publié le 11 septembre 2007
Extrait de l'arrêt n° 104/2007 du 12 juillet 2007 Numéro du rôle : 4199 En cause : la demande de suspension des articles 6, 7, 8, 10, 14 et 16 du décret flamand du 15 décembre 2006 portant modification du décret du 15 juillet 1997 contenant La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges P. Marte(...)
COUR CONSTITUTIONNELLE
Extrait de l'arrêt n° 104/2007 du 12 juillet 2007 Numéro du rôle : 4199 En cause : la demande de suspension des articles 6, 7, 8, 10, 14 et 16 du décret flamand du 15 décembre 2006 portant modification du décret du 15 juillet 1997 contenant le Code flamand du Logement, introduite par le Gouvernement de la Communauté française.
La Cour constitutionnelle, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke et J. Spreutels, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet de la demande et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 25 avril 2007 et parvenue au greffe le 26 avril 2007, le Gouvernement de la Communauté française a introduit une demande de suspension des articles 6, 7, 8, 10, 14 et 16 du décret de la Région flamande du 15 décembre 2006 portant modification du décret du 15 juillet 1997 contenant le Code flamand du Logement (publié au Moniteur belge du 19 février 2007).
Par la même requête, la partie requérante demande également l'annulation des mêmes dispositions décrétales. (...) II. En droit (...) Quant à l'étendue de la demande de suspension B.1.1. Le Gouvernement de la Communauté française demande l'annulation et la suspension des articles 6, 7, 8, 10, 14 et 16 du décret flamand du 15 décembre 2006 portant modification du décret du 15 juillet 1997 contenant le Code flamand du Logement. La suspension est demandée en application de l'article 16ter de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.
B.1.2. L'article 16ter de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles dispose : « La suspension d'une norme ou d'un acte peut être ordonnée par la Cour d'arbitrage ou le Conseil d'Etat si des moyens sérieux sont susceptibles de justifier l'annulation de la norme ou de l'acte sur base de l'article 16bis. » Cette disposition déroge à l'article 20, 1°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989, en ce qu'elle autorise la suspension à condition que des moyens sérieux soient invoqués, mais sans qu'il faille fournir la preuve d'un préjudice grave difficilement réparable.
B.1.3. Lorsqu'une demande de suspension est introduite sur la base de l'article 16ter de la loi spéciale du 8 août 1980, la Cour limite son examen au caractère sérieux des moyens qui sont pris de la violation de l'article 16bis de la loi spéciale du 8 août 1980.
Parmi les cinq moyens formulés par le Gouvernement de la Communauté française à l'appui de son recours en annulation, seul le premier moyen, en sa première branche, est pris de la violation de l'article 16bis de la loi spéciale du 8 août 1980, de sorte que la Cour doit limiter à la première branche de ce moyen l'examen de la demande de suspension.
B.2.1. Le premier moyen, en sa première branche, vise, d'une part, les articles 6, 7, 8, 10 et 14 du décret du 15 décembre 2006 en tant qu'ils insèrent respectivement les articles 92, § 3, 7°, 93, § 1er, alinéa 2, 3°, 95, § 1er, 3°, 98, § 3, 2°, et 102bis dans le décret du 15 juillet 1997 contenant le Code flamand du Logement, et, d'autre part, l'article 16 du décret du 15 décembre 2006.
B.2.2. L'article 92, § 3, du décret du 15 juillet 1997 contenant le Code flamand du Logement, modifié par l'article 6 du décret du 15 décembre 2006, dispose : « Le locataire d'une habitation sociale de location respecte les obligations suivantes : 1° occuper l'habitation sociale de location, le cas échéant conjointement avec les enfants mineurs dont la garde lui a été attribuée.Toute modification de personnes occupant l'habitation sociale de location de façon durable, doit immédiatement être communiquée au bailleur concerné; 2° avoir son adresse principale à l'habitation sociale de location et y être domicilié;3° payer le loyer;4° communiquer les éléments nécessaires au calcul du loyer au bailleur si ce dernier le demande;5° entretenir l'habitation sociale de location en bon père de famille;6° pour autant que le locataire occupe une habitation sociale qui n'est pas située dans une commune de la périphérie ou de la frontière linguistique, tel que mentionné dans les lois coordonnées du 18 juillet 1966 sur l'emploi des langues en matière administrative, avoir la volonté d'apprendre le Néerlandais.Lors de l'apprentissage du Néerlandais, le but est d'atteindre un niveau correspondant à la valeur directive A.1. du Cadre européen commun de Référence pour Langues. Le Gouvernement flamand arrête les modalités pour constater cette volonté. Les personnes pouvant prouver qu'elles répondent déjà à cette valeur directive pour le Néerlandais, sont exemptées aux conditions à arrêter par le Gouvernement flamand. Le Gouvernement flamand désigne également les catégories de personnes qui sont exemptées de cette obligation. La personne pouvant prouver à l'aide d'une attestation médicale qu'elle est grièvement malade ou qu'elle a un handicap mental ou physique l'empêchant en permanence d'obtenir la valeur directive A.1., est exemptée de cette obligation; 7° pour autant que le locataire occupe une habitation sociale qui n'est pas [lire : qui est] située dans une commune de la périphérie ou de la frontière linguistique, tel que mentionné dans les lois coordonnées du 18 juillet 1966 sur l'emploi des langues en matière administrative, sans porter préjudice aux facilités linguistiques, avoir la volonté d'apprendre le Néerlandais.Lors de l'apprentissage du Néerlandais, le but est d'atteindre un niveau correspondant à la valeur directive A.1. du Cadre européen commun de Référence pour Langues. Le Gouvernement flamand arrête les modalités pour constater cette volonté. Les personnes pouvant prouver qu'elles répondent déjà à cette valeur directive pour le Néerlandais, sont exemptées aux conditions à arrêter par le Gouvernement flamand. Le Gouvernement flamand désigne également les catégories de personnes qui sont exemptées de cette obligation. La personne pouvant prouver à l'aide d'une attestation médicale qu'elle est grièvement malade ou qu'elle a un handicap mental ou physique l'empêchant en permanence d'obtenir la valeur directive A.1., est en tout cas exemptée de cette obligation; 8° pour autant que le décret du 28 février 2003 relatif à la politique flamande d'intégration civique s'applique, suivre ou avoir suivi le trajet d'intégration civique;9° occuper l'habitation sociale de location d'une telle manière que la viabilité ne soit pas compromise et qu'aucune nuisance exagérée n'est causée pour les voisins et les alentours immédiats. Lorsque les obligations, visées au premier alinéa, ne sont pas respectées, le bailleur peut, aux conditions à arrêter par le Gouvernement flamand, accompagner ou faire accompagner le locataire de l'habitation sociale de location, si ce dernier y consent, en matière du respect de ses obligations ».
Le moyen vise le 7° de cette disposition.
B.2.3. L'article 93, § 1er, alinéa 2, du décret du 15 juillet 1997 contenant le Code flamand du Logement, modifié par l'article 7 du décret du 15 décembre 2006, dispose : « Au moment de l'enregistrement, le candidat-locataire doit, aux conditions à arrêter par le Gouvernement flamand, démontrer : 1° qu'il répond aux conditions en matière de propriété immobilière et de revenu arrêtées par le Gouvernement flamand;2° pour autant que le locataire veut occuper une habitation sociale qui n'est pas située dans une commune de la périphérie ou de la frontière linguistique, tel que mentionné dans les lois coordonnées du 18 juillet 1966 sur l'emploi des langues en matière administrative, avoir la volonté d'apprendre le Néerlandais.Lors de l'apprentissage du Néerlandais, le but est d'atteindre un niveau correspondant à la valeur directive A.1. du Cadre européen commun de Référence pour Langues. Le Gouvernement flamand arrête les modalités pour constater cette volonté. Les personnes pouvant prouver qu'elles répondent déjà à cette valeur directive pour le Néerlandais, sont exemptées aux conditions à arrêter par le Gouvernement flamand. Le Gouvernement flamand désigne également les catégories de personnes qui sont exemptées de la condition de volonté d'apprendre le Néerlandais. La personne pouvant prouver à l'aide d'une attestation médicale qu'elle est grièvement malade ou qu'elle a un handicap mental ou physique l'empêchant en permanence d'obtenir la valeur directive A.1., est en tout cas exemptée de cette obligation; 3° pour autant qu'il veuille occuper une habitation sociale qui n'est pas [lire : qui est] située dans une commune de la périphérie ou de la frontière linguistique, tel que mentionné dans les lois coordonnées du 18 juillet 1966 sur l'emploi des langues en matière administrative, sans porter préjudice aux facilités linguistiques, avoir la volonté d'apprendre le Néerlandais.Lors de l'apprentissage du Néerlandais, le but est d'atteindre un niveau correspondant à la valeur directive A.1. du Cadre européen commun de Référence pour Langues. Le Gouvernement flamand arrête les modalités pour constater cette volonté. Les personnes pouvant prouver qu'elles répondent déjà à cette valeur directive pour le Néerlandais, sont exemptées aux conditions à arrêter par le Gouvernement flamand. Le Gouvernement flamand désigne également les catégories de personnes qui sont exemptées de la condition de volonté d'apprendre le Néerlandais. La personne pouvant prouver à l'aide d'une attestation médicale qu'elle est grièvement malade ou qu'elle a un handicap mental ou physique l'empêchant en permanence d'obtenir la valeur directive A.1., est en tout cas exemptée de cette obligation; 4° pour autant que le décret du 28 février 2003 relatif à la politique flamande d'intégration civique s'applique, il a la volonté de suivre ou il a suivi le trajet d'intégration civique conformément au même décret ». Le moyen vise le 3° de cette disposition.
B.2.4. L'article 95, § 1er, du décret du 15 juillet 1997 contenant le Code flamand du Logement, modifié par l'article 8 du décret du 15 décembre 2006, dispose : « Le candidat-locataire, ainsi qu'au moment de l'accès au contrat de location courant, la personne, visée à l'article 2, § 1er, premier alinéa, 34°, c) et d), ne peut être admis à une habitation sociale de location que lorsqu'il prouve : 1° qu'il répond aux conditions en matière de propriété immobilière et de revenu arrêtées par le Gouvernement flamand;2° pour autant qu'il veuille occuper une habitation sociale qui n'est pas située dans une commune de la périphérie ou de la frontière linguistique, tel que mentionné dans les lois coordonnées du 18 juillet 1966 sur l'emploi des langues en matière administrative, avoir la volonté d'apprendre le Néerlandais.Lors de l'apprentissage du Néerlandais, le but est d'atteindre un niveau correspondant à la valeur directive A.1. du Cadre européen commun de Référence pour Langues. Le Gouvernement flamand arrête les modalités pour constater cette volonté. Les personnes pouvant prouver qu'elles répondent déjà à cette valeur directive pour le Néerlandais, sont exemptées aux conditions à arrêter par le Gouvernement flamand. Le Gouvernement flamand désigne également les catégories de personnes qui sont exemptées de la condition de volonté d'apprendre le Néerlandais. La personne pouvant prouver à l'aide d'une attestation médicale qu'elle est grièvement malade ou qu'elle a un handicap mental ou physique l'empêchant en permanence d'obtenir la valeur directive A.1., est en tout cas exemptée de cette obligation; 3° pour autant qu'il veuille occuper une habitation sociale qui n'est pas [lire : qui est] située dans une commune de la périphérie ou de la frontière linguistique, tel que mentionné dans les lois coordonnées du 18 juillet 1966 sur l'emploi des langues en matière administrative, sans porter préjudice aux facilités linguistiques, avoir la volonté d'apprendre le Néerlandais.Lors de l'apprentissage du Néerlandais, le but est d'atteindre un niveau correspondant à la valeur directive A.1. du Cadre européen commun de Référence pour Langues. Le Gouvernement flamand arrête les modalités pour constater cette volonté. Les personnes pouvant prouver qu'elles répondent déjà à cette valeur directive pour le Néerlandais, sont exemptées aux conditions à arrêter par le Gouvernement flamand. Le Gouvernement flamand désigne également les catégories de personnes qui sont exemptées de la condition de volonté d'apprendre le Néerlandais. La personne pouvant prouver à l'aide d'une attestation médicale qu'elle est grièvement malade ou qu'elle a un handicap mental ou physique l'empêchant en permanence d'obtenir la valeur directive A.1., est en tout cas exemptée de cette obligation; 4° pour autant que le décret du 28 février 2003 relatif à la politique flamande d'intégration civique s'applique, il a la volonté de suivre ou il a suivi le trajet d'intégration civique conformément au même décret. [...] ».
Le moyen vise le 3° de cette disposition.
B.2.5. L'article 98, § 3, du décret du 15 juillet 1997 contenant le Code flamand du Logement, modifié par l'article 10 du décret du 15 décembre 2006, dispose : « Le bailleur ne peut terminer le contrat de location que dans les cas suivants : 1° lorsque le locataire d'une habitation sociale de location ne répond plus aux conditions arrêtées conformément à l'article 96, § 1er;2° en cas d'un défaut grave ou persistant de la part du locataire d'une habitation sociale de location ayant trait à ses obligations. Une infraction aux dispositions, visées à l'article 92, § 3, 1° et 2°, est assimilée à un défaut grave.
Le délai de résiliation comprend six mois. En cas d'un défaut grave ou persistant, le délai de résiliation comprend trois mois.
Lorsque le délai mentionné au premier alinéa, 2°, résulte du fait que le locataire d'une habitation sociale est insolvable, le contrat de location ne peut être terminé qu'après concertation avec le CPAS ».
Le moyen vise le 2° de cette disposition.
B.2.6. L'article 102bis du décret du 15 juillet 1997 contenant le Code flamand du Logement, inséré par l'article 14 du décret du 15 décembre 2006, dispose : « § 1er. Sans préjudice de l'application des sanctions mentionnées ci-après, les mesures administratives suivantes peuvent être imposées au bailleur et au locataire d'une habitation sociale de location qui ne respectent pas les conditions fixées au présent titre ou conformément au présent titre ou qui ne respectent pas leurs obligations : 1° la cessation ou l'exécution ou l'imposition de travaux, opérations ou activités;2° imposition de l'interdiction de l'utilisation de l'installation, des appareils ou de garder des animaux lorsque ces derniers causent des nuisances exagérées. Les mesures administratives comprennent la date finale de leur exécution imposée. Lors de la fixation du délai d'exécution, il est tenu compte du temps qui est raisonnablement nécessaire à leur exécution.
Les fonctionnaires chargés de l'imposition des mesures administratives, sont les fonctionnaires visés au § 2.
Les mesures administratives peuvent prendre la forme d'un ordre ou d'un acte effectif, au frais du contrevenant présumé, soit, en vue de terminer l'infraction, soit, en éliminant entièrement ou partiellement ses conséquences, soit, en évitant sa répétition.
Le Gouvernement flamand peut arrêter les modalités de la procédure et du contenu des mesures administratives. [...] § 3. Une amende administrative peut être imposée au locataire d'une habitation sociale de location qui ne respecte pas une obligation prévue à l'article 92, § 3, à la condition que l'intéressé ait été dûment entendu ou convoqué. Cette amende administrative ne peut ni être inférieure à 25 euros ni supérieure à 5.000 euros.
En cas de l'imposition de l'amende administrative, il ne peut pas exister de disproportion manifeste entre les faits qui sont à la base de l'amende administrative et l'amende imposée sur la base de ces faits.
Une amende administrative ne peut pas être imposée : 1° lorsqu'une amende administrative avait déjà été imposée auparavant pour le fait en question;2° lorsque le juge de répression a déjà prononcé un jugement en première instance en matière du fait en question. [...] § 9. Sans préjudice de l'application des dispositions pénales des articles 269 à 274 du Code pénal, une personne est punie : 1. d'un emprisonnement de huit jours à trois mois ou d'une peine de travail ayant une durée maximale de 250 heures ou d'une amende de 26 à 500 euros lorsqu'elle ne respecte pas les obligations visées à l'article 92, § 3, 1° ou 2°; 2° d'un emprisonnement de huit jours à un an ou d'une peine de travail ayant une durée maximale de 250 heures ou d'une amende de 1.000 à 5.000 euros lorsqu'elle empêche le contrôle régulier en vertu du chapitre III du titre VII et de leurs arrêtés d'exécution ».
B.2.7. L'article 16 du décret du 15 décembre 2006 dispose : « Les obligations, visées à l'article 92, § 3, 6°, 7° et 8°, et la période d'essai, visée à l'article 92, § 1er, 3°, du décret du 15 juillet 1997 contenant le Code flamand du Logement, tel que modifié par le présent décret, ne s'appliquent pas au locataire qui au moment de l'entrée en vigueur du présent décret est déjà locataire d'une habitation sociale de location. Le Gouvernement flamand peut, en ce qui concerne ce locataire, prendre des mesures stimulantes de sorte que le locataire puisse respecter les obligations, visées à l'article 93, § 3, 6°, 7° et 8°, du décret du 15 juillet 1997 contenant le Code flamand du Logement, tel que modifié par le présent décret ».
Quant à la première branche du premier moyen B.3. La partie requérante fait valoir que les dispositions attaquées violent l'article 16bis de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, combiné ou non avec l'article 30 de la Constitution, en ce que pour pouvoir entrer en ligne de compte pour un logement social situé dans les communes périphériques et les communes de la frontière linguistique, les candidats locataires et les locataires sont obligés de démontrer qu'ils sont disposés à apprendre le néerlandais.
B.4.1. L'article 16bis de la loi spéciale du 8 août 1980 dispose : « Les décrets, règlements et actes administratifs ne peuvent porter préjudice aux garanties existantes au moment de l'entrée en vigueur de la présente disposition dont bénéficient les francophones dans les communes citées à l'article 7 des lois sur l'emploi des langues en matière administrative, coordonnées le 18 juillet 1966, ainsi que celles dont bénéficient les néerlandophones, les francophones et germanophones dans les communes citées à l'article 8 des mêmes lois ».
B.4.2. Les travaux préparatoires relatifs à cette disposition indiquent qu'elle « vise à garantir aux communes de la périphérie et aux communes à facilités que les garanties existant actuellement seront maintenues intégralement, même après la régionalisation de la loi communale organique et électorale » (Doc. parl., Sénat, 2000-2001, n° 2-709/1, p.21), et que, par l'utilisation du terme « garanties », le législateur visait « l'ensemble des dispositions actuellement en vigueur qui organisent un régime spécifique au profit des particuliers cités dans le texte et de manière générale, toute disposition qui peut être identifiée comme protégeant les particuliers et notamment, les mandataires publics dans les communes visées aux articles 7 et 8 des lois coordonnées » (Doc. parl., Chambre, 2000-2001, DOC 50-1280/003, p. 10). B.4.3. L'article 30 de la Constitution dispose : « L'emploi des langues usitées en Belgique est facultatif; il ne peut être réglé que par la loi, et seulement pour les actes de l'autorité publique et pour les affaires judiciaires ».
B.5. Les lois coordonnées sur l'emploi des langues en matière administrative sont applicables aux bailleurs d'habitations sociales de location qui sont des « services » au sens de l'article 1er de ces lois.
B.6. En imposant aux locataires et aux candidats locataires l'obligation de démontrer qu'ils sont disposés à apprendre le néerlandais, le législateur décrétal, comme le relève également la section de législation du Conseil d'Etat dans son avis relatif à l'avant-projet de décret, ne règle pas l'emploi des langues (Doc. parl., Parlement flamand, 2005-2006, n° 824/1, pp. 49 et 50), de sorte qu'en raison de son objet, le décret attaqué ne pourrait pas, en principe, porter atteinte aux facilités linguistiques accordées aux particuliers par les lois sur l'emploi des langues en matière administrative.
La Cour examinera néanmoins si le décret, en imposant cette obligation, porte atteinte aux garanties dont bénéficient les francophones dans les communes citées aux articles 7 et 8 des lois coordonnées sur l'emploi des langues en matière administrative.
B.7. L'article 92, § 3, 7°, l'article 93, § 1er, alinéa 2, 3°, et l'article 95, § 1er, 3°, disposent explicitement que l'obligation pour le locataire ou le candidat locataire d'une habitation sociale de prouver qu'il a la volonté d'apprendre le néerlandais est imposée « sans porter préjudice aux facilités linguistiques ». L'exposé des motifs précise à ce sujet : « Le projet de décret prévoit une disposition distincte [...] pour les francophones qui occupent un logement locatif social dans les communes périphériques ou de la frontière linguistique situées dans la région de langue néerlandaise. La condition selon laquelle il faut être disposé à apprendre le néerlandais vaut également pour ces personnes.
L'imposition de la condition d'être disposé à apprendre le néerlandais ne porte pas atteinte aux facilités linguistiques. [...] Par conséquent, l'imposition de la condition d'être disposé à apprendre le néerlandais ne prive en aucun cas les francophones de leurs facilités linguistiques dans les communes de la frontière linguistique et de la périphérie. Les francophones peuvent encore toujours, dans ces communes, demander à chaque fois au bailleur d'être traités en français » (Doc. parl., Parlement flamand, 2005-2006, n° 824/1, pp. 19-20).
B.8.1. Il résulte de ce qui précède que, selon la volonté expresse du législateur décrétal, les bailleurs d'habitations sociales de location qui sont des services au sens de l'article 1er des lois sur l'emploi des langues en matière administrative doivent, pour ce qui concerne les communes périphériques et les communes à facilités, se conformer aux lois coordonnées aussi bien, d'une part, dans leurs rapports oraux et écrits avec les locataires ou candidats locataires qui souhaitent se prévaloir des facilités linguistiques qui leur sont accordées que, d'autre part, en ce qui concerne les avis, communications et formulaires destinés au public ainsi que les autres documents qu'ils utilisent le cas échéant.
B.8.2. Pour les candidats locataires et locataires francophones établis dans les communes à facilités, cela signifie que les avis et communications qui sont destinés au public et qui émanent des bailleurs visés ci-dessus doivent être établis non seulement en néerlandais mais également en français. C'est également le cas dans les communes périphériques pour les formulaires utilisés par les bailleurs (article 11, § 2, et article 24, alinéa 1er, des lois coordonnées sur l'emploi des langues en matière administrative).
Si les candidats-locataires ou locataires établis dans les communes à facilités le demandent, les contacts écrits et oraux avec les bailleurs visés ci-dessus doivent se dérouler en français (article 12 et article 25 des lois coordonnées sur l'emploi des langues en matière administrative). Les certificats, déclarations et autorisations délivrés dans les communes périphériques par les bailleurs doivent être établis en français si les candidats locataires ou locataires le demandent (article 26 des lois coordonnées sur l'emploi des langues en matière administrative). La même réglementation s'applique aux certificats délivrés par les bailleurs dans les communes de la frontière linguistique (article 14 des lois coordonnées sur l'emploi des langues en matière administrative).
Les actes qui sont délivrés, le cas échéant, par ces bailleurs doivent être établis en français dans les communes périphériques visées à l'article 28 des lois coordonnées sur l'emploi des langues en matière administrative, à la demande des candidats locataires ou locataires.
Dans les autres communes périphériques et dans les communes de la frontière linguistique, les actes sont établis en néerlandais mais tout intéressé peut s'en faire délivrer gratuitement une traduction certifiée exacte en français, valant expédition ou copie conforme (article 13, § 1er, et article 30 des lois coordonnées sur l'emploi des langues en matière administrative).
Les dispositions en cause ne portent donc pas atteinte aux garanties dont bénéficient les francophones en vertu de ces lois dans les communes mentionnées aux articles 7 et 8 des lois coordonnées sur l'emploi des langues en matière administrative.
B.9.1. Par ailleurs, les dispositions en cause, en imposant au locataire ou au candidat locataire d'une habitation sociale située dans une des communes citées aux articles 7 et 8 des lois coordonnées sur l'emploi des langues en matière administrative de démontrer qu'il a la volonté d'apprendre le néerlandais, ne l'obligent nullement à utiliser cette langue, ni dans ses rapports avec les autres particuliers, ni dans ses rapports avec le bailleur de l'habitation sociale.
Elles ne portent donc pas atteinte à la liberté d'emploi des langues, telle qu'elle est garantie par l'article 30 de la Constitution.
B.9.2. Dans son mémoire, le Gouvernement flamand précise, comme l'a fait le rapport sur la législation attaquée (Doc. parl., Parlement flamand, 2005-2006, n° 824/5, p. 12), que les dispositions en cause créent une obligation de moyen et non une obligation de résultat.
A cet égard, les articles 92, § 3, 7°, 93, § 1er, alinéa 2, 3°, et 95, § 1er, 3°, disposent que le Gouvernement flamand arrête les modalités pour constater cette volonté d'apprendre le néerlandais.
Ces « modalités », qu'il appartiendra au juge compétent de contrôler, ne peuvent donc aboutir à créer pour les francophones des communes à facilités une obligation de résultat d'apprendre le néerlandais. Elles ne peuvent impliquer l'obligation pour les francophones des communes à facilités de démontrer la connaissance de la langue néerlandaise, ni la faculté pour l'autorité de vérifier cette connaissance, comme condition mise à la location d'une habitation sociale.
B.10. Dès lors qu'il ressort de l'examen limité auquel la Cour procède dans le cadre du traitement d'une demande de suspension que les dispositions dont la suspension est demandée ne portent pas atteinte aux garanties dont jouissent les locataires ou les candidats locataires francophones qui occupent ou qui souhaitent obtenir une habitation sociale située sur le territoire d'une des communes citées aux articles 7 et 8 des lois coordonnées sur l'emploi des langues en matière administrative, en vertu des dispositions existantes lors de l'entrée en vigueur de l'article 16bis de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, le moyen tiré de la violation de cette dernière disposition, lue isolément ou combinée avec l'article 30 de la Constitution, ne peut être considéré comme sérieux au sens de l'article 16ter de la loi spéciale du 8 août 1980 précitée.
Par ces motifs, la Cour rejette la demande de suspension.
Ainsi prononcé en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, à l'audience publique du 12 juillet 2007.
Le greffier, P.-Y. Dutilleux.
Le président, M. Melchior.