'ils n'habilitent plus le Roi et le ministre fédéral compétent en matière d'environnement mais les gouvernements régionaux pour adopter les mesures qui y sont visées en ce qu'elles ont pour but de protéger l'environnement, en ce compris leurs effets sur la santé de l'homme, sauf pour ce qui concerne l'habilitation donnée au Roi en vue de fixer des normes de produits pour des installations susceptibles de produire, de transmettre ou de recevoir des radiations non ionisantes.

B.6. Les parties requérantes estiment que l'ordonnance attaquée interférerait, pour les motifs exposés en B.3, avec le champ d'application des normes fédérales contenues dans l'arrêté royal du 10 août 2005 fixant la norme pour les antennes émettant des ondes électromagnétiques entre 10 MHz et 10 GHz.

Etant donné que sur la base de sa compétence résiduelle, l'autorité fédérale n'est plus compétente pour fixer des normes d'exposition, il ne saurait y avoir d'atteinte à cette compétence.

B.7. L'ordonnance attaquée de la Région de Bruxelles-Capitale offre une réponse au souci d'assurer la protection du droit à un environnement sain, visé à l'article 23 de la Constitution.

Le choix du législateur régional de faire figurer à l'article 3 de l'ordonnance attaquée une norme d'immission sévère, par application du principe de précaution, relève du pouvoir d'appréciation de ce législateur et ne saurait être rejeté à défaut de normes internationales ou européennes contraignantes dans ce domaine. Au demeurant, la norme fixée par le législateur ordonnanciel, comme l'indique le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale dans son mémoire, est comparable aux normes appliquées à Paris, dans le Grand-Duché de Luxembourg et en Suisse et est conforme à la norme qui a été conseillée par le Conseil supérieur de la santé dans son avis du 10 octobre 2000 relatif au projet d'arrêté royal qui est devenu l'arrêté royal du 29 avril 2001 ainsi que dans son avis du 22 mars 2005 relatif au projet d'arrêté royal qui est devenu l'arrêté royal du 10 août 2005.

B.8. L'absence d'un accord de coopération dans une matière pour laquelle, comme tel est le cas en l'espèce, le législateur spécial ne prévoit pas d'obligation à cette fin n'est pas, en règle, constitutive d'une violation des règles de compétence.

Il appartient toutefois aux autorités exerçant des compétences complémentaires d'apprécier l'opportunité de faire usage de l'article 92bis de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, qui dispose : « L'Etat, les Communautés et les Régions peuvent conclure des accords de coopération qui portent notamment sur la création et la gestion conjointe de services et institutions communes, sur l'exercice conjoint de compétences propres, ou sur le développement d'initiatives en commun ».

B.9. Le premier moyen dans l'affaire n° 4277 et le moyen unique dans l'affaire n° 4278 ne sont pas fondés.

Quant au deuxième moyen dans l'affaire n° 4277 pris de l'atteinte à la compétence fédérale en matière de télécommunications B.10. Le deuxième moyen dans l'affaire n° 4277 est pris de la violation des articles 35, 39, 128, 134 et 143 de la Constitution, des articles 4, 6°, et 6, § 1er, II, alinéa 1er, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980 et du principe de proportionnalité, lus seuls ou en combinaison ou à la lumière de la directive 87/372/CEE du Conseil du 25 juin 1987 concernant les bandes de fréquence à réserver pour l'introduction coordonnée de communications mobiles terrestres publiques cellulaires numériques paneuropéennes dans la Communauté, de la directive 90/388/CEE de la Commission du 28 juin 1990 relative à la concurrence dans les marchés des services de télécommunication et de la directive 2002/21/CE du Parlement et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques.

Les parties requérantes considèrent que les équipements visés par l'ordonnance attaquée relèveraient des infrastructures de communications électroniques, pour lesquelles l'autorité fédérale est compétente, conformément aux dispositions visées au moyen.

A titre subsidiaire, en fixant une norme d'immission environnementale particulièrement basse et en permettant au gouvernement de fixer les conditions d'exploitation des équipements de télécommunications et le nombre et l'intensité des sources de radiations non ionisantes, l'ordonnance porterait atteinte à la loyauté fédérale en rendant impossible ou exagérément difficile l'exercice, par le législateur fédéral, de sa compétence en matière de télécommunications.

B.11.1. La réglementation qui fait l'objet de l'ordonnance attaquée a trait aux incidences environnementales et aux nuisances causées par les radiations non ionisantes. Bien que ces dispositions imposent évidemment des limites aux installations relevant de leur champ d'application, elles ne portent ni sur l'infrastructure des communications électroniques en tant que telles, ni sur l'instauration d'un réseau ou son utilisation, ni davantage sur la régulation du marché des communications électroniques.

B.11.2. La répartition des compétences entre l'Etat fédéral et les régions repose sur un système de compétences exclusives qui implique que toute situation juridique soit en principe réglée par un seul et unique législateur. Lorsqu'une réglementation a, comme en l'espèce, des liens avec plusieurs attributions de compétences, la Cour doit rechercher où se trouve l'élément prépondérant de la relation juridique réglée.

B.11.3. L'ordonnance attaquée établit une norme environnementale et donne une habilitation au Gouvernement bruxellois afin de fixer les conditions d'exploitation d'installations émettant des radiations non ionisantes. Elle n'établit aucune norme de produits ni aucune condition liée à la mise en place d'un réseau de communications électroniques; elle impose seulement que les rayonnements des équipements électromagnétiques visés dans l'ordonnance ne dépassent pas, quand ils sont émis dans le réseau urbain de la Région de Bruxelles-Capitale, les normes d'immission qu'elle détermine. La compétence fédérale en matière de télécommunications n'inclut pas la fixation de normes d'immission des équipements.

Bien que les mesures contenues dans l'ordonnance puissent avoir une incidence indirecte sur la compétence fédérale en matière de télécommunications, les parties requérantes restent en défaut de démontrer que l'ordonnance attaquée rendrait la politique fédérale impossible ou exagérément difficile dans ce domaine. Le Conseil des ministres n'invoque du reste pas davantage ce fait.

Il résulte de ceci qu'il n'y a pas violation de la compétence fédérale en matière de télécommunications.

B.12. Le deuxième moyen dans l'affaire n° 4277 n'est pas fondé.

Quant au troisième moyen dans l'affaire n° 4277 pris de la violation de la compétence territoriale régionale B.13. Le troisième moyen dans l'affaire n° 4277 est pris de la violation de l'article 39 de la Constitution, de l'article 2 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises et de l'article 2 de la loi spéciale du 8 août 1980. Les parties requérantes reprochent à l'ordonnance attaquée d'avoir, ratione loci, une portée qui dépasse les limites territoriales assignées à la Région de Bruxelles-Capitale et qui s'étendrait à des équipements susceptibles d'être implantés dans les deux autres régions.

B.14. La norme établie par l'ordonnance attaquée est une norme en matière d'immission de radiations, c'est-à-dire une norme concernant les radiations dans un environnement donné. Cet environnement étant le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale, des conséquences sur des équipements situés hors du territoire de la Région ne peuvent être exclues dans la seule mesure où ils émettent des radiations non ionisantes dont les effets sur l'environnement sont ressentis dans la Région de Bruxelles-Capitale. Exclure du champ d'application de l'ordonnance les radiations provenant d'installations situées en dehors de la Région rendrait les mesures de la Région de Bruxelles-Capitale inopérantes et inefficaces. Cette situation peut toutefois inciter les régions à harmoniser leur politique dans ce domaine, en particulier en faisant usage de l'instrument des accords de coopération prévu à l'article 92bis, § 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980.

B.15. Le troisième moyen dans l'affaire n° 4277 n'est pas fondé.

Quant au quatrième moyen dans l'affaire n° 4277 B.16. Le quatrième moyen dans l'affaire n° 4277 est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus isolément ou en combinaison avec l'article 8, paragraphe 3, de la directive 2002/21/CE du Parlement et du Conseil du 7 mars 2002 relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques.

Les parties requérantes font grief à l'ordonnance attaquée d'avoir exclu de son champ d'application, par son article 2, certaines radiations non ionisantes en fonction du type d'équipements, des utilisateurs ou des fréquences concernées. Par ailleurs, en fixant une norme extrêmement basse, l'ordonnance aurait pour effet de rendre impossible ou exagérément difficile l'implantation de nouveaux équipements qui génèrent des radiations non ionisantes.

B.17.1. Aux termes de l'article 2, alinéas 2 et 3, de l'ordonnance attaquée, celle-ci ne s'applique ni aux radiations non ionisantes émises par des appareils utilisés par des particuliers (tels les GSM ou les réseaux Wifi locaux de particuliers), ni aux radiations non pulsées qui sont émises en vue de transmettre des programmes de radiodiffusion ou de télévision.

La première exception est justifiée par le fait que les radiations non ionisantes émises par des particuliers dépendent du choix des intéressés de brancher ou non les appareils, dans la sphère de la vie privée, sur laquelle les pouvoirs publics ont peu de prise sauf à prévoir une réglementation spécifique lors de la mise des produits sur le marché, ce qui relève de la compétence fédérale. Quant à la seconde exception, le législateur bruxellois a entendu prendre en compte les effets autres que thermiques des radiations non ionisantes. En l'occurrence, les appareils visés dans l'exception qui émettent des radiations non pulsées ne produisent que des effets thermiques. Le législateur bruxellois a donc pu raisonnablement décider que seuls les équipements émettant des radiations pulsées devaient être pris en considération.

B.17.2. Le quatrième moyen dans l'affaire n° 4277 n'est pas fondé.

Quant au cinquième moyen dans l'affaire n° 4277 B.18. Le cinquième moyen dans l'affaire n° 4277 est pris de la violation par l'article 9 de l'ordonnance attaquée des articles 10, 11, 12 et 14 de la Constitution et de l'article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980, lus en combinaison avec l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme et avec le principe de la sécurité juridique.

Les parties requérantes font grief à la disposition en cause de prévoir des sanctions pénales alors que le contenu de l'ordonnance serait « indéterminé ou difficilement déterminable » et son respect « impossible ou exagérément difficile à contrôler ».

B.19.1. Le principe de légalité en matière pénale procède de l'idée que la loi pénale doit être formulée en des termes qui permettent à chacun de savoir, au moment où il adopte un comportement, si celui-ci est ou non punissable. Il exige que le législateur indique, en des termes suffisamment précis, clairs et offrant la sécurité juridique, quels faits sont sanctionnés, afin, d'une part, que celui qui adopte un comportement puisse évaluer préalablement, de manière satisfaisante, quelle sera la conséquence pénale de ce comportement et afin, d'autre part, que ne soit pas laissé au juge un trop grand pouvoir d'appréciation.

Toutefois, le principe de légalité en matière pénale n'empêche pas que la loi attribue un pouvoir d'appréciation au juge. Il faut en effet tenir compte du caractère de généralité des lois, de la diversité des situations auxquelles elles s'appliquent et de l'évolution des comportements qu'elles répriment.

B.19.2. Ce n'est qu'en examinant une disposition pénale spécifique qu'il est possible, en tenant compte des éléments propres aux infractions qu'elle entend réprimer, de déterminer si les termes généraux utilisés par le législateur sont à ce point vagues qu'ils méconnaîtraient le principe de légalité en matière pénale.

B.20.1. La disposition en cause spécifie les sanctions pénales en se référant aux obligations contenues dans l'ordonnance attaquée. Ces obligations, définies aux articles 2 et 3, sont claires, précises et prévisibles, le pouvoir d'appréciation laissé au juge étant dès lors réduit. En particulier, l'article 2 définit le champ d'application de l'ordonnance en excluant explicitement de celui-ci les radiations non ionisantes reprises aux alinéas 2 et 3. Par ailleurs, il est prévu que les conditions d'exploitation des installations visées à l'article 5 de l'ordonnance doivent être précisées par des arrêtés d'exécution, ce qui implique que les violations de la disposition attaquée ne pourront être constatées qu'après la publication de ces arrêtés au Moniteur belge , et au minimum deux ans après la publication de l'ordonnance au Moniteur belge , cette dernière n'entrant en vigueur, aux termes de son article 13, que deux ans après cette publication.

B.20.2. Le cinquième moyen dans l'affaire n° 4277 n'est pas fondé.

Quant au sixième moyen dans l'affaire n° 4277 B.21. Le sixième moyen dans l'affaire n° 4277 est pris de la violation de l'article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 et de la liberté de commerce et d'industrie.

Les parties requérantes font valoir que, compte tenu de la norme d'émission et du délai de mise en oeuvre, les opérateurs seraient placés devant l'alternative suivante : soit ne pas respecter cette norme et s'exposer aux sanctions visées aux articles 9 et 10 de l'ordonnance, soit tenter de respecter cette norme et violer alors l'obligation de couverture qui leur est faite par l'article 5, § 1er, de l'arrêté royal du 7 mars 1995 ainsi que par les réglementations subséquentes.

B.22.1. L'article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980, modifié par la loi spéciale du 8 août 1988, dispose : « En matière économique, les Régions exercent leurs compétences dans le respect des principes de la libre circulation des personnes, biens, services et capitaux et de la liberté de commerce et d'industrie, ainsi que dans le respect du cadre normatif général de l'union économique et de l'unité monétaire, tel qu'il est établi par ou en vertu de la loi, et par ou en vertu des traités internationaux. » Il ressort de cet article que, lorsqu'elles exercent leurs compétences en matière de politique économique, les régions sont tenues de respecter le principe de la liberté de commerce et d'industrie.

La liberté de commerce et d'industrie ne peut être conçue comme une liberté absolue. Dans de très nombreux cas, une loi, un décret ou une ordonnance - que ce soit dans le secteur économique ou dans d'autres secteurs - limitera la liberté d'action des personnes ou des entreprises concernées et aura ainsi nécessairement une incidence sur la liberté de commerce et d'industrie. Les régions ne violeraient la liberté de commerce et d'industrie visée à l'article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 que si elles limitaient cette liberté sans qu'existe une quelconque nécessité pour ce faire ou si cette limitation était totalement disproportionnée avec le but poursuivi ou portait atteinte à ce principe en manière telle que l'union économique et monétaire soit compromise.

Pour lui permettre de limiter de manière adéquate les atteintes à l'environnement par les radiations non ionisantes, on peut considérer que le législateur ordonnanciel est en droit d'imposer aux entreprises concernées un certain nombre d'obligations contraignantes au niveau de l'intensité des radiations en cause émises sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale, si la liberté de commerce et d'industrie ne s'en trouve pas limitée de manière disproportionnée.

En l'espèce, il ne s'avère pas que le législateur ordonnanciel aurait apporté à la liberté de commerce et d'industrie, à l'égard des entreprises concernées, une limitation qui serait disproportionnée avec le but poursuivi.

Par ailleurs, les parties requérantes ne démontrent pas, notamment au moyen de rapports d'expertise, l'impossibilité technique ou économique de respecter les normes fixées par l'ordonnance attaquée dans le délai de deux ans qu'a fixé l'ordonnance à cette fin (article 13).

B.22.2. Le sixième moyen dans l'affaire n° 4277 n'est pas fondé.

Quant au septième moyen dans l'affaire n° 4277 B.23. Le septième moyen dans l'affaire n° 4277 est pris de la violation des articles 10, 11 et 160, alinéa 2, de la Constitution, lus seuls ou en combinaison avec les principes de bonne législation et avec l'article 2, § 1er, des lois sur le Conseil d'Etat, coordonnées le 12 janvier 1973.

Les parties requérantes font valoir qu'il y aurait une atteinte au principe d'égalité et de non-discrimination quant à la technique législative mise en oeuvre dans la mesure où l'ordonnance attaquée ne serait pas fondée sur des motifs adéquats et suffisants. Les parties requérantes font encore valoir que la proposition d'ordonnance n'a pas été soumise à la section de législation du Conseil d'Etat.

B.24. La Cour n'est pas en règle compétente pour exercer un contrôle sur la qualité de la législation en tant que telle ni pour vérifier les formalités préalables à l'adoption d'une norme législative.

Par ces motifs, la Cour rejette les recours.

Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, à l'audience publique du 15 janvier 2009.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Melchior.

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