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Arrêt
publié le 06 octobre 2006

Extrait de l'arrêt n° 135/2006 du 14 septembre 2006 Numéro du rôle : 3710 En cause : le recours en annulation des articles 50, alinéa 1 er , et 58 du décret-programme de la Région wallonne du 3 février 2005 de relance économique et La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges P. Martens, R.(...)

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COUR D'ARBITRAGE


Extrait de l'arrêt n° 135/2006 du 14 septembre 2006 Numéro du rôle : 3710 En cause : le recours en annulation des articles 50, alinéa 1er, et 58 du décret-programme de la Région wallonne du 3 février 2005 de relance économique et de simplification administrative, introduit par P. d'Arripe et autres.

La Cour d'arbitrage, composée des présidents M. Melchior et A. Arts, et des juges P. Martens, R. Henneuse, M. Bossuyt, E. De Groot, L. Lavrysen, A. Alen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke et J. Spreutels, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président M. Melchior, après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant : I. Objet du recours et procédure Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 31 mai 2005 et parvenue au greffe le 1er juin 2005, un recours en annulation des articles 50, alinéa 1er, et 58 du décret-programme de la Région wallonne du 3 février 2005 de relance économique et de simplification administrative (publié au Moniteur belge du 1er mars 2005) a été introduit par P.d'Arripe et M. Legrain, demeurant à 4870 Trooz, rue des Grosses Pierres 35, J. Hasard-Austen, demeurant à 4870 Trooz, rue des Grosses Pierres 7B, C. Wynen, demeurant à 4870 Trooz, rue des Grosses Pierres 21, J. Fraeijs de Veubeke, demeurant à 4870 Trooz, rue des Grosses Pierres 33, A. Dubois, demeurant à 4870 Trooz, Clos Bois-Lemoine 45, T. Regout, demeurant à 4870 Trooz, Clos Bois-Lemoine 27, J.-L. Van Esch et L. Rodochonska, demeurant à 4621 Retinne, rue des Trois-Chênes 57, A. Gevers, demeurant à 4870 Trooz, rue Bois-Lemoine 41, N. Laloux, demeurant à 4052 Beaufays, route de l'Abbaye 112, F. Gevers, demeurant à 4870 Trooz, Clos Bois-Lemoine 3, R. Luthers, demeurant à 4870 Trooz, rue Masta 1A, F. Falisse, demeurant à 4052 Beaufays, rue des Grosses Pierres 55, A. Baronheid, demeurant à 4623 Magnée, avenue des Sorbiers 11, J. Clavier, demeurant à 4623 Magnée, avenue des Sorbiers 31, R. Leroy, demeurant à 4623 Magnée, avenue des Sorbiers 43, F. Dejaeghere, demeurant à 4623 Magnée, avenue des Sorbiers 41, A. Balthasart, demeurant à 4623 Magnée, avenue des Sorbiers 47, M. Kenler, demeurant à 4623 Magnée, avenue des Sorbiers 23, P. Kenler, demeurant à 4623 Magnée, avenue des Sorbiers 23, F. Honhon, demeurant à 4623 Magnée, avenue des Sorbiers 23, A. Maertens de Noordhout et C. de Schaetzen, demeurant à 4052 Beaufays, rue de Trooz 130, P. Grisard, demeurant à 4050 Chaudfontaine, avenue de la Rochette 5, A. Vaelen et M. David, demeurant à 4052 Beaufays, rue de Trooz 94, M. Traversin, demeurant à 4870 Trooz, Clos Bois Lemoine 4, J. Mellart et C. Michiels, demeurant à 4632 Cerexhe, rue du Centenaire 18, F. Walraffe et J. Marielle, demeurant à 4632 Cerexhe-Heuseux, rue du Fawtay, R. Nelis, demeurant à 4630 Ayeneux-Soumagne, J. Derkenne, demeurant à 4621 Retinne, rue Bureau 95, et l'ASBL Groupement Cerexhe-Heuseux/Beaufays, dont le siège social est établi à 4052 Beaufays, rue des Grosses Pierres 55.

La demande de suspension des mêmes dispositions décrétales, introduite par les mêmes parties requérantes, a été rejetée par l'arrêt n° 129/2005 du 13 juillet 2005, publié au Moniteur belge du 16 août 2005. (...) II. En droit (...) B.1. Les deux moyens développés dans la requête commune aux divers requérants sont articulés contre les seuls articles 50, alinéa 1er, et 58 du décret-programme du 3 février 2005 de relance économique et de simplification administrative.

La Cour limite son examen à ces dispositions.

Quant à la portée des dispositions attaquées B.2.1. L'article 23, alinéa 1er, 2°, du Code wallon de l'Aménagement du Territoire, de l'Urbanisme et du Patrimoine (ci-après : CWATUP), tel qu'il a été remplacé par l'article 9 du décret du 18 juillet 2002 « modifiant le Code wallon de l'Aménagement du Territoire, de l'Urbanisme et du Patrimoine », disposait : « Le plan de secteur comporte : [...] 2° le tracé existant et projeté du réseau des principales infrastructures de communication et de transport de fluides et d'énergie ». B.2.2. L'article 39bis du CWATUP, inséré par l'article 19 du décret du 18 juillet 2002, disposait : « Du réseau des principales infrastructures de communication et de transport de fluides et d'énergie.

Les infrastructures principales dont le plan de secteur comporte le tracé existant et projeté sont les autoroutes, les routes de liaison régionale, les lignes de chemin de fer, les champs d'aviation, les voies navigables, les lignes électriques à haute tension aériennes ou souterraines, les canalisations d'importance au moins régionale. Le Gouvernement peut définir les routes de liaison régionale, les lignes électriques à haute tension aériennes ou souterraines et les canalisations d'importance au moins régionale ».

B.2.3. L'article 168, 7.0 et 7.3, du CWATUP, annexé à l'arrêté de l'Exécutif régional wallon du 14 mai 1984 « portant codification des dispositions législatives et réglementaires relatives à l'urbanisme et à l'aménagement du territoire et applicable à la Région wallonne » disposait, avant son abrogation par l'article 4.1 du décret du 27 novembre 1997 « modifiant le Code wallon de l'Aménagement du Territoire, de l'Urbanisme et du Patrimoine » : « 7.0. Le plan peut comporter en surimpression aux zones précitées des indications supplémentaires visant : [...] 7.3. les zones de réservation et de servitude ».

L'article 183, 7.3, du CWATUP, annexé à l'arrêté de l'Exécutif régional wallon du 14 mai 1984, disposait, avant son abrogation par l'article 4.1 du décret du 27 novembre 1997 : « Les zones de réservation et de servitude sont celles dans lesquelles des restrictions peuvent être imposées aux actes et travaux dans le but de réserver les espaces nécessaires à la réalisation d'ouvrages d'utilité publique ou d'en assurer la protection ou le maintien ».

B.2.4. L'article 23, alinéa 2, 1°, du CWATUP, tel qu'il a été remplacé par l'article 9 du décret du 18 juillet 2002, dispose : « Le plan peut notamment comporter : 1° les périmètres où une protection particulière se justifie pour les raisons énoncées à l'article 40 ». L'article 40, 6°, du CWATUP, tel qu'il a été remplacé par l'article 20 du décret du 18 juillet 2002, dispose : « Le plan peut comporter en surimpression aux zones précitées les périmètres suivants dont le contenu est déterminé par le Gouvernement : [...] 6° de réservation ». L'article 6, § 1er, alinéa 1er, 19, du décret du 27 novembre 1997 dispose : « Dans les plans de secteur en vigueur, sont d'application : [...] 19. à la zone de réservation et de servitude, le périmètre de réservation visé à l'article 40, 6° ». B.2.5. L'article 452/25 du CWATUP, inséré par l'article 1er de l'arrêté du Gouvernement wallon du 17 décembre 1998 « déterminant le contenu des périmètres visés à l'article 40 du Code wallon de l'Aménagement du Territoire, de l'Urbanisme et du Patrimoine » dispose : « Du périmètre de réservation Le périmètre de réservation vise à réserver les espaces nécessaires à la réalisation, la protection ou le maintien d'infrastructure de communication ou de transport de fluides et d'énergie.

Les actes et travaux soumis à permis peuvent être soit interdits, soit subordonnés à des conditions particulières ».

B.3.1. L'article 50, alinéa 1er, du décret-programme du 3 février 2005 - première disposition attaquée - insère, après les mots « le tracé existant et projeté » de l'article 23, alinéa 1er, 2°, du CWATUP, cité en B.2.1, les mots « ou le périmètre de réservation qui en tient lieu », de sorte que cet article dispose depuis le 11 mars 2005 - date d'entrée en vigueur de la disposition attaquée (article 155 du décret-programme du 3 février 2005) : « Le plan de secteur comporte : [...] 2° le tracé existant et projeté ou le périmètre de réservation qui en tient lieu du réseau des principales infrastructures de communication et de transport de fluides et d'énergie; [...] ».

Il résulte de cette modification que, si un plan de secteur comporte en surimpression un périmètre de réservation (précédemment une zone de réservation et de servitude) pour les besoins du développement futur des principales infrastructures de communication (dont les autoroutes), ce périmètre de réservation tient lieu d'indication du tracé projeté de ces infrastructures, et que la construction de celles-ci peut être autorisée sans qu'il soit nécessaire de modifier ce plan en vue d'y inscrire son tracé.

B.3.2. L'article 58 du décret-programme du 3 février 2005 - seconde disposition attaquée - abroge l'article 39bis du CWATUP, cité en B.2.2, de sorte qu'il n'existe plus de définition législative des principales infrastructures de communication visées à l'article 23, alinéa 1er, 2°, du CWATUP. Cet article 58 est entré en vigueur le 11 mars 2005 en vertu de l'article 155 du même décret-programme.

Quant à l'intérêt des parties requérantes B.4.1. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme entreprise.

B.4.2. Les dispositions attaquées concernent, d'une part, la suppression de la définition de la notion de « réseau des principales infrastructures de communication et de transport de fluides et d'énergie » et, d'autre part, le tracé et le périmètre de réservation pour ces infrastructures dont il est question dans un plan de secteur.

Les requérants, personnes physiques, résident, selon le plan de secteur qui les concerne, à proximité d'une zone de réservation et de servitude à laquelle s'applique, comme il est dit en B.2.4, les règles relatives au périmètre de réservation. L'inscription de la zone de réservation et de servitude au plan de secteur s'explique par un projet de construction d'une liaison autoroutière.

Ces requérants justifient dès lors de l'intérêt requis pour attaquer les dispositions précitées qui sont susceptibles d'affecter directement et défavorablement leur environnement.

B.4.3. Dès lors que l'intérêt des requérants, personnes physiques, est établi, le recours en annulation est recevable et il n'y a pas lieu d'examiner si l'association requérante justifie également de l'intérêt requis.

Quant à l'article 50, alinéa 1er, du décret-programme du 3 février 2005 B.5.1. Il ressort des développements du premier moyen que la Cour est invitée à statuer sur la compatibilité de l'article 50, alinéa 1er, du décret-programme du 3 février 2005 avec les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que cette disposition décrétale créerait trois différences de traitement parmi les personnes dont l'environnement est affecté par un projet de construction d'une autoroute.

Celles qui sont concernées par un tel projet qui serait réalisé dans une zone de réservation et de servitude inscrite au plan de secteur lors de son adoption seraient privées des garanties qu'offre, quant à la détermination du tracé d'une autoroute, la procédure de révision d'un plan de secteur, telle qu'elle est réglée par les articles 42, 43, 44 et 46 du CWATUP. Les requérants invitent la Cour à comparer la situation de cette première catégorie de personnes avec celle des personnes suivantes dont l'environnement est aussi affecté par un projet de construction d'une autoroute : - celles qui sont concernées par un projet de construction d'une autoroute dont le tracé a été inscrit dans le plan de secteur avant l'entrée en vigueur de la disposition attaquée; - celles qui sont concernées par un projet de construction d'une autoroute dont le tracé est inscrit dans le plan de secteur après l'entrée en vigueur de la disposition attaquée; - celles qui sont concernées par un projet de construction d'une autoroute dans un périmètre de réservation, tenant lieu de tracé et inscrit au plan de secteur après l'entrée en vigueur de la disposition attaquée.

Ces trois catégories de personnes bénéficieraient des garanties qu'offre, quant à la détermination du tracé d'une autoroute, la procédure de révision d'un plan de secteur.

B.5.2. La première branche du deuxième moyen est également dirigée contre l'article 50, alinéa 1er, du décret-programme du 3 février 2005. Les requérants allèguent la violation, d'une part, des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés ou non avec l'article 23 de la Constitution, avec l'article 10 du Traité instituant la Communauté européenne, signé à Rome le 25 mars 1957, avec la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 « relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement » et avec la Convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998 et, d'autre part, de l'article 23 de la Constitution lu séparément et de l'obligation de standstill qui en découlerait. B.5.3. Le premier moyen et la première branche du deuxième moyen portent sur une disposition identique. Ils peuvent être examinés ensemble.

B.6. L'article 50, alinéa 1er, du décret-programme du 3 février 2005 « permet d'assimiler la notion de ' périmètre de réservation ' à un tracé d'infrastructures autoroutières et donc d'assurer la délivrance d'un permis dans un tel périmètre sans devoir passer par une nouvelle révision du plan de secteur » (Doc. parl., Parlement wallon, 2004-2005, n° 74/1, p. 26).

Cette disposition a été justifiée comme suit : « Il importe, en effet, par souci de simplification administrative, de ne pas répéter les mêmes procédures dès lors qu'elles seraient liées à la concrétisation d'un seul et même projet. A cet égard, l'inscription au plan de secteur d'un périmètre de réservation ouvre le droit à la délivrance d'un permis au sein de ce périmètre » (ibid. ).

B.7. Lorsqu'une zone de réservation ou de servitude ou un périmètre de réservation sont inscrits dans un plan de secteur existant pour les besoins de la construction d'une autoroute, un permis peut donc être délivré, à condition de respecter les conditions relatives à la délivrance du permis pour la construction de cette autoroute, et il n'est pas nécessaire de suivre d'abord la procédure de révision du plan de secteur en vue d'inscrire le tracé projeté de cette autoroute au plan de secteur.

Il n'y a donc pas lieu de suivre la procédure prévue aux articles 42, 43, 44 et 46 du CWATUP, qui doit être suivie si une zone de réservation ou de servitude ou un périmètre de réservation n'est pas inscrit au plan de secteur.

Par conséquent, il n'est pas requis de réaliser une étude d'incidences sur l'environnement répondant aux exigences de l'article 42, alinéa 2, en vue d'inscrire le tracé précis de l'autoroute au plan de secteur.

Il n'est pas davantage requis de faire appel à une personne agréée pour réaliser une telle étude, afin de recueillir l'avis de la Commission régionale de l'aménagement du territoire. Par ailleurs, il n'y a pas davantage lieu d'organiser une enquête publique sur le plan de secteur révisé, adopté provisoirement, conformément aux exigences de l'article 43. Le Gouvernement wallon ne doit pas motiver sa décision d'adoption du plan de secteur révisé, conformément aux exigences de l'article 44. Etant donné qu'il n'est pas posé d'acte administratif, les intéressés n'ont pas la possibilité d'attaquer devant le Conseil d'Etat la révision du plan de secteur.

B.8. Les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-discrimination n'excluent pas qu'une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu'elle repose sur un critère objectif et qu'elle soit raisonnablement justifiée.

L'existence d'une telle justification doit s'apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d'égalité est violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.

B.9. L'article 23, alinéa 1er, alinéa 2 et alinéa 3, 4°, de la Constitution dispose : « Chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine.

A cette fin, la loi, le décret ou la règle visée à l'article 134 garantissent, en tenant compte des obligations correspondantes, les droits économiques, sociaux et culturels, et déterminent les conditions de leur exercice.

Ces droits comprennent notamment : [...] 4° le droit à la protection d'un environnement sain ». B.10. L'article 23 de la Constitution implique, en ce qui concerne la protection de l'environnement, une obligation de standstill qui s'oppose à ce que le législateur compétent réduise sensiblement le niveau de protection offert par la législation applicable, sans qu'existent pour ce faire des motifs liés à l'intérêt général.

Il y a lieu d'examiner si la suppression de l'obligation de réviser préalablement le plan de secteur en vue de l'inscription du tracé de l'autoroute visée viole l'article 23 de la Constitution en tenant compte des dispositions pertinentes de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 « relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement » et de la Convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998 et ratifiée par la Belgique le 21 janvier 2003.

B.11. La directive 2001/42/CE précitée, qui doit être appliquée par les Etats membres à partir du 21 juillet 2004 (article 13), concerne l'évaluation des incidences notables de certains plans et programmes sur l'environnement. En vertu de l'article 3, paragraphe 2, sous a), de cette directive, tous les plans et programmes qui sont élaborés pour le transport et l'aménagement du territoire ou l'affectation des sols et qui peuvent former le cadre de l'octroi des futurs permis mentionnés aux annexes I et II de la directive 85/337/CEE du Conseil du 27 juin 1985 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement (parmi lesquels la construction d'autoroutes et de routes) sont soumis à une évaluation environnementale conformément aux exigences de la directive mentionnée en premier lieu. Il en va de même des plans pour lesquels, eu égard à leur incidence possible sur les zones, une évaluation appropriée est requise du chef des articles 6 ou 7 de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages.

L'article 3, paragraphe 3, de la directive 2001/42/CE dispose toutefois qu'une évaluation environnementale pour les « modifications mineures » desdits plans n'est obligatoire que lorsque les Etats membres établissent qu'ils sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement, compte tenu des critères pertinents fixés à l'annexe II de la directive (article 3, paragraphe 5).

L'article 7 de la Convention d'Aarhus impose, quant à lui, l'obligation de soumettre à une procédure de participation du public, dont il fixe certaines modalités, « l'élaboration des plans et des programmes relatifs à l'environnement ». Plus précisément, des dispositions pratiques et/ou autres voulues doivent être prises pour que le public participe à leur élaboration, dans un cadre transparent et équitable, après lui avoir fourni les informations nécessaires.

B.12. Sans excéder sa compétence d'appréciation, le législateur décrétal wallon a pu estimer que la transformation d'une zone de réservation et de servitude d'un plan de secteur en un périmètre de réservation tenant lieu de tracé concerne une « modification mineure » au sens de l'article 3, paragraphe 3, de la directive 2001/42/CE, à laquelle ne sont pas liées d'incidences environnementales notables en tant que telles. Il a également pu estimer que la conversion, par l'effet du décret, de zones de réservation et de servitude en des périmètres de réservation tenant lieu de tracés ne constitue pas en tant que telle un plan ou un programme au sens de l'article 7 de la Convention d'Aarhus. Par conséquent, l'article 10 du Traité C.E. ne saurait davantage être considéré comme violé.

B.13.1. Sans doute est-il désormais possible d'obtenir un permis pour la construction d'une autoroute dans une telle zone sans une révision préalable du plan de secteur en vue d'inscrire le tracé de ces travaux d'infrastructure au plan de secteur. Cela ne signifie toutefois pas que les intéressés demeurent privés de toute forme de protection juridique préventive et curative.

B.13.2. La construction d'une autoroute est un projet qui est soumis à une étude d'incidences sur l'environnement (arrêté du Gouvernement wallon du 4 juillet 2002 « arrêtant la liste des projets soumis à étude d'incidences et des installations et activités classées », annexe I, n° 45.23.02). La délivrance des permis relatifs à un tel projet est subordonnée à la mise en oeuvre du système d'évaluation des incidences des projets sur l'environnement, organisé par le Code de l'environnement (article D.49, 4°, b, et article D.62). Toute demande de permis relative à la construction d'une autoroute comporte une étude d'incidences sur l'environnement (article D.65).

Sans préjudice des articles 42 et 50 du CWATUP, l'évaluation des incidences sur l'environnement identifie, décrit et évalue de manière appropriée les effets directs et indirects, à court, à moyen et à long terme, de l'implantation et de la mise en oeuvre du projet sur l'homme, la faune, la flore, le sol, l'eau, l'air, le climat, le paysage, les biens matériels, le patrimoine culturel et l'interaction entre les facteurs précités (article D.66, § 1er).

L'étude d'incidences sur l'environnement ne peut être effectuée que par une personne agréée par le Gouvernement wallon (article D.70).

L'autorité compétente pour délivrer le permis apprécie les incidences du projet en prenant en considération l'étude d'incidences sur l'environnement, les avis recueillis dans le cadre de la procédure en autorisation et toute autre information qu'elle juge utile. Cette autorité ou les instances désignées par le Gouvernement qui participent à l'instruction de la demande peuvent, lorsqu'elles ne disposent pas des informations requises, exiger du demandeur et de l'auteur de l'étude des informations complémentaires. L'auteur du projet choisit une personne agréée pour réaliser l'étude et notifie immédiatement son choix au Gouvernement ainsi qu'aux personnes désignées par ce dernier (article D.69).

Le public doit être consulté avant l'introduction de la demande de permis, notamment pour mettre en évidence les points particuliers qui pourraient être abordés dans l'étude d'incidences et présenter des « alternatives » pouvant raisonnablement être envisagées par l'auteur du projet afin qu'il en soit tenu compte lors de la réalisation de l'étude d'incidences (article D.71, alinéa 1er). Le Conseil wallon de l'environnement pour le développement durable ou son délégué, ainsi qu'en cas d'étude d'incidences relative à un projet d'aménagement du territoire, d'urbanisme ou d'infrastructure, la Commission consultative communale d'aménagement du territoire ou à défaut, la Commission régionale d'aménagement du territoire, ont le droit d'obtenir toute information sur la demande de permis ou sur le déroulement de l'étude d'incidences, auprès des autorités publiques concernées, du demandeur et de la personne qui réalise l'étude. Ils peuvent adresser au Gouvernement et à l'autorité compétente toutes observations ou suggestions utiles concernant l'étude d'incidences (article D.72).

Le projet qui est l'objet de la demande de permis peut comporter des modifications par rapport au projet qui a fait l'objet de l'étude d'incidences lorsque ces modifications sont fondées sur des suggestions faites par l'auteur de cette étude. Lorsque, nonobstant de telles suggestions, le demandeur de permis n'entend pas modifier son projet, il en rend compte de manière motivée dans sa demande (article D.73).

Le public peut consulter un dossier qui comprend la demande de permis, le résumé non technique au sens de l'article D.49, 10°, du Code de l'environnement, l'étude d'incidences, copie des avis et correspondances adressés, en application des articles D.71 et D.72 précités, par les citoyens et les différents services ou organismes concernés. L'autorité compétente insère dans le dossier, dès leur réception, les correspondances qui lui sont adressées et les avis écrits qui lui sont remis (article D.75).

Le permis et le refus de permis doivent être motivés au regard notamment des incidences sur l'environnement et des objectifs visés à l'article D.50 du Code de l'environnement (article D.64).

B.13.3. En vertu de l'article 29, § 2, alinéa 1er, de la loi du 12 juillet 1973Documents pertinents retrouvés type loi prom. 12/07/1973 pub. 24/08/2010 numac 2010000473 source service public federal interieur Loi sur la conservation de la nature Traduction en langue allemande de la version fédérale fermer sur la conservation de la nature, inséré par l'article 10 du décret de la Région wallonne du 6 décembre 2001 relatif à la conservation des sites Natura 2000 ainsi que de la faune et de la flore sauvages, tout projet soumis à permis, qui, au regard des prescriptions de l'arrêté de désignation d'un site Natura 2000, est non directement lié ou nécessaire à la gestion du site mais est susceptible d'affecter ce site de manière significative, individuellement ou en combinaison avec d'autres plans et projets, doit être soumis à l'évaluation des incidences prévue par la législation organisant l'évaluation des incidences sur l'environnement, eu égard aux objectifs de conservation du site et selon les modalités fixées par le Gouvernement wallon.

L'article 29, § 2, alinéa 4, de la même loi, inséré par l'article 10 du même décret, dispose que si, en dépit de conclusions négatives de l'évaluation des incidences et en absence de « solutions alternatives », le plan doit néanmoins être autorisé pour des raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, l'autorité compétente prend toute mesure compensatoire nécessaire pour assurer que la cohérence globale du réseau Natura 2000 est protégée et informe la Commission européenne des mesures compensatoires adoptées.

L'article 29, § 2, alinéa 5, inséré par l'article 10 du même décret, énonce que lorsque le site concerné abrite un type d'habitat naturel prioritaire et/ou une espèce prioritaire, seules peuvent être invoquées des considérations liées à la santé de l'homme et à la sécurité publique ou à des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ou, après avis de la Commission européenne, à d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur.

B.13.4. La demande de permis de construction d'une autoroute est enfin soumise aux prescriptions pertinentes du CWATUP, en particulier aux articles 84, 87, 127 et 133.

B.13.5. Les décisions portant sur des demandes de permis d'urbanisme qui seraient prises en violation d'une ou de plusieurs dispositions précitées applicables aux demandes peuvent être attaquées devant le Conseil d'Etat. A cet égard, il convient particulièrement d'attirer l'attention sur l'article D.63 du Code de l'environnement.

B.13.6. Eu égard au niveau restant de protection préventive et curative, la disposition attaquée ne constitue pas un recul sensible qui ne saurait se justifier par les motifs d'intérêt général qui la fondent.

B.14. Le premier moyen et le deuxième moyen, en sa première branche, ne sont pas fondés.

Quant à l'article 58 du décret-programme du 3 février 2005 B.15. Les requérants soutiennent dans la deuxième branche du deuxième moyen que l'article 58 du décret-programme du 3 février 2005 violerait l'obligation de standstill qui découlerait de l'article 23, alinéa 2 et alinéa 3, 4°, de la Constitution. Cette disposition marquerait un recul significatif du droit à la protection d'un environnement sain, en ce qu'elle laisserait à l'administration le pouvoir d'apprécier si une autoroute est une infrastructure principale de communication au sens de l'article 23, alinéa 1er, 2°, du CWATUP. B.16. L'abrogation de l'article 39bis du CWATUP est justifiée notamment par la circonstance que, selon une jurisprudence constante du Conseil d'Etat, les autoroutes doivent figurer au plan de secteur (Doc. parl., Parlement wallon, 2004-2005, n° 74/1, p. 28).

Interrogé sur la portée de la disposition attaquée, le ministre compétent a précisé lors des travaux préparatoires qu'une autoroute devait être inscrite préalablement au plan de secteur (Doc. parl., Parlement wallon, 2004-2005, n° 74/45, p. 58).

La disposition attaquée ne confère donc pas à l'administration le pouvoir de décider qu'une autoroute n'est pas une infrastructure principale de communication au sens de l'article 23, alinéa 1er, 2°, du CWATUP. Elle ne réduit dès lors pas sensiblement le niveau de protection offert par la législation applicable.

B.17. En ce qu'il porte sur l'article 58 du décret-programme du 3 février 2005, le second moyen n'est pas fondé.

Par ces motifs, la Cour rejette le recours.

Ainsi prononcé en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l'article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, à l'audience publique du 14 septembre 2006.

Le greffier, P.-Y. Dutilleux.

Le président, M. Melchior.

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