publié le 17 avril 2007
Extrait de l'arrêt n° 51/2007 du 28 mars 2007 Numéro du rôle : 3971 En cause : le recours en annulation de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 2 décembre 2004 portant validation de l'arrêté du 12 septembre 2002 arrêtant le pl La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges L. Lavrysen, A(...)
Extrait de l'arrêt n° 51/2007 du 28 mars 2007 Numéro du rôle : 3971 En cause : le recours en annulation de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 2 décembre 2004 portant validation de l'arrêté du 12 septembre 2002 arrêtant le plan régional de développement de la Région de Bruxelles-Capitale, introduit par Nicolas Jancen et Vladimir Jancen.
La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman et J. Spreutels, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 28 avril 2006 et parvenue au greffe le 28 avril 2006, un recours en annulation de l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 2 décembre 2004 portant validation de l'arrêté du 12 septembre 2002 arrêtant le plan régional de développement de la Région de Bruxelles-Capitale (publiée au Moniteur belge du 28 octobre 2005, deuxième édition) a été introduit par Nicolas Jancen, demeurant à 1180 Bruxelles, Chemin privé 't Cortenbosch 39, et Vladimir Jancen, demeurant à 1180 Bruxelles, rue Groeselenberg 106. (...) II. En droit (...) B.1. L'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 2 décembre 2004 portant validation de l'arrêté du 12 septembre 2002 arrêtant le plan régional de développement de la Région de Bruxelles-Capitale dispose : «
Article 1er.La présente ordonnance règle une matière visée à l'article 39 de la Constitution.
Art. 2.L'arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 12 septembre 2002 arrêtant le plan régional de développement est validé avec effet à sa date d'entrée en vigueur.
Cette validation sort ses effets jusqu'à l'entrée en vigueur du prochain projet de plan régional de développement adopté conformément aux articles 16 à 22 du Code bruxellois de l'aménagement du territoire.
Art. 3.La présente ordonnance entre en vigueur le jour de sa publication au Moniteur belge . [...] ».
B.2. Les parties requérantes reprochent aux dispositions attaquées de violer les articles 10, 11 et 13 de la Constitution et le principe de la séparation des pouvoirs en ce que la validation opérée par l'article 2 de l'ordonnance du 2 décembre 2004 les prive du bénéfice du recours qu'elles avaient introduit devant le Conseil d'Etat pour obtenir l'annulation de l'arrêté du 12 septembre 2002 et en ce que cette validation empêche les juridictions de trancher des litiges qui relèvent de leur compétence exclusive.
B.3. Les travaux préparatoires de l'ordonnance attaquée indiquent l'intention des auteurs de la proposition qui en est à l'origine : « 1. Le 20 septembre 2001, le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale a arrêté le projet de plan régional de développement.
Ce projet n'a pas été soumis à l'avis préalable de la Section de législation du Conseil d'Etat.
Le 12 septembre 2002, le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale a adopté le plan régional de développement. Le texte de cet arrêté n'a pas plus été soumis.
Différents recours en annulation ont été introduits à l'encontre de l'arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 12 septembre 2002 arrêtant le plan régional de développement.
Dans un rapport du 6 octobre 2003, l'auditeur-rapporteur conclut à la recevabilité du recours et à son fondement, estimant que le plan régional de développement aurait dû être soumis à l'avis préalable de la Section de législation du Conseil d'Etat, dès lors que cet arrêté aurait une portée réglementaire. 2. Les conséquences éventuelles d'une annulation, même partielle, sont doubles.D'une part, à l'égard des parcelles pour lesquelles l'annulation a été prononcée et d'autre part, à l'égard de l'ensemble des dispositions du plan régional.
L'exception d'illégalité contenue dans l'article 159 de la Constitution permettrait de remettre en cause toute décision qui serait fondée sur le plan régional de développement.
La procédure de correction des vices probables du plan régional de développement devrait donc passer par l'élaboration d'un nouveau projet de plan.
Vu l'obligation d'établir un rapport sur les incidences environnementales ainsi que la tenue d'une nouvelle enquête publique, il faut tenir compte de l'impact de la durée de cette procédure d'élaboration sur une série de politiques régionales dont la mise en oeuvre est subordonnée entre autres à la conformité des projets aux prescriptions du PRD. D'importants budgets affectés entre autres aux communes ou au développement économique risquent en quelque sorte d'être gelés le temps d'élaborer le nouveau plan régional de développement.
En effet, des effets juridiques précis sont attachés à certains éléments du plan régional de développement par plusieurs législations ou réglementations.
Ces effets juridiques ont une incidence directe sur la mise en oeuvre de nombreuses dispositions budgétaires.
Sans être exhaustif, on peut citer : - L'article 46 du Code des droits d'enregistrement tel que modifié par l'ordonnance du 22 décembre 2002 qui prévoit une majoration de l'abattement fiscal ' lorsque l'acquisition concerne un immeuble situé dans un espace de développement renforcé du logement et de la rénovation, tel que délimité dans le plan régional de développement pris en exécution des articles 16 à 24 de l'ordonnance du 29 août 1991 organique de la planification et de l'urbanisme '; - L' ordonnance du 21 décembre 1998Documents pertinents retrouvés type ordonnance prom. 21/12/1998 pub. 23/03/1999 numac 1999031046 source ministere de la region de bruxelles-capitale Ordonnance fixant les règles de répartition de la dotation générale aux communes de la Région de Bruxelles-Capitale à partir de l'année 1998 type ordonnance prom. 21/12/1998 pub. 27/05/1999 numac 1999031051 source ministere de la region de bruxelles-capitale Ordonnance contenant le budget général des dépenses de la Région de Bruxelles-Capitale pour l'année budgétaire 1999 fermer fixant les règles de répartition de la dotation générale des communes de la région qui dispose en matière de parts des dotations-dépenses que la cinquième part ' est répartie au prorata de la superficie du territoire communal compris dans l'espace de développement renforcé du logement tel que délimité par le plan régional de développement pris en exécution des articles 16 à 24 de l'ordonnance du 29 août 1991 organique de la planification et de l'urbanisme '; - L' ordonnance du 16 juillet 1998Documents pertinents retrouvés type ordonnance prom. 16/07/1998 pub. 20/08/1998 numac 1998031339 source ministere de la region de bruxelles-capitale Ordonnance relative à l'octroi de subsides destinés à encourager la réalisation d'investissements d'intérêt public fermer relative à l'octroi de subsides destinés à encourager la réalisation d'investissements d'intérêt public définit les investissements subsidiables comme suit : ' en ce qui concerne la voirie : a) les créations de voirie prévues par la plan régional de développement ou par les plans communaux de développement;' et ' en ce qui concerne les espaces verts : a) l'acquisition de terrains en vue de leur affectation en espace vert accessible au public, si le terrain est compris dans une aire de verdoiement prioritaire du plan régional de développement ou si celui-ci prévoit la création d'un espace vert à cet endroit;'. De même, pour le calcul du subside, il est prévu que ' ce taux est porté à soixante pour cent pour les travaux et études repris dans la liste des priorités du plan régional de développement arrêtée par le Gouvernement '; - L'arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles- Capitale du 2 mai 2002 relatif à l'octroi de primes à l'embellissement des façades module la prime selon que l'immeuble concerné est ou non repris, au plan régional de développement renforcé du logement et de la rénovation (EDRLR) ou le long d'un espace structurant. Il en va de même de l'arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 13 juin 2002 relatif à l'octroi de primes à la rénovation de l'habitat; - L'arrêté du 28 mars 2002 du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale relatif à l'octroi de subsides au bénéfice d'associations ou regroupements d'associations oeuvrant à un programme de développement local intégré en matière de rénovation urbaine impose en son article 9 comme conditions d'octroi de subside ' pour l'association oeuvrant à des activités de conseil en rénovation ou niveau local : (...) b) travailler principalement dans l'espace de développement renforcé du logement et de la rénovation '.
Il est totalement déraisonnable d'imaginer une modification des nombreuses dispositions réglementaires ou légales qui font référence au PRD. Il n'est pas d'avantage concevable d'espérer adopter un nouveau PRD dans des délais qui ne mettraient pas en péril la mise en oeuvre des politiques régionales qui dépendent de ce dernier.
Ces deux hypothèses doivent être écartées dès lors que l'on souhaite voir les politiques régionales concernées poursuivies en 2005.
Une validation législative du plan régional de développement apparaît dès lors constituer la seule solution envisageable, dès lors qu'elle seule permettra de sauvegarder la cohérence de la politique budgétaire, de la politique d'aménagement du territoire et des aides y afférentes. Sur ce point, on aura égard : - à la portée de l'instrument en cause tant dans la hiérarchie des plans d'aménagement qu'en matière d'aides régionales; - au fait que l'objectif poursuivi par le législateur n'est pas de priver les justiciables de leur droit de recours, mais de sauvegarder la cohérence de la politique d'aménagement du territoire et des aides y afférentes; - aux difficultés liées à une réfection immédiate du plan régional de développement (durée de la procédure tenant à l'évaluation des incidences, gel des aides durant la procédure de réfection, impact budgétaire) » (Doc. parl., Parlement bruxellois, 2004-2005, n° A/80-1, pp. 1 à 4).
B.4.1. Sans doute des dispositions législatives qui valident des dispositions déférées à la censure du Conseil d'Etat ont-elles pour effet d'empêcher le Conseil d'Etat de se prononcer, quant au fond, sur l'irrégularité éventuelle de ces dispositions. La catégorie de citoyens auxquels elles s'appliquaient est traitée différemment des autres citoyens en ce qui concerne la garantie juridictionnelle accordée par l'article 13 de la Constitution et par l'article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat. Toutefois, il ne s'ensuit pas nécessairement que les articles 10, 11 et 13 de la Constitution seraient violés.
B.4.2. En réglant dans une ordonnance le plan régional de développement, le législateur ordonnanciel a entendu exercer lui-même une compétence qui lui appartient.
B.4.3. La seule existence de recours devant le Conseil d'Etat n'empêche pas que les irrégularités dont pourrait être entaché l'acte attaqué puissent être redressées avant même qu'il soit statué sur lesdits recours.
B.4.4. Le vice allégué devant le Conseil d'Etat contre l'arrêté validé et que, selon les travaux préparatoires, l'ordonnance attaquée vise à couvrir, est l'omission de la consultation de la section de législation du Conseil d'Etat à laquelle le Gouvernement aurait dû soumettre le projet d'arrêté. Cette irrégularité, à la supposer établie, n'a pu faire naître en faveur des parties qui avaient attaqué l'arrêté royal devant le Conseil d'Etat, le droit intangible d'être dispensées à jamais du respect des obligations imposées par le plan régional de développement alors même que celles-ci seraient fondées sur un acte nouveau dont la constitutionnalité serait incontestable.
Cet acte nouveau ne serait inconstitutionnel que s'il violait lui-même les dispositions mentionnées par le moyen.
B.4.5. Le législateur ordonnanciel a pu considérer que l'annulation de l'arrêté fixant le plan régional de développement impliquerait la mise en cause tout à la fois des politiques qu'il entendait mettre en oeuvre à la suite de l'adoption de ce plan et des mesures qui seraient prises en exécution de celui-ci et que, compte tenu de l'importance de l'instrument que constitue le plan, cette mise en cause apparaissait comme une circonstance exceptionnelle justifiant son intervention.
L'annulation d'une mesure réglementaire pour cause de vice de forme permet en effet de mettre en cause, sur la base de l'article 159 de la Constitution, les dispositions prises en exécution de cette mesure.
S'il est vrai, comme l'affirment les parties requérantes, que l'ordonnance qui valide l'arrêté peut être contestée devant les cours et tribunaux et devant le Conseil d'Etat sur la base de l'article 9 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions bruxelloises, il reste que ce contrôle est limité à la conformité de l'ordonnance aux dispositions de la Constitution et de la loi spéciale précitée, mentionnées à l'article 9 de cette loi spéciale, de sorte que la validation critiquée réduit l'insécurité juridique. La circonstance, invoquée par les parties requérantes, que le nombre de mesures prises en exécution du plan régional de développement serait limité n'est pas de nature à mettre ce constat en cause, compte tenu de la large portée de ce plan et des procédures complexes que suppose sa mise en oeuvre. Est de même sans incidence la circonstance qu'un long délai se soit écoulé entre le moment où l'avis de l'auditeur du Conseil d'Etat concluant à l'illégalité du plan régional a été connu et le moment où l'ordonnance attaquée a été adoptée et publiée dès lors que cet avis n'empêche pas que le plan puisse continuer à être mis en oeuvre et que le législateur ordonnanciel - dont les travaux ont d'ailleurs été interrompus par un renouvellement de l'assemblée au cours de cette période - a pu estimer que, contrairement à ce qu'affirment les parties requérantes, cet avis ne suffisait pas à rendre indispensable son intervention immédiate.
Par ces motifs, la Cour rejette le recours.
Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 28 mars 2007.
Le greffier, Le président, P.-Y. Dutilleux. M. Melchior.